Ces systèmes de défense russes qui n’ont servi à rien
La Russie, fidèle à sa doctrine militaire héritée de l’ère soviétique, avait entouré la base de Saky d’un véritable cocon de systèmes de défense antiaérienne censés la rendre impénétrable. Au premier rang de ces défenses figurait le Pantsir-S1, connu sous le code OTAN SA-22 Greyhound, un système combinant missiles sol-air et canons antiaériens automatiques qui représente l’une des pierres angulaires de la défense aérienne rapprochée russe. Développé par le Bureau de conception d’instruments KBP de Toula, le Pantsir-S1 est entré en service en 2003 avec pour mission de protéger les installations militaires, industrielles et administratives contre les avions, hélicoptères, munitions de précision, missiles de croisière et drones, tout en offrant une protection supplémentaire aux systèmes de défense aérienne de longue portée comme les S-300 et S-400. Sur le papier, ses caractéristiques techniques impressionnent : jusqu’à douze missiles 57E6 à deux étages en conteneurs prêts au tir, deux canons automatiques 2A38M de 30 mm, capacité d’engager simultanément quatre cibles, radar de veille capable de pister jusqu’à vingt cibles de la taille d’un avion tactique à une portée de 32 à 36 kilomètres, temps de réaction de quatre à six secondes, et possibilité de tirer en mouvement. La probabilité d’atteindre une cible avec un seul missile est annoncée à pas moins de 0,7. Le système peut fonctionner en mode entièrement automatique et dispose même d’une capacité passive complète. Bref, sur le papier, un cauchemar absolu pour quiconque tenterait de pénétrer son périmètre de protection.
À ses côtés se trouvait le Tor-M2, un autre pilier de la défense antiaérienne russe, connu sous le code OTAN SA-15 Gauntlet. Ce système de défense aérienne à courte portée, monté sur un châssis à chenilles hautement mobile, est en service depuis 1986 et a été spécifiquement conçu pour intercepter les missiles de haute précision dans des conditions météorologiques difficiles et en présence de brouillage électronique intense. Le Tor peut détecter des cibles pendant que le véhicule se déplace, même s’il doit s’arrêter brièvement pour tirer. Les missiles améliorés du Tor-M2 ont une portée allant jusqu’à seize kilomètres et peuvent atteindre des cibles volant jusqu’à dix kilomètres d’altitude à des vitesses pouvant atteindre mille mètres par seconde. Le système est capable d’effectuer des tirs en arrêt court, ne nécessitant que deux à trois secondes pour passer du mouvement à la position stationnaire et au tir du missile. Avec sa capacité à engager quatre cibles simultanément et son équipage réduit à trois personnes, le Tor-M2 représentait théoriquement une barrière quasi insurmontable pour les drones ukrainiens. Sans oublier le modeste mais non moins important canon antiaérien ZU-23-2 de 23 mm monté sur camion KamAZ, ces systèmes plus anciens mais toujours efficaces contre les cibles volant à basse altitude que les forces russes déploient fréquemment comme défense rapprochée contre les essaims de drones. Et pourtant, malgré cet arsenal impressionnant, malgré ces milliards de roubles investis dans ces technologies de pointe, malgré les années de formation de leurs opérateurs, tous ces systèmes ont échoué. Échoué lamentablement. Les drones ukrainiens ont traversé ces défenses comme si elles n’existaient pas, détruisant méthodiquement chaque système avant de s’attaquer aux cibles principales. Comment expliquer un tel fiasco ?
Les drones Orion : le symbole d’une supériorité technologique russe qui n’était qu’illusion
Parmi les cibles prioritaires de la frappe ukrainienne figuraient les entrepôts abritant les drones Orion, ces engins que Moscou présente comme le fleuron de son industrie d’armement dans le domaine des véhicules aériens sans pilote. Développé par le Groupe Kronstadt, l’Orion, également connu sous le nom d’Inokhodets (qui signifie littéralement « marcheur d’allure » en russe), appartient à la catégorie des drones MALE (Medium Altitude, Long Endurance). Sur le papier, encore une fois, ses spécifications techniques semblent respectables pour un système développé par la Russie moderne. L’Orion mesure huit mètres de long avec une envergure de 16,2 mètres et peut emporter une charge utile maximale de deux cents kilogrammes pour un poids total au décollage de mille cent kilogrammes. Son rayon d’action annoncé atteint deux cent cinquante kilomètres, avec une autonomie de vol pouvant aller jusqu’à vingt-quatre heures en configuration de patrouille (ce chiffre tombant drastiquement lorsque le drone transporte son armement maximum). Il peut voler à des altitudes allant jusqu’à sept mille cinq cents mètres et atteindre une vitesse de croisière de deux cents kilomètres par heure. Sous son nez se trouve une tourelle abritant des caméras électro-optiques et infrarouges ainsi qu’un désignateur laser pour le lancement de munitions guidées contre des cibles au sol.
L’arsenal de l’Orion comprend des bombes aériennes guidées KAB-20 et KAB-50, la bombe planante guidée UPAB-50, et le missile guidé X-50. Plus récemment, la Russie a présenté une version équipée de nouveaux missiles guidés Kh-BPLA développés par le Bureau de conception d’instruments, utilisant des composants des systèmes Kornet et Krasnopol, avec une portée de deux à huit kilomètres et une ogive de six kilogrammes. Le drone peut effectuer des missions de reconnaissance visuelle, radar ou radiotechnique dans des zones désignées pendant des périodes prolongées, et est également censé pouvoir détruire de petits objectifs stationnaires, mobiles et en mouvement, équipements militaires et personnel ennemi, patrouiller les frontières maritimes, évaluer l’impact des frappes, effectuer des relevés topographiques et cartographier le terrain. Mais voilà le hic : malgré toutes ces capacités théoriques impressionnantes, l’Orion reste un système relativement rare dans l’arsenal russe. Selon des sources ouvertes, à la fin de 2021, l’armée russe ne disposait que d’un seul système comprenant trois drones Orion. Le portail Oryx, qui comptabilise les pertes d’équipements visuellement confirmées, a dénombré au moins cinq drones de ce type détruits pendant la guerre en Ukraine, ce qui suggère que la production s’est poursuivie après février 2022, mais à un rythme qui reste manifestement limité. La destruction des entrepôts d’Orion à Saky représente donc un coup dur pour un programme qui peine déjà à produire ces engins en quantités significatives, soulignant encore une fois l’écart béant entre les proclamations propagandistes du Kremlin sur sa supériorité technologique et la réalité bien plus prosaïque sur le terrain.
Vous savez ce qui me frappe le plus dans cette histoire de drones Orion ? C’est l’ironie. L’ironie cruelle, presque poétique. La Russie développe ces drones censés dominer le ciel ukrainien, les entrepose précieusement dans ce qu’elle croit être un sanctuaire inviolable en Crimée occupée, et puis… boum. Des drones ukrainiens, peut-être même fabriqués dans des garages par des ingénieurs déterminés, viennent les réduire en cendres. C’est David contre Goliath, version 2025. Et David gagne. Encore et encore.
La Crimée : ce joyau volé qui devient le boulet de Poutine
Mars 2014 : quand Poutine croyait pouvoir réécrire l’histoire à coups de chars
Pour bien comprendre l’importance de ce qui se passe aujourd’hui en Crimée, il faut revenir à ce mois de mars 2014 qui a changé le cours de l’histoire européenne contemporaine. Tout commence dans la nuit du 22 au 23 février 2014, lorsque Vladimir Poutine convoque une réunion marathon avec les chefs de ses services de sécurité pour discuter du retrait du président ukrainien déchu Viktor Ianoukovitch. À la fin de cette réunion nocturne, Poutine lâche une phrase qui résume toute son obsession impérialiste : « Nous devons commencer à travailler sur le retour de la Crimée à la Russie ». Quelques jours plus tard, le 27 février 2014, des hommes armés sans insignes — ces fameux « petits hommes verts » — apparaissent mystérieusement en Crimée. Ils prennent d’assaut le parlement de la péninsule à Simferopol et hissent le drapeau russe. Le lendemain, ils s’emparent de deux aéroports de la région. Le 1er mars, Poutine obtient l’approbation du parlement russe pour envahir l’Ukraine, prétextant une menace contre les vies russes. Le président ukrainien par intérim de l’époque, Oleksandr Tourtchynov, dénonce ce qui est manifestement une « agression directe contre la souveraineté de l’Ukraine ».
