Des revenus pétroliers qui s’effondrent, des dépenses qui explosent
Avant la guerre, la Russie vivait du pétrole et du gaz. C’était simple, prévisible, somme toute efficace. Mais aujourd’hui ? Aujourd’hui, c’est le chaos. Les revenus pétro-gaziers – ceux qui financent un quart du budget fédéral – s’écroulant littéralement. Les projections pour 2025 parlaient de 11,13 trillions de roubles en revenus pétro-gaziers. La réalité ? 8,65 trillions. Une baisse de 22%. Deux cent mille millions de roubles, envolés. En novembre seulement, l’agence de presse Reuters calcule que les revenus pétro-gaziers pourraient chuter de 35% par rapport au même mois de 2024. Trente-cinq pourcent ! C’est vertigineux. C’est catastrophique. Et pendant ce temps, les dépenses militaires ? Elles flambent. Quinze point cinq trillions de roubles prévus en 2025 – équivalent à 7,2% du PIB. Qui compense la différence ? Personne. Rien. Le Fonds de richesse nationale, qui continue de vidanger comme un navire criblé de balles.
Et le déficit budgétaire pour 2025 ? 5,736 trillions de roubles. 70 milliards de dollars. Cela représente 2,6% du PIB – le plus élevé depuis la pandémie de 2020. Avant la pandémie, avant la folie de cette invasion, la Russie se vantait d’avoir un déficit inférieur à 1% du PIB. C’était un critère de bonne gestion. Aujourd’hui, ce critère est mort. C’est un crâne desséché que les politiciens russes enjambent sans dire un mot. Parce que parler de ces chiffres, c’est admettre l’inadmissible : la Russie dépense plus qu’elle ne gagne. Beaucoup plus. Et la différence, c’est l’or qui la comble. C’est les réserves que l’on vend. C’est l’avenir qu’on liquide.
Les sanctions jouent leur rôle avec précision. Les prix du pétrole restent bas – bloqués autour de 57-60 dollars par baril, loin des 70-75 dollars prévus dans le budget initial. Chaque dollar perdu par baril, c’est des centaines de millions en moins dans les caisses. Et les sanctions ne cessent de s’épaissir. Rosneft et Lukoil – deux géants de l’énergie russe qui représentaient ensemble jusqu’à 35% des ventes de devises étrangères – sont maintenant directement ciblées. Les transactions avec elles sont interdites. Lukoil doit même se dessaisir de ses actifs internationaux. C’est un coup porté à la jugulaire du commerce russe. Les devises étrangères qui rentrait en Russie vont chuter. Dix à vingt pourcent, selon les analystes de Finam. Et cette chute ? Elle va pressurer le rouble. Elle va forcer la Banque centrale à intervenir davantage. Et comment intervient-on quand on n’a plus de dollars, quand on n’a plus d’euros, quand toutes les portes des marchés occidentaux et ses satellites sont fermées ? On vend de l’or. Toujours, fatalement, on vend de l’or.
Le rouble, ce symbole de la débâcle monétaire
Le rouble. Cette monnaie que Poutine présentait autrefois comme le cœur battant de la puissance russe. Regardez-la maintenant. Regardez comme elle s’effondre. En novembre 2024 – il y a à peine un an – le rouble s’est effondré à 114 contre le dollar, son plus bas niveau depuis le début de l’invasion en mars 2022. Depuis l’été, il a perdu 25% de sa valeur. Depuis août, 20%. C’est une dévalorisation régulière, inexorable. C’est un patient qui s’affaiblit jour après jour, qui respire de plus en plus mal, dont le cœur s’accélère démentiellement. La Banque centrale a dû intervenir en urgence, arrêtant même les achats de devises étrangères pour tenter de ralentir l’hémorragie. Mais voilà : quand on arrête d’acheter des devises, on accumule de l’or à vendre. C’est un cercle vicieux parfaitement orchestré. Plus la monnaie s’effondre, plus on doit vendre d’or pour stabiliser la monnaie. Plus on vend d’or, plus on se retrouve sans ressources. Plus on se retrouve sans ressources, plus la monnaie s’effondre. La spirale infernale fonctionne impeccablement.
