Permettez-moi de plonger dans l’histoire de ces bêtes de métal. Le Projet 1171, nom de code OTAN « Alligator », désignation soviétique Tapir, est une classe de navires de débarquement amphibies à usage général développée à la fin des années 1950. Conçus pour des opérations de débarquement direct sur des plages non aménagées, ces navires étaient la colonne vertébrale des capacités de projection de puissance amphibie de l’URSS pendant la guerre froide. Quatorze unités ont été construites entre 1964 et 1975. Toutes ont été retirées du service entre 1992 et 1995 — sauf quelques-unes. En 2024-2025, seuls deux navires de cette classe restent opérationnels dans la Flotte de la mer Noire : l’Orsk et le Nikolay Filchenkov. L’Orsk, construit à Kaliningrad, a été mis en service le 31 décembre 1968. Renommé en 2002, il a subi plusieurs remises à neuf, la dernière entre 2014 et 2017 à l’usine de réparation navale n°13 de Sévastopol. Le Nikolay Filchenkov, également construit à Kaliningrad, a été mis en service le 30 décembre 1975. Nommé en l’honneur du commissaire Nikolay Filchenkov, Héros de l’Union soviétique tué pendant la Seconde Guerre mondiale, il a été classé « excellent » huit fois entre 1975 et 2004, et meilleur navire de la Flotte de la mer Noire dans sa catégorie en 1996 et 1997. Ces navires peuvent transporter jusqu’à 313 soldats, 20 chars de combat, et du matériel lourd. Leur déplacement à pleine charge atteint 4 360 tonnes, leur longueur 113 mètres. Ils sont armés de canons de 57 mm et de systèmes de défense rapprochée. Mais voilà : ils ont entre 50 et 57 ans. Leur technologie est dépassée, leurs systèmes électroniques archaïques, leurs coques fatiguées par des décennies de service.
L’impossible remplacement
Voici le drame stratégique pour Moscou. Ces navires sont irremplaçables. Littéralement. La Turquie, gardienne des détroits du Bosphore et des Dardanelles, a fermé ces voies d’eau aux navires militaires dont la base d’origine n’est pas la mer Noire, conformément à l’article 19 de la Convention de Montreux, depuis le début de l’invasion russe en 2022. Cela signifie qu’aucun nouveau bâtiment de guerre ne peut être déployé dans la mer Noire pour remplacer les pertes. Chaque navire coulé, endomagé ou détruit représente une diminution permanente de la capacité opérationnelle russe dans la région. La Russie ne peut pas construire de nouveaux navires de guerre dans la mer Noire assez rapidement pour compenser les pertes infligées par l’Ukraine. Les chantiers navals de Kertch et de Sévastopol sont eux-mêmes sous la menace constante des frappes ukrainiennes. Un expert militaire cité par Charter97 a noté : « La Russie n’a plus beaucoup de grands navires de débarquement. Il y a deux projets — les ‘crocodiles’ (1171) et les ‘transporteurs de charbon’ (775). La moitié d’entre eux ont déjà été mis hors service par les forces de défense ukrainiennes en quatre ans. » Endommager ou détruire un Projet 1171 n’est donc pas qu’une victoire tactique. C’est une victoire stratégique irréversible. Ces coques ne reviendront probablement jamais en service opérationnel complet. Même si les Russes parviennent à réparer la structure, remplacer les systèmes de mission électroniques et les paquets de capteurs sous sanctions est extrêmement difficile. Ces navires seront au mieux des coquilles vides, au pire des épaves coûteuses.