Le 6 mars, le Conseil suprême de Crimée vote pour rejoindre formellement la Fédération de Russie après soixante ans au sein de l’État ukrainien. Cette décision doit être soumise au peuple criméen par référendum. Le 16 mars 2014, ce référendum contesté se tient dans une atmosphère d’intimidation après que la Russie a déjà violé la souveraineté territoriale de l’Ukraine. Le chef électoral de Crimée, Mikhaïl Malyshev, annonce que le vote est presque à 97 % en faveur du rattachement à la Fédération de Russie, avec un taux de participation de 83 %, selon la BBC. Les dirigeants occidentaux dénoncent immédiatement ce référendum, affirmant qu’il s’est déroulé dans une atmosphère d’intimidation et après une occupation militaire illéle. Deux jours plus tard, le 18 mars, Poutine signe un traité d’accession avec les dirigeants criméens et déclare que la Russie est dans son droit de récupérer la Crimée. Dans un discours devant une session conjointe du parlement russe, il compare cette annexion à la déclaration d’indépendance du Kosovo en 2008 et à la réunification allemande en 1990. Mais en réalité, c’est la première fois qu’une nation européenne s’empare d’un territoire d’une autre depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Le 11 avril, les législateurs criméens adoptent une nouvelle constitution soutenue par le Kremlin. Sur 100 sièges, 88 députés présents approuvent la constitution dans un vote boycotté par les législateurs opposants. La législation stipule que la Crimée sera « pleinement intégrée à la Russie » d’ici le 1er janvier 2015, après une courte période de transition. Cette annexion illégale n’a été reconnue que par quelques États parias comme la Corée du Nord et le Soudan. Mais en Russie, elle déclenche une vague de patriotisme sans précédent. « Krym nash ! » — « La Crimée est à nous ! » — devient le cri de ralliement national.
L’importance géostratégique qui rend Poutine fou de possessivité
Pourquoi Poutine est-il prêt à sacrifier des dizaines de milliards de dollars, à s’attirer les sanctions occidentales les plus sévères depuis la guerre froide, à voir son économie vaciller, et à envoyer des centaines de milliers de ses soldats à la mort pour conserver cette péninsule en forme de diamant qui s’avance dans la mer Noire ? La réponse tient en un mot : géopolitique. Pour comprendre l’obsession russe pour la Crimée, il faut remonter aux guerres du XIXe siècle, lorsque l’Empire russe et les puissances occidentales se disputaient déjà le contrôle de cette région stratégique. Depuis l’époque des tsars jusqu’à Poutine, la logique géostratégique russe n’a jamais changé : la Crimée est la source militaire, la Turquie est le pivot, et les détroits turcs (le Bosphore et les Dardanelles) sont le passage stratégique dont le contrôle détermine l’accès à la Méditerranée orientale. Pour un pays essentiellement continental comme la Russie, dont la plupart des ports gèlent en hiver, la Crimée offre un accès permanent aux mers chaudes. Le port de Sébastopol, en particulier, ne gèle jamais, ce qui en fait une base navale inestimable pour projeter la puissance russe bien au-delà de ses frontières immédiates.
Mais l’importance de la Crimée va bien au-delà des considérations purement militaires. Sur le plan économique, la péninsule contrôle l’accès aux riches réserves potentielles de pétrole et de gaz naturel dans les eaux de la mer Noire. Sur le plan politique, elle permet à Moscou d’exercer une pression constante sur l’Ukraine et les autres États riverains de la mer Noire. Sur le plan psychologique enfin, la Crimée occupe une place quasi mystique dans l’imaginaire russe. Poutine lui-même a qualifié la péninsule de « lieu sacré » et a poursuivi en justice ceux qui osaient publiquement soutenir qu’elle appartient à l’Ukraine, en particulier les Tatars de Crimée, qui se sont fermement opposés à l’annexion. L’annexion de 2014 a fait grimper en flèche la popularité de Poutine en Russie. Son taux d’approbation, qui était tombé à 65 % en janvier 2014, a bondi à 86 % en juin, selon le Centre Levada, un institut de sondage russe indépendant. Pour le régime de Poutine, la Crimée est devenue le fondement de sa légitimité politique, la preuve tangible qu’il avait restauré la grandeur de la Russie après l’humiliation des années 1990. Comme l’ont noté des analystes du Conseil atlantique, la prise de la Crimée est sans doute l’élément le plus important du récit national de la Russie moderne et la plus grande réalisation de tout le règne de Poutine. Mais aujourd’hui, cette même Crimée qui a fait la gloire de Poutine est en train de devenir son talon d’Achille, le symbole vivant de la vulnérabilité russe face à la détermination ukrainienne.
La campagne systématique de démilitarisation de la Crimée occupée
Une stratégie cohérente qui porte ses fruits mois après mois
La frappe du 28 novembre 2025 sur Saky n’est pas un événement isolé. Loin de là. Elle s’inscrit dans une campagne méthodique et systématique que les forces ukrainiennes mènent depuis des mois pour dégrader les capacités militaires russes en Crimée occupée. Cette stratégie repose sur un principe simple mais redoutablement efficace : aveugler d’abord, frapper ensuite. Les Ukrainiens ont compris qu’avant de pouvoir détruire les cibles de haute valeur, il fallait neutraliser les « yeux » du système de défense russe, c’est-à-dire ses radars et ses systèmes de commandement et de contrôle. Dès le 1er novembre 2025, la Direction principale du renseignement militaire ukrainien (connue sous son acronyme ukrainien GUR) confirmait avoir mené des frappes nocturnes qui avaient mis hors service des éléments essentiels de l’architecture de défense aérienne russe en Crimée, y compris le poste de commandement d’un bataillon de S-400 Triumf. L’attaque, menée dans la nuit du 1er au 2 novembre, aurait détruit un radar multifonctionnel 92N6E et l’équipement d’alimentation électrique autonome alimentant le poste de commandement du S-400, avec des coups supplémentaires sur un radar de surveillance d’aérodrome AORL-1AS et un système VHF P-18 Terek. Cette opération suivait une campagne de plusieurs mois ciblant les capteurs et les radars d’engagement russes à travers la péninsule et s’accompagnait de nouvelles preuves vidéo publiées par Kyiv.
Le développement est pertinent car il dégrade directement le réseau de défense aérienne intégré de la Russie sur la Crimée et les approches de la mer Noire. Pour la Russie, l’impact immédiat est un environnement opérationnel plus risqué sur l’ouest et le centre de la Crimée. Avec un nœud de commandement S-400 perturbé et plusieurs radars hors ligne, les commandants doivent soit dépouiller des actifs d’autres secteurs pour combler l’écart, soit vivre avec une couverture dégradée pendant une période où les frappes ukrainiennes à longue portée se répètent. La réaffectation impose des coûts d’opportunité : les fronts secondaires et les corridors logistiques clés reçoivent moins de protection, et accélère l’usure des systèmes survivants qui sont forcés à des cycles de service plus élevés. Les dommages obligent également à prendre des mesures supplémentaires de protection des forces autour des parcs radar et des postes de commandement, détournant des troupes du génie de combat, des unités de défense aérienne et des équipes de guerre électronique vers des rôles de garde statique. Pour l’Ukraine, les avantages sont tangibles. Premièrement, la réduction de la couverture radar augmente la survivabilité des drones de reconnaissance et de frappe qui sont devenus centraux pour façonner les tirs à travers la Crimée. Deuxièmement, la désactivation des nœuds de contrôle de tir et d’alimentation électrique du S-400 complique les tentatives russes d’intercepter les missiles de croisière ou les roquettes guidées entrants, élargissant le corridor pour les options de frappe en profondeur contre les dépôts de carburant, les magasins de munitions, les nœuds ferroviaires et les sites logistiques maritimes.