Et l’inflation ? Elle galopte. La Banque centrale russe a porté les taux d’intérêt directeurs à 21% – vingt et un pourcent – pour tenter d’étouffer l’inflation qui atteint 8,5% en octobre 2025. Les prix des aliments de base – le beurre, les patates – explosent. Les citoyens russes que je considère comme des observateurs lucides me disent que les prix réels sont bien plus élevés que les chiffres officiels. Sur les marchés noirs, les prix se sont envolés. Les gens achètent de l’or, du bitcoin, n’importe quoi pour ne pas garder des roubles en poche. C’est la réaction instinctive d’une population qui sait que sa monnaie s’effondre. Et pendant ce temps, le gouvernement vend l’or que le peuple tente désespérément de se procurer. C’est du cynisme économique pur.
La Banque centrale, du côté des stratèges, prétend que tout va bien. Elle parle de « stabilisation » du rouble, de « résilience » de l’économie. Vladimir Chernov, analyste à Freedom Finance Global, s’efforce de prés enter l’opération comme une diversification stratégique : « Utiliser l’or étale la pression sur les marchés et maintient la diversification des réserves. » Ah, oui, bien sûr. Mais la réalité, c’est que c’est une reddition. C’est un aveu que toutes les autres armes sont épuisées. La Banque centrale vend de l’or parce qu’elle n’a rien d’autre à vendre. C’est blanc bonnet, bonnet blanc de la faillite économique.
On peut parler de « opérations miroir » et de « liquidité accrue du marché intérieur de l’or ». On peut utiliser tous les euphémismes qu’on veut. Mais aucun mot ne change la réalité : la Russie vend ses bijoux de famille pour payer sa facture de guerre. Aucune tournure de phrase officielle ne rend cela moins grave. C’est du cannibalisme économique, doux, civilisé, mais c’est du cannibalisme. Et quand un système économique commence à se manger lui-même, sa fin est prévisible.
Ce qui me fascine et me horrifie, c’est la vitesse. En trois ans, on a descendu le Fonds de richesse nationale de 113 milliards à 51 milliards. En trois ans. Ce n’est pas une saignée lente. C’est une hémorragie. Et il n’y a aucun chirurgien capable de l’arrêter.
Les économistes indépendants, les vrais analystes, ceux qui ne sont pas maintenus par Moscou, crient le message dans le vide : la Russie sort d’ici peu. Elle va à la faillite. La Banque centrale le sait. Le Kremlin le sait. Et personne n’ose le dire à haute voix.
Les réserves siphonnées : l'or devient munitions, la richesse devient cendre
Du fonds de stabilité à la caisse de guerre : la profanation institutionnnelle
L’or russe n’était pas qu’une affaire économique. C’était une affaire symbolique, politique, stratégique. Pendant quatre-vingts ans, personne – pas un gouvernement, pas une crise, pas même la Seconde Guerre mondiale soviétique – n’avait touché à cet or. C’était la ligne rouge de la stabilité nationale. C’était le dernier rempart. Le sanctuaire financier inviolable. Et en 2025, ce sanctuaire s’est ouvert, et on en a retiré les trésors pour les transformer en ogives, en carburant, en explosifs. Chaque tonne d’or vendue, c’est des milliers de missiles Iskander, des centaines de drones, des tonnes de munitions d’artillerie. Statistiquement, chaque tonne d’or c’est environ 30 à 40 millions de dollars. C’est vertigineux en tant qu’application directe à la guerre. C’est concret, c’est brutal, c’est facile à visualiser : ton or devient des balles qui tuent.
Je vois la logique, bien sûr. La logique du Kremlin, c’est : nous avons une guerre, nous devons la financer, nous n’avons pas accès aux marchés internationaux, nous devons donc transformer nos derniers actifs tangibles en capital de guerre. C’est presque rationnel. Presque. Sauf que ce faisant, on détruit la fondation même de la stabilité économique post-guerre. Qu’adviendra-t-il quand ce conflit se terminera – et il se terminera, parce que tout se termine – quand la Russie devra se rebâtir, quand elle aura besoin de crédibilité financière, quand les investisseurs étrangers regarderont ses réserves ? Ils découvriront que les réserves ont disparu. Qu’elles ont été consumées. Qu’il ne reste que du néant et des cicatrices économiques. La Russie sera plus appauvrie qu’avant, plus endettée, plus isolée. Et celui qui aura vendu l’or ? Il sera passé à l’histoire comme l’administeur de la liquidation de la richesse russe. C’est une décision qui hypothèque l’avenir pour un présent précaire.
