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Washington trahit l’Europe : la stratégie Trump qui enterre 80 ans d’alliance atlantique
Crédit: Adobe Stock

Une terminologie d’extrême droite dans un document officiel

Commençons par le plus choquant, le plus insupportable, le plus révélateur aussi de ce qui se passe dans la tête de cette administration. Le document utilise l’expression « civilizational erasure » — effacement civilisationnel — pour décrire ce qui attend l’Europe. Pas déclin. Pas crise. Pas difficultés. Non : effacement. Comme si le continent européen, avec ses 450 millions d’habitants, ses démocraties séculaires, ses universités prestigieuses, ses industries de pointe, était en train de disparaître purement et simplement. Et pourquoi cet effacement, selon Washington ? À cause de l’Union européenne et des « organismes transnationaux » qui « sapent la liberté politique et la souveraineté ». À cause des politiques migratoires qui « transforment le continent et créent des conflits ». À cause de la censure de la liberté d’expression et de la suppression de l’opposition politique. À cause des taux de natalité en chute libre et de la perte des identités nationales. Lisez bien cette liste. C’est exactement le discours de l’extrême droite européenne. C’est le programme de l’AfD en Allemagne, du Rassemblement National en France, de la Lega en Italie, du PVV aux Pays-Bas. Mot pour mot.

Ce n’est pas un hasard. C’est une stratégie délibérée. Le document va jusqu’à affirmer que « dans quelques décennies au plus tard, certains membres de l’OTAN deviendront majoritairement non-européens » — une référence à peine voilée à la théorie du grand remplacement, cette idée complotiste selon laquelle l’immigration musulmane et africaine va « remplacer » les populations blanches européennes. Oui, vous avez bien lu. La Maison-Blanche, le bureau ovale, le cœur du pouvoir américain, reprend dans un document officiel une théorie raciste popularisée par des suprémacistes blancs et des terroristes d’extrême droite. Le texte poursuit en suggérant que ces changements démographiques rendront ces pays « méconnaissables dans 20 ans ou moins » et qu’il n’est « pas évident » qu’ils auront « des économies et des armées assez fortes pour rester des alliés fiables ». Traduction : une Europe moins blanche sera une Europe moins fiable. Une Europe multiethnique ne mérite pas la confiance de Washington. C’est du racisme pur et simple, habillé dans le langage feutré de la diplomatie. Et c’est maintenant la position officielle des États-Unis d’Amérique.

L’Europe « méconnaissable dans 20 ans »

Le document ne se contente pas de diagnostiquer cet « effacement civilisationnel ». Il en tire des conclusions stratégiques. Si l’Europe est condamnée à disparaître, pourquoi continuer à investir dans sa défense ? Pourquoi maintenir des dizaines de milliers de soldats américains sur le continent ? Pourquoi garantir la sécurité de pays qui, selon Washington, sont en train de se saborder eux-mêmes ? La logique est implacable, et elle mène directement à la conclusion que l’administration Trump veut imposer : l’Europe doit se débrouiller seule. Le texte l’affirme sans détour : « Les jours où les États-Unis soutenaient l’ordre mondial entier comme Atlas sont terminés. » Atlas qui portait le monde sur ses épaules. Une métaphore grandiose pour décrire ce que Washington considère comme un fardeau insupportable. Mais cette métaphore révèle aussi quelque chose de plus profond : une vision de l’Amérique comme victime, exploitée par des alliés ingrats qui profitent de sa générosité sans rien donner en retour. C’est faux, bien sûr. L’Europe a soutenu les États-Unis en Afghanistan pendant 20 ans. Les soldats européens sont morts à Kaboul pour défendre des intérêts américains. Les économies européennes ont accepté des sanctions contre la Russie qui leur ont coûté des centaines de milliards d’euros, pendant que les États-Unis vendaient leur gaz de schiste à prix d’or. Mais dans la vision trumpienne du monde, rien de tout cela ne compte. Seul compte le fait que l’Europe ne dépense pas assez pour sa propre défense, qu’elle dépend encore de la protection américaine, qu’elle ose critiquer les politiques de Washington.