La Flotte de la mer Noire : de joyau à épave flottante
Si les attaques contre les installations terrestres sont spectaculaires, elles ne représentent qu’une partie de la campagne ukrainienne en Crimée. L’autre volet, tout aussi dévastateur pour les Russes, concerne la Flotte de la mer Noire, cette force navale historique que Moscou considérait comme sa carte maîtresse pour dominer la région. Formée en 1783, la Flotte de la mer Noire était autrefois considérée comme la principale force russe en Crimée. Mais elle a été presque entièrement chassée et relocalisée au cours des mois qui ont suivi le meurtre de son commandant adjoint en action à Marioupol en mars 2022 et le naufrage de son vaisseau amiral trois semaines plus tard par les forces ukrainiennes terrestres. Le naufrage du croiseur Moskva le 14 avril 2022, touché par des missiles Neptune ukrainiens, a été un coup majeur pour le prestige russe et une victoire symbolique autant que pratique pour Kyiv. C’était le seul navire de la flotte équipé de systèmes de missiles antiaériens capables de défendre une formation navale entière contre les attaques aériennes. Sa perte a rendu la flotte incapable d’opérer librement dans la partie nord-ouest de la mer Noire, et les plans d’un débarquement amphibie près d’Odessa ont dû être abandonnés. À partir de là, les perspectives navales russes ne se sont que détériorées. Outre de multiples remorqueurs, péniches de débarquement et navires logistiques, l’Ukraine a endommagé ou détruit des patrouilleurs russes, des navires de débarquement, un sous-marin, une corvette, deux navires de guerre transportant des missiles, de nombreux navires amphibies et un canot d’assaut à grande vitesse. Beaucoup de ces frappes ont été enregistrées en vidéo, offrant au monde entier le spectacle humiliant de la deuxième armée mondiale se faire décimer par un pays dépourvu de marine digne de ce nom.
Les chiffres sont éloquents. Selon les autorités ukrainiennes et des sources indépendantes, au 8 juin 2024, la flotte russe dans la mer Noire avait subi les pertes suivantes : 22 navires et bateaux détruits (sans compter ceux endommagés de manière irréparable) et 20 navires et bateaux endommagés (y compris ceux irrémédiablement perdus). Les Forces armées d’Ukraine ont effectué au moins 42 attaques efficaces contre des navires de guerre russes dans la région Azov-mer Noire, tant dans les ports qu’en pleine mer, utilisant des missiles, de petits bateaux sans pilote et des véhicules aériens sans pilote. En juillet 2024, les images satellites confirmaient que la Russie avait commencé à relocaliser certains de ses navires navals loin de Sébastopol, le quartier général historique de la flotte en Crimée. Dès octobre 2023, les images satellites indiquaient déjà que la Russie avait commencé à déplacer certains de ses navires navals loin de Sébastopol. Pourtant, l’Ukraine a continué à frapper les actifs russes aussi récemment que le 23 mars 2024, lorsque des Neptune de fabrication ukrainienne ont endommagé plusieurs navires russes, dont un navire de renseignement, et détruit un dépôt pétrolier de Sébastopol, des installations portuaires et le navire de débarquement amphibie… Cette série ininterrompue de revers a finalement forcé Moscou à retirer l’essentiel de sa flotte de Sébastopol vers Novorossiysk, un port situé plus à l’est sur le continent russe, offrant une plus grande sécurité mais un positionnement stratégique nettement inférieur. La relocalisation vers Novorossiysk a eu plusieurs conséquences. Sur le plan opérationnel, le port manque de l’infrastructure et du positionnement stratégique de Sébastopol, limitant la capacité de la flotte à projeter sa puissance à travers l’ouest de la mer Noire. Le déplacement a également réduit la présence navale russe près de la Crimée, affaiblissant son contrôle sur le domaine maritime de la région. Toutefois, ce déplacement a également mis de nombreux actifs les plus précieux de la Flotte de la mer Noire hors de portée de l’Ukraine, permettant à la Russie de maintenir sa flotte en opération.
La Flotte de la mer Noire qui fuit comme une voleuse… Si quelqu’un m’avait dit ça en février 2022, je l’aurais pris pour un rêveur. Et pourtant. Les navires russes qui détaillaient vers Novorossiysk avec la queue entre les jambes, c’est l’image parfaite de cette guerre. Une puissance qui se croyait invincible, humiliée par un pays qu’elle pensait écraser en quelques semaines. Il y a quelque chose de presque tragique dans ce retournement, tragique pour les Russes qui ont cru aux mensonges de leur dictateur, mais tellement réjouissant pour ceux qui croient encore que la justice peut l’emporter.
L'innovation ukrainienne : quand la nécessité devient mère de toutes les inventions
Des drones fabriqués dans des garages qui humilient l’industrie militaire russe
L’un des aspects les plus fascinants de cette guerre est la manière dont l’Ukraine, face à un ennemi disposant d’une supériorité numérique écrasante en termes d’équipements militaires conventionnels, a transformé la guerre des drones en une véritable révolution militaire. Aujourd’hui, les autorités ukrainiennes affirment que pratiquement tous les drones d’attaque FPV (vue à la première personne) utilisés par leurs forces sont produits localement. « Quatre-vingt-dix-neuf pour cent », a déclaré le ministre ukrainien de la Transformation numérique Mykhailo Fedorov dans une interview récente. Le président ukrainien Volodymyr Zelenskyy a même affirmé que le pays avait développé la capacité de produire quatre millions de drones par an. Cette montée en puissance spectaculaire de la production de drones ukrainiens témoigne d’une résilience et d’une capacité d’innovation qui forcent l’admiration même chez les observateurs les plus neutres. Fedorov et d’autres responsables affirment que les entreprises privées ont joué un rôle clé dans la conduite des innovations en matière de drones déployées en Ukraine, car elles recueillent les retours des hommes et des femmes sur le champ de bataille et ajustent les produits en conséquence. « Les changements se produisent littéralement chaque semaine », a déclaré Fedorov. Cette agilité, cette capacité d’adaptation rapide aux conditions changeantes du champ de bataille, représente un avantage considérable sur l’industrie de défense russe, beaucoup plus bureaucratique et centralisée.
Oleksandra Molloy, chargée de cours en aviation à l’Université de Nouvelle-Galles du Sud à Canberra, en Australie, a souligné que le monde observe attentivement ce que l’Ukraine fait avec les drones. « Les avancées des Ukrainiens dans ces technologies de drones inspirent un changement mondial dans la perception des UAV (véhicules aériens sans pilote) dans la guerre — grâce à l’ingéniosité, l’adaptabilité et aussi la poursuite incessante de l’innovation », a déclaré Molloy dans une interview. Les alliés ukrainiens tirent également des leçons de ce qui se déroule sur le champ de bataille, mais la Russie aussi, qui développe ses propres capacités en matière de drones. Mais au-delà des simples drones FPV utilisés pour des attaques tactiques à courte portée, l’Ukraine a également développé une flotte croissante de drones à longue portée capables de frapper des cibles profondément à l’intérieur de la Russie. Cela a permis de mener une large gamme d’attaques contre des bases militaires russes, des installations de stockage de munitions, des défenses aériennes et l’industrie pétrolière et gazière économiquement vitale mais vulnérable de Poutine. Le président Zelenskyy a qualifié les capacités croissantes à longue portée du pays de « garantie claire et efficace de la sécurité de l’Ukraine ». Les planificateurs militaires ukrainiens travaillent maintenant sur une gamme de systèmes terrestres sans pilote alors qu’ils cherchent à faire passer la guerre des drones au niveau suivant. Avec le soutien du cluster technologique de défense Brave1 soutenu par le gouvernement, des travaux sont en cours pour développer des dizaines de modèles robotiques capables d’effectuer une variété de tâches de combat et logistiques. En décembre 2024, les forces ukrainiennes ont affirmé avoir fait l’histoire en menant le premier assaut entièrement sans pilote au monde contre des positions russes en utilisant des systèmes robotiques terrestres et des drones FPV.