Et puis il y a l’aspect technologique de la chose. La Russie, on le sait, produit plus de 300 tonnes d’or par année – elle est le deuxième producteur mondial. Avant la guerre, elle exportait pratiquement tout cet or, en tirait des devises précieuses. Aujourd’hui, les exportations d’or russes ont chuté de 302 tonnes en 2021 à 166 tonnes en 2024. Une baisse de 50%. Pourquoi ? Parce que les sanctions ont coupé la Russie des grands marchés – la Bourse des métaux de Londres, qui était le cœur du commerce mondial de l’or. La Russie ne peut plus vendre son or là-bas. Elle ne peut pas le faire transiter par les grands centres financiers. Elle est forçée de garder tout cet or chez elle. Et cet or, elle ne peut pas le laisser dormir. Elle a besoin de liquidités. Donc elle le vend domestiquement, le convertit en roubles pour payer ses factures. C’est une prison financière parfaitement aménagée par les sanctions. La Russie produit de l’or, mais elle ne peut pas le vendre au monde. Elle doit le liquider chez elle. Chez elle, il devient inflation, il devient roubles faibles, il devient faillite déguisée.
Le marché intérieur de l’or : miroir des défaites économiques
Jusqu’en 2024, la Banque centrale n’avait jamais vendu d’or sur le marché intérieur russe. C’était un tabou. Pas de ventes directes au secteur privé. L’or restait entre les mains du gouvernement, du Fonds de richesse nationale, des architectes du pouvoir. Et puis, en 2025, ce tabou a sauté. Pourquoi ? Parce que la demande intérieure a explosé. Les Russes achètent de l’or en quantités record – 73,7 tonnes en 2024, un record. Pourquoi ? Parce qu’ils ont peur. Peur de la dévaluation du rouble. Peur de l’inflation. Peur du futur. Ils tentent de protéger leur richesse en convertissant leurs roubles en métal précieux. C’est une ruée vers l’or, à la russe, silencieuse et très rationnelle. Et la Banque centrale, voyant cette demande, a dû réaliser quelque chose : elle peut vendre de l’or domestiquement, le convertir en roubles, et alimenter le budget. C’est brillant d’une façon horrible. C’est du génie pervers.
Sauf que – et c’est l’ironie cruelle – en vendant de l’or au marché intérieur, la Banque centrale augmente l’offre de roubles dans l’économie. Plus d’argent, moins de marchandises – c’est l’équation de l’inflation. Donc en tentant de stabiliser la situation à court terme, on déstabilise à moyen terme. C’est un Ponzi scheme monétaire, parfaitement orchestré, complètement absurde. On vend l’or pour avoir des roubles, on injecte les roubles dans l’économie, les roubles perdent de la valeur, la population achète plus d’or pour se protéger, la Banque centrale doit vendre plus d’or. La boucle est fermée. La spirale s’accélère. Et tout le monde sait où mène une spirale – au bas, toujours, inexorablement au bas.
Cette année, 2025, les projections parlent de ventes de 30 milliards de dollars d’or – 230 tonnes. C’est gigantesque. C’est effrayant. Et personne ne dit à haute voix que cela signifie que la liquidité disponible en roubles va augmenter drastiquement, que l’inflation va s’accélérer, que la classe moyenne russe – celle qui a des roubles en poche – va voir son pouvoir d’achat fondre comme neige au soleil. Mais personne n’en parle. Parce que c’est impensable. Parce que cela signifierait admettre que le système s’écroule. Et Moscou ne peut pas admettre cela. Pas maintenant. Pas quand il y a une guerre à gagner. Pas quand les propagandistes sont en train de crier victoire.