Un historique de frappes ukrainiennes
Ce n’est pas la première fois que Novorossiysk est touché. Le 4 août 2023, le navire de débarquement Olenegorsky Gornyak, également de classe Ropucha (Projet 775), a été gravement endommagé par un drone naval ukrainien transportant 450 kilogrammes de TNT dans les eaux proches du port. Des vidéos vérifiées par Reuters montraient le navire remorqué vers le rivage, gîtant lourdement sur son flanc bâbord. Une source du renseignement ukrainien avait déclaré : « En conséquence de l’attaque, l’Olenegorsky Gornyak a reçu une brèche sérieuse et ne peut actuellement pas mener ses missions de combat. » Cette frappe avait marqué la première fois que la marine ukrainienne projetait sa puissance aussi loin de ses côtes — environ 740 kilomètres selon les estimations. Puis, le 26 décembre 2023, le Novocherkassk, un grand navire de débarquement, a été frappé alors qu’il était amarré à Theodosia, en Crimée du sud, par des missiles de croisière lancés par air. L’Ukraine a affirmé qu’il avait été détruit et peu susceptible de revenir en service. Des vidéos montraient des explosions massives et multiples, avec des indications que les munitions à bord avaient été détonées par l’attaque. En mai 2025, l’Ukraine a franchi un cap historique en abattant deux chasseurs Su-30 russes au-dessus de la mer Noire en utilisant des drones navals Magura V5 équipés de missiles air-air R-73. Des avions de combat de 4e génération valant des dizaines de millions de dollars chacun, détruits par des drones de surface bon marché. Le 10 septembre 2025, un navire polyvalent russe de classe MPSV07, d’une valeur d’environ 60 millions de dollars, a été désactivé près de Novorossiysk par une attaque de drones. Ce navire transportait des charges utiles de guerre électronique et de renseignement électronique — les « yeux et oreilles » de la Flotte de la mer Noire.
Novorossiysk, le dernier refuge qui n'en est plus un
Je ressens une certaine fascination morbide en étudiant l’évolution de cette guerre navale asymétrique. Novorossiysk, c’est le plus grand port russe de la mer Noire, un terminal d’exportation énergétique primaire manipulant 154,9 millions de tonnes de fret annuellement avec 4 478 escales de navires, dont 1 578 pétroliers transportant pétrole brut, produits pétroliers raffinés et pétrole du Consortium du pipeline de la Caspienne. Situé dans le Kraï de Krasnodar sur la côte nord-est de la mer Noire, Novorossiysk exploite la plus longue ligne d’amarrage de Russie — 8,3 kilomètres — et sert de passerelle d’exportation critique pour le pétrole russe et kazakh, les céréales russes, et le commerce énergétique de la mer Noire. Le terminal pétrolier de Sheskharis, à lui seul, gère plus de 30% des exportations totales de pétrole russe, traitant jusqu’à 250 000 tonnes de pétroliers de port en lourd à travers trois quais capables de charger simultanément sept navires. C’est l’indicateur en temps réel le plus important pour suivre les volumes d’exportation de pétrole brut russe et les modèles d’approvisionnement pétrolier mondial à l’ère post-sanctions. Mais c’est aussi devenu la base navale principale de la Flotte de la mer Noire après l’abandon de Sévastopol en 2023. La Flotte, autrefois symbole de la puissance navale russe, a subi des pertes dévastatrices. Selon le ministère britannique de la Défense, au moins 24 navires russes opérant dans la mer Noire ont été détruits ou endommagés depuis le 24 février 2022. Cela inclut le naufrage du croiseur lance-missiles Moskva, décrit comme une plate-forme de défense aérienne de pointe, le plus grand navire de guerre russe coulé au combat depuis la Seconde Guerre mondiale. Sa perte a rendu la flotte incapable d’opérer librement dans la partie nord-ouest de la mer Noire.
