La vague qui commence doucement et s’accélère
Île Longue n’est pas une anomalie. C’est le dernier incident d’une série d’incursions de drones qui a transformé le paysage militaire européen depuis septembre 2025. Le 22 septembre, deux à trois drones massifs ont fermé l’aéroport de Copenhague pendant presque quatre heures. Le Premier ministre danois Mette Frederiksen a appelé cela « l’attaque la plus grave contre l’infrastructure critique danoise à ce jour ». Les aéroports se sont fermés partout—Aalborg, Billund, Oslo, Berlin-Brandenburg. Des villes entières ont vu leurs espaces aériens fermés sans raison expliquée. Des gendarmes ont tiré sur des drones. Des hélicoptères ont été déployés. Et aucun drone n’a jamais été capturé. Aucun opérateur n’a jamais été arrêté.
Puis, en octobre et novembre, les incidents se sont multipliés avec une régularité macabre. La Belgique rapportait des survols au-dessus de la base aérienne de Kleine-Brogel, une installation qui stocke des bombes nucléaires B61 dans le cadre du partage nucléaire de l’OTAN. Les Pays-Bas rapportaient des survols au-dessus de la base de Volkel, une autre installation de stockage nucléaire. Les forces aériennes néerlandaises ont tiré avec des munitions réelles sur les drones. Aucun drone n’a été abattu. En Allemagne, la base aérienne de Sanitz a été survolée. En Suède, l’aéroport de Gothenburg. En France elle-même, pas seulement Île Longue, mais aussi des sites civils—le dôme nucléaire de Doel en Belgique a été survolé par trois drones.
Je contemple cette épidémie de survols de drones à travers l’Europe, et je vois une orchestration. Non pas un hasard. Non pas des incidents dispersés. Une campagne. Une expérimentation systématique des défenses aériennes européennes. Chaque survol apprend aux observateurs invisibles—car il y a forcément des observateurs invisibles—ce que l’Europe peut et ne peut pas faire. C’est une reconnaissance armée. C’est la préparation d’une guerre qui n’a pas commencé.
Les théories : l’hypothèse russe et les questions sans réponse
Officiellement, nul n’a imputé ces intrusions à la Russie. Officiellement. Mais officieusement, pratiquement tous les gouvernements européens pensent à la Russie. Le premier ministre néerlandais Dick Schoof a dit publiquement que « l’Europe croit que la Russie est derrière ces incidents, mais ne peut pas le prouver ». Ne peut pas le prouver. Pas « ne sait pas ». Peut pas prouver. C’est une nuance importante. Cela signifie qu’il existe une suspicion forte, des indices circonstanciels, peut-être même des preuves fragmentaires. Mais pas de chaîne de preuve suffisante pour une attribution officielle.
Pourquoi la Russie aurait-elle intérêt à mener ces opérations ? Le ministre belge de la Défense Théo Francken a dit explicitement que les survols ressemblaient à de l’espionnage. « Ils viennent nous observer. Ils voient où se trouvent les F-16. Où se trouvent les munitions. D’autres éléments hautement stratégiques. » C’est la théorie de la reconnaissance systématique. La Russie sonde les défenses aériennes de l’OTAN. Elle identifie les lacunes. Elle cartographie les zones d’ombre où les radars ne portent pas. Elle teste les temps de réaction. Elle apprend. Et cette connaissance sera utilisée quand viendra le moment. Pas demain. Pas en 2026. Mais un jour.