Ce qui me remue l’âme, c’est la pathétique beauté du mensonge. La Banque centrale parle d’« opérations équivalentes ». Le ministre des Finances parle de « gestion de la liquidité ». Les officiels russes parlent de « stabilité économique ». Et pendant ce temps, ils vendent l’or. Ils le vendent silencieusement, systématiquement, jusqu’à la dernière once. Ils vendent l’héritage des générations précédentes pour payer une guerre que personne ne voulait, que tout le monde perd.
Il y a une poésie noire dans l’effondrement d’une grande puissance. Il y a une symétrie tragique à ce que ce qui aurait dû être une forteresse – le Fonds de richesse nationale – devienne un champ de ruines. Et la seule chose qui peut sauver ce mensonge, c’est que personne à l’intérieur de la Russie n’est autorisé à le dire. Personne n’est autorisé à dire la vérité. Donc le mensonge continue. Et l’or continue à partir. Et le rouble continue à s’effondrer. Et la spirale continue. Et tout le monde le sait, mais tout le monde se tait.
C’est presque shakespearien. L’empire qui dévore son propre trésor pour survivre, sachant très bien que ce trésor est la condition même de la survie. C’est l’autodestruction programmée, acceptée, célèbrée comme stratégie.
Les horizons économiques obscurcis : prévisions d'une faillite programmée
2026 et au-delà : de l’illusion des projections budgétaires
Le gouvernement russe a déjà présenté son budget pour 2026-2028. Et il est vertigineux par son optimisme. Le déficit budgétaire pour 2026 ? Ils projettent qu’il tombera à 1,6% du PIB. Dowm de 2,6% en 2025. Magnifique. Brillant. Complètement, totalement, irréaliste. Vladimir Milov, économiste de l’opposition russe qui travaille pour la Fondation Free Russia, a jeté un regard brutal sur ces chiffres. Ce qu’il a découvert, c’est que la Russie est maintenant en trajectoire vers sept années consécutives de déficits budgétaires supérieurs à 2% du PIB. Sept années. C’est une tendance, pas un accident. C’est une structure, pas une anomalie. La Russie a renoncé à son objectif historique – maintenir le déficit sous 1% du PIB. Elle a jeté aux oubliettes la notion de gestion budgétaire prudente. Tout est sacrifié à la guerre.
Et Benjamin Hilgenstock, du KSE Institute, met les choses au clair : « Le déficit que la Russie attend pour 2025 est assez significatif. Il est vrai que le déficit prévu pour 2026 est inférieur, mais ces chiffres ne sont que du souhait » – wishful thinking, comme il dit. Traduisons : mensonge organisé. Les économistes savent. Les analystes savent. Le Kremlin sait. Et l’écart entre ce que le gouvernement annonce et ce que la réalité produit va s’élargir. Parce que les revenus pétro-gaziers ne vont pas se redresser miraculeusement en 2026. Les sanctions vont s’épaissir, pas se détendre. La production russe est maintenant à plein régime de guerre, incapable de croissance. Et les dépenses militaires, elles, ne vont pas diminuer. Elles vont rester astronomiques. Donc le déficit réel sera bien plus élevé que ce que le gouvernement projette. Et ce déficit, il faudra le couvrir comment ? En vendant plus d’or. En vidangeant plus les réserves. La Russie va entrer en 2026 avec un Fonds de richesse nationale plus petit, une monnaie plus faible, une inflation plus forte, et un scénario budgétaire déjà dégradé dès sa formulation.
Les expertises en matière d’economie appliquée à la géopolitique le confirment : la Russie ne sort pas de cette situation sans une transformaion radicale – soit une paix rapide avec une capitulation géopolitique et des réparations énormes, soit une escalade du système de guerre de l’économie, avec rationnement, conscription totale, militarisation complète de la société. Il n’y a pas de troisième option. Il n’y a pas de sortie douce. Il n’y a que le choix entre deux catastrophes. Et tant que Poutine reste au pouvoir, il choisira probablement l’escalade. Ce qui signifie plus de sacrifices, plus de ventes d’or, plus d’effondrement. La spirale s’accélère. Et le fond s’approche.