L’intelligence artificielle entre en scène dans cette guerre du XXIe siècle
Mais l’innovation ukrainienne ne s’arrête pas à la simple production en masse de drones. Elle s’étend désormais au domaine de l’intelligence artificielle et de l’apprentissage automatique, ouvrant des possibilités qui auraient semblé relever de la science-fiction il y a encore quelques années. La Russie et l’Ukraine sont engagées dans une course technologique active pour développer et déployer des drones dotés de capacités d’intelligence artificielle et d’apprentissage automatique. La Russie et l’Ukraine rivalisent pour faire progresser ces drones alimentés par l’IA/ML afin d’automatiser l’interopérabilité des drones, le ciblage et l’analyse du champ de bataille. L’intégration réussie de drones IA/ML pourrait permettre aux forces russes et ukrainiennes de réduire leur dépendance aux opérateurs et défenseurs de drones humains, de contourner la guerre électronique, y compris le brouillage, de réduire les limitations humaines dans l’identification des cibles et d’accélérer les processus décisionnels impliqués dans la guerre des drones. La Russie et l’Ukraine se concentrent de plus en plus sur le développement de drones dotés de capacités de vision par machine depuis au moins la mi-2023. La vision par machine fait référence aux algorithmes automatiques de reconnaissance d’images qui permettent à un drone de mémoriser une image d’une cible et de se verrouiller sur la cible même si celle-ci est en mouvement. L’Ukraine a cherché à faire progresser le développement de drones à vision par machine comme adaptation à l’utilisation par la Russie de la guerre électronique et de la reconnaissance électronique sur le champ de bataille et pour résoudre le problème des drones n’atteignant pas leurs cibles en raison de la perte de signal avec l’opérateur de drone.
Le ministre ukrainien de la Transformation numérique Mykhailo Fedorov a annoncé en février 2024 que les efforts de l’Ukraine pour créer des drones alimentés par l’IA et a noté que l’Ukraine créerait bientôt un analogue des drones Lancet-3 avec vision par machine. Les forces ukrainiennes ont démontré des drones avec des capacités de vision par machine en mars 2024. La Russie poursuit ses efforts pour intensifier son développement de drones avec vision par machine. Les développeurs russes ont annoncé à la mi-mai 2025 le début de la production en série des drones d’attaque légers Tyuvik, qui sont des drones équipés de systèmes de guidage de cible et résistants aux interférences de guerre électronique. Les développeurs russes ont présenté et testé ces drones pour la première fois en juin 2024. Les développeurs russes décrivent les drones Tyuvik comme capables de frapper de manière autonome des cibles après que les opérateurs de drones russes ont déterminé les cibles pendant la phase terminale de la planification de la frappe de drone. Les drones Tyuvik ont des capacités de pilote automatique qui ne nécessitent pas de navigation par satellite ou de communications avec le pilote dans des environnements avec interférence de guerre électronique. Les experts russes en drones affirment que les capacités de pilote automatique de Tyuvik reposent sur des données cartographiques préchargées et la reconnaissance d’images. Les responsables militaires ukrainiens ont également observé l’utilisation accrue par la Russie de drones non spécifiés avec des capacités d’IA en mai 2025, se référant possiblement au nombre croissant de drones russes avec vision par machine et certaines capacités d’IA. Les forces ukrainiennes auraient utilisé un nouveau « drone mère » alimenté par l’IA pour la première fois sur les lignes de front fin mai. Une startup ukrainienne a d’abord signalé le 26 mai que son drone vaisseau-mère GOGOL-M alimenté par l’IA avait effectué ses premières missions autonomes lors d’un essai contre des cibles russes. La startup a noté que le vaisseau-mère GOGOL-M peut livrer deux drones d’attaque FPV et lancer une frappe de précision à une portée de 300 kilomètres.
Les Forces d'opérations spéciales ukrainiennes : l'élite qui fait trembler Moscou
De la défense de Kyiv aux raids en territoire russe
Aucune discussion sur les succès militaires ukrainiens ne serait complète sans évoquer le rôle absolument crucial joué par les Forces d’opérations spéciales ukrainiennes, connues sous leur acronyme ukrainien SSO. Créées en 2016 après diverses réformes des forces armées ukrainiennes en raison des échecs dans la guerre du Donbass, les SSO ont rapidement prouvé leur valeur exceptionnelle. Dotées d’une formation spécifique aux opérations de combat, les Forces d’opérations spéciales ukrainiennes ont marqué de grands succès dans la lutte pour la défense de Kyiv, coupant les lignes logistiques russes, détruisant des postes de commandement clés et organisant des cellules de résistance pour la guérilla dans les territoires ukrainiens occupés par les Russes. Le succès des SSO ukrainiennes peut être largement attribué à leur adaptabilité exceptionnelle dans des conditions de champ de bataille en évolution rapide. Lorsque la Russie a lancé son invasion en février 2022, les unités SSO ukrainiennes se sont rapidement ajustées pour répondre aux défis immédiats d’un conflit de haute intensité. Ces unités ont démontré une flexibilité remarquable en passant de leurs rôles traditionnels en temps de paix et de leurs missions de stabilité au soutien des opérations de combat à grande échelle. Cette transition était particulièrement difficile compte tenu de l’ampleur et de l’intensité des opérations russes, pourtant les SSO ukrainiennes ont réussi à maintenir leur efficacité opérationnelle tout en adaptant leurs tactiques et procédures. Cette adaptabilité s’est manifestée de plusieurs façons cruciales.
La reconfiguration rapide des tactiques de petites unités pour contrer les forces mécanisées russes a été particulièrement remarquable, tout comme le développement de solutions innovantes pour surmonter les désavantages numériques. Les SSO ukrainiennes ont constamment montré leur capacité à adopter rapidement de nouvelles technologies et tactiques basées sur les retours du champ de bataille. Peut-être plus important encore, elles ont mis en œuvre des structures de commandement flexibles qui permettent une prise de décision décentralisée aux niveaux tactiques, permettant une réponse rapide aux menaces et opportunités émergentes. L’une des leçons les plus significatives du conflit a été l’intégration efficace des unités SSO avec les forces militaires conventionnelles engagées dans des opérations de combat à grande échelle. Les unités SSO ukrainiennes ont également joué un rôle vital dans la préparation du champ de bataille avant et pendant les phases initiales de l’invasion. Elles ont établi des réseaux de résistance, recueilli des renseignements et identifié des cibles clés qui se révéleraient plus tard cruciales pour les forces conventionnelles. Ces mesures ont contribué à jeter les bases d’un réseau sophistiqué de capacités de résistance à travers les routes d’invasion potentielles dès le début de 2022. Les unités SSO ukrainiennes ont cartographié les infrastructures clés, identifié des cibles potentielles et établi des relations avec les réseaux civils locaux, tout en développant des protocoles pour un partage rapide d’informations entre les unités SSO, les forces conventionnelles et les éléments de résistance civile. Ces préparations se sont révélées vitales, permettant aux forces ukrainiennes de cibler les lignes d’approvisionnement russes, les nœuds de commandement et les systèmes de communication en utilisant des renseignements en temps réel.
Des opérations qui resteront dans les annales de la guerre spéciale
Au fil de la guerre, les SSO ukrainiennes ont accumulé une liste impressionnante d’opérations réussies qui ont eu des impacts stratégiques bien au-delà de leur envergure tactique. Dès janvier 2023, les combattants du GUR ont mené un raid de reconnaissance réussi dans la région de Nouvelle Kakhovka, dans l’oblast de Kherson, traversant le Dnipro sur des bateaux à moteur. L’ennemi a perçu cela comme une tentative de percée, a amené des réserves importantes, mais les forces spéciales ukrainiennes ont infligé des pertes significatives à l’ennemi, détruit le poste de commandement, capturé un prisonnier et sont retournées sur la rive droite du Dnipro. Un rôle important dans cette opération a été joué par les combattants de l’unité spéciale GUR Shaman. En août-septembre 2023, les unités GUR ont tenté à au moins trois reprises de traverser le Dnipro dans la région d’Enerhodar de l’oblast de Zaporijjia afin de créer une tête de pont pour la libération de la centrale nucléaire de Zaporijjia. Malheureusement, elles n’ont pas réussi, mais l’ennemi a été forcé de maintenir des forces importantes là-bas et n’a pas osé par la suite connecter la centrale nucléaire de Zaporijjia à son système énergétique. Les SSO ukrainiennes ont constamment signalé des opérations réussies contre les systèmes de défense aérienne russes Buk, en utilisant une variété de tactiques et de systèmes d’attaque.