Le repli stratégique forcé
En conséquence directe des frappes ukrainiennes, la Flotte de la mer Noire a été forcée de déplacer tous ses actifs majeurs de sa base historique à Sévastopol vers Novorossiysk, dans l’est de la mer Noire. C’est un changement majeur dans la stratégie navale russe, car Sévastopol était historiquement le centre des opérations navales russes en mer Noire depuis l’époque impériale. Le repli vers Novorossiysk suggère que Moscou cherche une plus grande sécurité pour ses navires de guerre restants, après une série d’attaques dévastatrices ukrainiennes sur l’infrastructure navale de Crimée. Mais voilà : même Novorossiysk n’est plus sûr. L’attaque du 24-25 novembre 2025 le prouve. Les drones ukrainiens peuvent désormais atteindre cette base « arrière », frappant des navires, des terminaux pétroliers et des systèmes de défense aérienne avec une impunité croissante. Un capitaine ukrainien à la retraite, Andriy Ryzhenko, consultant naval cité par plusieurs médias, a déclaré : « C’est un signal assez sérieux pour la Russie que d’autres attaques peuvent être menées et qu’il sera dangereux pour eux de garder des navires même à Novorossiysk. » Les forces ukrainiennes contrôlent désormais la partie occidentale de la mer Noire, ayant établi une « frontière » que les Russes ont peur de franchir. Les navires russes sont confinés à l’est, incapables de projeter efficacement leur puissance ou de maintenir un blocus soutenu des côtes ukrainiennes. La marine ukrainienne affirme avoir détruit ou désactivé environ 30% de la Flotte de la mer Noire. Un officier du renseignement ukrainien, parlant sous le nom de code « Treizième », a déclaré que la Flotte de la mer Noire est « paralysée » et « consomme maintenant seulement de l’argent du budget de l’État, incapable d’accomplir ses tâches ».
Les drones Magura, armes de destruction asymétrique
Comment l’Ukraine, un pays de 38 millions d’habitants sans marine conventionnelle, parvient-elle à infliger de telles pertes à une flotte navale établie ? La réponse tient en un mot : drones. Plus spécifiquement, les drones navals Magura V5 et Sea Baby du SBU. Le Magura V5, présenté pour la première fois au Salon international de l’industrie de défense (IDEF) à Istanbul en juillet 2023, est un véhicule de surface sans pilote mesurant 5,5 mètres, pesant moins d’une tonne. Il peut transporter jusqu’à 320 kilogrammes d’explosifs, naviguer à une vitesse de 40 à 50 nœuds, et opérer sur 800 kilomètres en une seule mission. Ras de l’eau, il est presque invisible au radar, tandis que sa faible signature thermique et acoustique lui permet de glisser devant les patrouilles. En 2024, l’Ukraine a développé le design en plateformes navales polyvalentes. Les Magura V5 ont été équipés de lanceurs de roquettes guidées, leur permettant d’abattre des avions utilisant la mer Noire comme voie aérienne. Des drones porteurs navals ont également été développés : des USV agrandis capables de lancer des UAV et des drones FPV profondément en territoire occupé. En janvier 2025, trois systèmes de défense aérienne russes à Skadovsk, région de Kherson, ont été détruits par des drones lancés de cette manière. Ces améliorations ont transformé Magura d’un drone à usage unique en une plateforme modulaire. Maintenant, il peut frapper des navires, abattre des avions et lancer ses propres drones contre des cibles loin à l’intérieur des terres. Selon un membre du renseignement ukrainien, les drones Magura ont touché 18 navires russes en un an et demi, dont neuf ont subi des « dommages irréversibles ».
L'étau économique se resserre
Cette attaque n’est pas qu’une opération militaire. C’est une strangulation économique calculée. Novorossiysk est le deuxième plus grand centre d’exportation de pétrole de Russie. Le terminal de Sheskharis expédie 766 000 barils par jour. En octobre 2025, le port russe a traité au total 1,794 million de tonnes de brut et de produits pétroliers. Frapper ce terminal suspend temporairement les exportations, perturbe les flux de revenus, augmente les coûts d’assurance et de logistique, et force la Russie à chercher des routes alternatives coûteuses. Après la frappe du 14 novembre sur le même terminal — oui, c’est la deuxième attaque en deux semaines —, le port de Novorossiysk a suspendu d’urgence les exportations de pétrole. Un état d’urgence a été déclaré dans la ville. Les conséquences de la frappe ont provoqué une hausse de 3% des prix mondiaux du pétrole, et au total, la frappe ukrainienne a interrompu 2% de l’approvisionnement pétrolier mondial total. Pensez-y. Une attaque de drones ukrainiens a perturbé 2% du pétrole mondial. C’est une puissance de frappe stratégique disproportionnée par rapport aux moyens employés. Le Consortium du pipeline de la Caspienne, qui transporte le pétrole brut des champs pétroliers du Tengiz et du Kashagan au Kazakhstan via Novorossiysk, a également subi des dommages. Le CPC est le seul point d’exportation pour le pétrole du Kazakhstan, transportant environ 1,5 million de barils par jour. Le Kazakhstan, cherchant à maintenir sa neutralité tout en dépendant de l’infrastructure russe, se retrouve pris entre deux feux. Les frappes ukrainiennes exposent la vulnérabilité de cette dépendance et alimentent les discussions au Kazakhstan sur la diversification des routes d’exportation pour réduire la dépendance russe.
