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Chronique : L’Or russe s’envole en cendres : la débâcle inéluctable d’une superpuissance asphyxiée
Crédit: Adobe Stock

Des revenus pétroliers qui s’effondrent, des dépenses qui explosent

Avant la guerre, la Russie vivait du pétrole et du gaz. C’était simple, prévisible, somme toute efficace. Mais aujourd’hui ? Aujourd’hui, c’est le chaos. Les revenus pétro-gaziers – ceux qui financent un quart du budget fédéral – s’écroulant littéralement. Les projections pour 2025 parlaient de 11,13 trillions de roubles en revenus pétro-gaziers. La réalité ? 8,65 trillions. Une baisse de 22%. Deux cent mille millions de roubles, envolés. En novembre seulement, l’agence de presse Reuters calcule que les revenus pétro-gaziers pourraient chuter de 35% par rapport au même mois de 2024. Trente-cinq pourcent ! C’est vertigineux. C’est catastrophique. Et pendant ce temps, les dépenses militaires ? Elles flambent. Quinze point cinq trillions de roubles prévus en 2025 – équivalent à 7,2% du PIB. Qui compense la différence ? Personne. Rien. Le Fonds de richesse nationale, qui continue de vidanger comme un navire criblé de balles.

Et le déficit budgétaire pour 2025 ? 5,736 trillions de roubles. 70 milliards de dollars. Cela représente 2,6% du PIB – le plus élevé depuis la pandémie de 2020. Avant la pandémie, avant la folie de cette invasion, la Russie se vantait d’avoir un déficit inférieur à 1% du PIB. C’était un critère de bonne gestion. Aujourd’hui, ce critère est mort. C’est un crâne desséché que les politiciens russes enjambent sans dire un mot. Parce que parler de ces chiffres, c’est admettre l’inadmissible : la Russie dépense plus qu’elle ne gagne. Beaucoup plus. Et la différence, c’est l’or qui la comble. C’est les réserves que l’on vend. C’est l’avenir qu’on liquide.

Les sanctions jouent leur rôle avec précision. Les prix du pétrole restent bas – bloqués autour de 57-60 dollars par baril, loin des 70-75 dollars prévus dans le budget initial. Chaque dollar perdu par baril, c’est des centaines de millions en moins dans les caisses. Et les sanctions ne cessent de s’épaissir. Rosneft et Lukoil – deux géants de l’énergie russe qui représentaient ensemble jusqu’à 35% des ventes de devises étrangères – sont maintenant directement ciblées. Les transactions avec elles sont interdites. Lukoil doit même se dessaisir de ses actifs internationaux. C’est un coup porté à la jugulaire du commerce russe. Les devises étrangères qui rentrait en Russie vont chuter. Dix à vingt pourcent, selon les analystes de Finam. Et cette chute ? Elle va pressurer le rouble. Elle va forcer la Banque centrale à intervenir davantage. Et comment intervient-on quand on n’a plus de dollars, quand on n’a plus d’euros, quand toutes les portes des marchés occidentaux et ses satellites sont fermées ? On vend de l’or. Toujours, fatalement, on vend de l’or.

Le rouble, ce symbole de la débâcle monétaire

Le rouble. Cette monnaie que Poutine présentait autrefois comme le cœur battant de la puissance russe. Regardez-la maintenant. Regardez comme elle s’effondre. En novembre 2024 – il y a à peine un an – le rouble s’est effondré à 114 contre le dollar, son plus bas niveau depuis le début de l’invasion en mars 2022. Depuis l’été, il a perdu 25% de sa valeur. Depuis août, 20%. C’est une dévalorisation régulière, inexorable. C’est un patient qui s’affaiblit jour après jour, qui respire de plus en plus mal, dont le cœur s’accélère démentiellement. La Banque centrale a dû intervenir en urgence, arrêtant même les achats de devises étrangères pour tenter de ralentir l’hémorragie. Mais voilà : quand on arrête d’acheter des devises, on accumule de l’or à vendre. C’est un cercle vicieux parfaitement orchestré. Plus la monnaie s’effondre, plus on doit vendre d’or pour stabiliser la monnaie. Plus on vend d’or, plus on se retrouve sans ressources. Plus on se retrouve sans ressources, plus la monnaie s’effondre. La spirale infernale fonctionne impeccablement.

Et l’inflation ? Elle galopte. La Banque centrale russe a porté les taux d’intérêt directeurs à 21% – vingt et un pourcent – pour tenter d’étouffer l’inflation qui atteint 8,5% en octobre 2025. Les prix des aliments de base – le beurre, les patates – explosent. Les citoyens russes que je considère comme des observateurs lucides me disent que les prix réels sont bien plus élevés que les chiffres officiels. Sur les marchés noirs, les prix se sont envolés. Les gens achètent de l’or, du bitcoin, n’importe quoi pour ne pas garder des roubles en poche. C’est la réaction instinctive d’une population qui sait que sa monnaie s’effondre. Et pendant ce temps, le gouvernement vend l’or que le peuple tente désespérément de se procurer. C’est du cynisme économique pur.

La Banque centrale, du côté des stratèges, prétend que tout va bien. Elle parle de « stabilisation » du rouble, de « résilience » de l’économie. Vladimir Chernov, analyste à Freedom Finance Global, s’efforce de prés enter l’opération comme une diversification stratégique : « Utiliser l’or étale la pression sur les marchés et maintient la diversification des réserves. » Ah, oui, bien sûr. Mais la réalité, c’est que c’est une reddition. C’est un aveu que toutes les autres armes sont épuisées. La Banque centrale vend de l’or parce qu’elle n’a rien d’autre à vendre. C’est blanc bonnet, bonnet blanc de la faillite économique.

On peut parler de « opérations miroir » et de « liquidité accrue du marché intérieur de l’or ». On peut utiliser tous les euphémismes qu’on veut. Mais aucun mot ne change la réalité : la Russie vend ses bijoux de famille pour payer sa facture de guerre. Aucune tournure de phrase officielle ne rend cela moins grave. C’est du cannibalisme économique, doux, civilisé, mais c’est du cannibalisme. Et quand un système économique commence à se manger lui-même, sa fin est prévisible.

Ce qui me fascine et me horrifie, c’est la vitesse. En trois ans, on a descendu le Fonds de richesse nationale de 113 milliards à 51 milliards. En trois ans. Ce n’est pas une saignée lente. C’est une hémorragie. Et il n’y a aucun chirurgien capable de l’arrêter.

Les économistes indépendants, les vrais analystes, ceux qui ne sont pas maintenus par Moscou, crient le message dans le vide : la Russie sort d’ici peu. Elle va à la faillite. La Banque centrale le sait. Le Kremlin le sait. Et personne n’ose le dire à haute voix.

Source : united24media

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