Un géant industriel au service de la machine de guerre
La raffinerie d’Afipsky représente bien plus qu’une simple installation industrielle dans le paysage énergétique russe. Fondée en 1964 et modernisée à plusieurs reprises depuis, cette raffinerie constitue un élément central du complexe pétrochimique de la région de Krasnodar, l’une des régions les plus riches en ressources hydrocarbures de Russie. Avec sa capacité annuelle de traitement de 9,1 millions de tonnes de pétrole brut, elle se positionne comme la cinquième plus grande raffinerie du sud de la Russie et l’une des cinquante plus importantes à l’échelle nationale. Ce qui rend cet établissement particulièrement stratégique, c’est sa spécialisation dans la production de produits à haute valeur ajoutée essentiels à l’effort de guerre russe. La raffinerie produit en effet des quantités considérables de diesel de haute qualité, indispensable au fonctionnement des véhicules militaires russes, ainsi que du kérosène aviation, crucial pour les opérations aériennes de l’armée russe en Ukraine.
L’importance de la raffinerie d’Afipsky dans l’économie de guerre russe ne se limite pas à sa capacité de production. Sa situation géographique dans le kraï de Krasnodar, à seulement 200 kilomètres des zones de combat, en fait une plateforme logistique idéale pour approvisionner les forces russes opérant dans le sud de l’Ukraine. Cette proximité stratégique explique pourquoi elle est devenue une cible prioritaire pour les forces ukrainiennes qui ont compris que neutraliser cet établissement reviendrait à couper une artère vitale de l’approvisionnement militaire russe. Selon les données de l’industrie, la raffinerie aurait traité 7,2 millions de tonnes de pétrole brut en 2024, soit environ 144 000 barils par jour, avant de réduire sa production à 3 millions de tonnes au premier semestre 2025 en raison des dommages subis lors des frappes précédentes. Chaque unité de traitement primaire qui est mise hors service par les frappes ukrainiennes représente des centaines de milliers de barils de produits raffinés qui ne parviendront plus ni à l’armée russe ni au marché civil, créant ainsi des pénuries croissantes et des tensions sur les prix.
Les dommages cumulés et leur impact sur la production
La série de frappes contre la raffinerie d’Afipsky depuis août 2025 a provoqué des dommages structuraux significatifs qui affectent durablement sa capacité opérationnelle. La première attaque du 7 août 2025 avait contraint l’arrêt complet d’une des unités de traitement primaire, nécessitant des réparations complexes qui avaient pris plusieurs semaines. Moins d’un mois plus tard, le 28 août, une nouvelle frappe visait une autre section critique de l’installation, retardant d’autant le retour à une production normale. L’attaque du 26 septembre 2025, bien que décrite par les autorités russes comme ayant provoqué un « incendie maîtrisé de 30 mètres carrés », avait en réalité endommagé des équipements de raffinage sophistiqués dont le remplacement ou la réparation nécessite des mois de travail et des pièces détachées souvent difficiles à obtenir en raison des sanctions internationales.
L’accumulation de ces dommages a contraint les exploitants de la raffinerie à réduire progressivement leur capacité de traitement. Si en 2024 l’établissement fonctionnait à près de 80% de sa capacité maximale, les frappes successives ont réduit ce taux à moins de 50% au second semestre 2025. Les unités de traitement primaire, qui constituent le cœur de l’installation, sont particulièrement vulnérables aux frappes de drone en raison de leur taille et de la concentration d’équipements sensibles qu’elles contiennent. Chaque fois qu’une de ces unités est touchée, c’est toute la chaîne de production qui est affectée, depuis la distillation du pétrole brut jusqu’à la production des carburants finis. Les ingénieurs russes font face à un dilemme croissant : continuer à opérer avec des équipements endommagés au risque d’accidents industriels majeurs, ou arrêter complètement la production pour effectuer des réparations complètes qui laisseraient l’installation hors service pendant des mois, voire des années. Cette situation illustre parfaitement l’efficacité de la stratégie ukrainienne qui vise à créer une crise énergétique progressive et difficile à résoudre pour la Russie.
Il y a quelque chose de terriblement ironique à voir la Russie, ce géant pétrolier qui a bâti sa puissance sur l’or noir, désormais incapable de protéger ses propres installations raffinage. Chaque drone ukrainien qui frappe une raffinerie russe ne détruit pas seulement du métal et du béton ; il détruit des années d’investissements, des milliers d’emplois, et surtout, la capacité de Moscou à financer sa guerre d’agression. L’Occident a imposé des sanctions économiques, mais ce sont les drones ukrainiens qui frappent vraiment où ça fait mal. C’est une leçon que Poutine aurait dû comprendre : lorsqu’on attaque un pays, on doit s’attendre à ce qu’il se défende par tous les moyens dont il dispose.
La campagne de drones ukrainiens : une nouvelle forme de guerre économique
Une stratégie méticuleusement planifiée
La campagne de frappes de drones ukrainiens contre les raffineries russes ne relève pas du hasard mais d’une stratégie économique et militaire soigneusement élaborée. Depuis le début de l’année 2025, les services de renseignement et les forces armées ukrainiennes ont identifié systématiquement les points névralgiques de l’industrie pétrolière russe, établissant une carte détaillée des installations les plus critiques tant pour l’effort de guerre que pour l’économie civile russe. Cette approche méthodique a permis aux forces ukrainiennes de concentrer leurs ressources sur des cibles à fort impact, maximisant ainsi l’effet de chaque frappe. Les analystes militaires soulignent que cette stratégie vise deux objectifs complémentaires : affaiblir la capacité logistique de l’armée russe en réduisant ses approvisionnements en carburant, et créer des tensions économiques internes en Russie qui pourraient affecter le soutien populaire à la guerre.
L’exécution de cette campagne a démontré une sophistication technologique et opérationnelle remarquable. Les drones utilisés par l’Ukraine pour ces frappes profondes en territoire russe sont capable de parcourir des distances allant jusqu’à 1 500 kilomètres, comme l’a prouvé l’attaque contre la raffinerie de Gazprom Neftekhim Salavat dans la région de Bachkirie en septembre 2025. Ces opérations nécessitent une coordination complexe entre les services de renseignement pour identifier les cibles, les équipes de planification pour calculer les trajectoires optimales, et les unités d’execution pour lancer les drones au moment propice. Le choix du moment des frappes est également stratégique : les attaques sont souvent menées pendant les périodes de maintenance des installations, lorsque les défenses sont potentiellement moins vigilantes, ou pendant les pics de consommation pour maximiser l’impact économique. Cette campagne représente une évolution significative dans la manière de mener la guerre moderne, où les frappes économiques deviennent aussi importantes que les opérations militaires conventionnelles.
