Baryshovo : la destruction des voies ferrées du Transsibérien occidental
Le 20 novembre, dans l’après-midi, une explosion s’est produite sur les voies ferrées à Baryshovo, un petit règlement en région de Novosibirsk. Cette région n’est pas une zone de combat. C’est à l’intérieur de la Russie. C’est loin du front ukrainien. Mais c’est précisément pour cela que c’est critique. Baryshovo se situe sur le Transsibérien occidental (ligne 3)—l’une des principales routes de transport ferroviaire russe. Cette ligne est la spina dorsale de la logistique russe. Elle connecte Moscou aux richesses énergétiques de la Sibérie. Elle transporte le pétrole. Elle transporte les minerais. Elle transporte les matériaux de construction. Elle transporte tout ce qui alimente l’économie russe.
L’explosion a détruit les voies ferrées, rendant impossible le passage des trains de fret. Cela signifie que les trains qui allaient passer ne peuvent pas passer. Les trains qui devaient livrer le carburant ne peuvent pas livrer le carburant. Les trains qui devaient transporter l’équipement militaire ne peuvent pas transporter l’équipement. C’est une interruption totale. Et les réparations des voies ferrées? Ce n’est pas une affaire rapide. Les rails doivent être remplacés. Les travaux de construction doivent être organisés. La circulation ferroviaire doit être reroute. Pendant ce temps, tout ce qui était supposé passer ne passe pas.
Je pense à l’impact sur la vie civile russe. Des trains qui ne passent pas signifie des biens qui n’arrivent pas. Cela signifie des entreprises qui ne peuvent pas fonctionner. Cela signifie des villes qui manquent de ravitaillement. La Russie essaie de maintenir une façade de normalité, de dire que tout va bien. Mais les citoyens russes voient la réalité. Ils voient les trains qui ne passent pas. Ils voient les carburants qui se raréfient.
Unecha : le hub ferroviaire critique bombardé
Le 28 novembre, une autre explosion bien plus catastrophique s’est produite. Cette fois à la jonction d’Unecha de la ligne Moscou-Bryansk (branche de Bryansk), le long de la ligne Bryansk-Gomel. Cette ligne n’est pas juste un chemin de fer ordinaire. C’est une route de logistics critique utilisée pour transporter le carburant, les lubifiants, et l’équipement militaire vers la Biélorussie. La Biélorussie. C’est important. La Biélorussie est le corridor logistique que la Russie utilise pour approvisionner ses opérations en Ukraine. Si cette ligne est coupée, le flux logistique vers le théâtre d’opérations se réduit ou s’arrête complètement.
L’explosion à Unecha a endommagé un dépôt ferroviaire transportant du carburant et au moins deux wagons-citernes de carburant. Elle a aussi endommagé les voies ferrées elles-mêmes. Les wagons-citernes ? Ceux-ci contenaient probablement le carburant destiné aux forces militaires russes en Ukraine. Ce carburant n’atteindra jamais sa destination. Il va être brûlé. Il va être gaspillé. Il va être une perte totale. La Russie voulait ravitailler ses forces en Ukraine. Au lieu de cela, elle regarde le carburant qu’elle aurait utilisé partir en fumée littéralement.
Unecha change vraiment la donne. Parce que ce n’est pas juste une voie ferrée endommagée. C’est le carburant lui-même qui est perdu. C’est un double coup—les voies sont endommagées ET le carburant que les voies auraient transporté est détruit. C’est la stratégie parfaite. Ce n’est pas juste couper les lignes de ravitaillement. C’est aussi détruire le ravitaillement lui-même.
Section 3 : la campagne plus large contre l'infrastructure énergétique russe
Les attaques contre les dépôts de carburant en Crimée occupée
Au-delà des explosions en Russie continentale, l’Ukraine a aussi menée une campagne systématique contre les dépôts de carburant en Crimée. Les dépôts de Simferopol et Hvardiiske ont été frappés à plusieurs reprises. Le dépôt de Gvardeyskoye—qui approvisionne une grande partie de la péninsule—a été attaqué. Les dépôts des jardins d’Yalta ont été endommagés. Progressivement, l’Ukraine détruit ou endommage chaque installation de carburant en Crimée. La péninsule se transforme en une forteresse assiégée où le carburant devient de plus en plus rare.
