La mécanique de l’assaut russe
Pour comprendre l’ampleur de l’échec russe du 28 novembre, il faut d’abord comprendre ce qu’ils avaient prévu. L’assaut mécanisé n’est pas une improvisation. C’est une opération militaire complexe qui nécessite une coordination précise entre l’infanterie, les blindés, l’artillerie et le soutien aérien. Les Russes avaient rassemblé une force d’attaque conséquente : des véhicules blindés de transport de troupes pour transporter l’infanterie jusqu’aux positions ukrainiennes, des motos et des quads pour les groupes d’assaut rapides, et des dizaines de soldats d’infanterie pour consolider les gains territoriaux. L’idée était simple : frapper vite, frapper fort, submerger les défenses ukrainiennes par la vitesse et la violence de l’attaque. C’est une tactique qui a fonctionné ailleurs, dans d’autres secteurs du front. Mais pas à Kupiansk.
Parce que les Ukrainiens avaient anticipé. Ils connaissaient le terrain, ils connaissaient les tactiques russes, et surtout, ils avaient préparé leur défense avec un soin méticuleux. Les positions de la 14e brigade mécanisée et de la 30e brigade mécanisée n’étaient pas de simples tranchées creusées à la hâte. C’étaient des fortifications élaborées, des champs de mines soigneusement disposés, des positions d’artillerie camouflées et prêtes à frapper. Et au-dessus de tout ça, des drones. Des dizaines, peut-être des centaines de drones, qui surveillaient chaque mouvement russe, qui transmettaient en temps réel les coordonnées des cibles, qui guidaient les tirs d’artillerie avec une précision chirurgicale. Quand les colonnes russes se sont avancées, elles ne se sont pas heurtées à une défense improvisée. Elles se sont jetées dans un piège mortel.
Le rôle décisif des drones ukrainiens
Si cette bataille devait être résumée en un seul mot, ce serait : drones. Les drones d’attaque FPV (First Person View) sont devenus l’arme emblématique de cette guerre. Petits, rapides, maniables, ils peuvent être pilotés à distance par des opérateurs situés à plusieurs kilomètres du front. Équipés d’explosifs, ils transforment n’importe quel véhicule blindé en cercueil d’acier. Et ce 28 novembre, ils ont été utilisés avec une efficacité dévastatrice. Les images géolocalisées de la bataille montrent des véhicules blindés russes en flammes, des motos renversées, des quads abandonnés. Chaque impact de drone est visible, documenté, vérifiable. Ce n’est pas de la propagande, c’est de la documentation militaire brute.
Mais les drones ne sont pas seulement des armes. Ils sont aussi des outils de renseignement. Avant même que l’assaut russe ne commence, les drones ukrainiens survolaient les zones de rassemblement ennemies, identifiant les véhicules, comptant les hommes, repérant les positions d’artillerie. Cette supériorité informationnelle a donné aux Ukrainiens un avantage décisif. Ils savaient où frapper, quand frapper, et avec quelle force. Les Russes, eux, avançaient presque à l’aveugle, sans savoir que chacun de leurs mouvements était observé, analysé, transmis aux unités d’artillerie ukrainiennes. Quand l’assaut a commencé, les Ukrainiens n’ont pas eu à deviner où se trouvaient les cibles. Ils le savaient déjà. Et ils ont frappé avec une précision qui a transformé l’offensive russe en massacre.
Il y a quelque chose de terrifiant dans cette guerre moderne. Les soldats ne voient plus toujours leur ennemi. Ils meurent sous des frappes venues du ciel, guidées par des opérateurs qu’ils ne verront jamais. C’est une guerre désincarnée, où la technologie a remplacé le corps-à-corps, où les drones ont remplacé les baïonnettes. Et pourtant, la mort reste la même. Brutale, définitive, implacable. Ces soldats russes qui sont morts le 28 novembre, ils n’ont probablement jamais vu venir le drone qui les a tués. Juste un bourdonnement dans le ciel, puis l’explosion, puis le néant. C’est ça, la guerre du XXIe siècle.
Section 3 : le bilan d'une journée de sang
Les pertes matérielles russes
Les chiffres sont froids, cliniques, presque abstraits. Mais derrière chaque chiffre, il y a une réalité concrète, tangible. Trois véhicules blindés de transport de troupes détruits. Chacun de ces véhicules coûte des centaines de milliers de dollars, nécessite des mois de production, et surtout, transportait entre huit et douze soldats. Quand un BTR explose, ce ne sont pas seulement quelques tonnes d’acier qui partent en fumée. Ce sont des vies, des équipements, des capacités opérationnelles qui disparaissent en une fraction de seconde. Neuf autres véhicules détruits : motos, quads, camions de transport. Chacun représente une perte pour la machine de guerre russe, une capacité de mobilité en moins, une ressource qui ne pourra pas être utilisée ailleurs.
Mais le plus révélateur, c’est peut-être la destruction d’un système d’artillerie automoteur 2S19 MSTA-S et d’un obusier MT-12. Ces pièces d’artillerie sont essentielles pour soutenir les assauts d’infanterie. Sans elles, les soldats russes avancent sans couverture de feu, exposés aux tirs ukrainiens. Leur destruction ne signifie pas seulement une perte matérielle. Elle signifie que les prochains assauts russes dans ce secteur seront encore plus difficiles, encore plus coûteux en vies humaines. Et il y a eu aussi la destruction d’un terminal Starlink, confirmant ce que beaucoup soupçonnaient déjà : les forces russes utilisent massivement cette technologie américaine, malgré les sanctions et les restrictions. C’est un détail technique, mais il révèle l’ampleur de la dépendance russe à la technologie occidentale, même en pleine guerre.
