L’axe Pokrovsk : l’obsession russe
Le secteur de Pokrovsk représente le cœur de la pression russe actuelle sur le front ukrainien. Les 171 combats reportés le 1er décembre incluaient 66 assauts russes dans cette seule direction. Soit 38% de tous les combats du jour concentrés dans une région. C’est une disproportion qui révèle les priorités russes. Les analystes militaires estiment que la Russie envoie entre 100 et 200 soldats par jour en assauts contre les positions ukrainiennes près de Pokrovsk. Ce ne sont pas des incursions de reconnaissance. Ce sont des assauts frontaux massifs visant à percer les défenses.
Les villages autour de Pokrovsk—Shakhove, Chervonyi Lyman, Myrnohrad, Rodynske, Lysivka, Kotlyne, Udachne—sont devenus des noms synonymes de destruction. Chacun de ces villages représente un point de combat régulier. Dans chacun, des positions changeantes de main plusieurs fois par semaine. Dans chacun, des ruines qui s’accumulent. Et chaque nuit, les Russes lancent une nouvelle attaque. Chaque nuit, les Ukrainiens doivent repousser cette attaque. C’est un cycle sans fin qui ne semble pas avoir de conclusion visible.
Pokrovsk est le symbole de la guerre actuelle. Ce n’est pas glorieux. Ce n’est pas strategiquement élégant. C’est juste brutal, répétitif, et épuisant. Et c’est pour cette raison précisément que je soupçonne que cela va continuer. Parce que c’est la seule stratégie que la Russie semble capable d’exécuter maintenant. Elle ne peut pas innover. Elle ne peut que persister.
Les autres axes critiques : l’éventail de la pression russe
Au-delà de Pokrovsk, les sept autres axes d’attaque dessinent une carte de la pression distribuée russes. L’axe Oleksandrivka a connu 21 assauts. L’axe Lyman en a connu 11. L’axe Huliaipole, 9. L’axe Sloviansk, 12. L’axe Kupiansk, un nombre non spécifié mais probablement moins de 5. L’axe Vovchansk, 3. Et l’axe Kursk (l’incursion ukrainienne), un nombre indéterminé mais probablement limité étant donné les rapports que cette incursion se ralentit. Chacun de ces axes représente une tentative russe distinct d’obtenir un avantage tactique ou stratégique. Chacun absorbe des ressources russes. Chacun cause des pertes des deux côtés.
Ce qui est notable à propos de cette distribution, c’est qu’elle reflète une stratégie russe d’attaques sur plusieurs fronts plutôt qu’une concentration maximale sur un point unique. Au lieu de mettre tous ses efforts sur Pokrovsk, la Russie maintient une pression constante sur tous les axes. C’est une approche qui offre certains avantages—elle empêche l’Ukraine de concentrer toutes ses défenses sur une zone unique. Mais c’est aussi une approche qui étend la puissance de frappe russe mince. Elle ne peut pas concentrer suffisamment de puissance sur un seul axe pour forcer une percée décisive. Elle est plutôt dans une situation de pression permanente sans progrès décisif.
Je soupçonne que cette dispersion de la puissance russe n’est pas une choix stratégique fondamentale mais plutôt une nécessité imposée par les manques de ressources. La Russie aimerait probablement concentrer tout sur Pokrovsk et achever la percée. Mais elle ne dispose pas des réserves pour le faire. Donc elle pousse partout. Et cela signifie qu’elle n’est suffisamment puissante nulle part.
Section 3 : les chiffres de destruction brute
Un jour de pertes massives
Selon le rapport officiel de l’État-major général des forces armées ukrainiennes pour le 1er décembre 2025, les pertes russes du jour ont été extraordinairement élevées. Mille soixante soldats russes ont été tués ou blessés en une seule journée. Ce n’est pas un taux de pertes normal pour une journée de combats standards. C’est un indicateur que les combats ont été particulièrement intenses et particulièrement coûteux pour la Russie. Un tank détruit. Six véhicules blindés détruits. Quatorze systèmes d’artillerie détruits. Deux cent trente-neuf drones abattus. Soixante-et-onze véhicules de transport détruits.
Cumulativement, ce sont des pertes de matériel équivalentes à ce qu’une armée moyenne perdrait en une semaine entière de combats conventionnels. Mais ce qui est peut-être plus important, ce sont les pertes en personnel. Mille soixante hommes perdus en une journée. C’est soixante hommes par heure. C’est un par minute. C’est le prix que la Russie paye pour maintenir sa pression sur le front. Et à ce taux, en cours d’une année, ce serait 386 000 hommes. C’est approximativement un tiers du total des pertes militaires russes estimées depuis le début de la guerre en février 2022.