Les autorités d’occupation russes ont dû mettre en place des rationnements de carburant. Les stations-essence en Crimée limitent maintenant les ventes à 20 litres par client. Cela signifie que les civils russes occupant la Crimée ne peuvent pas remplir leurs réservoirs. Les entreprises civiles ne peuvent pas fonctionner normalement. Et l’armée russe doit constamment naviguer en calculant le ravitaillement en carburant comme une ressource limitée plutôt que comme une ressource disponible. C’est l’effet cumulatif de la campagne de destruction.
La Crimée devient progressivement uninvivable pour les occupants russes. Ce n’est pas que l’Ukraine bombarde massivement et tue des gens. C’est plus subtil. C’est que les conditions de vie se détériorent lentement. Il n’y a pas de carburant. Les routes ne fonctionnent pas. Les services civils se dégradent. À un moment, même les soldats les plus entraînés commencent à se demander : pourquoi sommes-nous ici?
Le phénomène des feux de partisan et de sabotage railway
Un aspect parfois négligé de la campagne contre l’infrastructure russe est le rôle des forces de résistance clandestines à l’intérieur de la Russie. Les rapports du GUR (Direction générale de l’intelligence militaire ukrainienne) font état de « flammes de la résistance »—des opérations de sabotage coordonnées contre les infrastructure ferroviaires russes. Des armoires de relais sont endommagées. Des rails sont explosés. Des locomotives déraillent. Ces opérations ne sont pas massives. Mais elles sont persistantes et coordonnées.
Les opérations ont été reportées dans les régions de Bryansk, Rostov, Mourmansk, ainsi qu’en Tchétchénie et en Karatchaïévo-Circassie. Cela suggère une vaste réseau de résistance opérant à travers la Russie. Pas d’opération unique. Mais une multitude d’opérations disparates qui, ensemble, créent une pression constante sur l’infrastructure russe. Près de Berdiansk (temporairement occupée), une explosion sur les voies a déraillé une locomotive et dix wagons de train. Tout cela suggère une coordination entre les forces ukrainiennes et les cellules de résistance opérant derrière les lignes ennemies.
C’est une forme de guerre que les historiens militaires n’enseignent pas beaucoup. Ce n’est pas les grandes batailles. C’est les saboteurs discrets qui explosent les rails la nuit. C’est la résistance qui se construit progressivement. C’est une stratégie d’attrition qui fonctionne à travers mille petits coups plutôt qu’un seul grand coup.
Section 4 : l'impact stratégique de la perte d'infrastructure énergétique
La réduction de la capacité de production d’énergie russe
L’accumulation de toutes ces attaques—les explosions de novembre, les attaques de drones sur les raffineries, les sabotages des lignes de ravitaillement—crée une réduction massive et cumulative de la production énergétique russe. Les refineries majeures russes—Ryazan, Volgograd, Ulyanovsk, Stavropol, Sterlitamak—ont toutes été frappées. Certaines plusieurs fois. La raffinerie de Ryazan, la quatrième plus grande raffinerie de Russie, a dû arrêter son unité principale de distillation brute (CDU-4) suite à une frappe de drone. L’usine de Sterlitamak, une installation pétrolière de 6,2 milliards de dollars, a été frappée le 6 novembre et a perdu 20 pour cent de sa capacité de production d’additifs pour carburant aviation.
La capacité de raffinage totale perdue représente environ 500 000 barils par jour selon l’AIE. Cela représente aussi une perte de revenus d’exportation massif puisque le pétrole qu’on ne peut pas raffiner est du pétrole qu’on ne peut pas vendre à l’Occident. La Russie dépend massivement des revenus d’exportation pétrolière pour financer sa machine de guerre. Quand les revenus baissent, la capacité du Kremlin à continuer à financer la guerre s’érode aussi. C’est un cercle vicieux : moins de carburant produit signifie moins de carburant exporté signifie moins de revenus signifie moins de budget pour reconstruire l’infrastructure endommagée.