Les pétrodollars du Kremlin en fumée
Une source du SBU a explicitement déclaré l’objectif : « Le SBU continue de réduire méthodiquement les revenus en pétrodollars de la Russie, avec lesquels elle finance la guerre contre l’Ukraine, ainsi que d’affaiblir les systèmes de défense aérienne ennemis qui protègent les installations militaires et infrastructurelles clés de l’ennemi. » Chaque raffinerie détruite ou terminal pétrolier touché signifie des millions de dollars niés à la machine de guerre du Kremlin. Depuis l’été 2025, l’Ukraine a intensifié ses attaques de drones sur les installations pétrolières et gazières russes et les pipelines. Bloomberg estime qu’environ une raffinerie russe sur trois a été touchée. Au moins quatre grandes raffineries ont partiellement ou totalement arrêté leurs opérations suite à des frappes de drones en septembre 2025, y compris la raffinerie Novokuybyshev, l’usine de traitement de gaz d’Astrakhan de Gazprom et la raffinerie de Ryazan de Rosneft — l’une des cinq plus grandes du pays et un fournisseur clé pour la région de Moscou. Les frappes d’octobre ont ciblé la raffinerie Antipinsky à Tioumen, Slavneft-YANOS à Yaroslavl, la raffinerie Tuapse de Rosneft, Orsknefteorgsintez à Orenbourg et Kinef dans la région de Léningrad. Un incendie à Kinef a forcé l’arrêt de son unité principale, qui représentait environ 40% de sa capacité de traitement. La production totale de raffinage de la Russie est tombée à 4,86 millions de barils par jour, près de 10% de moins qu’en juillet et le niveau le plus bas depuis au moins cinq ans. Selon l’agence de statistiques d’État Rosstat, les prix de l’essence au détail ont augmenté de 2,58% en septembre, la hausse mensuelle la plus forte depuis 2018. Les prix étaient en hausse de 12,73% sur une base annuelle, le rythme le plus rapide en 14 ans.
Les États-Unis dans l’ombre
Il y a un détail fascinant qui mérite d’être mentionné. Selon un rapport du Financial Times en octobre 2025, les États-Unis fournissent à l’Ukraine des renseignements pour aider à planifier des frappes de drones à longue portée sur l’infrastructure énergétique russe, y compris les raffineries de pétrole, depuis l’été 2025. La coordination, que les États-Unis n’ont pas reconnue publiquement, fait partie d’un effort plus large pour affaiblir l’économie russe et pousser le président Vladimir Poutine vers des négociations de paix. Le renseignement a aidé l’armée ukrainienne à déterminer les routes de vol, l’altitude et le calendrier pour que ses drones échappent aux défenses aériennes russes. Trois sources ont déclaré que Washington était étroitement impliqué dans chaque étape de la planification des frappes. Un responsable américain a déclaré que Kiev choisit les cibles, tandis que Washington fournit des renseignements sur leurs vulnérabilités. Mais d’autres sources ont déclaré au FT que le renseignement américain aide également à identifier les cibles hautement prioritaires. Cela signifie que les frappes sur Novorossiysk, bien que menées par des forces ukrainiennes, bénéficient probablement d’un soutien en renseignement occidental. Les capacités de surveillance par satellite, l’analyse des vulnérabilités des infrastructures, la planification des routes pour éviter la détection — tout cela porte la marque d’une coopération interalliée sophistiquée.