Ces chiffres sont abstraits jusqu’à ce qu’on les rend concrets. Mille soixante vies perdues en une journée. Ce ne sont pas des numéros. Ce sont des mères qui perdent leurs fils. Ce sont des épouses qui perdent leurs maris. C’est l’humanité brute de la guerre réduite à un chiffre qui apparaît dans un rapport militaire. Et cela se répète jour après jour après jour.
L’équation de l’attrition et la durabilité
La question qui émerge de ces pertes massives est : combien de temps la Russie peut-elle soutenir cet attrition ? La Russie dispose d’une population plus grande que l’Ukraine. Elle dispose de plus de mobilisation disponible. Elle dispose de plus de réserves. Mais même les réserves sont finies. Même les populations les plus grandes ont des limites. Les estimations du British Ministry of Defence en juillet 2025 suggéraient que la Russie perdait environ 1 000 à 1 500 soldats par jour en moyenne. Le chiffre du 1er décembre (1 060) se situe exactement dans cette fourchette. Cela signifie que la Russie soutient un taux d’attrition d’environ 365 000 à 547 000 hommes par année.
Pour mettre cela en perspective, la population militaire totale potentielle de la Russie (les hommes âgés de 18 à 49 ans en bonne santé militaire) est estimée à environ 30-35 millions. Mais ce ne sont pas tous disponibles pour le déploiement militaire. Les estimations pessimistes suggèrent qu’à terme, la Russie pourrait mobiliser entre 2 et 3 millions de soldats supplémentaires avant de commencer à épuiser ses réserves disponibles. À l’attrition actuelle, cela représenterait 4-8 ans de combats avant que la Russie n’atteigne un point où elle manque simplement de personnel supplémentaire à envoyer. Mais ce calcul suppose que les choses restent stables. Si l’attrition s’accélère, ce calendrier s’accélère aussi.
Il y a une mathématique sombre et inévitable à cela. Même si la Russie gagne tous ses objectifs territoriaux—ce qui est improbable—elle paiera un prix démographique si énorme que sa puissance militaire pendant des décennies en sera compromise. C’est la malédiction de la guerre d’usure. Il n’y a pas de victoire vraie. Il n’y a que des gagnants et des perdants qui s’épuisent mutuellement jusqu’à ce que l’un d’eux cède simplement.
Section 4 : la réalité des tactiques d'assaut russes
Les vagues infinies et la mécanisation du carnage
Une caractéristique remarquable de la campagne russe est la mécanique répétitive des assauts. Au lieu de tactiques d’infanterie sophistiquées ou d’approches novatrices, les Russes ont réitéré une approche simple : envoyer des vagues d’infanterie avec un soutien minimum. Les rapports de combattants ukrainiens décrivent ces assauts comme presque ritualistiques. Une vague arrive. Elle avance jusqu’à une certaine distance. Elle se fait déchiqueter. Elle se retire. Une pause. Et puis la prochaine vague arrive. Rinse. Répétez. Encore et encore.
Ce qui rend cette approche particulièrement efficace—malgré son coût terrifiant—c’est qu’elle maximise l’utilisation des ressources quantitatives russes tout en minimisant les exigences en compétence tactique. La Russie n’a pas besoin d’hommes hautement entraînés pour cette stratégie. Elle a besoin de corps. Elle les envoie en vagues. Les vagues se heurtent aux défenses ukrainiennes. Les défenseurs ukrainiens tirent. Certains Russes tombent. Mais certains percent aussi. Et éventuellement, l’accumulation de ces petites percées peut avoir un effet stratégique.
Il y a quelque chose d’horrifiant dans cette stratégie. C’est tellement basiquement cruel. C’est tellement à contre-courant de ce qu’on enseigne dans les académies militaires modernes. Mais c’est efficace. C’est ce qui rend cette guerre si troublante à observer. Parce que les tactiques les plus brutales, les moins sophistiquées, se sont avérées être les plus efficaces pour la Russie.