Les sanctions comme étau : impossibilité d’accès aux marchés internationaux
La Russie n’a pas le choix de vendre son or sur le marché intérieur. Pourquoi ? Parce que les marchés internationaux sont fermés. Bloquer. Mur de briques. Elle ne peut pas accéder à la Bourse des métaux de Londres. Elle ne peut pas négocier avec les grandes bourses d’or mondiales. Les banques occidentales et les intermédiaires financiers sont interdits de transactions avec la Russie. Les sanctions ne sont pas qu’une question de pétrole ou de gaz – elles touchent à la racine même du système économique russe, la capacité à convertir les ressources en devises internationales utiles. La Russie produit de l’or – 300 tonnes par année – mais elle ne peut pas en tirer profit mondialement. Elle est forçée de le garder chez elle, de le liquider chez elle, de le transformer en roubles qui ne valent rien. C’est une prison parfaitement aménagée.
Et les restrictions vont se multiplier. Les récents sanctions de novembre 2025 contre Rosneft et Lukoil – deux des plus grands producteurs de pétrole et de gaz – vont réduire drastiquement les rentrées de devises étrangères. Jusqu’à 35% des ventes de devises étrangères venaient de ces deux compagnies. Maintenant, elles sont de facto coupées des marchés internationaux. Lukoil doit même se dessaisir de ses actifs internationaux d’ici décembre. C’est une amputation. Et cette amputation, elle va presurer l’économie russe de manière catastrophique. La Banque centrale, qui recevait autrefois un flot constant de devises de la part des exportateurs de pétrole, va se retrouver à sec. Et que fera-t-elle ? Elle vendra de l’or. Encore, toujours, fatalement, elle vendra de l’or. Et le cycle continue.
Les observations de Reuters sont éloquentes : la Chine et l’Inde, qui ensemble achètent 85% du pétrole russe, sont maintenant légalement averties que toute transaction avec les firmes russes sanctionnées les expose aux sanctions des États-Unis. Et elles sont frileuses. Frileuses à l’extrême. Elles achètent le pétrole, mais avec prudence, avec lenteur, en cherchant à minimiser les risques. Cela signifie que les prix se dégradent davantage. Que les volumes diminuent. Que les entrées de devises chutent. C’est un étranglement. C’est volontaire. C’est implacable. Et il n’y a aucune échappatoire.
À ce point, on ne peut plus parler d’économie. C’est de la géopolitique appliquée. C’est une stratégie délibérée de l’Occident pour affaiblir la capacité de la Russie à financer sa guerre. Et cela fonctionne. Cela fonctionne à merveille. Ce qui aurait dû être une position de force – être un grand producteur de ressources naturelles – est devenu une malédiction. La Russie doit vendre ses ressources, mais elle ne peut pas les vendre. C’est la torture parfaite d’un point de vue stratégique.
Et la Russie sait cela. Elle le comprend trop bien. D’où la vente frénétique de l’or. D’où le désespoir sous-jacent à cette décision historique de vendre de l’or physique sur le marché intérieur. C’est l’admission tacite que tout est perdu. Pas la guerre – pas encore, militairement, les Russes avancent – mais la guerre économique. La guerre des ressources. La guerre de l’usure. Cette bataille-là, la Russie ne peut pas la gagner.
Tout cela aurait pu être évité. Tout cela aurait pu être différent. Mais le Kremlin, dans son arrogance, a pensé que la blitzkrieg marcherait. Elle ne marche pas. Et maintenant, le prix de cet erreur, c’est l’or du peuple russe qui s’écoule dans les réservoirs des chars et les cartouches des fusils.
La population russe face au mensonge économique et l'inflation cachée
L’inflation invisible mais mortelle : quand les prix s’envolent loin des statistiques officielles
Il y a un fossé entre les chiffres publiés par la Banque centrale russe et la réalité vécue par les gens qui font leurs courses. L’inflation officielle tourne autour de 8,5% – déjà énorme. Mais la réalité ? Les prix du beurre ont augmenté de 40% en un an. Les patates ? Similaire. Les produits laitiers ? Pareil. Le sucre ? Pire. Et ces chiffres se font sur les marchés officiels. Allez voir les prix des marchés noirs, des vendeurs à la sauvette, des revendeurs informels – et vous allez trouver des augmentations de 60, 70, 80%. L’inflation réelle en Russie tourne autour de 15-20%, peut-être plus. Et elle va s’accélérer. Parce que la Banque centrale verse de l’or liquéfié dans l’économie. Parce que les roubles augmentent. Parce que la monnaie s’affaiblit. Et quand la monnaie s’affaiblit, les prix montent. C’est mathématique. Inévitable.