Les conséquences stratégiques à long terme
Permettez-moi de prendre du recul et d’analyser ce que tout cela signifie pour l’équilibre du pouvoir dans la mer Noire. Avant l’invasion russe de l’Ukraine en février 2022, Moscou percevait sa Flotte de la mer Noire comme une composante intégrale de sa puissance maritime, capable de projeter la force, de maintenir le blocus et de dominer les eaux régionales. Après près de quatre ans de guerre, cette flotte a été considérablement contrainte par des opérations ukrainiennes hautement efficaces. Malgré le fait d’être largement dépassée en nombre au début de la guerre, la marine ukrainienne a infligé des pertes importantes aux forces russes, utilisant une combinaison d’attaques de drones, de missiles anti-navires et de raids navals. Le Royaume-Uni estime qu’au moins 24 navires russes opérant dans la mer Noire ont été détruits ou endommagés depuis le 24 février 2022. Cela inclut le naufrage du croiseur lance-missiles Moskva, la destruction du sous-marin Rostov-na-Donu en cale sèche, le naufrage de la corvette lance-missiles Ivanovets, du grand navire de débarquement Caesar Kunikov, du navire de patrouille moderne Sergey Kotov, et du navire de débarquement Novocherkassk. Ces pertes représentent environ 30% de la Flotte de la mer Noire, selon les affirmations ukrainiennes. Et voici le point crucial : ces actifs ne peuvent pas être remplacés. La Convention de Montreux empêche l’entrée de nouveaux navires de guerre. Les chantiers navals russes sont soit sous sanctions, soit sous la menace de frappes ukrainiennes. Chaque navire perdu est une diminution permanente de la capacité navale russe dans la région.
La Turquie, arbitre silencieux
Il y a un autre acteur qui gagne silencieusement dans cette équation : la Turquie. En fermant les détroits conformément à Montreux, Ankara a effectivement gelé l’équilibre naval en mer Noire, empêchant la Russie de renforcer sa flotte tout en observant confortablement l’Ukraine éroder la puissance navale russe. Comme l’a noté un analyste, « à mesure que la guerre se prolonge et que l’Ukraine maintient ses opérations offensives en mer Noire, ce qu’elle promet effrontément de faire, la suprématie navale de la Russie s’érodera. Cela, à son tour, déplacera l’équilibre du pouvoir dans le domaine maritime régional en faveur de la Turquie alors qu’elle regarde confortablement ces développements depuis les lignes de touche. » La Turquie est le gardien de la mer Noire, où Istanbul a intensifié l’extraction de gaz naturel et maintient des pipelines énergétiques. Une Flotte de la mer Noire russe affaiblie signifie une influence turque renforcée dans la région. Ankara peut exercer un plus grand contrôle sur les flux énergétiques, les routes maritimes commerciales et la dynamique de sécurité régionale sans confrontation directe avec Moscou. C’est une victoire géopolitique sans tirer un seul coup de feu. De plus, l’effondrement des blocus russes des routes d’exportation ukrainiennes a permis à des marchandises telles que les céréales ukrainiennes de s’expédier par mer. Cela a des implications mondiales pour la sécurité alimentaire, en particulier pour les pays d’Afrique et d’Asie qui dépendent des exportations de céréales ukrainiennes. Avant la guerre, l’Ukraine fournissait 10% des exportations mondiales de blé, plus de 14% de maïs et plus de 4% d’huile de tournesol. Le blocage russe a provoqué une crise alimentaire mondiale. Briser ce blocus est une victoire humanitaire autant qu’économique.