Et donc, selon ce document, l’Europe doit changer. Radicalement. Rapidement. Le texte appelle à « cultiver la résistance à la trajectoire actuelle de l’Europe au sein des nations européennes » — une formulation extraordinaire qui signifie en clair : Washington va soutenir activement les partis et les mouvements qui s’opposent aux politiques actuelles de l’UE. C’est de l’ingérence, assumée, revendiquée, théorisée. Les États-Unis vont financer, encourager, légitimer les forces politiques qui partagent leur vision de l’Europe : une Europe des nations, hostile à l’immigration, méfiante envers les institutions supranationales, alignée sur les positions américaines en matière de commerce et de sécurité. Le document salue d’ailleurs la montée des « partis patriotiques européens » — un euphémisme transparent pour désigner l’extrême droite. L’AfD en Allemagne, qui vient d’être classée comme organisation d’extrême droite par les services de renseignement allemands. Le Rassemblement National en France, héritier du Front National fondé par un ancien Waffen-SS. La Lega en Italie, qui a longtemps flirté avec le séparatisme et le racisme anti-méridional. Voilà les « patriotes » que Washington veut voir au pouvoir en Europe. Voilà les alliés de la nouvelle Amérique trumpienne. Et si vous trouvez ça inquiétant, vous avez raison. Parce que ça l’est.

Il y a des moments où la colère ne suffit plus. Où il faut aller au-delà de l’indignation, au-delà de la protestation, pour toucher quelque chose de plus profond. Une rage froide, calculée, qui refuse de se laisser intimider. Parce que ce document, ce n’est pas juste une insulte. C’est une déclaration de guerre idéologique. Washington nous dit : votre modèle de société est mort, vos valeurs sont obsolètes, votre avenir n’existe pas. Et nous devrions accepter ça ? Nous devrions baisser la tête et remercier l’Amérique pour ses conseils éclairés ? Non. Mille fois non. L’Europe a ses problèmes, oui. Ses contradictions, ses échecs, ses hypocrisies. Mais elle reste un continent de libertés, de droits, de solidarité. Un continent où on ne laisse pas les gens mourir faute d’assurance maladie. Où on ne met pas des enfants en cage à la frontière. Où on ne glorifie pas les milliardaires qui ne paient pas d’impôts. Et si ça fait de nous des « civilisations en voie d’effacement », alors qu’il en soit ainsi. Je préfère disparaître en défendant mes valeurs que survivre en les trahissant.

Sources

Sources primaires

The White House – « National Security Strategy » (4 décembre 2025) – Document officiel de 33 pages publié par l’administration Trump définissant la stratégie de sécurité nationale des États-Unis

Kyiv Independent – « New US strategy document takes hard line on Europe’s ‘trajectory,’ NATO enlargement » par Martin Fornusek (5 décembre 2025) – Analyse détaillée du document de stratégie nationale et de ses implications pour l’Europe

Kyiv Post – « US Strategy Urges Halt to NATO Expansion, Warns Europe of ‘Civilizational Erasure' » par Alisa Orlova (5 décembre 2025) – Couverture des principales dispositions du document concernant l’OTAN et l’Europe

Euromaidan Press – « The new US security strategy includes a clause on ‘containing NATO expansion’ and criticism of Europe » par Maria Tril (5 décembre 2025) – Analyse de la position américaine sur l’expansion de l’OTAN et l’Ukraine

BBC News – « Trump administration says Europe faces ‘civilisational erasure' » par Brandon Livesay (5 décembre 2025) – Couverture des réactions européennes au document de stratégie nationale

CNN – « Trump lays bare his contempt for Europe in blistering new national security plan » par Nick Paton Walsh (5 décembre 2025) – Analyse critique du document et de son ton envers l’Europe

Der Spiegel – Transcription de l’appel entre dirigeants européens révélant les inquiétudes de Merz et Macron sur la politique américaine (décembre 2025)

Sources secondaires

German Marshall Fund – « The Trump Administration’s National Security Strategy » (5 décembre 2025) – Analyses par pays des implications du document pour les relations transatlantiques

Center for Strategic and International Studies (CSIS) – « The NSS That Could Destroy the NATO Alliance » (décembre 2025) – Évaluation des risques pour l’OTAN

Atlantic Council – « Experts react: What Trump’s National Security Strategy means for US foreign policy » (5 décembre 2025) – Table ronde d’experts sur les implications du document

Council on Foreign Relations (CFR) – « Unpacking a Trump Twist of the National Security Strategy » (décembre 2025) – Analyse des changements par rapport aux stratégies précédentes

Reuters – « Trump administration says Europe risks ‘civilisational erasure' » (5 décembre 2025) – Couverture internationale des réactions au document

The Guardian – « ‘Cultivate resistance’: policy paper lays bare Trump support for far-right » (5 décembre 2025) – Analyse de la dimension idéologique du document

European Policy Centre – « Trump’s new National Security Strategy – an existential threat to Europe » (décembre 2025) – Évaluation des menaces pour la sécurité européenne

Breaking Defense – « US National Security Strategy calls for reviving ‘Monroe Doctrine' » (5 décembre 2025) – Analyse du pivot vers l’hémisphère occidental

Ce contenu a été créé avec l'aide de l'IA.

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