L’utilisation des véhicules légers et des tactiques d’infiltration
En parallèle avec les assauts d’infanterie massive, la Russie emploie aussi une tactique complémentaire d’infiltration légère. Les rapports indiquent que les Russes utilisent de plus en plus des motos, des buggies, et même des voitures civiles improvisées comme plates-formes militaires. Ces véhicules légers sont moins visibles aux drones ukrainiens que les véhicules blindés lourds. Ils sont plus rapides. Ils sont plus manœuvrables. Et crucially, ils sont beaucoup moins chers à perdre. Quand une moto improvisée avec deux soldats et une mitrailleuse montent à l’assaut, et qu’elle se fait tirer dessus par une mitrailleuse ukrainienne, la perte pour la Russie est mineure. Pas un tank coûtant plusieurs millions. Juste deux hommes et une moto.
Cette évolution dans les tactiques russes reflète une adaptation progressive à la menace des drones ukrainiens. Les véhicules blindés lourds sont des aimants pour les drones. Tout commandant de drone ukrainien verra un tank roulant et visera directement. Mais une moto ? C’est un objectif plus difficile. C’est plus petit. C’est plus rapide. C’est plus difficile à tracker. Donc les Russes utilisent de plus en plus ces véhicules légers pour l’infiltration tactique. C’est une épreuve supplémentaire que les Ukrainiens doivent affronter.
Ce qui est intéressant dans cette adaptation russe, c’est qu’elle montre une forme de flexibilité tactique. Même si les Russes n’excellent pas dans l’innovation opérationnelle ou la stratégie sophistiquée, ils démontrent une certaine capacité à s’adapter quand une tactique cesse de fonctionner. C’est une qualité admirable—et troublante—de nimportée armée compétente.
Section 5 : les implications pour la tenabilité ukrainienne
L’épuisement progressif des défenseurs
La question qui hante tout analyste de ce conflit est : combien de temps l’Ukraine peut-elle soutenir cette pression ? Cent soixante-onze combats en une journée. Répétés chaque jour, chaque nuit. L’Ukraine dispose d’une population disponible pour la mobilisation, mais elle aussi est finie. Les estimations placent la population militaire potentielle de l’Ukraine (hommes âgés de 18 à 60) à environ 7-8 millions. Mais pas tous sont entraînés ou disponibles. Pas tous sont aptes au combat. Les estimations réalistes suggèrent que l’Ukraine peut mobiliser entre 2 et 3 millions de soldats supplémentaires avant d’épuiser les ressources disponibles. À ses taux de pertes actuels (estimés entre 1 000 et 2 000 par jour), cela signifie l’Ukraine dispose de 2-6 ans de capacité de combat avant d’épuiser ses réserves disponibles.
Mais ce calcul suppose une situation stationnaire. Si la pression augmente. Si l’attrition accélère. Si l’Ukraine est obligée de détourner des troupes pour défendre de nouveaux fronts. Alors ce calendrier s’accélère dramatiquement. C’est précisément le calcul que la Russie semble faire. Elle presse, espérant briser l’Ukraine avant que l’Ukraine n’épuise ses ressources. C’est une compétition brutale d’attrition où le vainqueur n’est pas celui qui a les meilleures tactiques mais celui qui a les réserves les plus longues.
Je me demande ce que ressente un commandant militaire ukrainien en regardant ces chiffres. Il sait que ses hommes sont épuisés. Il sait que les renforts sont limités. Il sait que la Russie a plus de gens. Et pourtant il doit continuer. Il doit commander ses troupes à tenir leurs positions. Il doit ordonner des contre-attaques. Il doit faire semblant que c’est tenable, même s’il sait probablement dans son cœur que ce n’est pas durable indéfiniment.
La dépendance au soutien occidental et ses limites
L’Ukraine dépend maintenant massivement du soutien militaire occidental pour maintenir sa ligne de front. Les munitions viennent des États-Unis et d’Europe. Les systèmes de défense aérienne viennent de l’Occident. Les drones de reconnaissance et certains systèmes d’armes viennent ou sont financés par des alliés occidentaux. Sans ce soutien, la position ukrainienne s’effondrerait dans une semaine. Peut-être moins. Mais le soutien occidental n’est pas illimité. Il dépend de la volonté politique des gouvernements occidentaux. Il dépend des budgets disponibles. Il dépend de la capacité de production des industries occidentales.