Les effets dévastateurs sur l’industrie pétrolière russe
L’impact de la campagne de drones ukrainiens sur l’industrie pétrolière russe dépasse largement les simples dommages matériels. Selon les calculs de Reuters, les frappes ont réduit la capacité de raffinage russe de 17%, soit environ 1,1 million de barils par jour. Cette réduction drastique affecte non seulement la capacité de la Russie à approvisionner son armée mais aussi sa capacité à exporter des produits raffinés, qui représentent une source importante de revenus. Les experts de l’industrie estiment que la production d’essence a chuté d’environ 10% depuis le début de la campagne de frappes, créant des pénuries localisées qui se propagent progressivement à l’ensemble du territoire russe. Plus de 300 stations-service ont déjà dû fermer leurs portes, incapables de s’approvisionner régulièrement en carburant.
Les conséquences économiques de ces frappes se manifestent de manière particulièrement visible dans la hausse des prix. Les prix de gros de l’essence ont augmenté de 40 à 50% depuis janvier 2025, une augmentation qui commence à se répercuter sur les prix de détail malgré les tentatives du gouvernement russe de contrôler l’inflation. Dans plusieurs régions, les autorités ont dû instaurer un rationnement de l’essence, limitant les achats à 10-20 litres par client. Cette situation rappelle les pénuries des années 1990 en Russie, créant un mécontentement croissant dans la population. Les dommages aux raffineries affectent également d’autres secteurs de l’industrie russe qui dépendent des produits pétrochimiques, de la plasturgie à la production d’engrais. L’impact cumulé de ces frappes commence à peser lourdement sur l’économie russe, qui voit l’une de ses principales sources de revenus et de pouvoir économique progressivement affaiblie par une campagne de frappes relativement peu coûteuse mais extrêmement efficace menée par l’Ukraine.
Ce qui me fascine dans cette campagne de drones ukrainiens, c’est comment un pays relativement petit par rapport à la Russie parvient à infliger des dommages économiques si considérables à son agresseur. C’est le parfait exemple de la guerre asymétrique du XXIe siècle : quelques millions de dollars investis dans des drones intelligents causent des milliards de dollars de dommages à l’industrie pétrolière russe. Poutine pensait que sa supériorité militaire conventionnelle lui assurerait une victoire rapide ; il n’avait pas anticipé que l’Ukraine développerait cette capacité à frapper son économie là où elle est la plus vulnérable. Chaque raffinerie qui brûle est un rappel brutal que la guerre moderne ne se gagne pas seulement sur les champs de bataille, mais aussi dans les usines et les raffineries qui alimentent la machine de guerre.
Les répercussions sur le marché russe du carburant
Des pénuries qui s’étendent à travers tout le pays
La campagne de frappes ukrainiennes contre les raffineries russes commence à produire des effets tangibles sur le marché intérieur du carburant, avec des pénuries qui s’étendent progressivement des zones frontalières vers les régions centrales de la Russie. Les vidéos vérifiées par BBC Verify montrent des files d’attente impressionnantes devant les stations-service dans l’Extrême-Orient russe et sur l’autoroute entre Saint-Pétersbourg et Moscou, des régions traditionally bien approvisionnées en carburant. En Crimée annexée, les autorités installées par Moscou ont dû instaurer un rationnement strict de l’essence, reconnaissant implicitement la gravité de la situation. Ces pénuries ne résultent pas seulement des réductions de capacité de production mais aussi des difficultés logistiques croissantes pour acheminer le carburant depuis les raffineries encore opérationnelles vers les différentes régions du vaste territoire russe.
La situation est particulièrement critique en Sibérie et dans l’Extrême-Orient, où de nombreux propriétaires de stations-service indépendantes ont été contraints de fermer temporairement leurs établissements face à l’irrégularité des approvisionnements. Un gérant de station-service de la région de Novossibirsk a comparé la situation actuelle à l’hyperinflation des années 1990, déclarant à la presse locale : « À mon avis, nous n’avons pas connu une crise comme celle-ci depuis 1993-1994. Beaucoup de stations-service ont maintenant suspendu leurs activités. Peut-être vaut-il mieux attendre la fin de la crise plutôt que de travailler à perte. » Cette comparaison avec l’une des périodes les plus difficiles de l’histoire économique russe contemporaine témoigne de la gravité de la situation actuelle. Les pénuries de carburant affectent non seulement les automobilistes mais aussi les entreprises de transport, les agriculteurs et toutes les activités économiques dépendantes de la logistique routière, créant un effet domino qui menace de paralyser des pans entiers de l’économie russe.
La flambée des prix et ses conséquences sociales
L’impact le plus visible de la campagne de frappes ukrainiennes se manifeste dans la flambée des prix du carburant en Russie. Les prix de gros de l’essence ont augmenté de 40 à 50% depuis janvier 2025, une hausse sans précédent qui commence à se répercuter sur les prix de détail malgré les tentatives du gouvernement russe de contenir l’inflation par des subventions et des contrôles administratifs. Cette augmentation spectaculaire des prix du carburant affecte directement le pouvoir d’achat des Russes, particulièrement dans les régions où les salaires sont plus bas et où les habitants dépendent fortement de leur véhicule pour leurs déplacements quotidiens. Le carburant représente en effet une part significative du budget des ménages russes, et son augmentation rapide contribue à éroder le niveau de vie déjà fragilisé par les sanctions économiques et les coûts de la guerre.
Les conséquences sociales de cette flambée des prix commencent à se manifester de manière préoccupante pour les autorités russes. Dans plusieurs villes, des manifestations spontanées ont éclaté devant des stations-service pour protester contre les prix prohibitifs du carburant. Les réseaux sociaux russes regorgent de témoignages de citoyens exprimant leur colère face à une situation qu’ils jugent intolérable. Le journal d’affaires Kommersant, pourtant généralement aligné sur la ligne du Kremlin, a ouvertement attribué la pénurie aux « arrêts non planifiés des raffineries », reconnaissant implicitement l’impact des frappes ukrainiennes. Cette transparence inhabituelle dans les médias contrôlés par l’État témoigne de la difficulté croissante pour les autorités russes de masquer la réalité de la crise énergétique. La hausse des prix du carburant risque de déclencher une spirale inflationniste affectant l’ensemble des biens de consommation, un scénario cauchemardesque pour le gouvernement russe qui fait déjà face à des difficultés économiques considérables.
