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L’Europe face au calcul qui tue : sauver l’Ukraine ou payer le double quand Poutine viendra
Crédit: Adobe Stock

Les calculs implacables de Corisk et de l’Institut norvégien

Les auteurs de l’étude ne sont pas des idéologues va-t-en-guerre. Ce sont des économistes, des analystes de risques, des experts en sécurité internationale. Corisk, cabinet spécialisé dans l’évaluation des risques géopolitiques, et l’Institut norvégien des affaires internationales, think tank respecté depuis des décennies, ont passé des mois à modéliser les deux scénarios. Leur méthodologie repose sur des données concrètes : coûts historiques des crises de réfugiés, dépenses militaires comparées des pays de l’OTAN, analyses des capacités industrielles de défense, projections démographiques, impacts économiques des conflits prolongés. Rien n’est laissé au hasard. Chaque ligne budgétaire est documentée, chaque hypothèse justifiée, chaque projection calibrée. Le résultat est accablant. Dans le scénario d’une victoire russe partielle, l’Europe devra débourser entre 1,4 et 1,8 trillion de dollars sur quatre ans. Dans le scénario d’une victoire ukrainienne, la facture tombe à 605-972 milliards de dollars. Soit moitié moins. La différence ? Entre 400 et 800 milliards de dollars. De quoi financer des décennies d’investissements dans les infrastructures, l’éducation, la transition énergétique, la recherche médicale.

Le rapport détaille les postes de dépenses avec une précision comptable. Scénario 1, victoire russe : 524 à 952 milliards d’euros pour gérer l’afflux massif de réfugiés ukrainiens fuyant un pays dévasté, occupé, soumis. Logement, santé, éducation, intégration sociale, formation professionnelle. Les systèmes sociaux européens, déjà sous tension, craquent. Les budgets nationaux explosent. Les tensions politiques s’exacerbent. L’extrême droite capitalise sur le ressentiment. Les populistes promettent de fermer les frontières, de renvoyer les réfugiés, de rompre avec Bruxelles. La cohésion européenne se fissure. Ensuite viennent les dépenses militaires. Renforcer le flanc oriental de l’OTAN nécessite des investissements massifs. Déployer des brigades blindées en Pologne et dans les Baltiques. Construire des bases avancées. Stocker des munitions. Installer des systèmes de défense aérienne. Moderniser les infrastructures logistiques. Former des réservistes. Le tout dans l’urgence, avec des coûts démultipliés. Les experts estiment ces dépenses entre 400 et 600 milliards d’euros supplémentaires. Total : 1,2 à 1,6 trillion d’euros. Une somme astronomique qui plombera les finances publiques européennes pour une génération.

Pourquoi abandonner l’Ukraine coûte le double

La logique est implacable. Soutenir l’Ukraine maintenant, c’est investir dans la stabilité future. Abandonner l’Ukraine, c’est garantir l’instabilité permanente. Les chercheurs norvégiens expliquent : une victoire ukrainienne stabilise la région, permet le retour des réfugiés, accélère l’intégration européenne de Kyiv, réduit les primes de risque pour les investisseurs, décourage les aventures militaires russes ailleurs. Une victoire russe produit l’effet inverse. Elle déstabilise durablement l’Europe de l’Est, maintient des millions de réfugiés en exil, encourage Moscou à tester les défenses de l’OTAN ailleurs, augmente les coûts de défense pour tous les pays frontaliers, alimente les tensions politiques internes. Le rapport cite des précédents historiques. La guerre de Bosnie dans les années 1990 a coûté à l’Europe des dizaines de milliards en aide humanitaire, en opérations militaires, en reconstruction. Et la Bosnie, c’était un conflit régional limité. L’Ukraine, c’est une guerre continentale impliquant la deuxième armée nucléaire du monde. Les enjeux sont incomparables.

Les auteurs insistent sur un point crucial : le coût d’une victoire ukrainienne n’est pas une dépense perdue. C’est un investissement stratégique qui rapporte. Chaque dollar investi dans l’armée ukrainienne affaiblit la machine de guerre russe sans engager un seul soldat de l’OTAN. Chaque char livré à Kyiv est un char qui ne menacera pas Tallinn ou Vilnius demain. Chaque système de défense aérienne déployé en Ukraine protège indirectement la Pologne et la Roumanie. L’Ukraine se bat pour elle-même, certes. Mais elle se bat aussi pour l’Europe. Elle absorbe les coups, use les forces russes, détruit le matériel militaire de Moscou, démoralise les troupes du Kremlin. Sans l’Ukraine, l’Europe devrait faire tout cela elle-même. Avec des pertes humaines. Avec des destructions sur son propre sol. Avec des coûts économiques et politiques infiniment supérieurs. Le rapport le dit clairement : « Dans le cas d’un conflit permanent ou d’une victoire russe, l’Ukraine aura un besoin permanent de soutien, tandis qu’en cas de victoire militaire ukrainienne, le soutien occidental sera considérablement réduit au fil du temps. » Autrement dit : payer maintenant pour gagner, ou payer éternellement pour contenir.

Cette logique devrait crever les yeux. Mais non. Nous préférons discuter, négocier, temporiser. Nous préférons croire que Poutine s’arrêtera de lui-même, qu’il se contentera de l’Ukraine, qu’il respectera les frontières de l’OTAN. Nous préférons l’illusion confortable à la réalité brutale. Et pendant ce temps, l’horloge tourne. Les Ukrainiens meurent. Les villes sont rasées. Les infrastructures sont détruites. Et nous calculons. Nous calculons combien ça coûte de les sauver versus combien ça coûtera de les abandonner. Comme si c’était une question comptable. Comme si on pouvait mettre un prix sur la liberté, sur la dignité, sur le droit d’exister.

Sources

Sources primaires

Corisk et Institut norvégien des affaires internationales, « Europe’s choice: Military and economic scenarios for the War in Ukraine », Corisk Report Series No. 12, 25 novembre 2025. The Kyiv Independent, « Russian victory would cost Europe twice as much as supporting Ukraine, study finds », 29 novembre 2025. Euromaidan Press, « Study reveals Europe’s real choice on Ukraine: $972 billion for victory, or $1.8 trillion when Russia comes for Baltics », 1er décembre 2025. New York Post, « Russia getting its way would cost Europe hundreds of billions more than ensuring Ukraine victory: study », 30 novembre 2025. CNN, « The 28-point peace proposal for Ukraine, annotated », 21 novembre 2025. Axios, « Trump’s full 28-point Ukraine-Russia peace plan », 20 novembre 2025.

Sources secondaires

Reuters, « EU urgently seeks agreement on using frozen Russian assets for Ukraine », 26 novembre 2025. Financial Times, « Europe faces billions in losses without agreement on reparations loan », 28 novembre 2025. Kyiv Independent, « Belgian PM renews opposition to Russian frozen-assets reparations loan », 28 novembre 2025. The New York Times, « Ukraine’s Cash Is Running Low, and Europe Has No Good Plan B », 17 novembre 2025. Politico Europe, « EU countries seek urgent plan B to fund Ukraine », 27 novembre 2025. Al Jazeera, « Trump’s 28-point Ukraine plan in full: What it means, could it work », 21 novembre 2025. Chatham House, « Trump’s 28 point ‘peace plan’ marks Europe’s last chance to stand with Ukraine », novembre 2025.

Ce contenu a été créé avec l'aide de l'IA.

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