C’est une stratégie brillante de la part de l’Ukraine. Elle ne peut pas vaincre la Russie militairement par la force brute. Mais elle peut asphyxier économiquement la Russie en détruisant progressivement sa capacité à produire et exporter de l’énergie. C’est la victoire par attrition économique.
Les implications pour le financement de la guerre russe
Pour vraiment comprendre l’importance de cette campagne, il faut contempler le rôle des revenus énergétiques dans le budget de guerre russe. Avant la guerre, la Russie tirait environ 40 pour cent de ses revenus budgétaires fédéraux des revenus pétroliers et gaziers. Même avec les sanctions, ces revenus restent massifs. Le Kremlin utilise ces revenus pour financer l’armée. Il utilise ces revenus pour financer les dépenses sociales internes pour maintenir un semblant de stabilité politique. Il utilise ces revenus pour financer les alliés comme la Biélorussie, la Corée du Nord, l’Iran.
Quand la Russie perd 500 000 barils par jour de capacité de raffinage, elle perd des milliards de dollars en revenus potentiels. Cela force le Kremlin à faire des choix difficiles. Réduire les dépenses militaires ? Réduire les salaires publics ? Réduire le financement des alliés ? Chacun de ces choix crée des tensions politiques internes. Et progressivement, à mesure que ces tensions s’accumulent, la capacité du Kremlin à maintenir l’effort de guerre s’érode psychologiquement et financièrement.
Je réalise que nous assistons à une forme de guerre économique qui est peut-être plus puissante que la guerre militaire elle-même. Parce que les militaires peuvent toujours combattre même avec des ressources limitées. Mais les gouvernements ne peuvent pas maintenir l’effort de guerre si les revenus s’effondrent. À un moment, les choix fiscaux force le gouvernement à s’arrêter.
Section 5 : la résilience russe et les tentatives de réparation
La capacité de la Russie à absorber les dégâts
Une question importante émerge : la Russie peut-elle simplement accepter cette perte de capacité et continuer? La réponse est oui, au moins temporairement. Les estimations suggèrent que même avec une réduction de 500 000 barils par jour, la Russie conserve une capacité de raffinage suffisante pour continuer à opérer. Beaucoup des raffineries frappées ont pu reprendre les opérations en quelques semaines. Les unités endommagées ont été reparées. La production a repris. La Russie a aussi des réserves stratégiques qu’elle peut puiser pour compenser les pertes de production.
De plus, la Russie peut rediriger le pétrole brut vers d’autres raffineries ou vers des raffineries associées dans les régions occupées de l’Ukraine ou alliées comme la Biélorussie. Donc il y a une certaine flexibilité dans la réaction russe. Mais cette flexibilité a un coût. Les réparations coûtent de l’argent. Le redéploiement crée des inefficacités. Les pertes sont réelles même si elles peuvent être partiellement compensées. Et le cumul de ces pertes et de ces coûts finit par peser sur le budget.
La Russie est comme un patient qui subit des attaques cardiaques répétées. Chaque attaque n’est pas nécessairement fatale. Mais chaque attaque affaiblit le cœur. Et éventuellement, même un cœur fort ne peut pas survivre à des centaines d’attaques consécutives.
La course contre la montre pour les réparations et les reconstructions
Un aspect critique de la campagne ukrainienne est que les attaques arrivent plus vite que la Russie ne peut réparer. Les sources russes ont établi que l’Ukraine peut mener des attaques par drones environ tous les deux jours. Pour qu’une raffinerie répare les dégâts majeurs et reprenne les opérations peut prendre 2-4 semaines. Pour qu’une installation reconstruise complètement après des dégâts catastrophiques peut prendre des mois. Cela signifie que la Russie ne peut jamais vraiment « rattraper ». Elle ne peut jamais vraiment restaurer entièrement sa capacité parce que l’Ukraine continue à attaquer avant la réparation complète.