Il y a quelque chose de profondément juste dans cette situation : la Russie, qui a utilisé le pétrole comme arme géopolitique pendant des décennies, se retrouve maintenant victime de sa propre dépendance énergétique. Chaque centime d’augmentation du prix du carburant en Russie est le prix du sang versé en Ukraine. Poutine pensait que les Russes accepteraient de sacrifier leur niveau de vie pour sa « guerre sainte » contre l’Ukraine ; il découvre maintenant que lorsque le prix de l’essence augmente de 50%, le patriotisme a ses limites. C’est une leçon fondamentale : les régimes autoritaires peuvent contrôler les médias et réprimer l’opposition politique, mais ils ne peuvent pas empêcher les lois de l’économie de s’appliquer. Et ces lois sont impitoyables pour ceux qui les ignorent.
La réponse russe : entre déni et adaptation
La communication officielle : minimiser l’impact pour préserver le moral
Face à la vague de frappes ukrainiennes contre son infrastructure énergétique, le gouvernement russe a adopté une stratégie de communication soigneusement orchestrée visant à minimiser l’impact réel de ces attaques sur l’opinion publique. Les communiqués officiels et les déclarations des responsables russes décrivent systématiquement les incidents comme des feux mineurs rapidement maîtrisés, provoqués par des « débris de drone » plutôt que par des frappes directes et délibérées. Lors de l’attaque du 26 septembre 2025 contre la raffinerie d’Afipsky, par exemple, les autorités régionales ont parlé d’un « incendie de 30 mètres carrés rapidement éteint », une description qui contrastait fortement avec les images montrant des flammes considérables s’élevant de l’installation. Cette rhétorique de minimisation vise à maintenir le moral de la population russe et à éviter de reconnaître l’efficacité de la stratégie ukrainienne.
La stratégie de communication russe s’appuie également sur le contrôle strict des médias nationaux, qui évitent de relayer les informations les plus alarmantes sur la situation énergétique du pays. Les chaînes de télévision contrôlées par l’État continuent de présenter une image de normalité économique, ignorant ou minimisant les reports sur les files d’attente devant les stations-service ou sur la fermeture de centaines d’établissements. Le porte-parole du Kremlin, Dmitry Peskov, a déclaré lors d’un briefing récent que « le gouvernement prend les mesures nécessaires » pour faire face aux pénuries, affirmant que la situation « reste sous contrôle ». Cette détermination à afficher une façade de normalité contraste avec les mesures d’urgence prises en coulisses, comme l’extension de l’interdiction partielle d’exporter de l’essence jusqu’à la fin de 2025, une reconnaissance indirecte que le marché intérieur ne peut plus être approvisionné correctement. Cette double communication, public rassurant et mesures d’urgence inquiétantes, crée une dissonance croissante entre le discours officiel et la réalité vécue par les citoyens russes.
Les mesures d’urgence et leurs limites structurelles
Malgré le discours officiel rassurant, le gouvernement russe a dû prendre des mesures d’urgence de plus en plus contraignantes pour tenter de maîtriser la crise énergétique. L’annonce par le vice-Premier ministre Alexander Novak de l’extension de l’interdiction partielle d’exporter de l’essence jusqu’à la fin de 2025 constitue la reconnaissance la plus évidente de la gravité de la situation. Cette mesure vise à réserver la production limitée de carburant au marché intérieur, mais elle se heurte à plusieurs obstacles structurels. Premièrement, de nombreuses raffineries russes sont configurées pour produire des types spécifiques de carburants destinés à l’export, et leur reconversion pour satisfaire les besoins du marché domestique nécessite des modifications techniques complexes et coûteuses. Deuxièmement, l’interdiction d’exportation prive la Russie de revenus considérables, réduisant d’autant sa capacité à financer son effort de guerre et à soutenir son économie.
Les autorités russes ont également dû instaurer des rationnements de carburant dans plusieurs régions, une mesure extrême qui rappelle les périodes de pénurie de l’époque soviétique. Ces rationnements, limitant les achats à 10-20 litres par client, créent des difficultés considérables pour les entreprises qui dépendent du transport routier et pour les habitants des zones rurales qui doivent parcourir de longues distances pour leurs activités quotidiennes. Le gouvernement a également augmenté les subventions aux compagnies pétrolières pour tenter de contenir la hausse des prix, mais cette mesure représente un coût budgétaire considérable à un moment où les dépenses militaires atteignent des niveaux records. Selon Vladimir Milov, ancien vice-ministre de l’Énergie sous Poutine devenu opposant en exil, ces mesures « ne sauveront pas le marché domestique » car le problème structurel reste la réduction drastique de la capacité de raffinage. La Russie se retrouve confrontée à un dilemme impossible : continuer à exporter du pétrole brut pour financer sa guerre tout en manquant de carburant raffiné pour son marché intérieur.
Ce qui me frappe le plus dans la réponse russe à cette crise, c’est cette capacité almost surhumaine à déformer la réalité. Pendant que des centaines de stations-service ferment et que les prix du carburant flambent, les officiels russes continuent d’affirmer que « tout est sous contrôle ». C’est le même déni de réalité qui a caractérisé la stratégie russe en Ukraine depuis le début : une confiance aveugle dans sa propre supériorité qui les empêche de voir la vérité en face. Poutine et son équipe pensaient pouvoir mener cette guerre sans en payer le prix économique ; ils découvrent maintenant que chaque drone ukrainien qui frappe une raffinerie est une facture qui se présente à la caisse de l’économie russe. Et cette facture devient de plus en plus salée.
L'impact sur la machine de guerre russe
Des difficultés logistiques croissantes pour l’armée
Les frappes ukrainiennes contre les raffineries commencent à affecter de manière significative la capacité logistique de l’armée russe, particulièrement dans le sud de l’Ukraine où les combats sont les plus intenses. La réduction de la production de diesel et de kérosène aviation dans les raffineries du sud de la Russie, dont celle d’Afipsky, crée des tensions sur l’approvisionnement des unités militaires russes déployées en première ligne. Les unités blindées russes, qui consomment des quantités considérables de carburant, doivent désormais composer avec des livraisons plus irrégulières et des allocations réduites. Cette situation affecte directement leur capacité opérationnelle, limitant leur mobilité et les forçant à adopter des postures plus défensives pour économiser leur carburant. Les commandants russes sur le terrain rapportent des difficultés croissantes pour planifier leurs opérations, contraints de prendre en compte les contraintes logistiques dans leurs décisions tactiques.