En janvier 2025, dans le secteur de Donetsk, les opérateurs de drones SSO ont fourni des coordonnées à l’artillerie ukrainienne, entraînant la destruction d’un système Buk et la mise hors service de deux autres au-delà de toute réparation. En mars, les SSO ont détruit un Buk-M1 russe au début du mois, suivi d’un autre système Buk dans le secteur de Zaporijjia plus tard dans le mois. Les opérateurs SSO ont coordonné le tir HIMARS pour cette dernière frappe. Le 25 avril, l’artillerie ukrainienne, guidée par les coordonnées SSO, a détruit un Buk-M1 qui se préparait à lancer des missiles dans le secteur de Donetsk. Le 30 avril, dans le secteur de Soumy, les opérateurs SSO ont frappé un Buk en position de lancement en utilisant des drones d’attaque. Un deuxième système Buk arrivé pour évacuer le lanceur endommagé a également été détruit dans la même opération. En mai, les SSO ont signalé avoir détruit un lanceur Buk transportant six missiles le 2 mai. À la fin du mois, le 3e Régiment séparé des SSO a confirmé que les forces ukrainiennes avaient détruit quatre systèmes Buk — la moitié d’un bataillon. L’un d’eux a été ciblé avec un drone d’attaque avancé, l’un des derniers ajouts à l’arsenal SSO. Le 17 décembre 2025, le 73e Centre maritime des SSO a déjoué un assaut nord-coréen contre une position ukrainienne dans la région de Koursk. Les opérateurs SSO ont utilisé un lance-grenades automatique MK-19 et ont mené une série de frappes de drones, tuant 12 soldats nord-coréens et en blessant 20 de plus lors de l’assaut raté. Ces opérations, menées avec une audace et une précision remarquables, ont systématiquement dégradé les capacités militaires russes tout en maintenant une pression constante sur les forces d’occupation, forçant Moscou à disperser ses ressources sur de multiples fronts et à vivre dans la crainte permanente d’une nouvelle frappe ukrainienne.
Les SSO ukrainiennes… Ces hommes et ces femmes qui opèrent dans l’ombre, qui risquent leur vie chaque nuit derrière les lignes ennemies, qui frappent là où ça fait le plus mal. Quand je lis les comptes rendus de leurs opérations, je ressens une admiration profonde, viscérale. Ce sont des héros modernes, dans le sens le plus pur du terme. Pas les héros hollywoodiens aux muscles gonflés et aux phrases creuses. Non. Des vrais héros. Ceux qui se battent pour leur pays, pour leur liberté, sans chercher la gloire. Ceux dont on ne connaîtra jamais les noms mais qui changent le cours de l’histoire.
Le coût astronomique de l'occupation pour la Russie
Un gouffre financier qui engloutit des milliards sans rien rapporter
Au-delà des pertes militaires humiliantes, l’occupation de la Crimée représente pour la Russie un fardeau économique colossal qui ne cesse de s’alourdir. Les mathématiques économiques de l’occupation criméenne révèlent un calcul stratégique désastreux pour Moscou. La Crimée représente un passif économique massif pour la Russie, nécessitant plus de vingt milliards de dollars américains d’investissements au cours de la dernière décennie tout en produisant moins de un pour cent du PIB russe. Ce déséquilibre coût-bénéfice s’est aggravé à mesure que les attaques ukrainiennes augmentent les exigences défensives. La Russie dépense environ sept milliards de dollars américains ou plus par an en subventions, infrastructures et défense militaire pour la Crimée, dépassant de loin la contribution économique de la péninsule. La région reçoit 65 à 70 % de son budget des transferts fédéraux russes, ce qui en fait le territoire russe le plus subventionné. Lorsqu’elle est combinée avec les investissements dans les infrastructures militaires, y compris le pont de Kertch de 3,7 milliards de dollars et les systèmes étendus de défense aérienne, le total représente un coût d’opportunité substantiel pendant la contraction économique de la Russie. Et ce n’est pas tout. Malgré les pertes importantes, les Russes ne peuvent pas retirer complètement leurs systèmes de défense aérienne de la Crimée, car cela laisserait la péninsule vulnérable aux missiles et drones ukrainiens. Au lieu de cela, ils sont forcés de transférer des défenses aériennes d’autres régions, y compris la Russie, affaiblissant leurs propres défenses dans ces zones.
Environ 150 000 à 160 000 soldats russes restent stationnés sur la péninsule principalement à des fins défensives, représentant un détournement massif de forces des zones de combat actives. Ce qui était censé être une base pour les opérations du sud est devenu un engagement défensif qui draine les ressources et contribue peu aux capacités offensives russes. Ce qui frappe dans ces chiffres, c’est l’inversion complète de la logique stratégique. La Crimée, qui devait être un atout permettant à la Russie de projeter sa puissance dans la région, est devenue un boulet qui l’affaiblit. Chaque rouble dépensé pour défendre et subventionner la Crimée est un rouble qui ne peut pas être investi dans l’économie russe ou utilisé pour renforcer d’autres fronts. Chaque soldat stationné en Crimée pour défendre la péninsule contre d’éventuelles attaques ukrainiennes est un soldat qui manque sur les lignes de front dans le Donbass ou ailleurs. Et la situation ne fait qu’empirer. À mesure que les attaques ukrainiennes deviennent plus fréquentes et plus dévastatrices, la Russie est obligée d’investir encore plus dans la défense de la péninsule, créant un cercle vicieux dont elle ne parvient pas à s’extirper. Les experts estiment que dans les conditions actuelles, avec une pression ukrainienne soutenue combinée à des contraintes économiques et des revers militaires, les conditions pourraient être créées pour une instabilité significative du régime dans un délai de deux à cinq ans si les tendances actuelles se poursuivent. Poutine fait face à des choix de plus en plus difficiles à mesure que la pression ukrainienne s’intensifie. De manière significative, Poutine a constamment choisi la retraite plutôt que l’escalade lorsqu’il perdait le contrôle, y compris le retrait de la Flotte de la mer Noire plutôt que de risquer une confrontation nucléaire malgré l’importance symbolique de la Crimée. Cela suggère que les instincts de survie du régime pourraient finalement l’emporter sur les engagements territoriaux.
L’effondrement progressif du mythe de l’invincibilité russe
Ce qui se passe en Crimée dépasse largement les simples considérations militaires ou économiques. C’est l’ensemble du récit impérial russe qui s’effondre sous nos yeux. Parce que la Crimée représente le fondement de la légitimité politique de Poutine, chaque succès ukrainien là-bas mine le récit fondateur de la résurgence russe. Contrairement à d’autres différends territoriaux, le contrôle de la Crimée est devenu si central pour la légitimité du régime que sa perte pourrait précipiter une instabilité politique plus large. La convergence de la dégradation militaire, du fardeau économique et de la vulnérabilité politique suggère que la pression ukrainienne soutenue sur la Crimée représente un défi uniquement menaçant pour le règne de Poutine. Comme l’a évalué Serhii Kuzan du Conseil atlantique : « Avec la Flotte de la mer Noire en retraite, les connexions logistiques perturbées et les défenses aériennes épuisées, l’emprise du Kremlin sur la Crimée semble déjà être considérablement plus faible qu’elle ne l’était au début de l’invasion à grande échelle ». Les conditions favorables qui ont permis l’opération russe de 2014 ne s’appliquent plus aux exigences défensives actuelles. Le succès ukrainien soutenu en Crimée pourrait forcer Poutine à faire des choix de plus en plus difficiles entre une escalade militaire coûteuse pour défendre la péninsule et une retraite stratégique politiquement dommageable.
Les schémas historiques suggèrent que les instincts de survie du régime pourraient finalement prévaloir sur les engagements territoriaux. La Crimée a évolué de la plus grande réalisation politique de Poutine à sa vulnérabilité stratégique la plus dangereuse. Les opérations ukrainiennes ont systématiquement transformé la péninsule du bastion naval de la Russie en un passif de plus en plus indéfendable qui draine les ressources tout en fournissant une valeur militaire diminuée. L’importance symbolique qui a initialement renforcé le régime de Poutine crée maintenant un risque politique existentiel, car chaque succès ukrainien mine le récit fondateur de la résurgence russe. Comme l’a écrit l’analyste Khusanboy Kotibjonov dans une analyse perspicace : « La bataille finale pour la liberté ukrainienne et le règlement de comptes russe a commencé, et son issue sera décidée sur les rives de la Crimée occupée ». Cette phrase résume parfaitement l’enjeu de ce qui se joue actuellement. La Crimée n’est pas simplement un territoire disputé parmi d’autres. C’est le symbole même de l’ambition impériale de Poutine, le trophée qu’il a brandi pour justifier son pouvoir autocratique, la preuve qu’il offrait à son peuple que la Russie pouvait encore dicter sa loi. Et aujourd’hui, ce même symbole se transforme sous nos yeux en un poison qui ronge le régime de l’intérieur. Chaque drone ukrainien qui frappe une cible en Crimée, chaque navire russe coulé dans la mer Noire, chaque système de défense aérienne détruit, c’est un coup de plus porté à la légitimité d’un homme qui a construit son pouvoir sur l’illusion de la force.