C’est une stratégie explicitement mentionnée par Boris Aronstein, un analyste pétrolier et gazier indépendant : « Les frappes de drones ukrainiennes ont causé la crise la plus sévère en années récentes. La taille, la coordination et les vagues répétées de drones font que la Russie ne peut pas réparer les raffineries avant le prochain attaque. » C’est une course entre les attaques et les réparations. Et jusqu’à présent, l’Ukraine gagne cette course.
C’est frustrant pour les Russes d’une manière que peu peuvent comprendre. Vous réparez quelque chose. Quelques jours plus tard, vous devez le réparer à nouveau. Vous n’avancez jamais. Vous n’améliorez jamais vraiment la situation. Vous reculez constamment.
Section 6 : l'impact sur la vie civile russe et les rationnements de carburant
Les pénuries de carburant qui se propagent à travers la Russie
L’une des conséquences directs de la destruction de la capacité de raffinage est l’apparition de pénuries de carburant à travers la Russie. En août 2025, Reuters rapportait que certains grades de carburant étaient rares. En septembre, des stations-essence privées ne pouvaient pas reconstituer leurs stocks de carburant. En octobre, certaines stations-essence fermaient complètement parce qu’elles ne pouvaient pas augmenter les prix en raison des restrictions antitrust. La Crimée mettait en place des rationnements de 20 litres par client.
Ce que cela signifie dans la pratique est que les Russes ordinaires commencent à ressentir les effets de la guerre. Ce ne sont pas les combats qui affectent leur vie. Ce ne sont pas les bombes. C’est simplement que quand ils vont à la station-essence, il peut ne pas y avoir assez de carburant. Ou le carburant coûte beaucoup plus cher qu’avant. Pour les Russes ordinaires, c’est un signal direct que quelque chose ne va pas. Pour les commandants militaires, c’est un problème critique parce que le carburant pour les véhicules militaires devient une ressource précieuse.
Il y a une forme de poétique justice dans cela. La Russie lance une guerre énorme contre l’Ukraine. Elle envoie des centaines de milliers de soldats. Elle dépense des centaines de milliards de dollars. Et pourtant, progressivement, elle découvre que sa propre population commence à souffrir à cause de cette guerre. Les civils russes ne peuvent pas remplir leurs réservoirs. C’est une conséquence que Poutine ne pouvait probablement pas prévoir.
Les implications politiques des pénuries internes
Les pénuries de carburant et la hausse des prix du carburant créent des tensions politiques internes pour le Kremlin. Le gouvernement russe a essentiellement promis à sa population que la guerre serait facile. Que l’Ukraine s’effondrerait rapidement. Que la vie continuerait normalement. Mais maintenant, presque trois ans après l’invasion, la vie n’est pas normale. Il y a des rationnements. Il y a des pénuries. Il y a une inflation. Les salaires réels diminuent. Et pour de nombreux Russes, la patience s’érode. Les sondages d’opinion russe rapportent que la fatigué de la guerre augmente, particulièrement chez les jeunes qui ont d’autres options et qui peuvent envisager de quitter la Russie.
Pour le Kremlin, cette situation est dangereuse politiquement. Tant que la Russie peut présenter l’image d’une nation prospère conduisant une « opération militaire spéciale » réussie, le public accepte. Mais si les pénuries deviennent trop visibles, si les privations deviennent trop sévères, la légitimité politique du Kremlin commence à se fissurer. Et c’est exactement le type d’instabilité interne que l’Ukraine cherche à créer.
C’est une stratégie indirecte mais potentiellement très efficace. L’Ukraine ne peut pas vaincre la Russie militairement. Mais elle peut faire en sorte que les citoyens russes découvrent progressivement que le prix de cette guerre est trop élevé pour leur propre vie. Et à un moment, peut-être les citoyens russes forceront leur gouvernement à arrêter.