L’impact sur les opérations aériennes russes est particulièrement préoccupant pour le commandement militaire. La réduction de la production de kérosène aviation dans les raffineries du sud de la Russie affecte la capacité des avions de combat russes à mener leurs missions de frappe et d’appui aux troupes au sol. Les pilotes russes signalent des restrictions sur leurs heures de vol d’entraînement et une priorisation des missions opérationnelles essentielles au détriment des patrouilles de maintien de pression sur les positions ukrainiennes. Cette réduction de l’activité aérienne russe permet aux forces de défense aérienne ukrainiennes de mieux se concentrer sur la protection des infrastructures critiques et des zones civiles. Les analystes militaires notent que cette contrainte logistique commence à se manifester dans la baisse d’intensité des opérations russes dans certains secteurs du front, particulièrement dans les régions où les lignes d’approvisionnement sont les plus longues et les plus vulnérables.
Les répercussions financières sur l’effort de guerre
Au-delà des aspects purement logistiques, les frappes ukrainiennes contre les raffineries russes ont des conséquences financières directes sur la capacité de la Russie à financer son effort de guerre. Chaque baril de produits raffinés qui n’est pas produit représente non seulement une perte de revenus d’exportation mais aussi un coût supplémentaire pour l’État russe qui doit compenser les manques par des subventions ou des importations plus coûteuses. Les experts financiers estiment que la campagne de frappes ukrainiennes coûte à la Russie plusieurs milliards de dollars par mois en pertes de revenus et en coûts de mitigation directs. Cette hémorragie financière intervient à un moment où le budget militaire russe atteint des niveaux historiques, représentant plus de 30% des dépenses totales de l’État.
L’impact financier se manifeste également dans la réduction des capacités d’investissement dans le complexe militaro-industriel russe. Les fonds qui devraient normalement être alloués au développement de nouveaux systèmes d’armes et à la modernisation des équipements existants doivent désormais être redirigés vers la réparation des infrastructures énergétiques endommagées et au soutien du marché intérieur du carburant. Cette réallocation des ressources affecte à terme la capacité de la Russie à maintenir son avantage technologique face à une Ukraine soutenue par l’Occident. Les économistes russes indépendants préviennent que cette situation pourrait créer une spirale négative où la réduction des capacités militaires russes obligerait Moscou à consacrer une part encore plus grande de son budget à l’effort de guerre, au détriment des besoins essentiels de la population civile. Cette pression financière croissante pourrait finalement contraindre le Kremlin à rechercher une solution négociée au conflit, une perspective qui semble cependant encore lointaine face à la détermination affichée par Vladimir Poutine.
Il y a quelque chose de terriblement efficace dans cette stratégie ukrainienne : chaque drone qui frappe une raffinerie russe est un missile financier qui frappe le cœur de la capacité de Poutine à financer sa guerre. Pendant des années, la Russie a accumulé des réserves financières considérables grâce aux revenus du pétrole, se croyant à l’abri des pressions économiques. Elle découvre maintenant que ces mêmes infrastructures pétrolières qui ont fait sa richesse sont devenues sa plus grande vulnérabilité. C’est le paradoxe ultime de cette guerre : plus la Russie dépend du pétrole pour financer son effort de guerre, plus elle devient vulnérable aux frappes économiques de l’Ukraine. Et chaque jour qui passe, cette vulnérabilité devient plus visible, plus douloureuse, et potentiellement plus décisive dans l’issue de ce conflit.
Les implications géopolitiques régionales
La réaction des pays voisins et leurs calculs stratégiques
La campagne de frappes ukrainiennes contre les raffineries russes provoque des réactions variées parmi les pays voisins de la Russie, qui doivent désormais adapter leurs stratégies énergétiques et géopolitiques à cette nouvelle réalité. Les pays d’Europe centrale et orientale, traditionnellement dépendants du pétrole raffiné russe, ont accéléré leur diversification des sources d’approvisionnement, renforçant leurs liens avec les fournisseurs du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord. La Pologne, la Hongrie et la République tchèque ont augmenté leurs stocks stratégiques de carburant et investi dans de nouvelles capacités de stockage pour faire face à d’éventuelles interruptions de livraisons russes. Cette réorientation rapide vers de nouveaux fournisseurs affaiblit l’influence énergétique traditionnelle de Moscou dans la région, un processus qui avait déjà commencé avec la crise gazière mais qui s’accélère maintenant avec la crise des produits raffinés.
Les pays du Caucase et d’Asie centrale, qui font partie intégrante de l’espace économique et sécuritaire russe, se trouvent dans une position particulièrement délicate. D’un côté, ils restent dépendants économiquement de la Russie et hésitent à critiquer ouvertement la politique de Moscou. De l’autre, ils sont directement exposés aux conséquences de la crise énergétique russe, qui affecte leurs propres approvisionnements en carburant et leurs économies. L’Azerbaïdjan et le Kazakhstan, deux producteurs importants de pétrole, cherchent à profiter de la situation pour augmenter leurs exportations vers l’Europe et l’Asie, réduisant ainsi leur dépendance économique vis-à-vis de la Russie. La Turquie, qui joue un rôle de médiateur dans le conflit, renforce sa position comme plaque tournante énergétique régionale, augmentant ses capacités de raffinage pour répondre à la demande croissante de produits pétroliers de la part des pays traditionnellement approvisionnés par la Russie.
Les ajustements sur les marchés mondiaux de l’énergie
La réduction drastique de la capacité de raffinage russe provoque des réajustements significatifs sur les marchés mondiaux de l’énergie, créant à la fois des opportunités et des défis pour les différents acteurs du secteur. Les raffineurs américains, européens et asiatiques augmentent leur production pour répondre à la demande croissante de produits raffinés, particulièrement en Europe et en Asie où la demande reste forte. Cette augmentation de la production se fait à des prix plus élevés, bénéfiques pour les compagnies pétrolières internationales mais inflationnistes pour les consommateurs mondiaux. Les pays du Moyen-Orient, notamment l’Arabie Saoudite et les Émirats Arabes Unis, profitent de cette situation pour augmenter leurs exportations de produits raffinés et renforcer leur position sur les marchés européens et asiatiques traditionnellement dominés par la Russie.
La crise russe déclenche également une accélération des investissements dans de nouvelles capacités de raffinage à travers le monde. Des projets qui étaient considérés comme marginaux avant la guerre deviennent maintenant prioritaires pour de nombreux pays qui cherchent à réduire leur dépendance vis-à-vis de la Russie. L’Inde, par exemple, accélère ses programmes de construction de nouvelles raffineries pour répondre à la fois à sa demande intérieure croissante et aux opportunités d’exportation. L’Afrique, qui importe traditionnellement la majorité de ses produits raffinés, voit émerger des projets de nouvelles raffineries au Nigeria, en Angola et en Afrique du Sud, portés par des investisseurs internationaux qui y voient une opportunité de répondre à la demande continentale tout en réduisant la dépendance historique vis-à-vis des importations européennes et russes.