Les pertes humaines : vingt-six vies sacrifiées
Et puis il y a les hommes. Vingt-six soldats russes éliminés sur le champ de bataille. Vingt-six corps qui ne rentreront jamais chez eux. Vingt-six familles qui recevront peut-être une lettre officielle, froide, impersonnelle, leur annonçant que leur fils, leur mari, leur père est mort « en accomplissant son devoir militaire ». Mais qu’est-ce que ça veut dire, accomplir son devoir militaire ? Mourir dans une offensive ratée, pour une ville qu’on ne prendra jamais, dans une guerre qu’on ne comprend pas ? Ces hommes, pour la plupart, n’avaient probablement aucune idée de ce dans quoi ils s’engageaient. On leur a dit qu’ils allaient libérer l’Ukraine, qu’ils seraient accueillis en héros. Au lieu de ça, ils ont trouvé la mort dans un champ boueux, sous les frappes de drones, loin de chez eux.
Les militaires ukrainiens de la 14e brigade ont résumé la situation avec une ironie mordante : « Aujourd’hui, ces ‘libérateurs’ ont reçu une gifle sincère et chaleureuse, et il semble qu’ils vont maintenant devoir expliquer longuement à leurs supérieurs pourquoi la ‘grande offensive’ a soudainement brûlé. » C’est une façon de parler de la guerre qui peut sembler désinvolte, presque cruelle. Mais c’est aussi une façon de survivre psychologiquement à l’horreur quotidienne du combat. Parce que si on commence à penser à chaque mort, à chaque vie brisée, on ne peut plus continuer. On s’effondre. Alors on fait des blagues, on ironise, on transforme la tragédie en anecdote. C’est un mécanisme de défense, pas de l’insensibilité.
Je ne peux pas m’empêcher de penser à ces vingt-six hommes. Qui étaient-ils ? D’où venaient-ils ? Avaient-ils des enfants ? Des rêves ? Des projets pour après la guerre ? On ne le saura jamais. Ils sont devenus des statistiques, des chiffres dans un rapport militaire. Et c’est peut-être ça, le plus terrible dans cette guerre : la façon dont elle déshumanise tout le monde, victimes comme bourreaux. Ces soldats russes ont probablement commis des atrocités. Mais ils étaient aussi des êtres humains, avec des peurs, des espoirs, des faiblesses. Et maintenant, ils sont morts. Pour rien.
Section 4 : Kupiansk, l'enjeu qui obsède Moscou
Une ville au cœur de la stratégie russe
Kupiansk n’est pas une ville comme les autres. Ce n’est pas juste un point sur une carte, un nom dans les communiqués militaires. C’est un nœud ferroviaire stratégique, un carrefour logistique essentiel, une clé qui ouvre ou ferme des portes sur l’ensemble du front oriental. Contrôler Kupiansk, c’est contrôler les voies d’approvisionnement vers le sud et l’est. C’est pouvoir déployer des troupes, des munitions, du matériel avec une efficacité décuplée. C’est transformer une position défensive en tremplin offensif. Et c’est exactement ce que les Russes veulent. Depuis des mois, depuis qu’ils ont perdu la ville en septembre 2022 lors de la contre-offensive ukrainienne, ils n’ont qu’une obsession : la reprendre.
Mais Kupiansk, c’est aussi bien plus que ça. C’est un symbole. La ville a été capturée par les Russes dans les premières semaines de l’invasion de février 2022, puis reprise par les Ukrainiens quelques mois plus tard. Cette reconquête a été un moment de fierté nationale, une preuve que l’armée ukrainienne pouvait non seulement résister, mais aussi contre-attaquer et gagner. Perdre Kupiansk maintenant serait un coup terrible pour le moral ukrainien. Et Moscou le sait. C’est pourquoi ils jettent tant d’hommes et de matériel dans cette bataille. Ce n’est pas juste une question militaire. C’est une question politique, psychologique, symbolique. Kupiansk est devenue le terrain d’une guerre dans la guerre, un microcosme du conflit plus large.
L’importance géographique et logistique
Pour comprendre pourquoi Kupiansk est si importante, il faut regarder une carte. La ville est située sur la rive droite de la rivière Oskil, dans la région de Kharkiv. Cette position géographique en fait un point de passage obligé pour toute offensive russe vers l’ouest. Sans Kupiansk, les Russes ne peuvent pas avancer vers Kharkiv, la deuxième plus grande ville d’Ukraine. Sans Kupiansk, ils ne peuvent pas sécuriser leurs flancs pour une offensive vers le sud, en direction du Donbass. Et sans Kupiansk, ils ne peuvent pas réaliser l’un de leurs objectifs politiques majeurs : le contrôle total des oblasts de Donetsk et de Louhansk.
La rivière Oskil elle-même joue un rôle crucial dans cette bataille. C’est une barrière naturelle qui complique considérablement les opérations militaires. Traverser une rivière sous le feu ennemi est l’une des manœuvres les plus dangereuses et les plus coûteuses en vies humaines. Les Russes ont réussi à établir une tête de pont sur la rive droite, mais cette position est précaire, vulnérable, constamment menacée par les frappes ukrainiennes. Chaque convoi d’approvisionnement qui traverse la rivière est une cible potentielle pour les drones ukrainiens. Chaque renfort envoyé sur la rive droite risque de ne jamais arriver à destination. C’est un cauchemar logistique pour les commandants russes, et ça explique en partie pourquoi leurs offensives dans ce secteur échouent si régulièrement.
Il y a quelque chose de fascinant et de terrifiant dans la façon dont la géographie dicte le cours de la guerre. Une rivière, un pont, une colline peuvent faire la différence entre la victoire et la défaite. Kupiansk n’est pas importante parce qu’elle est grande ou riche ou belle. Elle est importante parce qu’elle est là, à cet endroit précis, sur cette carte. Et pour cette raison, des milliers d’hommes vont mourir en essayant de la prendre ou de la défendre. C’est absurde, quand on y pense. Mais c’est la logique de la guerre.