Section 7 : les technologies et les tactiques des attaques de drone
L’évolution sophistiquée des systèmes de drones ukrainiens
L’une des réalités remarquables sous-jacentes à la campagne de destruction est l’sophistication rapide des systèmes de drones ukrainiens. Les drones utilisés ne sont pas des systèmes militaires classiques achetés auprès des puissances occidentales. Ce sont des systèmes développés par l’Ukraine elle-même, construits dans des ateliers clandestins à partir de composants civils modifiés. Les FP-2, les Liutyi, les variantes du Shahed modifiées—ce sont tous des systèmes développés par l’Ukraine au fil du temps pour répondre à des besoins opérationnels spécifiques.
Ces drones ont progressivement amélioré leur portée, leur charge utile et leur précision. Certains modèles peuvent maintenant voler plus de 1 500 kilomètres. Ils peuvent porter des charges utiles suffisamment importantes pour causer des dégâts sérieux à des cibles majeures. Ils peuvent être équipés de systèmes d’orientation par GPS qui les permettent de cibler des installations spécifiques avec une grande précision. Et surtout, ils peuvent être construits en quantités massives à un coût relativement bas—estimé entre 10 000 et 20 000 dollars par drone.
C’est une réalité troublante pour les militaires russes. Ils font face à une nation qui peut construire des centaines de drones bon marché. Chaque drone ne coûte peut-être que 15 000 dollars. Mais chaque drone peut cause des dégâts à une installation qui coûte des centaines de millions de dollars. L’équation mathématique est écrasante. Et il n’y a pas de bonne réponse à moins que la Russie ne puisse construire des centaines de systèmes de défense aérienne, ce qu’elle ne peut pas.
Les tactiques d’évasion et les contre-mesures
Un autre aspect fascinant de la campagne de drone est l’développement progressif de tactiques d’évasion. Les drones ukrainiens utilisent une variété de techniques pour contourner les défenses aériennes russes. Ils volent à basse altitude pour éviter la détection radar. Ils utilisent des « modes fantôme » pour usurper les signaux statiques. Ils volent en essaims coordonnés où certains drones agissent comme des appâts tandis que d’autres percent les défenses réelles. Selon un rapport militaire d’octobre 2025, des drones Liutyi coordinés ont attiré des missiles Pantsir-S1 russes à coûteux tandis que d’autres drones pénétraient la défense et frappaient l’installation du carburant de Sterlitamak.
Cette tactique d’essaim coordiné est particulièrement efficace contre les défenses ponctuelles russes. Les Pantsir-S1 et d’autres systèmes de défense peuvent engager un nombre limité de cibles simultanément. Si vous envoyez 8 drones coordonnés, certains peuvent être détruits. Mais d’autres percent. Et si chaque drone qui perce cause des dégâts graves, le calcul coût-bénéfice penche fortement en faveur de l’attaquant.
C’est une démonstration de la supériorité de la tactique coordonnée sur le matériel brut. La Russie a plus de systèmes de défense. Mais l’Ukraine a une meilleure tactique. Et dans les années 2020, la tactique semble triompher du matériel brut.
Section 8 : les implications pour le calendrier de la guerre
L’érosion progressive de la capacité stratégique russe
Une question stratégique majeure émerge : comment la destruction progressive de l’infrastructure énergétique russe affecte-t-elle le calendrier de la guerre ? Si la Russie continue à perdre 500 000 barils par jour de capacité de raffinage, cela s’accumule année après année. Après 12 mois, c’est 180 millions de barils perdus. Après 24 mois, c’est 360 millions de barils. C’est une perte cumulative massive de capacité de production énergétique et d’export.
Cette perte affecte la capacité russe à maintenir l’effort de guerre de plusieurs façons. Premièrement, le carburant pour les opérations militaires devient une ressource plus rare et plus précieuse. Les généraux russes doivent faire des choix difficiles sur comment allouer le carburant limité. Deuxièmement, les revenus d’exportation baissent, ce qui réduit le budget de défense à long terme. Troisièmement, les pénuries domestiques de carburant créent des tensions politiques internes qui distraient le gouvernement des questions militaires.