Les estimations de consommation de munitions en Ukraine suggèrent que l’armée ukrainienne utilise 6 000 à 7 000 obus d’artillerie par jour. Par jour. En une année, c’est 2,2 à 2,5 millions d’obus. Pour mettre cela en perspective, la production mensuelle combinée des États-Unis et de l’Europe est estimée à environ 1,5 million d’obus. Cela signifie que l’Occident ne peut pas produire autant d’obus que l’Ukraine en consomme. Les réserves existantes sont épuisées. Les nouveaux ordres sont passés aux industres militaires. Mais les délais de production sont mesurés en mois, pas en jours. Donc l’Ukraine doit gérer avec un fourniture constante et limitée.
C’est une situation économique plus que militaire. Ce ne sont pas les tactiques qui vont décider de ce conflit à long terme. Ce est l’économie. C’est qui peut produire plus de munitions, qui peut mobiliser plus de troupes, qui peut soutenir plus longtemps. Et d’une certaine façon, c’est une réalité encore plus troublante que le combat lui-même. Parce que cela signifie que les guerres modernes se gagnent ou se perdent dans les usines, pas sur les champs de bataille.
Section 6 : la situation à Pokrovsk en détail
La bataille pour la survie d’une ville logistique
Pokrovsk mérite une attention particulière tant sa situation est critique. Les 66 combats du 1er décembre près de Pokrovsk représentent plus d’un tiers de tous les combats de ce jour. C’est une concentration de l’effort russe qui est remarquable même par les standards de cette guerre. Les rapports indiquent que environ 100 000 soldats russes sont maintenant concentrés pour l’assaut sur Pokrovsk et les zones environnantes. C’est une concentration d’une ampleur extraordinaire. C’est environ 30% des forces russes du Central Army Group. Cela signifie que la Russie a décidé que Pokrovsk est l’objectif prioritaire. C’est l’endroit où elle va briser l’Ukraine.
Les rapports de rues urbaines à Pokrovsk indiquent que les combats se sont déjà entrés dans la ville elle-même. Les rapports parlent de groupes russes infiltrés dans des bâtiments attendant les renforts. Des opérations spéciales ukrainiennes ciblant ces groupes avec des frappes précises aux drones. Des bâtiments qui deviennent des pièges à ennemi. C’est le pire scénario pour le défenseur—la bataille s’étant transformée en combat urbain maison par maison. Ce type de combat joue en faveur du défenseur généralement. Mais seulement si le défenseur a les ressources pour le soutenir. Et si l’Ukraine doit envoyer toutes ses réserves à Pokrovsk pour défendre la ville, elle crée des brèches ailleurs sur le front.
Pokrovsk se transforme en métaphore de toute la guerre. C’est une bataille qu’on ne peut pas gagner mais qu’on ne peut pas perdre. Si l’Ukraine perd Pokrovsk, elle perd un nœud logistique crucial et le moral s’effondre. Si elle concentre tout pour défendre Pokrovsk, elle crée des brèches ailleurs. Il n’y a pas de solution heureuse. Il n’y a que des mauvaises options et des moins mauvaises options.
Les implications stratégiques de la perte de Pokrovsk
Si la Russie captures Pokrovsk, les conséquences seraient catastrophiques pour les opérations militaires ukrainiennes. Pokrovsk est le siège du commandement militaire ukrainien pour tout le front oriental. C’est où se concentrent les stocks de fournitures. C’est où les troupes se regroupent entre les rotations. C’est où passe la majorité des ravitaillements logistiques vers les positions avancées. La perte de Pokrovsk signifierait l’effondrement de toute la structure logistique des défenses ukrainiennes en Donetsk. Littéralement. Il faudrait semaines ou mois pour que l’Ukraine reconstruise une infrastructure logistique alternative. Pendant ce temps, les défenses sur le front s’effondreraient.
Les analystes militaires ont été clairs sur ce point. Si Pokrovsk tombe, toute la ligne de front ukrainienne risque de s’effondrer. Ce ne serait pas une retraite ordonnée. Ce serait potentiellement un effondrement en chaîne. Les troupes ukrainiennes sans fournitures. Sans munitions. Sans ordres clairs. Se retirant dans la confusion. Et la Russie, sentant la victoire, avançant. C’est le scénario catastrophe. C’est ce que tout le monde craint. C’est pourquoi les Ukrainiens défendent Pokrovsk si férocement. Parce qu’ils savent que c’est l’enjeu.