Les implications géopolitiques qui dépassent largement l'Ukraine
Un changement tectonique dans l’équilibre des pouvoirs en mer Noire
Ce qui se déroule en Crimée et dans la mer Noire au sens large a des répercussions bien au-delà des frontières de l’Ukraine et de la Russie. La région de la mer Noire, longtemps considérée comme une zone d’influence russe quasi exclusive depuis l’annexion de la Crimée en 2014, connaît un rééquilibrage géopolitique fondamental. La guerre de la Russie contre l’Ukraine a augmenté l’importance de la mer Noire en tant que théâtre de commerce et théâtre de guerre. L’invasion russe de l’Ukraine en février 2022 a transformé l’équilibre traditionnel entre Moscou et Ankara dans la région et a conduit à une présence accrue de l’OTAN là-bas. La Russie avait déjà déplacé l’équilibre sécuritaire dans la mer Noire en sa faveur en annexant la Crimée en 2014 et en prenant le contrôle de la mer d’Azov. L’invasion russe de l’Ukraine en février 2022 a transformé la mer Noire en un point chaud qui préoccupera la politique européenne pendant des années à venir. Le processus de détachement de l’Allemagne et d’autres États membres de l’Union européenne du gaz naturel et du pétrole russes, ainsi que les sanctions occidentales contre Moscou, ont augmenté l’importance du « corridor du milieu », reliant l’Europe de l’Est et la Chine via le Caucase et l’Asie centrale. La route sud via la Turquie gagne également en importance pour la Russie comme moyen de contourner les sanctions occidentales.
Dans le même temps, Moscou est affaiblie par sa guerre contre l’Ukraine et est de moins en moins capable de contrôler et de façonner les conflits dans le Caucase du Sud, comme celui entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan. Tout cela signifie un retour de la géopolitique et de la géoéconomie et exige une nouvelle stratégie de sécurité améliorée par l’UE et l’OTAN. Limiter le débat géopolitique à la seule mer Noire obscurcit la pertinence de cette région en ce qui concerne une approche stratégique beaucoup plus large. La Russie et la Turquie jouent un rôle central dans le déplacement des coordonnées géopolitiques. Ainsi, du point de vue russe, la mer Noire est un tremplin pour la projection de puissance et d’influence en Méditerranée, au Moyen-Orient, en Afrique du Nord et en Europe du Sud. La mer Noire donne accès à des régions clés où la Russie cherche à exercer son influence. Mais aujourd’hui, cette capacité de projection est gravement compromise. Avec la Flotte de la mer Noire affaiblie et relocalisée, avec les bases aériennes criméennes sous menace constante, avec les systèmes de défense aérienne systématiquement détruits, la Russie perd progressivement sa capacité à dominer cette région stratégique. Et cette perte a des conséquences qui vont bien au-delà de l’Ukraine. Elle affecte l’équilibre des pouvoirs dans toute la région de la mer Noire, redonne de l’importance stratégique à des pays comme la Roumanie et la Bulgarie, membres de l’OTAN, renforce le rôle pivot de la Turquie, et redessine les routes commerciales et énergétiques qui traversent la région. En d’autres termes, ce qui se passe en Crimée aujourd’hui façonne la géopolitique européenne pour les décennies à venir.
Le message envoyé au monde entier par la résistance ukrainienne
Au-delà des considérations strictement géopolitiques, ce qui se déroule en Ukraine et particulièrement en Crimée envoie un message retentissant à tous les pays du monde qui pourraient être tentés de recourir à la force pour résoudre des différends territoriaux. Ce message peut se résumer ainsi : l’agression ne paie pas. L’occupation illégale d’un territoire ne peut être durable si le peuple occupé refuse de se soumettre. La supériorité numérique et l’arsenal militaire impressionnant ne garantissent pas la victoire face à un adversaire déterminé, ingénieux et soutenu par ses alliés. Pour les pays qui observent attentivement cette guerre — et ils sont nombreux, de Taïwan à la Géorgie en passant par les États baltes — la résistance ukrainienne démontre qu’il est possible de tenir tête à un adversaire beaucoup plus puissant si l’on dispose de la détermination, de la créativité tactique et du soutien international nécessaires. Les innovations ukrainiennes en matière de drones, l’efficacité de leurs forces spéciales, leur capacité à transformer des désavantages en avantages, tout cela constitue un corpus de leçons que les armées du monde entier étudient avec attention. Comme l’a souligné le Centre d’études stratégiques et internationales (CSIS), « le monde observe ce que l’Ukraine fait avec les drones ». Et ce que le monde voit, c’est qu’une nation déterminée peut innover plus rapidement qu’une superpuissance sclérosée, qu’elle peut transformer l’asymétrie en avantage, qu’elle peut utiliser la technologie commerciale pour créer des capacités militaires dévastatrices à une fraction du coût des systèmes conventionnels.
Pour les alliés occidentaux de l’Ukraine, notamment les États-Unis et les membres européens de l’OTAN, les leçons sont tout aussi importantes. La guerre en Ukraine a démontré l’importance cruciale du soutien matériel et du renseignement, mais aussi les limites de ce soutien si le pays défendu ne dispose pas de la volonté et de la capacité de se battre. Elle a montré que les guerres modernes ne se gagnent pas seulement avec des chars et des avions de chasse, mais aussi avec des drones bon marché, des logiciels d’intelligence artificielle et l’ingéniosité des ingénieurs et des soldats sur le terrain. Elle a révélé que les systèmes de défense antiaérienne les plus sophistiqués peuvent être vaincus par des tactiques innovantes et une volonté inébranlable. Elle a prouvé que la dissuasion ne fonctionne que si l’adversaire croit vraiment que vous êtes prêt à défendre vos intérêts vitaux. Et peut-être plus important encore, elle a rappelé au monde que les valeurs de liberté, de souveraineté et d’autodétermination pour lesquelles les Ukrainiens se battent quotidiennement ne sont pas de vains mots, mais des principes pour lesquels des hommes et des femmes sont prêts à donner leur vie. Dans un monde de plus en plus dominé par le cynisme et le calcul d’intérêts à court terme, l’exemple ukrainien rappelle qu’il existe encore des causes qui valent la peine de se battre, et que cette lutte peut aboutir à la victoire si la détermination est au rendez-vous. C’est peut-être là le message le plus puissant de tous, celui qui résonnera bien au-delà de la fin de cette guerre, quel que soit le moment où elle surviendra.
Parfois, tard le soir, quand je termine de compiler toutes ces informations, tous ces rapports de frappes et de pertes, je m’arrête un instant. Et je me demande ce que ressentent les Ukrainiens qui mènent ces opérations. La peur, certainement. L’adrénaline, sans doute. Mais aussi quelque chose de plus profond, de plus fondamental. La certitude absolue qu’ils se battent pour quelque chose qui les dépasse, pour un pays qu’ils refusent de voir disparaître, pour une liberté qu’aucun dictateur ne pourra jamais leur arracher. C’est cette certitude qui fait toute la différence. C’est elle qui transforme des civils ordinaires en héros extraordinaires.
