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Drones de mer contre flotte fantôme : le jour où Kiev a fait flamber deux tankers russes
Crédit: Adobe Stock

Kairos, 274 mètres de métal sous sanctions

Kairos, c’est un mastodonte. Un tanker de type Suezmax, long d’environ 274 mètres, capable de transporter près de 150 000 tonnes de brut. Pendant des années, le navire a navigué dans une semi-obscurité réglementaire, changeant de pavillon, adoptant le drapeau de la Gambie avant d’être finalement rayé de ce registre pour irrégularités. Des bases de données comme OpenSanctions le classent comme membre à part entière de la flotte fantôme russe, cette constellation de tankers vieillissants utilisés pour acheminer du pétrole russe hors des circuits surveillés par le plafonnement des prix imposé par le G7 et l’Union européenne.

En 2025, le Royaume-Uni et l’Union européenne ont pris des mesures ciblées contre le Kairos, estimant qu’il participait à des opérations de transport de brut russe en violation des sanctions, via des schémas complexes de transferts de cargaison et de désactivation de systèmes d’identification automatique. Au moment de l’attaque, il se dirigeait vers Novorossiïsk en ballast, escorté à distance par l’indifférence relative d’un marché qui s’était habitué à voir ces navires jouer avec les limites des règles. Les drones Sea Baby, eux, ne se sont pas habitués : ils sont venus rappeler que ce type de navire n’est plus seulement un objet de débats réglementaires, mais une cible opérationnelle.

Virat, navire jumeau de la même économie parallèle

Le Virat appartient à la même constellation grise. Navire de taille comparable, lui aussi sanctionné par plusieurs juridictions occidentales pour sa participation à des transports de brut russe en dehors des règles de prix imposées. Comme son « jumeau » Kairos, il fonctionne dans ces zones d’ombre du commerce maritime : pavillon de complaisance, propriétaires opaques, assurances incertaines, trajets parfois camouflés par des coupures de signal AIS. Ces navires ne sont pas simplement des outils logistiques ; ce sont des instruments d’une économie parallèle qui permet au Kremlin de continuer à vendre son pétrole malgré les restrictions.

Le 28 novembre, le Virat suivait, à une trentaine de milles nautiques, une trajectoire similaire à celle du Kairos, direction Novorossiïsk, sans cargaison mais avec un objectif clair : se remplir de brut destiné aux marchés étrangers. D’après Reuters et d’autres médias, il a été frappé près de la salle des machines, provoquant de la fumée intense mais pas d’incendie incontrôlé, contrairement au Kairos. Les 20 membres d’équipage sont restés à bord, assistés par des navires de secours turcs. Sur le papier, le Virat n’est « qu’un » navire supplémentaire dans une liste de dizaines de tankers douteux. En réalité, il incarne, lui aussi, un maillon de cette chaîne qui permet à la Russie de monétiser son pétrole en marge des règles. Et c’est précisément cette chaîne que Kiev a décidé de faire craquer.

Il y a quelque chose de presque ironique dans le destin de Kairos et Virat. Pendant des mois, ces navires ont glissé sous les radars médiatiques, connus seulement des spécialistes, des analystes de sanctions, des traders qui savent lire les courbes AIS comme on lit un roman noir. Et puis soudain, les voilà en pleine lumière, filmés en feu, disséqués dans les colonnes des journaux. Comme si la mer elle-même venait rappeler que l’ombre a ses limites. Qu’une flotte fantôme peut finir, brutalement, par se matérialiser sous la forme d’un incendie visible depuis la côte.

Sources primaires

Les informations factuelles sur l’attaque contre les tankers Kairos et Virat proviennent en premier lieu des déclarations d’un responsable du Service de sécurité d’Ukraine (SBU) cité par le Kyiv Independent, confirmant l’utilisation de drones navals Sea Baby dans une opération conjointe avec la marine ukrainienne, le 28 novembre 2025, au large de la côte turque. Les dépêches de l’Associated Press et de Reuters reprises par plusieurs médias (ABC News, The Independent, gCaptain, etc.) fournissent des détails sur la chronologie de l’attaque, la localisation approximative des navires (28 à 35 milles nautiques de la côte turque), le fait qu’ils étaient vides et en route vers le port de Novorossiïsk, et la nature des dommages subis (incendie et immobilisation du Kairos, dommages près de la salle des machines et fumées importantes sur le Virat).

Les communications officielles de la Turquie – déclarations du ministère des Transports et de l’Infrastructure, du porte-parole du ministère des Affaires étrangères, ainsi que les propos du président Recep Tayyip Erdogan – servent de base pour décrire la réaction d’Ankara : confirmation des explosions, opération de sauvetage des équipages (25 marins évacués du Kairos, 20 restés à bord du Virat), caractérisation des incidents comme des impacts externes dans la zone économique exclusive turque, condamnation des frappes comme une menace pour la sécurité de la navigation, la vie humaine et l’environnement. Les déclarations du porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov, rapportées par Reuters, constituent la principale source sur la position officielle russe, qualifiant les frappes d’« outrageuses » et les présentant comme des attaques contre les intérêts de la Russie et de pays tiers.

Sources secondaires

L’analyse de la flotte fantôme russe, de la place des tankers Kairos et Virat dans ce dispositif, et du rôle des drones navals Sea Baby s’appuie sur plusieurs sources secondaires. Un article détaillé de Naval News explique le déroulement de l’attaque en mer Noire, la nature des drones utilisés, et replace l’épisode dans la campagne plus large menée par l’Ukraine contre la flotte de la mer Noire, en rappelant les navires militaires russes déjà détruits ou gravement endommagés. Des analyses publiées par des sites spécialisés comme gCaptain et EU Today décrivent les caractéristiques techniques du Kairos et du Virat (taille, pavillon, historique de sanctions) et insistent sur leur appartenance à une flotte de tankers sanctionnés utilisée pour contourner les plafonds de prix imposés au pétrole russe.

Des bases de données comme OpenSanctions fournissent les éléments de contexte sur les sanctions visant directement les tankers Kairos et Virat, ainsi que la notion de shadow fleet (flotte d’anciens navires opérant sous pavillons de complaisance, avec des propriétaires opaques et des pratiques de navigation irrégulières). Enfin, plusieurs articles de médias internationaux (ABC News, Al Jazeera, The Independent, agences de presse) sont utilisés comme sources de recoupement pour la description du rôle de la Turquie dans les opérations de secours, les réactions diplomatiques, les risques écologiques limités par l’absence de cargaison, et les implications plus larges de cette attaque pour la sécurité des routes maritimes en mer Noire et pour l’évolution de la guerre navale entre l’Ukraine et la Russie.

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