Je pense aux civils qui restent encore à Pokrovsk. On estime que plusieurs milliers ont choisi de ne pas fuir malgré la menace. Peut-être qu’ils refusent d’abandonner leurs maisons. Peut-être qu’ils n’ont nulle part d’où aller. Peut-être qu’ils ont simplement accepté que c’est la réalité de leur vie maintenant. Et ils se réveillent chaque matin en se demandant si ce sera le jour où la Russie percet les défenses et la ville tombe. C’est une forme d’angoisse existentielle que les gens en sécurité relative ne peuvent pas vraiment comprendre.
Section 7 : le soutien logistique ukrainien sous pression
Les défis de maintien en ligne d’une armée sous attrition constant
Au-delà de la tactique militaire directe, il existe un défi logistique colossale que l’Ukraine doit affronter chaque jour. Maintenir 171 points d’engagement sur une ligne de front exige une infrastructure logistique extraordinaire. Il faut que chaque position avancée reçoive des munitions. Il faut que les troupes blessées soient évacuées. Il faut que les soldats rotent régulièrement pour éviter l’épuisement complet. Il faut que les renforts et les approvisionnements transitent. Et tout cela se produit sous une pluie constante de feu russe.
Les rapports indiquent que la Russie a lancé 56 frappes aériennes le 1er décembre, déployant 139 bombes planantes. Simultanément, elle a mené 4 309 attaques au sol, incluant 93 tirs d’artillerie lance-roquettes multiples et 6 062 drones kamikaze. Cela crée une pluie incessante de projectiles visant les lignes de ravitaillement ukrainiennes. Les routes deviennent des cibles. Les carrefours sont bombardés. Les dépôts de munitions sont visés. C’est une campagne systématique visant à asphyxier logistiquement les forces ukrainiennes. Et elle fonctionne partiellement. Les commandants ukrainiens doivent constamment improviser des routes alternatives, recréer des dépôts perdus, naviguer autour des zones bombardées.
La logistique militaire n’est pas glamoureuse. Elle ne crée pas de histoires héroïques. Personne ne compose de chansons sur les camions ravitailleurs. Mais c’est la fondation sur laquelle repose toute opération militaire. Sans logistique, même l’armée la plus courageux s’effondre. Et l’Ukraine, défendant un front massif avec des ressources limitées, doit conserver sa logistique fonctionnelle face à une campagne russe explicitement conçue pour la détruire.
L’improvisation et la résilience comme stratégies de survie
Ce qui est remarquable à propos de l’Ukraine est sa capacité à improviser et s’adapter face aux défis logistiques. Quand une route est bombardée, l’Ukraine crée des routes alternatives. Quand les dépôts sont détruits, les munitions sont redéployées. Quand les lignes de communication se rompent, de nouvelles sont établies. C’est une démonstration remarquable de résilience adaptative. Mais cela a un coût. L’improvisation est moins efficace que la logistique planifiée. Elle utilise plus de ressources. Elle est plus fragile. Et elle peut finalement s’effondrer si la pression devient trop grande.
Les commandants ukrainiens savent cela. Ils font de leur mieux. Mais ils savent aussi que c’est une course contre la montre. Jusqu’à quel point peuvent-ils improviser ? Jusqu’à quel point peuvent-ils s’adapter ? À quel point la résilience peut-elle être étirée avant qu’elle se casse ? Ce ne sont pas des questions rhétoriques. Ce sont des préoccupations quotidiennes pour les commandants qui doivent garder leurs lignes de front approvisionnées.
Je suis frappé par l’inégalité de cette situation. La Russie, avec ses ressources industrielles massives, peut produire des bombes et des obus continuellement. L’Ukraine, avec des ressources bien plus limitées, doit constamment improviser et adapter. C’est une compétition où les règles favorisent clairement le plus riche. Et c’est pourquoi le soutien occidental est si critique. Parce que sans lui, l’Ukraine ne peut tout simplement pas competer.
Section 8 : l'utilisation des drones et la guerre technologique
Les chiffres de destruction de drones
Mardi les 239 drones ennemis ont été abattus par les défenses ukrainiennes le 1er décembre représentent une activité de drone russe extrêmement intensive. Environ 6 062 drones kamikaze ont été déployés par la Russie pendant la journée, selon le rapport de l’État-major ukrainien. Si les chiffres de destruction de 239 sont corrects, cela signifie un taux d’interception d’environ 4%. C’est un taux d’interception très bas. Cela signifie que 96% des drones kamikaze russes penetrent les défenses aériennes ukrainiennes et atteignent leurs cibles ou perturbent les opérations militaires.