Section 5 : la géographie du combat
Le village de Petropavlivka, objectif de l’assaut
Petropavlivka. Un nom qui ne dit probablement rien à la plupart des gens. Un petit village de quelques centaines d’habitants, peut-être moins maintenant que la guerre a vidé la région de sa population civile. Mais pour les militaires, Petropavlivka est un objectif tactique de première importance. Situé à quelques kilomètres au sud-est de Kupiansk, le village contrôle les routes d’approche vers la ville. Le prendre permettrait aux Russes de se rapprocher encore un peu plus de leur objectif final. Le perdre, pour les Ukrainiens, signifierait exposer Kupiansk à une pression accrue, peut-être insoutenable. C’est pour ça que les deux camps se battent avec tant d’acharnement pour ce bout de terre apparemment insignifiant.
Le terrain autour de Petropavlivka est typique de cette région d’Ukraine : des champs plats, quelques bosquets d’arbres, des routes de terre qui deviennent impraticables dès qu’il pleut. C’est un terrain qui favorise la défense. Pas de collines pour se cacher, pas de forêts denses pour se camoufler. Tout mouvement est visible, tout véhicule est exposé. Les Ukrainiens ont exploité cet avantage avec une efficacité redoutable. Ils ont transformé les abords de Petropavlivka en zone de mort, un espace où tout ce qui bouge devient une cible. Les Russes le savent, mais ils n’ont pas le choix. Pour avancer, ils doivent traverser ces champs à découvert. Et chaque fois qu’ils essaient, ils laissent des morts derrière eux.
La topographie comme arme défensive
Si on regarde une carte topographique de la région, on comprend immédiatement pourquoi les Ukrainiens tiennent si bien. Au sud-ouest de Kupiansk, il y a une série de collines qui dominent la plaine environnante. Ces hauteurs offrent une vue dégagée sur des kilomètres, permettant aux observateurs ukrainiens de repérer les mouvements russes bien avant qu’ils n’atteignent les lignes de front. C’est depuis ces positions que les opérateurs de drones ukrainiens travaillent, guidant les frappes d’artillerie, coordonnant les attaques de drones FPV, surveillant chaque centimètre carré du champ de bataille. Les Russes, eux, sont coincés dans les plaines, exposés, vulnérables.
Cette supériorité topographique explique aussi pourquoi les tentatives russes d’encercler Kyslivka, un autre village stratégique au nord de Kupiansk, ont échoué. Les Ukrainiens tiennent les hauteurs, et depuis ces positions, ils peuvent frapper les colonnes russes avec une précision dévastatrice. Les Russes ont essayé de contourner le problème en attaquant depuis le sud, en direction de Tabaivka, mais là encore, ils se sont heurtés à une défense bien préparée. Chaque tentative d’avancer se solde par des pertes, chaque offensive se transforme en retraite. Et pendant ce temps, les Ukrainiens renforcent leurs positions, amènent des réserves, préparent la contre-offensive.
La guerre, c’est aussi une question de géographie. Qui tient les hauteurs, qui contrôle les routes, qui domine le terrain. Les Ukrainiens ont compris ça depuis longtemps. Ils ne cherchent pas à tenir chaque mètre carré de territoire. Ils cherchent à tenir les positions qui comptent, celles qui donnent un avantage tactique décisif. Et ça marche. Les Russes peuvent annoncer des victoires, dessiner des flèches sur des cartes, prétendre qu’ils avancent. Mais sur le terrain, ils piétinent, ils saignent, ils meurent.
Section 6 : les tactiques ukrainiennes qui font la différence
La défense en profondeur
Les Ukrainiens ne défendent pas Kupiansk avec une simple ligne de tranchées. Ils ont mis en place une défense en profondeur, un système de positions échelonnées qui permet d’absorber les assauts ennemis sans s’effondrer. La première ligne est composée de positions avancées, souvent légèrement tenues, dont le rôle est de détecter l’ennemi et de ralentir son avance. Derrière, il y a des positions principales, fortement défendues, équipées d’artillerie et de systèmes antichars. Et encore derrière, des réserves mobiles prêtes à contre-attaquer ou à boucher les brèches. C’est un système qui a fait ses preuves dans d’innombrables guerres, et qui fonctionne particulièrement bien contre les tactiques russes d’assaut frontal.
Mais ce qui rend la défense ukrainienne vraiment redoutable, c’est l’intégration des drones dans ce système. Chaque position défensive est couverte par des drones de reconnaissance qui surveillent les approches. Dès qu’un mouvement ennemi est détecté, l’information est transmise instantanément aux unités d’artillerie et aux opérateurs de drones d’attaque. En quelques minutes, parfois en quelques secondes, les frappes commencent. Les Russes n’ont pas le temps de se déployer, de se mettre à couvert, de coordonner leur attaque. Ils sont frappés alors qu’ils sont encore en mouvement, vulnérables, désorganisés. C’est une forme de guerre qui privilégie la vitesse et la précision sur la force brute, et les Ukrainiens l’ont perfectionnée.
L’artillerie de précision
L’artillerie reste l’arme reine de cette guerre. Malgré tous les discours sur les drones et les missiles de haute technologie, c’est toujours l’artillerie qui cause le plus de pertes. Mais l’artillerie ukrainienne n’est pas celle de la Première Guerre mondiale, tirant au hasard dans l’espoir de toucher quelque chose. C’est une artillerie moderne, guidée par des drones, coordonnée par des systèmes informatiques, capable de frapper avec une précision de quelques mètres. Quand un drone ukrainien repère une colonne russe, les coordonnées sont transmises à une batterie d’artillerie. En quelques minutes, les obus tombent exactement là où ils doivent tomber. Pas de tirs de barrage aveugles, pas de gaspillage de munitions. Juste des frappes précises, dévastatrices.