Ce qui me fascine dans cette crise, c’est comment elle révèle les vraies dynamiques du pouvoir mondial. Pendant des décennies, la Russie a utilisé son énergie comme levier géopolitique, pensant que cela lui assurerait une influence permanente sur ses voisins et sur le monde. Elle découvre maintenant que cette dépendance énergétique est une arme à double tranchant : quand les infrastructures énergétiques deviennent des cibles militaires, le pouvoir qu’elles confèrent peut se transformer en vulnérabilité existentielle. Les pays qui dépendaient du pétrole russe ne pleurent pas la perte de cette dépendance ; ils y voient une opportunité de se libérer d’une emprise qu’ils n’avaient pas choisie. C’est peut-être le véritable héritage de cette guerre : la fin de l’arme énergétique russe et l’émergence d’un nouvel ordre énergétique mondial plus diversifié et potentiellement plus stable.
La technologie derrière les frappes ukrainiennes
Les capacités de drones longue portée développées par l’Ukraine
La réussite de la campagne de frappes ukrainiennes contre les raffineries russes repose sur des avancées technologiques remarquables dans le domaine des drones longue portée. L’industrie ukrainienne de la défense, avec le soutien de partenaires occidentaux, a développé une nouvelle génération de drones capables de parcourir des distances allant jusqu’à 2 000 kilomètres, comme l’a officiellement annoncé le commandement militaire ukrainien. Ces systèmes, développés localement malgré les contraintes de guerre, combinent des technologies sophistiquées de navigation, de propulsion et de ciblage qui leur permettent d’atteindre des cibles profondément enfouies dans le territoire russe tout en contournant les systèmes de défense aérienne russes. Les ingénieurs ukrainiens ont particulièrement travaillé sur la réduction de la signature radar de ces appareils et l’optimisation de leurs trajectoires pour voler à basse altitude en utilisant le relief du terrain comme camouflage naturel.
La réussite technologique ukrainienne est d’autant plus remarquable qu’elle a été développée sous la pression constante de la guerre et malgré les destructions massives des infrastructures industrielles du pays. Les centres de recherche et développement ukrainiens ont opéré dans des conditions extrêmes, souvent délocalisés dans des bunkers souterrains ou des sites dispersés pour éviter leur destruction par les frappes russes. Cette résilience industrielle a permis à l’Ukraine de développer non seulement les drones eux-mêmes mais aussi tout l’écosystème technologique nécessaire à leur emploi opérationnel : systèmes de communication cryptés, stations de contrôle mobiles, centres d’analyse de données et chaînes logistiques de maintenance. Les analystes militaires occidentaux estiment que l’Ukraine a réussi à créer en moins de trois ans une capacité de frappe de précision longue portée qui aurait normalement nécessité une décennie de développement en temps de paix.
L’intelligence artificielle et la précision des frappes
L’efficacité remarquable des frappes ukrainiennes contre les raffineries russes s’explique en grande partie par l’intégration croissante de l’intelligence artificielle dans les systèmes de ciblage et de navigation des drones. Les systèmes ukrainiens utilisent des algorithmes d’apprentissage automatique pour analyser en temps réel les données de surveillance satellitaire, les rapports de renseignement humain et les images thermiques pour identifier les points les plus vulnérables des installations cibles. Cette approche permet aux planificateurs de mission ukrainiens de déterminer avec une précision remarquable quels équipements spécifiques viser pour maximiser l’impact opérationnel tout en minimisant les risques pour les populations civiles environnantes. Les drones modernes ukrainiens sont capables d’ajuster leur trajectoire en cours de mission pour répondre aux changements des conditions météorologiques ou aux nouvelles informations sur les défenses anti-aériennes ennemies.
L’utilisation de l’intelligence artificielle s’étend également à l’analyse post-frappe, avec des systèmes automatiques qui évaluent l’efficacité des attaques en comparant les images satellitaires avant et après les frappes. Cette capacité d’évaluation rapide permet aux forces ukrainiennes d’ajuster continuellement leurs tactiques et de cibler les réparations russes pour empêcher la restauration complète des capacités de production. Les experts notent que cette boucle de rétroaction basée sur l’IA crée un avantage opérationnel significatif pour l’Ukraine, lui permettant d’apprendre et de s’adapter beaucoup plus rapidement que les forces russes, dont les systèmes de commandement sont plus centralisés et moins flexibles. Cette supériorité technologique dans le domaine du ciblage de précision représente l’un des facteurs clés qui expliquent le succès disproportionné des frappes ukrainiennes par rapport aux ressources investies.
Il y a quelque chose de presque poétique dans cette victoire technologique ukrainienne. Pendant que la Russie dépense des milliards dans des systèmes d’armes conventionnels de plus en plus sophistiqués mais finalement peu adaptés à ce type de conflit, l’Ukraine, avec des moyens bien plus limités, développe des solutions technologiques parfaitement adaptées à ses besoins stratégiques. C’est le parfait exemple du principe selon lequel ce n’est pas la technologie la plus complexe qui gagne, mais celle qui est la mieux adaptée au contexte opérationnel. Chaque drone ukrainien qui frappe une raffinerie russe est un symbole de cette capacité d’innovation sous pression, de cette capacité à transformer des contraintes extrêmes en avantages compétitifs. C’est peut-être là la véritable leçon de cette guerre pour l’avenir des conflits armés : la supériorité ne viendra plus de la quantité d’acier ou d’électronique, mais de la qualité de l’innovation et de l’adaptation.
Les répercussions environnementales et humaines
L’impact écologique des frappes sur les installations pétrolières
Les frappes répétées contre les raffineries russes provoquent des conséquences environnementales significatives qui affectent non seulement les régions immédiatement voisines des installations cibles mais aussi des zones beaucoup plus vastes. Chaque incendie dans une raffinerie libère dans l’atmosphère des quantités considérables de polluants toxiques, incluant des hydrocarbures aromatiques polycycliques, du dioxyde de soufre, des oxydes d’azote et des particules fines dangereuses pour la santé humaine. Les spécialistes de l’environnement estiment que les incendies survenus dans les raffineries russes depuis août 2025 ont rejeté dans l’atmosphère une quantité de polluants équivalente à plusieurs années d’émissions industrielles normales. Ces substances se propagent sur des centaines de kilomètres, affectant la qualité de l’air dans des régions éloignées des sites des frappes et posant des risques sérieux pour les populations locales, particulièrement les enfants, les personnes âgées et celles souffrant de maladies respiratoires chroniques.