Cela crée une situation où la Russie peut utiliser les drones pratiquement sans entrave. Même si la Russie perd 1 drone sur 100 à l’interception, elle peut se permettre de perdre des milliers tant qu’elle en produit assez. Les estimations placent le coût de production d’un drone Shahed-type à entre 10 000 et 20 000 dollars. Si la Russie en produit 6 000 par jour à une perte de 4% par jour, cela signifie une perte de 240 drones par jour coûtant entre 2,4 et 4,8 millions de dollars. C’est une perte soutenue que la Russie, malgré les sanctions, semble capable d’absorber.
Il y a quelque chose de frustrant pour les Ukrainiens à ce déséquilibre. Peu importe combien de drones tu abats, il y en a plus qui viennent. C’est comme essayer d’éponger un deluge avec une serviette. À un moment, tu as juste accepter que tu vas être trempé. Et c’est cette résignation progressive qui, je crois, affecte le moral des troupes ukrainiennes.
La bataille technologique dans les airs
Outre les chiffres bruts, il existe un conflit technologique plus subtil pour la supériorité des drones. Les Ukrainiens répondent à la menace des drones russes en développant leurs propres systèmes d’interception. Les rapports parlent d’un nouveau drone « Sting » qui peut intercepter et détruire les drones russes en vol. C’est une escalade technologique fascinante—des drones combattant des drones—qui reflète la nature de la guerre modern. Mais ces systèmes d’interception sont probablement beaucoup moins nombreux et beaucoup plus coûteux à produire que les drones de champ de bataille russes simples.
Donc même si l’Ukraine développe cette technologie d’interception, elle ne peut probablement pas la produire en quantités suffisantes pour matérielement changeer le taux d’interception. Ce qui signifie que la menace des drones russes restera probablement un problème chronique pour l’Ukraine. C’est un domaine où la Russie, avec ses ressources de production relativement plus grandes, peut avoir un avantage qui est difficile pour l’Ukraine de compenser.
La guerre des drones reflète la nature plus large de ce conflit. Ce n’est pas une victoire totale pour personne. C’est une compétition constante pour trouver des moyens légerment meilleurs de faire les choses. Et celui qui peut innover juste un peu plus rapidement gagne le avantage marginal. Mais ces avantages marginaux, accumulés au fil des mois, créent des différences cumulatives importantes.
Section 9 : la perspective de la guerre d'usure
Une compétition sans fin d’attrition économique
En reculant et en regardant les 171 combats du 1er décembre dans un contexte plus large, il devient clair que cette guerre s’est transformée en compétition pure d’attrition économique. Ce n’est plus une compétition tactique ou stratégique au sens classique. Ce n’est pas celui qui a les meilleures stratégies ou les meilleurs généraux. C’est celui qui peut soutenir l’attrition plus longtemps. C’est celui qui peut continuer à mobiliser des hommes et à produire des munitions indéfiniment.
La Russie, avec une population plus grande et une économie plus grande (malgré les sanctions), a un avantage dans cette compétition. Mais cet avantage n’est pas absolu. C’est seulement un avantage. Si la Russie paie suffisamment de prix économique—si son industrie de guerre s’effondre assez—alors même cet avantage peut s’éroder. Et c’est où le soutien occidental à l’Ukraine devient critique. Parce que le soutien occidental augmente effectivement la puissance militaire potentielle de l’Ukraine. Cela permet à l’Ukraine de combater l’attrition à un taux plus proche de celui de la Russie.
C’est une race étrange où l’Ukraine court contre elle-même aussi bien que contre la Russie. Si elle peut tenir assez longtemps, si elle peut soutenir l’attrition assez longtemps, elle peut survire. Mais la fenêtre se ferme. À chaque mois qui passe, ses réserves s’épuisent. À chaque jour, ses hommes sont perdus et ne peuvent pas être remplacés. Et au fond, cela pourrait être la tragédie la plus profonde de ce conflit.
L’impossibilité d’une victoire classique
La réalité brute de cette situation est que ni la Russie ni l’Ukraine ne peuvent gagner une victoire classique. L’Ukraine ne peut pas chasser la Russie du territoire occupé. Elle n’a tout simplement pas les ressources pour lancer des contre-offensives massives à travers le front. Et la Russie ne peut pas conquérir l’ensemble de l’Ukraine. Elle peut avancer localement. Elle peut capturer des villes. Mais elle ne peut pas occuper complètement un pays de 40 millions d’habitants sans une armée plusieurs fois plus grande que ce qu’elle possède actuellement.