Cette efficacité est le résultat d’années d’entraînement et d’adaptation. Au début de la guerre, l’artillerie ukrainienne utilisait des méthodes traditionnelles, avec des observateurs au sol et des calculs manuels. Maintenant, tout est numérisé, automatisé, optimisé. Les systèmes d’artillerie occidentaux comme les M777 américains ou les Caesar français ont apporté non seulement de la puissance de feu, mais aussi des systèmes de contrôle de tir modernes. Combinés avec les drones ukrainiens, ces systèmes forment une arme redoutable. Les Russes le savent, et c’est pour ça qu’ils essaient désespérément de détruire les batteries d’artillerie ukrainiennes. Mais ces batteries sont mobiles, bien camouflées, et protégées par des systèmes de défense aérienne. Les détruire est presque impossible.
Il y a une beauté terrible dans l’efficacité militaire. Quand tout fonctionne comme prévu, quand les drones repèrent, quand l’artillerie frappe, quand l’ennemi meurt. C’est horrible, mais c’est aussi fascinant. Parce que derrière cette efficacité, il y a des hommes et des femmes qui ont appris, qui se sont adaptés, qui ont transformé la défense de leur pays en science exacte. Les Ukrainiens ne sont pas des surhommes. Ils n’ont pas de pouvoirs magiques. Ils ont juste appris à se battre mieux que leurs ennemis. Et dans une guerre, c’est tout ce qui compte.
Section 7 : l'échec de la tactique d'infiltration russe
Une stratégie risquée qui se retourne contre Moscou
Les Russes ont changé de tactique ces derniers mois. Plutôt que de lancer de grandes offensives avec des centaines de véhicules et des milliers d’hommes, ils ont opté pour une approche plus subtile : l’infiltration. De petits groupes de soldats, souvent à pied ou sur des motos, s’infiltrent dans les lignes ukrainiennes, cherchent à établir des positions dans les zones urbaines, puis appellent des renforts. C’est une tactique qui a fonctionné dans certains secteurs, notamment à Bakhmout et à Avdiivka. Mais à Kupiansk, elle se heurte à un problème majeur : les Ukrainiens sont préparés.
Le problème avec l’infiltration, c’est qu’elle nécessite des lignes d’approvisionnement sécurisées. Ces petits groupes de soldats russes qui s’infiltrent dans Kupiansk ont besoin de munitions, de nourriture, d’eau, de renforts. Et pour leur apporter tout ça, il faut traverser la rivière Oskil, sous la surveillance constante des drones ukrainiens. Chaque convoi qui tente la traversée est une cible. Chaque pont, chaque gué est surveillé, miné, couvert par l’artillerie. Les Russes ont réussi à faire passer quelques groupes, mais au prix de pertes énormes. Et maintenant, ces groupes sont isolés, coupés de leurs bases, incapables de recevoir des renforts. Ils contrôlent peut-être quelques rues de Kupiansk, mais c’est un contrôle précaire, qui pourrait s’effondrer à tout moment.
Le piège de la surextension
Les analystes militaires parlent de surextension pour décrire la situation russe à Kupiansk. Les forces russes se sont avancées trop loin, avec trop peu d’hommes, sans sécuriser leurs arrières. Elles contrôlent environ 30% de la ville, selon les estimations, mais ce contrôle est fragile. Les soldats russes sont dispersés dans des poches isolées, incapables de se soutenir mutuellement, vulnérables aux contre-attaques ukrainiennes. C’est exactement le genre de situation que les commandants militaires redoutent : des troupes avancées, exposées, sans possibilité de retraite rapide.
Et les Ukrainiens le savent. C’est pour ça qu’ils ont créé le Groupe de forces conjointes sous le commandement du général Mykhailo Drapatyi. Ce groupe rassemble les meilleures unités ukrainiennes, les plus expérimentées, les plus motivées. Leur mission est claire : nettoyer Kupiansk, éliminer les poches russes, et si possible, encercler les forces russes qui se sont aventurées trop loin. C’est une opération complexe, qui nécessite une coordination parfaite entre l’infanterie, l’artillerie, les drones et les forces spéciales. Mais si elle réussit, elle pourrait transformer ce que Moscou présente comme une victoire en désastre militaire. Les Russes pourraient se retrouver piégés dans la ville qu’ils prétendent avoir conquise, coupés de leurs lignes d’approvisionnement, encerclés, condamnés.
Il y a une ironie cruelle dans cette situation. Les Russes ont annoncé qu’ils contrôlaient Kupiansk. Ils ont célébré cette victoire, ils l’ont présentée comme une preuve de leur supériorité militaire. Et maintenant, ils se retrouvent piégés dans une ville qu’ils ne contrôlent pas vraiment, face à une contre-offensive ukrainienne qui pourrait les anéantir. C’est presque shakespearien. L’orgueil qui précède la chute. L’arrogance qui mène au désastre. On pourrait presque en rire, si ce n’était pas si tragique.
Section 8 : le Groupe de forces conjointes, fer de lance de la contre-offensive
Une unité d’élite pour une mission cruciale
Le Groupe de forces conjointes n’est pas une unité ordinaire. C’est un corps d’armée spécialement créé pour faire face à la menace russe sur Kupiansk. Sous le commandement du général Mykhailo Drapatyi, ce groupe rassemble des unités d’élite, des soldats aguerris qui ont déjà fait leurs preuves sur d’autres secteurs du front. Ce ne sont pas des conscrits fraîchement entraînés. Ce sont des professionnels, des hommes et des femmes qui connaissent la guerre, qui ont survécu à des batailles terribles, qui savent ce que signifie tenir une position sous le feu ennemi. Et maintenant, ils ont une mission : reprendre Kupiansk, éliminer les infiltrés russes, et transformer la défense en contre-offensive.
La création de ce groupe est en soi un signal fort. Elle montre que le commandement ukrainien prend la menace sur Kupiansk très au sérieux. Elle montre aussi qu’ils ont les ressources et la volonté de contre-attaquer. Parce que défendre, c’est bien. Mais gagner une guerre, ça nécessite de reprendre l’initiative, de forcer l’ennemi à réagir plutôt que d’agir. Et c’est exactement ce que le Groupe de forces conjointes est en train de faire. Ils ne se contentent pas de repousser les assauts russes. Ils lancent des contre-attaques localisées, ils reprennent des positions perdues, ils élargissent la zone grise entre les lignes, empêchant les Russes de consolider leurs gains.