Les dégazages et fuites de produits pétroliers qui accompagnent souvent ces frappes contaminent également les sols et les cours d’eau environnants, créant des dommages écologiques qui persisteront longtemps après la fin des hostilités. Les nappes de pétrole qui se forment lors des incidents peuvent s’infiltrer dans les nappes phréatiques, contaminant les sources d’eau potable et affectant les écosystèmes aquatiques sur des décennies. Les experts environnementaux russes, malgré les pressions du gouvernement pour minimiser l’impact de ces incidents, ont publiquement exprimé leur préoccupation concernant la contamination à long terme des terres agricoles du kraï de Krasnodar, l’une des régions les plus fertiles de Russie. Les sols contaminés par les hydrocarbures perdent leur capacité à supporter les cultures, affectant non seulement l’environnement mais aussi la sécurité alimentaire locale. Ces dommages environnementaux représentent un coût caché mais considérable de la guerre, un coût qui continuera à affecter les générations futures bien après que les derniers canons se soient tus.
Les populations civiles prises entre deux feux
Les populations civiles vivant à proximité des raffineries russes se retrouvent prises dans une situation particulièrement difficile, confrontées simultanément aux risques des frappes ukrainiennes et aux conséquences environnementales et économiques de ces mêmes frappes. Dans les villes comme Afipsky, Krasnodar ou Touapsé, les habitants doivent composer avec la menace constante de nouvelles attaques, les nuages de fumée toxique des incendies, et la dégradation progressive de leurs conditions de vie due aux pénuries de carburant et à l’inflation galopante. Les médecins locaux rapportent une augmentation significative des troubles respiratoires et des maux de tête chroniques parmi les populations exposées aux émissions des raffineries endommagées. Les services d’urgence sont dépassés par l’augmentation des demandes d’intervention médicale liées à la pollution atmosphérique.
Sur le plan économique, les employés des raffineries et des entreprises dépendantes de l’industrie pétrolière font face à un avenir incertain. Des milliers de travailleurs ont été placés en chômage technique partiel ou complet suite aux dommages subis par les installations. Les entreprises sous-traitantes, des services de restauration aux entreprises de transport, voient leurs activités drastiquement réduites. Cette situation crée une crise économique locale qui s’ajoute aux difficultés nationales. Les autorités locales tentent de minimiser l’impact social en organisant des programmes de réemploi et en distribuant des aides financières, mais ces mesures restent insuffisantes face à l’ampleur de la crise. Les psychologues notent une augmentation significative des troubles anxieux et dépressifs parmi les populations locales, qui doivent composer avec un stress constant lié à la fois à la situation de guerre et à la dégradation de leurs conditions matérielles. Cette crise humaine, moins visible que les aspects militaires du conflit, représente l’une des conséquences les plus tragiques et durables de la campagne de frappes contre les installations pétrolières russes.
Il y a quelque chose de terriblement cynique dans cette situation : ce sont les populations civiles russes, celles-là mêmes que le Kremlin prétend défendre, qui paient le prix le plus élevé de cette guerre d’agression. Les habitants d’Afipsky ou de Krasnodar n’ont rien demandé à personne, ils ne sont responsables ni des décisions politiques de Moscou ni de la stratégie militaire ukrainienne. Pourtant, ce sont eux qui respirent l’air pollué des raffineries en flammes, qui perdent leur emploi, qui voient leur niveau de vie se dégrader jour après jour. C’est la tragédie fondamentale de toutes les guerres : les civilis paient toujours le prix des ambitions des dirigeants. Poutine pense mener une « opération militaire spéciale » pour défendre la Russie ; en réalité, il est en train de détruire les conditions de vie des millions de Russes ordinaires qui n’ont rien demandé.
Les perspectives d'évolution du conflit
Les scénarios possibles pour les mois à venir
Les analystes militaires et stratégiques envisagent plusieurs scénarios possibles pour l’évolution de la campagne de frappes contre les installations pétrolières russes dans les mois à venir. Le scénario le plus probable, selon les experts de l’Institute for the Study of War, est une continuation et une intensification des frappes ukrainiennes, avec des cibles de plus en plus stratégiques et des drones de plus en plus sophistiqués. L’Ukraine dispose encore d’un potentiel considérable pour étendre sa campagne à des raffineries jusqu’à présent épargnées, particulièrement dans les régions de l’Oural et de Sibérie occidentale. Chaque succès ukrainien renforce la confiance des planificateurs de Kiev et encourage l’investissement dans de nouvelles capacités de frappe longue portée. Cependant, ce scénario dépendra de la capacité de l’Ukraine à maintenir ses chaînes d’approvisionnement en composants critiques malgré les tentatives russes d’interdiction et de sabotage.
Un deuxième scénario envisageable impliquerait une réaction russe plus efficace, avec une amélioration significative des défenses anti-aériennes autour des installations critiques. La Russie pourrait déployer de nouveaux systèmes de missile sol-air comme le S-500 ou des systèmes laser de défense anti-drone autour de ses raffineries les plus importantes. Elle pourrait également intensifier ses campagnes de frappes contre les centres de production de drones ukrainiens et leurs chaînes logistiques. Ce scénario pourrait conduire à une stabilisation de la situation, avec une réduction du taux de réussite des frappes ukrainiennes mais sans élimination complète de la menace. Un troisième scénario, plus optimiste pour la Russie, impliquerait une résolution diplomatique du conflit ou une désescalade significative qui mettrait fin aux frappes économiques. Cependant, ce scénario semble peu probable à court terme compte tenu des positions irréconciliables des deux parties et de l’investissement stratégique considérable que l’Ukraine a consenti dans cette campagne de frappes.
Les facteurs qui pourraient influencer l’issue de cette guerre économique
Plusieurs facteurs critiques pourraient déterminer l’évolution et l’issue finale de cette guerre économique entre l’Ukraine et la Russie. Le premier facteur est la capacité de l’industrie de défense ukrainienne à maintenir et développer ses capacités de production de drones à long terme. Cette capacité dépendra non seulement des livraisons continues de composants critiques de la part des alliés occidentaux mais aussi de la résilience des infrastructures industrielles ukrainiennes face aux frappes russes. Le deuxième facteur crucial est la capacité de la Russie à adapter son économie à cette nouvelle réalité, en diversifiant ses sources de production de carburant et en améliorant ses défenses contre les frappes de drones. La Russie dispose d’importantes réserves financières et d’une capacité d’adaptation historiquement démontrée face aux crises économiques, mais les sanctions internationales et l’isolement technologique limitent aujourd’hui ses options.