Ce qui cela signifie est que le conflit entrera probablement dans un stalemate prolongé où les deux côtés continuent à se battre sans changement territorial majeur. Ou il se transformera en quelque forme de négociation où les deux côtés acceptent essentiellement les limites actuelles. Mais ces négociations ne viendront que quand l’attrition économique devient intolérable pour l’une ou l’autre partie. Et vu les taux actuels d’attrition, cela pourrait prendre des années.
Je regarde ces 171 combats et je réalise que ce ne sont pas les prémisses d’une victoire finale. Ce sont les signes d’un conflit qui s’est verrouillé dans une compétition d’usure. Et les guerres d’usure finissent généralement quand une partie s’effondre simplement d’épuisement. Pas parce qu’elle a perdu une grande bataille. Mais parce qu’elle a juste cessé de pouvoir continuer.
Section 10 : la perspective occidentale et le calcul géopolitique
L’enjeu mondial du conflit ukrainien
Le conflit en Ukraine, bien que régional, a des implications géopolitiques massives pour les équilibres des puissances mondiaux. Si la Russie remporte une victoire décisive, cela envoie un message à chaque petite nation dans le monde. Cela dit que la Russie peut attaquer impunément. Cela dit que les grandes puissances peuvent redessiner les frontières quand elles le souhaitent. Cela dit que le droit international ne signifie rien face à la puissance militaire brute. Pour l’Occident, cela serait un désastre stratégique.
C’est pourquoi l’Occident, à travers les États-Unis et l’Europe, a décidé de soutenir l’Ukraine. Ce n’est pas par charité. C’est par intérêt stratégique. Parce que permettre à la Russie de vaincre l’Ukraine reconfigurerait l’ordre international de manière profondément défavorable à l’Occident. Donc le soutien occidental à l’Ukraine n’est pas altruiste mais plutôt une forme d’investissement géopolitique. Et c’est un investissement que l’Occident continuera probablement à faire tant qu’il pensera que c’est tenable.
C’est une réalité peu confortable. Le soutien occidental à l’Ukraine n’est motivé par une quelconque vertu morale supérieure mais par une realpolitik froide. C’est parce que l’Occident croit que son ordre international serait mieux s’il soutenait l’Ukraine. C’est transaction géopolitique froide. Mais c’est aussi une où les Ukrainiens bénéficient. Et dans une réalité géopolitique brute, c’est souvent suffisant.
Les défis à la durabilité du soutien occidental
Cependant, il existe des défis à la durabilité du soutien occidental. La fatigue de la guerre affecte les gouvernements occidentaux tout comme elle affecte les belligérants. Les gouvernements font face à des défis économiques domestiques. Ils font face à des préoccupations budgétaires. Ils font face à des électeurs fatigués des guerres lointaines qui semblent sans fin. Si le conflit s’étire pendant des années—ce qui est probable—la volonté politique de continuer le soutien s’érode progressivement.
Déjà, il existe des signes de cette érosion. Certains politiciens occidentaux appellent à des négociations. D’autres expriment des préoccupations concernant une escalade nucléaire. D’autres simplement veulent que le conflit s’aille ailleurs pour qu’ils puissent se concentrer sur les problèmes domestiques. Si cette tendance s’accélère, si la volonté politique occidentale s’érode assez, le soutien à l’Ukraine pourrait diminuer. Et si le soutien diminue, les chances de l’Ukraine de continuer à soutenir l’attrition diminuent aussi.
C’est une race contre le temps pour l’Ukraine d’une façon totalement différente. Ce n’est pas juste une course contre la Russie militairement. C’est une course contre la fatigue politique occidentale. Peut-elle tenir assez longtemps pour que quelque chose change fondamentalement? Parce que si elle peut tenir assez longtemps, peut-être que la volonté russe de continuer s’érode aussi. Mais si le soutien occidental s’épuise avant cela, l’Ukraine est finie.
Conclusion : un avenir bloqué et sans horizon
Le piège de l’attrition sans fin
En conclusion, les 171 combats du 1er décembre 2025 ne représentent pas un tournant. Ils représentent la nouvelle normalité d’une guerre qui s’est verrouillée dans une compétition d’attrition sans fin. Chaque jour apportera des centaines d’autres combats. Chaque jour entraînera des centaines d’autres pertes. Et ce jour après jour, pendant des mois, des années potentiellement. C’est la réalité crue du conflit moderne.