Une stratégie à quatre axes
La stratégie ukrainienne pour reprendre Kupiansk est complexe, mais elle peut être résumée en quatre axes d’attaque. Premièrement, une opération est en cours pour éliminer les positions russes dans le nord de la ville. Ces positions sont isolées, coupées de leurs lignes d’approvisionnement, et leur élimination permettrait de couper complètement les renforts russes vers Kupiansk. Deuxièmement, des forces spéciales ukrainiennes mènent des raids sur la rive est de la rivière Oskil, identifiant les zones de rassemblement russes et transmettant les coordonnées à l’aviation pour des frappes aériennes. C’est une guerre d’usure, qui vise à dégrader les capacités logistiques russes.
Troisièmement, les forces ukrainiennes mènent des opérations d’assaut dans le sud-ouest et le sud de Kupiansk. L’objectif est de reprendre le contrôle de ces zones, de concentrer les forces russes restantes dans le nord, et de les empêcher de s’infiltrer plus profondément dans la ville. Et quatrièmement, les Ukrainiens exploitent leur avantage topographique. Depuis les collines au sud-ouest de la ville, ils ont une vue dégagée sur le champ de bataille, ce qui leur permet de coordonner les frappes d’artillerie et de drones avec une précision redoutable. Ces quatre axes d’attaque visent à encercler les Russes, à couper leurs approvisionnements, et à les éliminer méthodiquement.
Il y a quelque chose d’impressionnant dans cette planification militaire. Ce n’est pas de l’improvisation, ce n’est pas du chaos. C’est une stratégie réfléchie, coordonnée, exécutée avec précision. Les Ukrainiens ne se contentent pas de réagir aux mouvements russes. Ils anticipent, ils planifient, ils attaquent. Et ça, c’est le signe d’une armée qui a mûri, qui a appris de ses erreurs, qui est devenue une force militaire moderne et efficace. Les Russes peuvent avoir plus d’hommes, plus de tanks, plus d’artillerie. Mais les Ukrainiens ont quelque chose de plus précieux : la compétence.
Section 9 : la contre-offensive ukrainienne prend forme
Des succès tactiques qui s’accumulent
Les premiers résultats de la contre-offensive ukrainienne sont encourageants. Des positions russes ont été reprises dans plusieurs secteurs autour de Kupiansk. Des groupes d’infiltration russes ont été éliminés. Des convois d’approvisionnement ont été détruits avant même d’atteindre les lignes de front. Ce ne sont pas encore des victoires décisives, mais ce sont des signes que la dynamique est en train de changer. Les Russes, qui pensaient pouvoir consolider leurs gains, se retrouvent sur la défensive. Ils doivent maintenant défendre des positions qu’ils viennent à peine de prendre, face à un ennemi qui connaît le terrain et qui a l’avantage tactique.
Les images géolocalisées montrent des véhicules russes abandonnés, des positions fortifiées reprises par les Ukrainiens, des soldats russes faits prisonniers. Chaque petite victoire affaiblit un peu plus la position russe. Chaque position reprise rend les lignes d’approvisionnement russes un peu plus vulnérables. Et surtout, chaque succès ukrainien démoralise les troupes russes, qui commencent à comprendre qu’elles ne sont pas en train de gagner, mais de perdre lentement, inexorablement. C’est une guerre d’usure, et dans une guerre d’usure, le moral compte autant que les munitions.
Le rôle crucial des forces spéciales
Les forces spéciales ukrainiennes jouent un rôle crucial dans cette contre-offensive. Ce sont elles qui mènent les raids derrière les lignes russes, qui identifient les cibles pour les frappes aériennes, qui sabotent les lignes d’approvisionnement. Ce sont des opérations dangereuses, menées par de petites équipes qui doivent s’infiltrer en territoire ennemi, accomplir leur mission, et revenir sans se faire repérer. Le taux de pertes dans ces unités est élevé, mais leur impact sur le champ de bataille est disproportionné par rapport à leur nombre.
Une des opérations les plus spectaculaires récentes a été la destruction d’un hélicoptère russe Mi-8 par un drone de longue portée des forces spéciales. C’était la première fois qu’un hélicoptère était abattu de cette manière, et ça a envoyé un message clair aux Russes : nulle part n’est sûr. Même leurs bases arrière, même leurs hélicoptères en vol, peuvent être frappés. Cette capacité à frapper en profondeur, à menacer les arrières russes, force l’ennemi à disperser ses forces, à protéger ses lignes d’approvisionnement, à détourner des ressources de l’offensive principale. C’est une forme de guerre asymétrique qui compense le désavantage numérique ukrainien.
Les forces spéciales, c’est l’élite de l’élite. Ce sont des hommes et des femmes qui acceptent de risquer leur vie dans des missions où les chances de survie sont souvent minces. Ils ne cherchent pas la gloire, ils ne veulent pas de médailles. Ils font juste leur travail, dans l’ombre, sans que personne ne sache jamais vraiment ce qu’ils ont accompli. Et pourtant, sans eux, cette guerre serait déjà perdue. Ce sont les héros invisibles, ceux dont on ne parle jamais, mais qui font toute la différence.
Section 10 : les mensonges du Kremlin face à la réalité
La propagande russe à l’épreuve des faits
Le Kremlin a une relation compliquée avec la vérité. Pour être plus précis, il n’en a aucune. La propagande russe ne cherche pas à informer, elle cherche à créer une réalité alternative où la Russie gagne toujours, où l’ennemi est toujours faible, où chaque revers est présenté comme une victoire stratégique. C’est pour ça que Poutine peut déclarer que Kupiansk est « entièrement entre nos mains » alors que les combats font rage dans la ville, que les soldats ukrainiens tiennent toujours leurs positions, que les Russes sont en train de perdre du terrain. Ce n’est pas une erreur, ce n’est pas une exagération. C’est un mensonge délibéré, calculé, destiné à maintenir l’illusion de la victoire.
