Skip to content
Drone sur le MIDVOLGA‑2 : quand un tanker russe force la mer Noire à parler
Crédit: Adobe Stock

Les faits bruts, sans fard

Commençons par ce qui est solide, vérifiable, répété par plusieurs sources. Le MIDVOLGA‑2 est un tanker de produits chimiques et pétroliers, long d’environ 140 mètres, construit en 2014 et battant pavillon russe. Il appareille de Russie avec une cargaison d’huile de tournesol à destination de la Géorgie, transitant par les eaux internationales de la mer Noire. À environ 80 milles des côtes turques, dans la zone économique exclusive (ZEE) de Türkiye, l’équipage signale une attaque. La Direction générale des affaires maritimes turque publie un message sur X : le navire a rapporté l’incident, il continue d’avancer vers Sinop, ses moteurs fonctionnent, et il ne demande pas d’assistance. Les 13 marins à bord sont déclarés indemnes par Ankara et par l’agence fédérale russe des transports maritimes, qui parle de dommages limités à la superstructure, sans fuite ni pollution visible.

Ce choix de mots – « attaqué », « impact externe », « dommages mineurs » – dessine une silhouette sans encore révéler le visage. Il ne s’agit ni d’un accident de manœuvre, ni d’une collision avec un autre navire, ni d’un simple problème technique. L’événement est suffisamment sérieux pour être signalé, suffisamment maîtrisé pour ne pas déclencher d’opération de secours massive. À ce stade, Ankara ne désigne aucun responsable. La Russie, de son côté, évoque un drone. Les médias turcs, eux, parlent de « kamikaze drone », en écho aux attaques récentes contre les tankers Kairos et Virat. Le puzzle a donc ses bords : un navire civil, une cargaison alimentaire, une trajectoire commerciale classique, un impact violent mais contenu, des marins indemnes… et un auteur inconnu.

Ce qui reste volontairement dans le flou

Au‑delà de ces faits, le flou prend toute la place. Qui a frappé le MIDVOLGA‑2 ? Avec quel type de drone ou de munition ? À partir de quelle zone, quelle base, quel navire‑mère ? Ni Türkiye, ni l’Ukraine, ni la Russie ne fournissent pour l’instant de détails complets. Ankara insiste sur sa préoccupation pour la sécurité de la navigation dans sa ZEE, sans attribuer nommément la responsabilité. Moscou parle de drone, mais ne donne aucune donnée technique vérifiable. Kiev garde le silence, comme souvent lorsqu’il s’agit d’opérations menées loin de ses côtes, même si des responsables ukrainiens ont reconnu, les jours précédents, l’usage de drones navals contre les tankers Kairos et Virat liés à la flotte fantôme pétrolière.

Dans ce vide de certitudes, prolifèrent – comme toujours – les hypothèses. Drone de surface du type Sea Baby, comme contre le Kairos ? Drone aérien improvisé ? Mine dérivante oubliée, rescapée de mois de guerre en mer Noire ? Chacun projette son récit préféré sur la coque du MIDVOLGA‑2. Les réseaux pro‑russes y voient la preuve d’une « campagne de terreur » contre la flotte marchande. Des voix ukrainiennes officieuses suggèrent un avertissement ciblé au commerce russe, même quand il transporte de l’huile et non du pétrole. Les autorités turques, elles, semblent surtout décidées à rappeler que la mer Noire n’est pas un terrain de jeu sans règles. Et c’est peut‑être là l’élément le plus significatif : l’événement est assez grave pour qu’Ankara le rende public, mais la vérité opérationnelle reste, pour l’instant, coincée derrière les portes des services de renseignement.

Ce flou n’est pas un bug, c’est une stratégie. Je le sens presque physiquement : chaque acteur tient sa part d’information comme un morceau de puzzle qu’il ne veut pas poser sur la table trop vite. Comme chroniqueur, cela me frustre – j’aimerais pouvoir dire « voilà, c’était tel type de drone, parti de tel endroit ». Mais en même temps, ce silence en dit long. Il dit la peur d’Ankara de voir la mer Noire se transformer en zone de guerre déclarée. Il dit la volonté de Kiev – si l’Ukraine est bien impliquée – de rester dans la zone grise. Il dit aussi la gêne de Moscou, qui doit admettre qu’un navire battant son pavillon peut être frappé à 130 kilomètres d’une côte membre de l’OTAN sans qu’elle puisse vraiment l’empêcher.

Sources

Sources primaires

Déclarations de la Direction générale des affaires maritimes de Türkiye concernant le tanker MIDVOLGA‑2 attaqué à environ 80 milles (130 km) au large de la côte turque, avec confirmation de l’absence de blessés parmi les 13 membres d’équipage et de la poursuite de la route du navire vers le port de Sinop, publiées le 2 décembre 2025. Dépêches de l’Associated Press relatant l’attaque d’un tanker transportant de l’huile de tournesol de la Russie vers la Géorgie, la localisation de l’incident dans la ZEE turque et le fait qu’aucun appel de détresse n’a été émis ce jour‑là. Informations de Reuters et de médias turcs (notamment NTV et Daily Sabah) mentionnant un possible drone kamikaze et confirmant que le navire n’a pas demandé d’assistance tout en continuant sous ses propres moteurs. Communiqués de l’agence fédérale russe des transports maritimes (Rosmorrechflot) indiquant des dégâts limités à la superstructure, l’absence de fuite et la sécurité des 13 marins à bord.

Sources secondaires

Données techniques sur le tanker MIDVOLGA‑2 (année de construction 2014, longueur d’environ 140 m, pavillon russe, type tanker de produits chimiques et pétroliers) issues de bases publiques de suivi maritime. Articles de médias internationaux (AP, Euronews, Al Jazeera, The Moscow Times, Kyiv Post, Safety4Sea, Insurance Journal) replaçant l’attaque du MIDVOLGA‑2 dans la séquence plus large des frappes contre les tankers Kairos et Virat, deux navires liés à la flotte fantôme russe et attaqués par des drones navals ukrainiens au large des côtes turques fin novembre 2025. Analyses sur la « shadow fleet » russe et le contournement des sanctions énergétiques occidentales, ainsi que sur les hausses de primes d’assurance pour le trafic en mer Noire, issues de la presse spécialisée en transport maritime et en énergie. Déclarations publiques du président Recep Tayyip Erdogan dénonçant les attaques contre des navires commerciaux en mer Noire comme une « escalade préoccupante » menaçant la sécurité de la navigation et l’environnement, en lien avec les incidents visant les tankers Kairos, Virat et MIDVOLGA‑2.

facebook icon twitter icon linkedin icon
Copié!
Plus de contenu