L'avenir incertain mais prometteur de la campagne ukrainienne
Les défis qui restent à surmonter malgré les succès éclatants
Aussi impressionnants que soient les succès ukrainiens en Crimée et dans la mer Noire, il serait naïf et dangereux de croire que la victoire est acquise. La Russie, malgré tous ses revers, reste une puissance militaire formidable disposant de ressources considérables. Elle a démontré sa capacité à s’adapter aux tactiques ukrainiennes, même si cette adaptation se fait lentement et souvent de manière inefficace. Les forces russes ont renforcé la protection du port de Novorossiysk avec des avions, des hélicoptères, des drones et des bateaux de patrouille. Elles ont limité le nombre de navires en mer. Elles font constamment tourner leurs navires pour qu’ils ne restent pas au même endroit, rendant plus difficile pour les drones ukrainiens de les cibler. Elles ont également renforcé la défense antidrone autour de leurs installations militaires clés, même si ces défenses ont prouvé à maintes reprises leur insuffisance face à l’ingéniosité ukrainienne. La Russie continue également à développer ses propres capacités en matière de drones, notamment des drones à fibre optique qui sont plus difficiles à brouiller électroniquement. Elle a introduit des drones répéteurs qui étendent la portée de ses systèmes à fibre optique, permettant des frappes plus profondes en territoire ukrainien. Bien que l’Ukraine ait constamment démontré sa capacité à concevoir des contre-mesures efficaces contre les avancées technologiques russes, cette course aux armements permanente nécessite des ressources, du temps et de l’innovation continue.
Sur le plan économique, bien que l’occupation de la Crimée soit un gouffre financier pour la Russie, Moscou a jusqu’à présent montré sa volonté de continuer à payer ce prix, aussi élevé soit-il. Le régime de Poutine a prouvé qu’il était prêt à sacrifier le bien-être économique de son peuple sur l’autel de ses ambitions impériales. Les sanctions occidentales, aussi sévères soient-elles, n’ont pas encore suffi à forcer un changement fondamental de politique. La Russie a trouvé des moyens de contourner certaines sanctions, de développer de nouveaux partenaires commerciaux, et de maintenir son économie à flot, même si c’est à un niveau bien inférieur à ce qu’il pourrait être en temps de paix. Sur le plan militaire, la Russie conserve un avantage numérique substantiel en termes de troupes, d’artillerie, de chars et d’avions de combat. Malgré les pertes colossales — plus d’un million de victimes selon certaines estimations, dont plus de 250 000 tués — le Kremlin continue à mobiliser de nouveaux soldats et à produire de nouveaux équipements. La machine de guerre russe, aussi inefficace et coûteuse soit-elle, continue de tourner. Pour l’Ukraine, le défi est double : maintenir la pression sur la Crimée et la mer Noire tout en défendant le front terrestre dans le Donbass et ailleurs. Cette guerre sur deux fronts exige des ressources considérables, une coordination exceptionnelle et un soutien international continu. Et c’est précisément sur ce dernier point que l’incertitude est la plus grande.
Le rôle crucial et incertain du soutien occidental à long terme
Tous les succès ukrainiens que nous avons décrits dans cet article — les frappes de drones dévastatrices, les opérations des forces spéciales, la guerre navale asymétrique contre la Flotte de la mer Noire — dépendent dans une large mesure du soutien occidental continu. Les drones ukrainiens, aussi innovants soient-ils, utilisent souvent des composants électroniques occidentaux. Les systèmes de communication qui permettent de coordonner les opérations complexes dépendent en partie de technologies comme Starlink. Le renseignement qui permet d’identifier les cibles de haute valeur provient en partie du partage d’informations avec les alliés occidentaux, notamment les États-Unis. Les missiles de croisière Storm Shadow et SCALP qui ont détruit des navires russes à Sébastopol sont fournis par le Royaume-Uni et la France. L’aide financière massive qui permet à l’Ukraine de maintenir son économie à flot et de payer ses fonctionnaires et ses soldats vient principalement de l’Occident. Bref, aussi impressionnante que soit la résistance ukrainienne, elle ne peut se poursuivre sans le soutien de ses alliés. Or, ce soutien, bien que substantiel jusqu’à présent, n’est pas garanti à perpétuité. Les débats politiques aux États-Unis et en Europe sur le niveau et la durée du soutien à l’Ukraine se poursuivent. Les contraintes budgétaires, la lassitude de l’opinion publique face à une guerre qui s’éternise, les pressions pour parvenir à une solution diplomatique même si elle implique des concessions ukrainiennes — tous ces facteurs pèsent sur la volonté occidentale de maintenir l’aide à long terme.
L’arrivée de nouvelles administrations dans les pays occidentaux peut également changer la donne du jour au lendemain. Les propositions de plans de paix qui circuleraient, certaines apparemment cyniques et favorisant les intérêts russes, montrent que tous les acteurs occidentaux ne sont pas également engagés dans le soutien à l’Ukraine jusqu’à la victoire complète. Pour l’Ukraine, l’enjeu est donc de continuer à démontrer que son combat est gagnable, que chaque dollar investi dans son soutien rapporte des dividendes stratégiques, que sa victoire est non seulement moralement juste mais aussi stratégiquement bénéfique pour l’Occident. Les succès en Crimée jouent un rôle crucial dans cette démonstration. Chaque base russe frappée, chaque navire coulé, chaque système de défense aérienne détruit prouve que l’Ukraine peut tenir tête à la Russie et même la faire reculer. Chaque preuve que la Crimée, ce symbole de la victoire de Poutine en 2014, est en train de devenir son fardeau le plus lourd renforce l’argument selon lequel un soutien continu à l’Ukraine peut effectivement conduire à une issue favorable. Mais cela implique également que l’Ukraine doit continuer à innover, à surprendre, à frapper des coups qui marquent l’imagination et qui démontrent que la guerre n’est pas dans une impasse sans issue. La frappe du 28 novembre 2025 sur la base de Saky entre parfaitement dans cette catégorie. Elle ne change pas fondamentalement le cours de la guerre à elle seule, mais elle contribue à maintenir le moral ukrainien, à ébranler la confiance russe, et à convaincre les alliés occidentaux que leur soutien porte ses fruits. Dans une guerre qui se joue autant sur le plan de la perception que sur le terrain, ces victoires symboliques ont une importance stratégique qui dépasse largement leur impact tactique immédiat.
Conclusion : Le crépuscule d'un empire qui refuse de mourir dignement
Quand chaque drone devient un clou dans le cercueil de l’impérialisme russe
La frappe du 28 novembre 2025 sur la base aérienne de Saky en Crimée occupée n’est pas simplement une opération militaire réussie parmi d’autres. C’est un moment symbolique qui cristallise toute l’évolution de cette guerre depuis février 2022. Elle incarne parfaitement le renversement spectaculaire du rapport de forces que personne, absolument personne, n’aurait osé prédire lorsque les colonnes de chars russes ont franchi la frontière ukrainienne ce matin glacial de février. À l’époque, le monde entier — y compris de nombreux alliés de l’Ukraine — s’attendait à une victoire russe rapide. On parlait de jours, de semaines tout au plus, avant que Kyiv ne tombe et que Zelenskyy soit contraint à l’exil ou pire. Les analystes militaires occidentaux, avec leur sagesse conventionnelle, prédisaient que l’armée ukrainienne, largement surpassée en nombre et en équipement, ne pourrait tenir bien longtemps face à la deuxième armée du monde. Mais ils avaient oublié un facteur essentiel, peut-être le plus important de tous dans une guerre : la volonté de se battre. Les Ukrainiens ont refusé de plier. Ils ont tenu à Kyiv contre toute attente. Ils ont reconquis Kharkiv. Ils ont libéré Kherson. Et maintenant, ils frappent au cœur même de ce que Poutine considérait comme son acquisition la plus précieuse : la Crimée. Chaque frappe sur la péninsule, chaque navire russe coulé dans la mer Noire, chaque système de défense aérienne détruit est un clou de plus enfoncé dans le cercueil de l’impérialisme russe. Poutine peut continuer à bomber le torse lors de ses conférences de presse, à proclamer que tout se passe selon le plan, que la Russie est invincible et que la victoire est inévitable. Mais les faits têtus de la réalité le contredisent jour après jour.