Mais les mensonges ont un coût. Quand les soldats russes sur le terrain voient que la réalité ne correspond pas aux déclarations officielles, quand ils constatent que la « ville libérée » est en fait un champ de bataille où ils meurent par dizaines, ça crée un décalage cognitif. Ça mine le moral, ça sape la confiance dans le commandement, ça pousse certains à se demander pourquoi ils se battent. Et c’est exactement ce qui est en train de se passer à Kupiansk. Les soldats russes savent qu’ils ne contrôlent pas la ville. Ils savent que chaque rue est contestée, que chaque position est précaire, que la contre-offensive ukrainienne pourrait les balayer à tout moment. Mais leurs supérieurs continuent de mentir, de prétendre que tout va bien, que la victoire est proche.
Le général Kuzovlev et son rapport fantaisiste
Le général Sergei Kuzovlev, commandant du groupement de troupes occidental, a récemment informé Poutine que les forces russes avaient « achevé la libération de Kupiansk après des mois de combats intenses ». C’est un rapport qui aurait pu être écrit par un romancier de science-fiction, tellement il est déconnecté de la réalité. Parce que la vérité, c’est que les Russes ne contrôlent qu’environ 30% de la ville, et encore, ce contrôle est contesté. La vérité, c’est que leurs tactiques d’infiltration ont créé des poches isolées, vulnérables, qui pourraient être éliminées à tout moment. La vérité, c’est que la zone à l’ouest de la rivière Oskil reste une zone grise, où les combats continuent quotidiennement.
Mais Kuzovlev ne peut pas dire la vérité à Poutine. Parce que dire la vérité, c’est admettre l’échec. Et dans le système russe, admettre l’échec, c’est signer son arrêt de mort professionnel, voire physique. Alors il ment. Il embellit. Il transforme une situation désastreuse en victoire glorieuse. Et Poutine, qui veut croire à ces mensonges, qui a besoin de ces victoires pour maintenir son image de leader fort, accepte le rapport sans poser de questions. C’est un système qui se nourrit de ses propres mensonges, qui crée une réalité parallèle où la Russie gagne toujours, même quand elle perd. Et tôt ou tard, ce système va s’effondrer sous le poids de ses propres contradictions.
Il y a quelque chose de pathétique dans ces mensonges. Poutine, assis dans son palais, recevant des rapports qui lui disent ce qu’il veut entendre, pendant que ses soldats meurent dans la boue. Kuzovlev, mentant à son président parce qu’il a peur de dire la vérité. Et tout le système russe, cette machine bureaucratique géante, qui continue de fonctionner sur le mensonge, sur l’illusion, sur la peur. C’est comme regarder un train foncer vers un mur, en sachant que personne ne va freiner, parce que personne n’ose admettre qu’il y a un problème.
Section 11 : la bataille urbaine, un enfer quotidien
Le combat de rue, la forme de guerre la plus brutale
Le combat urbain est considéré par les militaires comme la forme de guerre la plus difficile, la plus coûteuse en vies humaines, la plus imprévisible. Dans une ville, chaque bâtiment est une forteresse potentielle, chaque rue est un piège, chaque fenêtre cache peut-être un tireur embusqué. Les avantages tactiques habituels – la mobilité, la puissance de feu, la supériorité aérienne – comptent beaucoup moins. Ce qui compte, c’est la connaissance du terrain, la capacité à se déplacer discrètement, le courage de se battre à courte distance. Et à Kupiansk, les Ukrainiens ont tous ces avantages.
Les combats se déroulent rue par rue, maison par maison. Les soldats russes qui s’infiltrent dans la ville se retrouvent dans un labyrinthe hostile, où chaque coin de rue peut cacher une embuscade, où chaque bâtiment peut être piégé. Les Ukrainiens utilisent des drones FPV pour traquer les groupes russes, des tireurs d’élite pour éliminer les cibles isolées, des équipes d’assaut pour nettoyer les bâtiments occupés. C’est une guerre d’usure, où chaque mètre de terrain gagné coûte du sang. Les Russes avancent, mais à quel prix ? Combien d’hommes perdus pour prendre une rue ? Combien de véhicules détruits pour capturer un bâtiment ?
Les bombardements nocturnes et la terreur psychologique
La nuit, Kupiansk se transforme en enfer. Les bombardements russes s’intensifient, visant à déloger les défenseurs ukrainiens, à détruire leurs positions, à semer la terreur. Les explosions illuminent le ciel, les bâtiments s’effondrent, les incendies se propagent. C’est une tentative de briser le moral des défenseurs, de les forcer à abandonner leurs positions. Mais ça ne marche pas. Les Ukrainiens tiennent. Ils se sont préparés à ça, ils ont creusé des abris, ils ont renforcé leurs positions, ils ont appris à survivre sous le feu. Et le matin venu, quand les Russes tentent d’exploiter les bombardements nocturnes en lançant de nouvelles attaques, ils se heurtent à une défense toujours aussi solide.
Cette guerre d’usure psychologique affecte aussi les civils qui restent dans la ville. Ils sont pris entre deux feux, incapables de fuir, forcés de vivre dans des caves, sans électricité, sans eau courante, sans savoir si le prochain obus tombera sur leur maison. C’est une situation intenable, et pourtant, beaucoup refusent de partir. Parce que Kupiansk, c’est leur ville. C’est là qu’ils ont grandi, qu’ils ont construit leur vie, qu’ils ont leurs souvenirs. Partir, ce serait abandonner tout ça. Alors ils restent, malgré le danger, malgré la peur, malgré l’horreur quotidienne. Et leur présence, leur refus de céder, est aussi une forme de résistance.