Le troisième facteur, souvent sous-estimé, est la résilience de la population russe face aux difficultés économiques croissantes. Jusqu’à présent, la majorité de la population russe a accepté les sacrifices liés à la guerre, mais l’extension et la durabilité des pénuries de carburant pourraient tester cette résilience. Un quatrième facteur important est l’évolution du soutien international à l’Ukraine. Les pays occidentaux continuent de fournir un soutien financier et technologique crucial à l’Ukraine, mais la fatigue politique et les priorités domestiques pourraient affecter ce soutien à long terme. Enfin, les innovations technologiques futures dans le domaine des drones et des systèmes de défense anti-drone pourraient fondamentalement changer l’équilibre des forces. L’arrivée de nouvelles générations de drones plus autonomes, plus rapides et plus difficiles à détecter pourrait donner à l’Ukraine un avantage décisif, tandis que le déploiement de systèmes de défense laser ou de réseaux de drones intercepteurs pourrait permettre à la Russie de mieux protéger ses installations critiques.
Ce qui m’inquiète le plus dans cette évolution, c’est que nous entrons dans une phase où les calculs économiques et militaires deviennent de plus en plus complexes et potentiellement de plus en plus dangereux. Chaque camp pense que la pression économique finira par faire plier l’autre, personne ne veut reculer, et les deux parties investissent des ressources considérables dans cette guerre économique parallèle. Le risque est que cette escalade économique finisse par déborder vers des formes de confrontation plus directes et plus difficiles à contrôler. Poutine se retrouve pris dans son propre piège : plus il investit dans cette guerre, plus il devient vulnérable économiquement, plus il doit investir pour protéger cette économie, créant un cercle vicieux difficile à briser. La seule vraie solution reste politique, mais les conditions pour une solution politique semblent s’éloigner chaque jour plutôt que de se rapprocher.
Les leçons pour l'avenir de la guerre moderne
La redéfinition de la notion de front et de profondeur stratégique
La campagne de frappes ukrainiennes contre les raffineries russes illustre une transformation fondamentale de la notion même de front dans les conflits modernes. Traditionnellement, les zones arrière étaient considérées comme relativement sûres, protégées par la distance et les défenses frontalières. Aujourd’hui, avec l’émergence des drones longue portée et des missiles de précision, cette distinction entre zones de combat et zones arrière devient de plus en plus floue. La raffinerie d’Afipsky, située à 200 kilomètres du front, ou celle de Gazprom Neftekhim Salavat, à plus de 1 100 kilomètres des zones de combat, démontrent qu’aucune installation industrielle, aussi éloignée soit-elle, ne peut plus être considérée comme à l’abri des frappes ennemies. Cette réalité oblige les planificateurs militaires à repenser complètement leurs concepts de défense territoriale et de protection des infrastructures critiques.
Cette redéfinition de la profondeur stratégique a des implications considérables pour la planification militaire et civile de tous les pays. Les nations doivent désormais considérer leurs infrastructures énergétiques, industrielles et de transport comme des cibles potentielles en temps de guerre, même si elles sont situées profondément à l’intérieur de leur territoire. Cette réalité impose des investissements considérables dans la défense anti-aérienne, la protection des sites critiques, et la redondance des systèmes essentiels. Les pays qui réussiront à s’adapter à cette nouvelle réalité auront un avantage stratégique significatif dans les conflits futurs. La guerre en Ukraine démontre également que la supériorité militaire conventionnelle ne garantit plus la protection du territoire national face à des acteurs déterminés disposant de capacités de frappe de précision longue portée. Même la Russie, avec son immense arsenal militaire, se révèle incapable de protéger entièrement son territoire contre des frappes économiques ciblées.
L’économie comme champ de bataille principal
Le conflit ukrainien illustre également une tendance de fond dans la guerre moderne : l’économie devient un champ de bataille aussi important que les opérations militaires conventionnelles. Les frappes contre les raffineries russes ne visent pas directement à détruire des capacités militaires mais à saper la base économique qui permet à la Russie de financer et de soutenir son effort de guerre. Cette approche représente une évolution significative par rapport aux conflits traditionnels, où l’objectif principal était la destruction directe des forces ennemies. Aujourd’hui, affaiblir l’économie de l’adversaire peut s’avérer plus efficace et moins coûteux en vies humaines que des opérations militaires conventionnelles de grande envergure. Cette stratégie économique impose aux planificateurs militaires de développer une compréhension profonde des vulnérabilités économiques de leurs adversaires.
La guerre économique moderne prend de multiples formes : frappes contre les infrastructures critiques, cyberattaques contre les systèmes financiers, sanctions économiques ciblées, manipulation des marchés de matières premières. La Russie elle-même a utilisé pendant des années l’énergie comme arme économique contre ses voisins ; elle découvre maintenant que cette même arme peut être retournée contre elle avec une efficacité dévastatrice. Cette réalité suggère que les conflits futurs opposeront de moins en moins des armées conventionnelles et de plus en plus des stratèges économiques et technologiques. Les nations qui investiront dans la résilience économique, la diversification de leurs approvisionnements critiques et la protection de leurs infrastructures essentielles auront un avantage décisif dans les conflits du XXIe siècle. La guerre en Ukraine nous enseigne que la victoire militaire conventionnelle n’est plus garante de la victoire stratégique globale ; une armée peut dominer sur le champ de batailage tout en s’effondrant sur le front économique.
Ce qui me fascine dans cette transformation, c’est comment elle révèle les changements fondamentaux dans la nature même du pouvoir. Pendant des siècles, le pouvoir militaire reposait sur la capacité de projeter la force physique, de conquérir des territoires, de détruire des armées ennemies. Aujourd’hui, le pouvoir repose de plus en plus sur la capacité à frapper l’adversaire là où il est le plus vulnérable économiquement et technologiquement. Poutine a construit sa stratégie sur la vision traditionnelle du pouvoir militaire, investissant des milliards dans des chars, des avions et des missiles. L’Ukraine, avec des moyens bien plus limités, a compris que le vrai pouvoir au XXIe siècle réside dans la capacité à frapper l’économie, les technologies et les chaînes logistiques de l’adversaire. C’est une leçon que le monde entier devrait méditer : les guerres futures ne seront pas gagnées par ceux qui ont le plus d’armes, mais par ceux qui ont la meilleure compréhension des vulnérabilités systémiques de leurs adversaires.