Et la population le sait. Pas en détail. Pas en tant que théorie économique. Mais instinctivement. Elle sait que ses roubles valent moins. Elle sait que ce qui coûtait 100 roubles coûte maintenant 120. Elle sent que l’inflation gagne, qu’elle ronge silencieusement son pouvoir d’achat. Et en réaction, elle achète de l’or. Elle achète du bitcoin. Elle achète n’importe quoi qui ne soit pas des roubles. C’est la réaction parfaitement rationnelle d’une population qui comprend que sa monnaie s’effondre. Et pendant ce temps, le gouvernement vend de l’or. Le gouvernement vend ce que le peuple tente de se procurer. C’est du cynisme pur. C’est la Banque centrale contre la population. C’est l’État cannibale qui avale son propre peuple.
Et les salaires ? Ils ne suivent pas l’inflation. Les retraites non plus. Les revenus stagnent. Les coûts explosent. Et personne – absolument personne – ne peut le dire publiquement. Parce qu’en Russie, on n’a pas le droit de critiquer. On n’a pas le droit de dire la vérité sur l’inflation. On n’a pas le droit de dire qu’on crève de faim. On doit rester silencieux. On doit accepter. On doit croire aux statistiques officelles, même quand elles contredisent ce qu’on vit. C’est de la violence psychologique organisée. Et c’est la compagne silencieuse de la vente d’or.
La course à la Banque centrale : la demande domestique d’or explose tandis que les réserves s’effondrent
Il y a une ironie macabre à cela. La demande d’or intérieur en Russie a exploser – 73,7 tonnes achetées en 2024, un record historique. Probablement plus en 2025. Les gens veulent de l’or. Ils le comprennent viscéralement : il faut préserver la richesse en métal, pas en papier. Et la Banque centrale, voyant cette demande, vend de l’or pour couvrir le budget. Donc d’un côté, les Russes accumulent de l’or pour se protéger. De l’autre, la Banque centrale vend de l’or pour payer la guerre. C’est l’équation de l’extinction programmée. Les citoyens demandent de l’or, l’État vend de l’or. Et à la fin, tout l’or s’en va. Et il reste du vide. Du vide économique total.
Et l’absence n’a pas d’équivalent en or. Quand le Fonds de richesse nationale aura été complètement liquéfié – et à ce rythme, c’est une question d’années – il ne restera rien. Pas de coussin. Pas de sauvegardat. Pas d’assurance. Juste une Russie, endetée, isolée, ruinée économiquement, avec une population appauvrie et une monnaie morte. C’est le scénario final. C’est ce vers quoi on se dirige. Et personne – absolument personne – ne peut le dire à haute voix. Parce que c’est la fin du mythe. Et le mythe, c’est tout ce qu’il reste au Kremlin maintenant.
La Banque centrale a fait un calcul différent : elle s’est dit que si elle vend juste assez d’or, juste au bon moment, elle peut maintenir l’illusion de stabilité pour une année de plus. Une année. C’est tout ce qu’elle cherche. Pas la victoire. Pas la survie à long terme. Juste une année de plus. Juste assez pour que Poutine puisse crier victoire, pour que le système survive jusqu’aux prochaines élections rigged, pour que le mensonge continue. Et si après une année, c’est la chute ? Eh bien, ce n’est pas le problème de la Banque centrale. Ce ne sera pas son problème. C’est le problème du peuple russe. Comme toujours.
Ce qui me fait profondément anger – pas comme partisan politique, mais comme chercheur qui observe simplement les faits – c’est l’absence totale de compassion du système pour son propre peuple. La Russie affame sa population pour financer une guerre que la plupart n’avait pas choisie. Elle liquide l’héritage national pour payer des massacres en Ukraine. Elle vend l’or des générations futures pour acheter des munitions d’aujourd’hui. Et elle le fait en silence, en mensonges, en statistiques falsifiées. C’est de la cruauté d’État gratuite.