La vérité, c’est que la Crimée, ce joyau qu’il a arraché à l’Ukraine en 2014 dans une opération éclair qui semblait alors prouver sa supériorité stratégique, est en train de devenir son boulet le plus lourd. La vérité, c’est que la Flotte de la mer Noire, censée dominer cette région stratégique pour les décennies à venir, a été tellement affaiblie qu’elle doit se cacher dans des ports secondaires pour éviter d’être anéantie. La vérité, c’est que les systèmes de défense aérienne russes parmi les plus sophistiqués au monde se font systématiquement détruire par des drones ukrainiens qui coûtent une fraction de leur prix. La vérité, c’est qu’après presque quatre ans de guerre, avec plus d’un million de victimes russes, avec des centaines de milliards de dollars engloutis dans cette invasion, avec une économie ravagée par les sanctions et l’effort de guerre, la Russie n’a pas réussi à briser la résistance ukrainienne. Bien au contraire. Les Ukrainiens sont plus forts, plus déterminés, plus innovants que jamais. Ils ont transformé leur infériorité numérique en avantage tactique. Ils ont fait de leur inventivité technologique une arme redoutable. Ils ont démontré au monde entier qu’une nation qui se bat pour sa survie et sa liberté peut accomplir ce que les experts militaires considéraient comme impossible. Et le plus remarquable dans tout cela, c’est qu’ils n’ont pas simplement survécu — ils sont en train de gagner. Pas dans le sens d’une victoire éclair et décisive qui mettrait fin à la guerre du jour au lendemain. Mais dans le sens d’une victoire progressive, méthodique, qui érode lentement mais sûrement les capacités militaires russes, qui transforme les avantages russes en faiblesses, qui renverse l’équilibre des forces dans cette région cruciale de l’Europe.
L’aube d’une Ukraine libre et d’une Crimée libérée se dessine
Personne ne peut prédire avec certitude comment et quand cette guerre se terminera. Les variables sont trop nombreuses, les incertitudes trop grandes, les enjeux trop élevés pour qu’une prédiction précise soit possible. Mais ce que la frappe du 28 novembre 2025 sur Saky nous dit, c’est que l’issue n’est plus écrite d’avance. Le scénario d’une victoire russe rapide et décisive, qui semblait plausible en février 2022, est définitivement enterré. Le scénario d’un gel du conflit avec la Russie conservant ses conquêtes territoriales, y compris la Crimée, paraît de moins en moins réaliste à mesure que les Ukrainiens démontrent leur capacité à frapper profondément en territoire occupé. Ce qui émerge de plus en plus clairement, c’est un scénario où la pression ukrainienne continue, combinée à l’épuisement progressif des ressources russes et à l’affaiblissement de la volonté politique à Moscou, pourrait finalement conduire à une issue favorable pour l’Ukraine. Peut-être pas à court terme. Peut-être pas de la manière spectaculaire et décisive que beaucoup espèrent. Mais progressivement, inexorablement, comme une goutte d’eau qui finit par percer la pierre. Les experts qui étudient attentivement l’évolution de la situation estiment que si les tendances actuelles se poursuivent — pression ukrainienne soutenue sur la Crimée, dégradation continue des capacités militaires russes, épuisement économique de la Russie, maintien du soutien occidental à l’Ukraine — les conditions pourraient être créées pour un changement fondamental dans un délai de deux à cinq ans. Ce changement pourrait prendre différentes formes : un effondrement du régime de Poutine sous le poids de ses échecs militaires et économiques, une décision pragmatique de Moscou de se retirer de Crimée pour éviter une défaite encore plus humiliante, ou simplement une érosion progressive du contrôle russe sur la péninsule au point où son maintien devienne insoutenable.
Quoi qu’il en soit, ce que nous voyons se dérouler aujourd’hui en Crimée est historique. C’est le début de la fin d’une occupation illégale. C’est la preuve vivante qu’aucune conquête territoriale ne peut être durable si le peuple conquis refuse de se soumettre et si la communauté internationale maintient sa pression. C’est la démonstration que la détermination, l’innovation et le courage peuvent l’emporter sur la force brute et les budgets militaires colossaux. Pour l’Ukraine, chaque frappe réussie sur la Crimée n’est pas seulement une victoire tactique. C’est un message d’espoir envoyé à tous les Ukrainiens qui vivent sous occupation. C’est un rappel que leur pays n’a pas abandonné, qu’il se bat pour chaque centimètre carré de son territoire, qu’il reviendra un jour libérer ceux qui attendent dans l’ombre. Pour la Russie, chaque système de défense aérienne détruit, chaque navire coulé, chaque base aérienne neutralisée est un rappel douloureux que l’empire qu’elle rêvait de restaurer n’est qu’une illusion. Que le temps des conquêtes territoriales faciles est révolu. Que le monde du XXIe siècle ne tolère plus ce genre d’agression impunément. Pour le reste du monde, ce qui se passe en Crimée est une leçon de courage et de résilience. C’est la preuve que les petites nations ne sont pas condamnées à être les victimes passives des grandes puissances. Que la technologie moderne, intelligemment utilisée, peut compenser l’infériorité numérique. Que la détermination d’un peuple libre est la force la plus puissante de toutes. La bataille pour la Crimée n’est pas encore terminée. Elle durera probablement encore des mois, voire des années. Mais son issue ne fait plus de doute pour ceux qui observent attentivement l’évolution de la situation. La Crimée redeviendra ukrainienne. Peut-être pas demain. Peut-être pas l’année prochaine. Mais un jour. Et quand ce jour viendra, on se souviendra de frappes comme celle du 28 novembre 2025 sur Saky comme des moments où le vent a tourné, où l’impossible est devenu possible, où l’espoir a vaincu le désespoir.
Je termine cet article avec un sentiment étrange. Un mélange d’émotions contradictoires qui me bouleversent. La tristesse devant tant de souffrances, tant de vies brisées par cette guerre absurde. La colère contre ceux qui l’ont déclenchée, contre ce Poutine et sa clique qui ont sacrifié des centaines de milliers de vies pour nourrir leur ego démesuré. Mais aussi l’espoir. Un espoir têtu, irrationnel peut-être, mais bien réel. L’espoir que cette guerre finisse, que la justice l’emporte, que l’Ukraine retrouve son intégrité territoriale. Et surtout, l’espoir que le sacrifice de tous ces Ukrainiens qui se battent chaque jour ne soit pas vain. Que leur courage inspire d’autres peuples à résister à l’oppression. Que leur détermination prouve au monde que la liberté vaut tous les combats. Slava Ukraini.
Sources
Sources primaires
Ukrainian Navy official statement on Saky airbase strike, November 28, 2025. Main Directorate of Intelligence of Ukraine (GUR) operational reports on Crimea strikes, November 1-2, 2025. Ukrainian Special Operations Forces (SSO) mission reports and video documentation, 2024-2025. General Staff of the Armed Forces of Ukraine daily operational updates, November 2025. Ukrainian Ministry of Defense official communications on Black Sea Fleet operations. Defence Intelligence of Ukraine confirmed operations in Crimea, August-November 2025. Ukrainian Security Service (SBU) releases on airfield strikes. Institute for the Study of War (ISW) Russian Offensive Campaign Assessments, November 26-29, 2025.
Sources secondaires
United24Media reporting on Russian military losses in Crimea, November 2025. En.defence-ua.com analysis of Saky airbase strike, November 29, 2025. Defence Blog coverage of S-400 destruction in Crimea, June-November 2025. Kyiv Independent reporting on Ukrainian strikes on Russian assets, November 2025. Army Recognition military technology analysis of Pantsir and Tor systems. Global Security database on Orion UAV specifications. CSIS analysis on Russia-Ukraine drone warfare, May 2025. Understanding War research on Ukrainian AI drone capabilities, June 2025. Atlantic Council reports on Crimea strategic importance and Ukrainian special operations. Royal United Services Institute (RUSI) reports on Black Sea security dynamics. Carnegie Endowment analysis on Black Sea geopolitics, June 2025. The Moscow Times reporting on Russian Black Sea Fleet losses, May 2025. Business Insider coverage of Russian Navy challenges, August 2025. Small Wars Journal analysis of Ukrainian Special Operations Forces effectiveness, January-September 2025. New Eastern Europe assessment of Crimea as Russian liability, July 2025. BBC historical reporting on Crimea annexation timeline, 2014-2022. Reuters coverage of Russian equipment losses. AP News analysis of Crimea strategic significance, August 2025. Euronews reporting on Russian strikes and Ukrainian counterattacks, November 2025. Chatham House research on Black Sea regional security. International Institute for Strategic Studies (IISS) assessments. Wikipedia historical entries on Saky air base, Crimea annexation timeline, and Russian occupation. Military.africa technical specifications on Orion drone. Missilethreat.csis.org data on Pantsir-S1 system. GlobalSecurity.org military equipment databases. DefenseTalks analysis of Russian unmanned systems.
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