Conclusion : quand l'économie devient le véritable champ de bataille
Les leçons stratégiques du conflit ukrainien
La campagne de frappes ukrainiennes contre les raffineries russes, dont l’attaque du 29 novembre 2025 contre la raffinerie d’Afipsky constitue l’un des épisodes les plus significatifs, nous enseigne plusieurs leçons fondamentales sur la nature de la guerre au XXIe siècle. La première leçon est que la supériorité militaire conventionnelle ne garantit plus la protection territoriale ni la victoire stratégique. La Russie, avec son armée massive et son arsenal sophistiqué, se révèle incapable de protéger ses installations industrielles critiques contre des frappes menées avec des technologies relativement simples mais parfaitement adaptées à leur objectif. Cette réalité démontre que l’innovation technologique et l’adaptation tactique peuvent l’emporter sur la supériorité matérielle brute, une leçon qui devrait inspirer une profonde réforme des doctrines militaires dans le monde entier.
La deuxième leçon concerne la centralité de l’économie comme champ de bataille principal dans les conflits modernes. En s’attaquant à la capacité de la Russie à produire et à distribuer du carburant, l’Ukraine frappe plus directement et plus efficacement la machine de guerre russe que ne le feraient des opérations militaires conventionnelles de grande envergure. Cette approche économique de la guerre impose aux nations de reconsiderer complètement leurs priorités en matière de sécurité nationale. La protection des infrastructures critiques, la résilience économique et la diversification des chaînes d’approvisionnement deviennent aussi importantes que les capacités militaires traditionnelles pour garantir la sécurité et la souveraineté nationales. Les pays qui ignoreront cette leçon se retrouveront vulnérables face à des adversaires qui comprennent que le XXIe siècle appartient à ceux qui savent combiner la force militaire avec l’intelligence économique et technologique.
Vers un nouvel ordre mondial énergétique et sécuritaire
La crise provoquée par les frappes ukrainiennes contre les raffineries russes accélère une transformation plus large du système énergétique mondial qui redéfinira les équilibres de pouvoir pour les décennies à venir. La dépendance historique de nombreux pays vis-à-vis du pétrole raffiné russe s’effondre rapidement, poussant les consommateurs mondiaux à diversifier leurs approvisionnements et à investir dans de nouvelles capacités de raffinage. Cette transition, bien que provoquée par un conflit tragique, pourrait finalement conduire à un système énergétique mondial plus diversifié, plus résilient et potentiellement plus stable. Les pays qui profitent de cette transition pour développer leurs propres capacités de raffinage et réduire leur dépendance énergétique émergeront renforcés de cette crise, tandis que ceux qui restent dépendants d’approvisionnements concentrés s’exposeront à de nouvelles vulnérabilités.
Sur le plan sécuritaire, ce conflit démontre que les notions traditionnelles de défense territoriale doivent être complètement repensées. La distance n’est plus une protection efficace contre des frappes de précision, et la distinction entre zones de combat et zones arrière devient de plus en plus artificielle. Les nations doivent désormais concevoir leurs stratégies de défense en prenant en compte la vulnérabilité de toutes leurs infrastructures critiques, quelle que soit leur localisation géographique. Cette réalité imposera des investissements considérables dans les systèmes de défense anti-aérienne, les technologies de détection et d’interception, et la protection physique des sites essentiels. Plus fondamentalement, elle devrait encourager une approche plus coopérative de la sécurité internationale, reconnaissant que dans un monde où les menaces peuvent frapper n’importe où, aucune nation ne peut garantir seule sa sécurité absolue.
En conclusion, cette guerre contre les raffineries russes nous révèle une vérité profonde sur notre époque : le pouvoir ne réside plus seulement dans la capacité de détruire, mais dans la capacité de comprendre et d’exploiter les vulnérabilités systémiques de l’adversaire. L’Ukraine, nation agressée, a découvert comment frapper la Russie là où ça fait vraiment mal, pas en détruisant des tanks ou des avions, mais en sapant sa capacité économique à poursuivre cette guerre absurde. C’est une leçon que le monde entier devrait méditer : les vraies batailles du XXIe siècle se livreront de moins en moins sur les champs de bataille traditionnels et de plus en plus dans les circuits économiques, les réseaux technologiques et les chaînes logistiques qui soutiennent nos sociétés. Et dans ces nouveaux champs de bataille, l’innovation, l’adaptabilité et l’intelligence stratégique l’emporteront toujours sur la force brute. La véritable leçon de l’Ukraine est qu’une nation déterminée, même relativement petite, peut infliger des dommages stratégiques considérables à un agresseur beaucoup plus puissant si elle comprend comment frapper là où ça compte vraiment. C’est peut-être là l’espoir le plus important qui émerge de ce conflit tragique : que la puissance n’est plus synonyme d’invincibilité, et que la détermination d’un peuple à défendre sa liberté peut finalement triompher de la force brute d’un agresseur.
Sources primaires
The Kyiv Independent, « Ukraine reportedly strikes Afipsky Oil Refinery in Russia’s Krasnodar Krai », 29 novembre 2025
Reuters, « Russia’s Afipsky refinery douses fire caused by drone debris », 26 septembre 2025
The Moscow Times, « Ukrainian Drones Hit Major Oil Refinery in Southern Russia for Second Time in a Month », 26 septembre 2025
BBC Verify, « Surge in Ukrainian oil refinery attacks sparks Russian fuel shortages », 2 octobre 2025
Déclarations du porte-parole du Kremlin Dmitry Peskov, briefing officiel, novembre 2025
Déclaration du vice-Premier ministre Alexander Novak sur l’extension de l’interdiction d’exportation d’essence, septembre 2025
Sources secondaires
Bloomberg Intelligence, rapport sur l’impact des frappes ukrainiennes sur la capacité de raffinage russe, septembre 2025
Institute for the Study of War, analyse de la campagne de frappes ukrainiennes contre l’infrastructure énergétique russe, octobre 2025
Carnegie Endowment for International Peace, « Can Russia Weather a Fuel Crisis Caused by Ukrainian Drone Strikes? », août 2025
R Street Institute, analyse économique de la crise du carburant en Russie, octobre 2025
Radio Free Europe/Radio Liberty, analyse de l’impact des frappes sur l’économie de guerre russe, novembre 2025
Kommersant, reportages sur les pénuries de carburant et les files d’attente dans les stations-service russes, septembre-novembre 2025
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