Et le peuple russe ? Ceux qui restent, qui ne peuvent pas partir ? Ils font ce qu’ils peuvent. Ils accumulent de l’or. Ils achètent de la crypto-monnaie. Ils essaient de sauver ce qui peut l’être. Ils savent, au fond de leur âme, que quelque chose se casse. Qu’on leur vole quelque chose. Qu’on les sacrifie. Mais ils n’ont pas les mots pour le dire. Parce que les mots sont dangereux. Parce que dire la vérité en Russie, c’est risquer la prison.
Et c’est cette impuissance silencieuse qui me frappe le plus. C’est l’incapacité des gens à parler, à crier, à s’organiser. Et c’est aussi la raison pour laquelle le système peut continuer. Parce que tant qu’on ne peut pas en parler, tant qu’on ne peut pas l’arrêter, ça continue. Et ça continue jusqu’à la fin. Jusqu’à l’effondrement total.
Conclusion – L'or part, le mythe s'effondre, la Russie vacille
Le compte à rebours de la débâcle financière
La vente d’or physique par la Banque centrale russe en novembre 2025 – ce geste sans précédent en quatre-vingt-cinq années – n’est pas un détail. C’est un événement. C’est l’annonce silencieuse d’une faillite programmée. C’est l’admisision que tout ce qu’on croyait dur ne l’est pas. Que la forteresse économique russe n’était qu’une façade. Que le Fonds de richesse nationale – ce coussin supposé inviolable – se vide littéralement. Qu’à ce rythme, dans trois à quatre années, le Fonds sera complètement vide. Pas seulement pauvre. Vide. Et quand il sera vide, il ne restera que la Russie, dans ses vrais habits : une nation de petite ou moyenne puissance, endettée, isolée, dirigée par un régime belliciste incapable de produire une économie viable. C’est ce qui attend. C’est l’horizon.
Les 230 tonnes d’or vendues en 2025 – 30 milliards de dollars – ne feront que repousser l’inévitable. Elles achèteront une année, peut-être deux de stabilité façade. Et puis ? Et puis, l’effondrement. Le déficit budgétaire continuer à gonfler. Les réserves continuer à se vider. La monnaie continuer à s’affaiblir. L’inflation continuer à ronger. Et la population continuer à souffrir en silence. C’est le scenario qui se dessine. C’est l’équation que personne n’ose résoudre.
Et pire encore, la Russie se retrouvera appauvrie economiquement, sans ressource de remplacement. Son économie n’a jamais pu diversifier. Elle a toujours reposé sur deux piliers : les hydrocarbures et les réserves. Maintenant, les hydrocarbures sont sanctionnés, marginalisés, et les réserves s’écoulent. Qu’il restera ? Rien. Une dépendance envers la Chine, une militarisation chronique, une pauvreté cachée sous des déclarations de victoire. Voilà la Russie de demain. Voilà ce que cet or en fuite représente réellement.
Ce que je constate, en tant que expert qui examine froidement les données, c’est que la Russie a choisir – et c’est un choix – de vendre son futur pour financer son présent. Elle aurait pu négocier. Elle aurait pu arrêter. Elle aurait pu chercher une paix. Elle a choisi la guerre totale. Et maintenant, elle en paye le prix. Un prix énorme. Un prix intolérable. Un prix qui sera payé par les générations futures de Russes qui hériteront d’une nation financièrement dévastée.
Et il y a une certaine poésie tragique à cela. La Russie qui se pensait invulnérable, qui se vantait de sa puissance, qui criait sa force – cette Russie vend son or en secret, liquéfie ses réserves, se dépouille de sa richesse. Et pendant ce temps, elle crie victoire. C’est shakespearien. C’est triste. C’est inévitable.
L’or qui part, c’est plus qu’une transaction économique. C’est l’adieu de la Russie à l’idée qu’elle avait d’elle-même. Quand tout cet or sera parti – et il partira – il ne restera que la réalité brute. Et la réalité brute, c’est un pays en déclin. C’est un empire en faillite. C’est la fin d’un mensonge. Et personne ne pourra dire qu’on ne l’a pas prévenu.
Source : united24media