L’avenir de la guerre navale asymétrique
Ce que nous assistons en mer Noire est une révolution dans les affaires militaires. L’Ukraine a démontré qu’une nation sans marine conventionnelle peut vaincre une flotte navale établie en utilisant des systèmes autonomes à faible coût, une guerre de l’information et une coordination interarmées sophistiquée. Les drones navals comme le Magura V5 coûtent une fraction du prix des navires qu’ils détruisent. Un drone de 100 000 à 500 000 dollars peut couler un navire de guerre de 65 millions de dollars. C’est une asymétrie économique dévastatrice. Et ces drones évoluent rapidement. Ils sont maintenant équipés de lanceurs de missiles, de capacités de lancement d’UAV, de systèmes de guerre électronique. Ils peuvent frapper des navires, abattre des avions, lancer des attaques terrestres depuis la mer. Ils transforment la mer Noire en un champ de bataille multi-domaines où les frontières entre guerre navale, aérienne et terrestre s’estompent. Une étude utilisant la modélisation par équations structurelles de défense (SEM) a quantitativement évalué l’impact stratégique de la guerre asymétrique de drones maritimes à faible coût pendant la guerre Russie-Ukraine 2022-2024. Les résultats démontrent un coefficient de trajectoire fort et significatif (β=0,78, p<0,001) reliant la dissuasion asymétrique au changement de stratégie, fournissant un soutien quantitatif à la thèse selon laquelle les systèmes autonomes à faible coût peuvent fondamentalement déstabiliser les équilibres de puissance navale établis.
Les leçons pour l'avenir
Alors, que nous apprend cette frappe du 24-25 novembre sur Novorossiysk ? Premièrement, qu’aucun port n’est sûr. Même Novorossiysk, situé à l’est de la mer Noire, loin des côtes ukrainiennes, peut être atteint par des drones à longue portée et des missiles de croisière. Les navires russes ne peuvent plus se cacher nulle part. Deuxièmement, que la défense aérienne russe est vulnérable. Les systèmes S-300 et S-400, censés être parmi les meilleurs au monde, ont été détruits ou contournés par des essaims de drones et des tactiques de saturation. La Russie ne peut pas défendre simultanément toutes ses infrastructures critiques contre des attaques distribuées. Troisièmement, que l’infrastructure énergétique est une cible stratégique. Frapper des terminaux pétroliers, des raffineries et des pipelines prive la Russie de revenus, augmente l’inflation intérieure, force des importations coûteuses et perturbe les chaînes d’approvisionnement mondiales. C’est une forme de guerre économique qui complète les opérations militaires. Quatrièmement, que la coopération internationale est essentielle. L’Ukraine ne mène pas cette guerre seule. Le renseignement occidental, les systèmes de communication par satellite, les données de surveillance, le soutien logistique — tout cela alimente la capacité de l’Ukraine à frapper profondément en territoire russe. Cinquièmement, que les systèmes autonomes changent la donne. Les drones navals, les drones aériens, les drones FPV — ces systèmes à faible coût et haute efficacité permettent à des nations plus petites de contester des adversaires beaucoup plus grands. C’est une démocratisation de la puissance militaire qui aura des implications profondes pour les conflits futurs.
Les erreurs russes
Du côté russe, cette guerre a révélé des erreurs stratégiques profondes. Premièrement, la sous-estimation de l’adversaire. La Russie pensait que l’Ukraine, sans marine conventionnelle, serait incapable de contester le contrôle russe de la mer Noire. Cette hypothèse s’est avérée catastrophiquement fausse. Deuxièmement, la dépendance excessive à l’infrastructure concentrée. En plaçant tant d’actifs navals et d’infrastructure énergétique dans quelques ports clés comme Sévastopol et Novorossiysk, la Russie a créé des points de défaillance uniques que l’Ukraine a exploités impitoyablement. Troisièmement, l’incapacité à s’adapter rapidement. Malgré des pertes répétées, la Russie continue d’utiliser des tactiques et des déploiements prévisibles. Les navires sont toujours amarrés dans des ports exposés, les systèmes de défense aérienne sont stationnés dans des emplacements géolocalisés, les terminaux pétroliers manquent de redondance suffisante. Quatrièmement, la propagande au détriment de la réalité. Le ministère russe de la Défense continue de publier des communiqués affirmant que les attaques ont été « repoussées » ou que les dommages sont « minimes », alors que les images satellites et les vidéos racontent une histoire très différente. Cette déconnexion entre propagande et réalité empêche une évaluation honnête et une correction stratégique. Cinquièmement, les sanctions ont mordu. L’incapacité de la Russie à remplacer les systèmes électroniques avancés, les capteurs et les composants sous sanctions occidentales signifie que même les navires « réparés » fonctionnent à capacité réduite. Chaque coup porté aux actifs russes a des effets durables qui s’accumulent au fil du temps.