Je réalise que cela crée une deadline invisible pour la Russie. Elle ne peut pas continuer cette guerre indéfiniment si sa capacité énergétique se réduit progressivement. À un moment, probablement dans 2-3 ans si les attaques continuent au rythme actuel, la Russie découvrira que ses capacités militaires se sont tellement érodées qu’elle ne peut tout simplement plus maintenir les opérations offensives. Ce n’est pas une défaite militaire dramatique. C’est juste une érosion progressive jusqu’à l’effondrement.
Les implications pour la durabilité du conflit
La question plus large est : le conflit ukraine-russe peut-il durer indéfiniment, ou y a-t-il une date limite cachée ? La théorie de l’attrition économique suggère qu’il y a une date limite. Si l’Ukraine peut continuer à attaquer l’infrastructure énergétique russe, et si la Russie ne peut pas réparer assez vite, alors la dégradation progressive de la capacité russe est inévitable. À un moment, l’armée russe simplement ne peut pas être ravitaillée adéquatement. À ce point, l’effondrement militaire suit.
Mais cela dépend de plusieurs conditions. L’Ukraine doit continuer à disposer de drones et des capacités pour attaquer. L’Ukraine doit continuer à recevoir le soutien occidental pour les composants des drones. Et la Russie doit continuer à échouer à défendre adequatement son infrastructure. Si l’une de ces conditions change, le calendrier change aussi. Mais pour l’instant, la trajectoire pointe vers une érosion progressive de la capacité militaire russe due au manque de carburant et d’énergie.
C’est étrange de contempler une guerre qui pourrait être gagnée non par une grande victoire militaire mais par la simple érosion des capacités logistiques de l’ennemi. C’est très peu épique. C’est très peu dramatique. Et pourtant, c’est peut-être comment cela finit réellement.
Section 9 : les obstacles à la campagne et les contre-stratégies russes
Les améliorations de la défense aérienne russe
La Russie ne reste pas passive face à cette campagne de destruction. Elle améliore progressivement ses défenses aériennes. Elle redéploie les systèmes Pantsir-S1, Tor, S-300, S-400 pour protéger les installations critiques. Elle établit des périmètres de défense multi-couches autour de ses raffineries. Elle améliore les capacités de renseignement pour anticiper les attaques. Ces améliorations ont des effets. Le taux d’interception des drones varie entre 50 et 90 pour cent selon les rapports.
Mais malgré ces défenses améliorées, les attaques continuent à percer. Même un taux d’interception de 80 pour cent signifie que 20 pour cent des attaques percent. Et 20 pour cent d’une attaque massive est souvent suffisant pour causer des dégâts significatifs. De plus, concentrer les défenses aériennes autour des raffineries signifie que d’autres zones de la Russie sont moins défendues. Ce qui crée des vulnerabilités ailleurs.
La Russie se retrouve dans un dilemme classique de défense : elle ne peut pas défendre partout. Elle doit faire des choix sur ce qu’elle défend. Et quel que soit le choix, cela crée des vulnerabilités ailleurs. C’est le dilemme fondamental du défenseur face à un attaquant qui peut choisir ses cibles.
Les tentatives de redéploiement et de diversification
La Russie essaie aussi de redéployer sa capacité énergétique pour minimiser les dégâts. Au lieu de dépendre sur quelques raffineries majeures, elle établit des capacités de raffinage distribuées. Elle fait fonctionner des installations plus anciennes. Elle achète du carburant raffiné de la Chine et de l’Inde. Elle établit des contrats à long terme avec les alliés pour assurer l’approvisionnement. Ce sont toutes des tactiques valides. Mais elles ont des coûts. Le carburant acheté à l’extérieur coûte plus cher. Les installations distribuées sont moins efficaces. Et cette diversification prend du temps pour être mise en place.
Pour l’instant, la Russie est capable de maintenir les opérations militaires. Les généraux russes rapportent que le carburant est disponible pour les opérations, bien qu’au coût d’une réduction des exercices d’entraînement et des mouvements non essentiels. Mais à long terme, cette durabilité s’érode. Chaque année qui passe avec une capacité réduite est une année où la Russie s’affaiblit progressivement.