Je pense à ces civils, coincés dans une ville en guerre, et je me demande comment ils font pour tenir. Comment on peut vivre dans un tel enfer, jour après jour, sans devenir fou ? Comment on peut garder espoir quand tout autour de soi n’est que destruction et mort ? Et pourtant, ils tiennent. Ils survivent. Ils résistent. C’est peut-être ça, le vrai courage. Pas celui des soldats qui se battent, mais celui des civils qui refusent d’abandonner leur vie, leur ville, leur dignité.
Section 12 : les implications régionales de la bataille
Kupiansk, clé de la défense de Kharkiv
La bataille de Kupiansk ne se joue pas seulement pour Kupiansk. Elle se joue pour Kharkiv, la deuxième plus grande ville d’Ukraine, située à une cinquantaine de kilomètres à l’ouest. Si Kupiansk tombe, les Russes pourront sécuriser leurs flancs et lancer une offensive majeure vers Kharkiv. Et si Kharkiv tombe, c’est toute la région nord-est de l’Ukraine qui bascule. C’est pour ça que les Ukrainiens se battent avec tant d’acharnement pour tenir Kupiansk. Ce n’est pas juste une question de prestige ou de symbolisme. C’est une question de survie stratégique.
Kharkiv a déjà subi des bombardements intenses depuis le début de la guerre. La ville a été frappée par des missiles, des roquettes, des drones. Des centaines de civils ont été tués, des milliers de bâtiments détruits. Mais la ville tient, en partie parce que les Russes n’ont pas pu l’encercler, en partie parce que les défenses ukrainiennes autour de Kupiansk empêchent toute offensive majeure. Si ces défenses cèdent, Kharkiv deviendra la prochaine cible. Et cette fois, les Russes ne se contenteront pas de bombarder. Ils tenteront de prendre la ville, rue par rue, bâtiment par bâtiment. Ce serait un désastre humanitaire d’une ampleur inimaginable.
L’impact sur le Donbass
Mais Kupiansk n’est pas seulement importante pour Kharkiv. Elle l’est aussi pour le Donbass. Contrôler Kupiansk permettrait aux Russes de sécuriser leurs lignes d’approvisionnement vers le sud, en direction de Donetsk et Louhansk. C’est l’un des objectifs politiques majeurs de Moscou : contrôler entièrement ces deux oblasts, comme ils l’ont promis au début de la guerre. Mais pour l’instant, ils n’y parviennent pas. Ils contrôlent une partie du territoire, mais pas la totalité. Et sans Kupiansk, ils ne pourront jamais consolider leurs gains, jamais sécuriser leurs arrières, jamais lancer l’offensive finale qui leur permettrait de réaliser cet objectif.
C’est pour ça que la bataille de Kupiansk a des implications qui dépassent largement le cadre local. C’est une bataille qui pourrait déterminer le cours de la guerre dans toute la région orientale de l’Ukraine. Si les Ukrainiens tiennent, ils bloquent les ambitions russes dans le Donbass, ils protègent Kharkiv, ils maintiennent la pression sur les forces russes. Si les Russes prennent la ville, ils ouvrent de nouvelles possibilités offensives, ils menacent des zones jusqu’ici relativement sûres, ils se rapprochent de leurs objectifs politiques. C’est une bataille décisive, même si elle ne fait pas les gros titres internationaux, même si le monde semble l’avoir oubliée.
C’est ça qui me frappe le plus dans cette guerre : l’indifférence du monde. Pendant que des hommes meurent à Kupiansk, pendant que des civils vivent dans la terreur, pendant que l’avenir de toute une région se joue, le monde continue de tourner. Les gens vont au travail, regardent des séries, font leurs courses. Comme si rien ne se passait. Comme si cette guerre n’existait pas. Et peut-être que c’est normal, peut-être qu’on ne peut pas vivre en pensant constamment aux horreurs qui se déroulent ailleurs. Mais quand même. Ça me met mal à l’aise, cette capacité qu’on a à ignorer la souffrance des autres.
Section 13 : l'avenir de Kupiansk
Les scénarios possibles
Que va-t-il se passer à Kupiansk dans les semaines et les mois à venir ? Personne ne peut le prédire avec certitude, mais on peut esquisser quelques scénarios. Le premier, le plus optimiste pour l’Ukraine, c’est que la contre-offensive du Groupe de forces conjointes réussisse. Les Ukrainiens reprennent les positions perdues, éliminent les poches russes, repoussent l’ennemi de l’autre côté de la rivière Oskil. Kupiansk redevient une ville ukrainienne, sécurisée, même si dévastée. C’est le scénario que tout le monde espère, mais c’est aussi le plus difficile à réaliser. Parce que les Russes ne vont pas abandonner facilement. Ils ont investi trop de ressources, perdu trop d’hommes pour renoncer maintenant.
Le deuxième scénario, c’est le statu quo. Les combats continuent, la ville reste divisée, aucun des deux camps ne parvient à prendre l’avantage décisif. C’est le scénario le plus probable à court terme. Une guerre d’usure qui s’étire sur des mois, peut-être des années, avec des gains et des pertes minimes de part et d’autre. C’est un scénario terrible pour les civils qui restent dans la ville, condamnés à vivre dans une zone de guerre indéfiniment. Mais c’est aussi un scénario qui épuise les deux armées, qui consomme des ressources précieuses, qui détourne des forces d’autres secteurs du front.
Les leçons de cette bataille
Quelle que soit l’issue de la bataille de Kupiansk, elle aura déjà enseigné des leçons importantes. D’abord, elle a montré que les tactiques d’infiltration russes ne sont pas invincibles. Elles peuvent fonctionner contre des défenses mal préparées, mais face à une armée moderne, équipée de drones et d’artillerie de précision, elles deviennent extrêmement coûteuses. Ensuite, elle a démontré l’importance cruciale de la supériorité informationnelle. Les Ukrainiens gagnent parce qu’ils voient mieux, qu’ils frappent plus vite, qu’ils coordonnent mieux leurs actions. C’est une leçon que toutes les armées du monde devraient étudier.