L’Ukraine écrit l’histoire
Je ne peux m’empêcher de ressentir une certaine admiration pour l’ingéniosité ukrainienne. Confrontée à un adversaire possédant une marine beaucoup plus grande, plus de ressources, plus de main-d’œuvre, l’Ukraine a improvisé, innové et adapté. Elle a transformé des drones commerciaux bon marché en armes de guerre, développé des tactiques d’essaim, intégré le renseignement multi-sources, et exécuté des opérations interarmées complexes avec une précision remarquable. Elle a forcé la Russie à abandonner Sévastopol, paralysé la Flotte de la mer Noire, perturbé les exportations de pétrole, abattu des avions de combat avec des drones navals, et maintenant endommagé des navires de débarquement stratégiques à Novorossiysk. Chaque frappe est un message stratégique : l’Ukraine ne sera pas bloquée, ne sera pas soumise, ne sera pas vaincue. Chaque explosion est une déclaration de résilience, un refus de capituler, une démonstration que la créativité et la détermination peuvent triompher sur la puissance brute. Les analystes militaires du monde entier étudient ces opérations, extrayant des leçons, redessinant des doctrines, réévaluant des hypothèses. La guerre en mer Noire est devenue un laboratoire vivant pour la guerre du 21e siècle — asymétrique, basée sur les drones, multi-domaines, alimentée par l’information. Et l’Ukraine en écrit le manuel.
Le navire remorqué, symbole d'une ère révolue
Je reviens à cette image satellite. Le navire de débarquement russe, ce géant de métal autrefois symbole de puissance amphibie soviétique, traîné par deux remorqueurs dans le port de Novorossiysk. Incapable de naviguer par ses propres moyens. Probablement criblé de brèches, inondé, ses systèmes électroniques détruits, son équipage évacué. C’est une métaphore parfaite de la Flotte de la mer Noire elle-même — autrefois redoutée, maintenant diminuée, remorquée vers une pertinence décroissante. La Russie a perdu la mer Noire. Pas militairement au sens conventionnel — elle conserve encore des navires, des bases, des capacités de frappe à longue portée. Mais stratégiquement, psychologiquement, opérationnellement, elle a perdu. Ses navires se cachent dans des ports de l’est, ses opérations sont restreintes, ses pertes s’accumulent. L’Ukraine, avec pratiquement aucune marine, a établi un déni maritime efficace, forçant la Russie à repenser toute sa stratégie navale régionale. Et cela ne se limite pas à la mer Noire. Les implications se répercutent dans le monde entier. Les marines du monde entier réévaluent leurs vulnérabilités aux systèmes autonomes. Les planificateurs de défense reconsidèrent la valeur des navires de surface coûteux dans un environnement saturé de drones. Les stratèges réfléchissent à la manière dont les petites nations peuvent contester des adversaires plus grands en utilisant des technologies asymétriques. La frappe de Novorossiysk des 24-25 novembre 2025 ne sera peut-être qu’une note de bas de page dans l’histoire de cette guerre. Mais elle représente quelque chose de plus profond : un changement tectonique dans la manière dont les guerres maritimes sont menées, gagnées et perdues. Le navire remorqué sur cette image satellite n’est pas seulement un navire endommagé. C’est le symbole d’une ère révolue, où la puissance navale était mesurée en tonnage et en canons. Bienvenue dans la nouvelle ère — l’ère des drones, des essaims, de l’asymétrie. Et dans cette ère, l’Ukraine montre au monde comment se battre.
Source : united24media
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