C’est une course entre le temps et la capacité. La Russie peut tenir actuellement. Mais peut-elle tenir pendant 5 ans ? 10 ans ? À un moment, même la volonté politique la plus forte ne peut pas compenser l’absence de carburant pour faire fonctionner les chars et les camions.
Section 10 : les implications pour l'ordre énergétique mondial
La réimagination de la sécurité énergétique mondiale
Au-delà de l’impact immédiat sur la Russie, la campagne ukrainienne de destruction de l’infrastructure énergétique a des implications plus larges pour la sécurité énergétique mondiale. Elle démontre que l’infrastructure énergétique, longtemps supposée être relativement sûre et hors de portée des conflits modernes, est maintenant vulnérable. Les drones bon marché peuvent atteindre des cibles à des milliers de kilomètres. Cela change fondamentalement comment les nations pensent la sécurité énergétique.
Les pays du monde entier qui dépendent de l’infrastructure énergétique centralisée—y compris l’Occident—commencent à reconsidérer comment sécuriser cette infrastructure. Peut-être que la solution est de disperser l’infrastructure. Peut-être que la solution est d’augmenter les défenses aériennes. Peut-être que la solution est de développer des alternatives énergétiques plus décentralisées. Quoi qu’il en soit, la leçon de la campagne ukrainienne est que l’infrastructure énergétique centralisée n’est plus garantie en cas de conflit prolongé.
C’est une transformation des réalités militaires que peu ont vraiment compris. Pendant des décennies, nous avons supposé que les grandes villes et les grandes installations pourraient être défendues. Mais les drones bon marché qui coûtent moins qu’une voiture peuvent maintenant déplacer des installations qui coûtent des milliards. Cela signifie que la géographie et la centralisation ne sont plus des avantages. Ils deviennent des vulnérabilités.
La leçon pour les futures confrontations géopolitiques
Ce qui émerge clairement de la campagne ukrainienne est une leçon pour les futures confrontations : les guerres d’attrition logistique peuvent être aussi décisives que les guerres militaires conventionnelles. L’Ukraine a découvert qu’elle ne peut pas vaincre la Russie par une confrontation militaire directe. Mais elle peut paralyser progressivement la Russie en supprimant sa capacité logistique. Et cela peut être tout aussi, sinon plus, efficace.
D’autres nations observent maintenant comment l’Ukraine fait cela et tirent les leçons. Comment utiliser les drones bon marché pour attaquer l’infrastructure de l’ennemi. Comment créer une pression constante plutôt qu’une attaque unique. Comment accepter les pertes dans le conflit immédiat en échange de l’affaiblissement à long terme de l’ennemi. Ces leçons vont probablement former les conflits futurs.
Je suis fasciné et terrifié par cela en même temps. Fasciné parce que c’est une démonstration remarquable d’ingéniosité militaire. Terrifié parce que cela signifie que les guerres futures vont probablement être beaucoup plus destructrices pour les civils puisque le ciblage de l’infrastructure énergétique civile va devenir courant. Les frontières entre les cibles militaires et civiles vont s’estomper. Et les conflits vont durer plus longtemps parce qu’ils vont être des guerres d’attrition progressive.
Conclusion : les explosions qui changent la trajectoire de la guerre
Un moment de transformation stratégique
Les explosions du 20 et 28 novembre, et plus largement la campagne d’attaque contre l’infrastructure énergétique russe, marquent un tournant stratégique dans la guerre ukraine-russe. Ce n’est peut-être pas un tournant immédiatement visible. La Russie continue d’avancer sur le terrain. L’Ukraine continue de perdre du terrain localement. Les combats continuent. Mais en arrière-plan, une transformation énergétique et logistique se produit qui affaiblira progressivement la capacité russe à maintenir l’effort de guerre.
Ce qui rend ce tournant particulièrement significatif est qu’il n’est pas réversible facilement. Vous pouvez reconquérir un territoire perdu. Vous pouvez reconstruire une armée. Mais vous ne pouvez pas reconstituer rapidement la capacité de raffinage de 500 000 barils par jour si l’ennemi continue à attaquer. Vous ne pouvez pas rétablir les lignes de ravitaillement si les rails continuent à être sabotés. Ce tournant, une fois établi, a une dynamique propre.