Enfin, cette bataille a montré que la propagande ne remplace pas la réalité. Poutine peut déclarer que Kupiansk est tombée, les médias russes peuvent célébrer cette victoire, mais sur le terrain, les soldats russes savent la vérité. Ils savent qu’ils ne contrôlent pas la ville, qu’ils sont en danger, que la contre-offensive ukrainienne pourrait les anéantir. Et cette dissonance entre la propagande et la réalité mine le moral, sape la confiance, crée des doutes. À long terme, c’est peut-être ça qui fera la différence. Pas les tanks, pas les missiles, pas les drones. Mais la vérité.
La vérité. C’est un mot qui semble presque désuet dans cette guerre de mensonges et de propagande. Mais c’est peut-être l’arme la plus puissante de toutes. Parce que la vérité, on ne peut pas la détruire avec des missiles. On ne peut pas la faire taire avec des bombardements. Elle finit toujours par émerger, par se frayer un chemin, par s’imposer. Et quand elle le fait, tous les mensonges du monde ne peuvent rien contre elle.
Conclusion : le 28 novembre, un tournant ?
Une victoire défensive qui pourrait devenir offensive
Le 28 novembre 2025 restera peut-être dans l’histoire comme le jour où la bataille de Kupiansk a basculé. Pas de manière spectaculaire, pas avec une victoire éclatante, mais avec une défense réussie qui a brisé l’élan russe. Les 26 soldats russes éliminés, les 12 véhicules détruits, l’offensive repoussée : ce ne sont pas des chiffres énormes à l’échelle de cette guerre. Mais ils sont symboliques. Ils montrent que les Russes ne peuvent pas avancer à volonté, qu’ils paient un prix terrible pour chaque mètre de terrain gagné, que leur stratégie d’infiltration a atteint ses limites. Et surtout, ils montrent que les Ukrainiens sont prêts à contre-attaquer, à reprendre l’initiative, à transformer la défense en offensive.
La création du Groupe de forces conjointes, la stratégie à quatre axes, les succès tactiques qui s’accumulent : tout indique que les Ukrainiens ne se contentent plus de tenir. Ils veulent gagner. Ils veulent reprendre Kupiansk, éliminer les poches russes, repousser l’ennemi. C’est ambitieux, c’est risqué, mais c’est aussi nécessaire. Parce que dans une guerre, la défense seule ne suffit jamais. Il faut attaquer, il faut reprendre du terrain, il faut forcer l’ennemi à reculer. Et c’est exactement ce que les Ukrainiens sont en train de faire. Lentement, méthodiquement, mais sûrement.
L’espoir malgré l’horreur
Il est difficile de parler d’espoir quand on évoque une bataille où des dizaines d’hommes meurent chaque jour, où une ville est détruite pierre par pierre, où des civils vivent dans la terreur. Mais l’espoir existe quand même. Il existe dans la résistance des soldats ukrainiens qui refusent de céder. Il existe dans le courage des civils qui restent dans leur ville malgré le danger. Il existe dans la détermination du commandement ukrainien à reprendre ce qui a été perdu. Et il existe dans la vérité, cette vérité qui finit toujours par émerger, malgré tous les mensonges du Kremlin.
Kupiansk n’est pas encore libérée. La bataille continue, les combats font rage, l’issue reste incertaine. Mais une chose est sûre : les Russes n’ont pas gagné. Ils ont peut-être pris quelques rues, établi quelques positions, mais ils n’ont pas conquis la ville. Et tant que les Ukrainiens tiennent, tant qu’ils se battent, tant qu’ils refusent d’abandonner, il y a de l’espoir. Pas un espoir naïf, pas un espoir facile. Mais un espoir forgé dans le sang et l’acier, un espoir qui refuse de mourir malgré l’horreur. Et peut-être que c’est le seul espoir qui compte vraiment.
Je termine cet article avec un sentiment étrange. Un mélange de colère, de tristesse, et d’admiration. Colère contre ceux qui ont déclenché cette guerre, contre les menteurs, contre les propagandistes. Tristesse pour toutes ces vies brisées, pour tous ces morts inutiles, pour toute cette souffrance. Et admiration pour ceux qui résistent, qui se battent, qui refusent de plier. Parce qu’au final, c’est ça qui reste. Pas les discours des politiciens, pas les mensonges des généraux, pas les statistiques des pertes. Mais le courage de ceux qui tiennent, malgré tout. Et tant qu’ils tiendront, il y aura de l’espoir.
Sources
Sources primaires
Militarnyi – « Ukrainian Armed Forces Repel Russian Assault in Kupiansk Sector and Eliminate Dozens of Invaders » – 29 novembre 2025 – https://militarnyi.com/en/news/ukrainian-armed-forces-repel-russian-assault-in-kupiansk-sector-and-eliminate-dozens-of-invaders/
Reuters – « Ukrainian forces fighting in Kupiansk, despite Russian claims, top commander says » – 28 novembre 2025 – https://www.reuters.com/world/ukrainian-forces-fighting-kupiansk-despite-russian-claims-top-commander-says-2025-11-28/
État-major général des forces armées ukrainiennes – Communiqué officiel sur Telegram – 28 novembre 2025
14e Brigade mécanisée ukrainienne – Rapport de bataille sur Telegram – 28 novembre 2025
Sources secondaires
Euromaidan Press – « Frontline report: Street-by-street battle for Kupiansk turns against overextended Russian forces » – 28 novembre 2025 – https://euromaidanpress.com/2025/11/28/frontline-report-2025-11-28-2/
Euromaidan Press – « Frontline report: Why Kupiansk matters, Russia’s next major offensive target » – 26 février 2024 – https://euromaidanpress.com/2024/02/26/frontline-report-why-kupiansk-matters-russias-next-major-offensive-target/
Institute for the Study of War (ISW) – « Russian Offensive Campaign Assessment » – 26 novembre 2025 – https://understandingwar.org/research/russia-ukraine/russian-offensive-campaign-assessment-november-26-2025/
DeepState – Cartes de situation et analyses tactiques – 28 novembre 2025