Pour l’Ukraine, cela signifie qu’elle doit continuer à défendre des positions qui deviennent progressivement plus intenables. Pour la Russie, cela signifie qu’elle doit continuer à attaquer malgré l’attrition économique croissante. Pour le reste du monde, cela signifie que le conflit s’étendra probablement pendant une période beaucoup plus longue que la plupart ne s’y attendaient. Ce n’est pas la compétition à court terme d’une semaine ou d’un mois. C’est une compétition prolongée mesuré en années.
Je regarde les 171 combats du 1er décembre et je réalise que c’est juste un nombre. C’est juste un point de donnée dans une statistique qui se répète jour après jour. Mais derrière ce nombre se trouve l’humanité brute. Ce sont des milliers de vies qui changent, des familles qui sont déchirées, des communautés qui sont détruites. Et tout cela continue parce que deux nationalités ne peuvent pas trouver un moyen de résoudre leurs différends sans carnage massif. C’est la tragédie du conflit moderne. Ce n’est pas une seule grande bataille. C’est une hémorragie qui continue jusqu’à ce que quelqu’un cède complètement.
Les perspectives sombres et l’absence de solutions claires
En regardant vers l’avant, il y a peu de raisons d’être optimiste à court terme. Les dynamiques du conflit favorisent une stalemate prolongée. La capacité de la Russie à absorber l’attrition est probablement supérieure à celle de l’Ukraine. Mais la capacité de l’Ukraine à tenir les positions défensives est résiliente—peut-être suffisamment résiliente pour que le conflit s’étire pendant années sans victoire décisive pour personne. Les 171 combats du 1er décembre sont simplement un autre jour dans une guerre sans fin.
La question finale qui persiste est : quand cela s’arrête-t-il ? Quand une des parties découvre que l’attrition est insoutenable ? Quand les populations civiles, épuisées par la guerre, exigent la paix ? Quand les économies, saignées par les dépenses militaires, s’effondrent ? Ce ne sont pas des questions sans réponse. Ce sont des questions dont les réponses se déploieront probablement sur les années à venir.
Je conclus avec une sensation de malheur inévitable. Les 171 combats du 1er décembre ne sont que le commencement d’une décennie de conflit potentiel. Et il n’y a aucune raison de croire que cela va s’améliorer rapidement. Parce que quand deux nations s’engagent dans une compétition d’attrition, la seule fin est généralement l’épuisement mutuel. Et l’épuisement mutuel, c’est beaucoup de souffrance avant que qui conque arrive.
Sources
Sources primaires
Ukrinform – War update: 171 combat clashes on frontline, Russians attack on eight axes (1er décembre 2025); Ukrainian General Staff Official Report – Daily Operational Summary (1er décembre 2025); BBC – Russia pushes on key Ukraine city of Pokrovsk while Kyiv’s Kursk incursion slows (31 août 2024); Al Jazeera – As battle for Ukraine’s Pokrovsk heats up, Putin touts nuclear-powered arms (30 octobre 2025); Critical Threats Project – Russian Offensive Campaign Assessment (11 novembre 2025); United24Media – Ukrainian Drones Destroy Russian Armored Bridge Layer in Rare Tactical Strike (30 novembre 2025); Kyiv24 – Intense combat in Pokrovsk direction with 171 engagements recorded (30 novembre 2025); Newsukraine RBC – Russia-Ukraine war: Frontline update as of December 1 (1er décembre 2025)
Sources secondaires
Wikipedia – Timeline of the Russo-Ukrainian war (1 June 2025 – 31 August 2025); Caspian Post – Ukraine’s Naval Drones Strike Key Russian Oil Ports (24 septembre 2025); Institute for the Study of War – Russian Offensive Campaign Assessment (multiples dates 2025); Euromaidan Press – Ukrainian Special Operations Forces Strike Russian Concentration Points in Pokrovsk (26 novembre 2025); Reddit r/CombatFootage – Ukrainian AD FPV drone Sting intercepts Russian Shahed (1er décembre 2025); YouTube Combat Footage Analysis – Russians regrouping with additional forces in Pokrovsk (26 novembre 2025); British Ministry of Defence – Assessment of Russian Military Losses (juillet 2025); NATO Intelligence Assessment – Attrition Analysis of Russian Forces (multiples dates 2025)