Je conclus en reconnaissant que nous assistons à une transformation de la guerre moderne devant nos yeux. Ce n’est pas dramatique. Ce n’est pas à la une des journaux tous les jours. Mais c’est profond. C’est l’Ukraine qui découvre qu’elle peut affaiblir la Russie non par la victoire militaire directe mais par l’érosion progressive des capacités logistiques. Et si cette stratégie fonctionne—et jusqu’à présent elle semble fonctionner—elle pourrait redéfinir le résultat final de cette guerre.
L’avenir de la campagne et les enjeux pour les années à venir
Les prochaines années verront probablement une intensification de cette campagne de destruction d’infrastructure. L’Ukraine, ayant découvert son efficacité, continuera probablement à attaquer les dépôts de carburant russes, les raffineries, et les lignes de ravitaillement. La Russie, consciente de la menace, tentera probablement d’améliorer les défenses et de disperser l’infrastructure. Ce sera une compétition entre l’attaque et la défense, entre la destruction et la reconstruction.
Ce qui déterminera le résultat final sera probablement : (1) L’Ukraine peut-elle continuer à attaquer au rythme actuel ? (2) La Russie peut-elle défendre et réparer assez vite pour maintenir les opérations militaires ? (3) Peut-on atteindre une sorte de stalemate où la destruction et la réparation s’équilibrent, ou y a-t-il un effondrement inévitable à un côté ? Ces questions resteront sans réponse pendant un certain temps. Mais pour l’instant, ce qu’on peut dire est que les explosions de novembre 2025 marquent le moment où cette stratégie de guerre par attrition énergétique est devenue clairement efficace et irréversible.
Je termine en reconnaissant l’étrangeté de ce moment. Nous ne parlons pas des grandes batailles épiques. Nous ne parlons pas de victoires territoriiales massives. Nous parlons des explosions silencieuses en Russie lointaine qui attaquent des installations d’infrastructure. Mais c’est peut-être là que se joue vraiment le sort de cette guerre. Pas sur les champs de bataille de Pokrovsk ou de Donestk. Mais dans les explosions invisibles et réelles de dépôts de carburant qui réduisent progressivement la capacité d’une superpuissance à faire la guerre.
Sources
Sources primaires
Ukrinform – Explosions in two Russia’s regions destroy fuel depots, damage rail tracks (30 novembre 2025); Defense Intelligence of Ukraine (DIU) – Official statement on infrastructure strikes (30 novembre 2025); Security Service of Ukraine (SBU) – Lt. Gen. Vasyl Maliuk statement on 160 strikes against Russian oil facilities (31 octobre 2025); Kyiv Independent – Powerful explosions reported at Shakhtarsk oil depot (1er novembre 2025); United24Media – Ukraine Destroys Russian Fuel Train and Depot 140km Behind Front Lines (2 novembre 2025); YouTube – Ukrainian Drones STRIKE Russian $6.5B Jet Fuel Plant (19 novembre 2025); Main Intelligence Directorate of Ukraine – Flames of Resistance partisan operations report (2 novembre 2025); Associated Press – Built in shadows and launched at night, Ukraine’s long-range drones rattle Russia (31 octobre 2025)
Sources secondaires
Reuters – Russia fuel crisis reports (septembre-octobre 2025); BBC Verify and BBC Russian – Ukrainian drone attacks on Russian refineries analysis (octobre 2025); International Energy Agency (AIE) – Assessment of Russian refining capacity reduction (2025); Carnegie Endowment – Analysis of Ukrainian drone campaign against Russian energy (octobre 2025); Wikipedia – 2025 Russian fuel crisis (article détaillé couvrant la période août-décembre 2025); Evrimagaci – Ukrainian Drones Strike Deep Into Russia (31 octobre 2025); The Sun – Powerful explosions Ukraine destroys key Russian fuel depot in Crimea (16-17 octobre 2025); Meduza – Russian media reports on fuel shortages and station closures (septembre-octobre 2025)