Section 3 : La flotte de l'ombre et les opérations maritimes
Le Boracay : un pétrolier suspect au cœur d’une tempête
En septembre 2025, quelques jours après les survols massifs de drones au-dessus du Danemark, les autorités françaises ont interpellé un navire suspect. Le Boracay, un pétrolier suspect d’être part de la « flotte de l’ombre » russe, a été arraisonné au large de la côte atlantique française. Le navire était registré sous pavillon suspect, équipage d’origine ambigüe, itinéraire qui passait juste à côté de Breton, tout près d’Île Longue, une semaine avant les survols danois. Coïncidence ? Peut-être. Les autorités ont trouvé le capitaine du Boracay ne pas coopératif. Les autorités ont lancé des investigations. Et puis, silence. Pas d’annonce officielle. Pas de confirmation que des équipements de drone ont été trouvés. Juste un silence qui suggère que quelque chose a effectivement été découvert, mais que les détails étaient trop sensibles pour être divulgués.
La « flotte de l’ombre » russe est un concept qui date de l’invasion totale de l’Ukraine en 2022. Alors que les sanctions occidentales frappaient les navires-citernes russes traditionnels, Moscou a créé un réseau clandestin de navires vieux, mal assurés, enregistrés sous des pavillons de complaisance, opérant dans une zone grise entre la légalité et le crime. Ces navires transportent du pétrole russe vers les clients qui acceptent de contourner les sanctions. Mais selon les rapports des autorités françaises et des services de renseignement, ces navires-citernes font double emploi : certains d’entre eux serviraient également de bases de lancement pour des drones d’espionnage. Un navire pétrolier qui traverse l’Atlantique peut rester invisible pendant des jours. Et d’une plate-forme invisible, il peut lancer des drones qui survolent les défenses aériennes côtières.
Je vois dans le Boracay le symbole de cette nouvelle forme de guerre : discrète, dénuée d’uniformes, opérant dans les zones grises de la légalité. Ce n’est pas la guerre froide. Ce n’est pas même la cyber-guerre. C’est quelque chose de plus subtil. C’est une guerre de l’ombre menée par des navires fantômes lançant des drones fantômes. Et la réponse occidentale est inefficace, parce qu’on ne peut pas réagir à quelque chose que les règles de la preuve n’autorisent pas d’attribuer officiellement à un ennemi.
Les techniques de déploiement et les mystères opérationnels
Selon les analystes militaires, il existe plusieurs façons de lancer un drone depuis un navire. La plus simple : une rampe d’lancement portable. Quelques hommes se présentent sur le pont du navire à l’aube. Une demi-heure. Un drone prêt à être lancé. Dans un délai limité, le drone est en l’air. À plusieurs kilomètres du navire. Impossible de relier l’ovni volant au port d’attache. Un drone peut opérer via liaison radio directe jusqu’à 20 kilomètres. Au-delà, il faut une autre méthode. Satcom. Starlink. Les drones ukrainiens contre les cibles russes utilisent Starlink pour les frappes longue portée. Pourquoi pas les drones russes ? Pourquoi pas un drone lancé depuis une position à 100 kilomètres du littoral européen, guidé depuis la Crimée via satellite ?
Ce qui rend ces opérations si difficiles à contrer, c’est cette séparation entre le lancement et le guidage. Vous ne pouvez pas arrêter un drone à moins de savoir où il est physiquement. Vous ne pouvez pas arrêter un opérateur à moins de localiser sa position. Et si la position est à 10 000 kilomètres, depuis un bureau à Moscou, depuis un centre de contrôle directement lié aux services de renseignement russes ? Comment l’attaquez-vous ? Comment arrêtez-vous quelque chose qui opère comme un fantôme depuis un autre continent ?
Section 4 : Île Longue—le cœur du sanctuaire français
L’architecture de la dissuasion nucléaire française
Île Longue n’est pas qu’une base militaire. C’est la manifestation physique de la stratégie de dissuasion nucléaire française. La péninsule—petite, rocheuse, connectée au continent par une chaussée étroite—est devenue au fil des décennies une forteresse autosuffisante. Deux docks secs géants, longs de 200 mètres, capable de maintenir un sous-marin nucléaire en cale sèche pour maintenance complète. Un atelier de réacteur nucléaire. Des bunkers blindés pour l’assemblage des têtes nucléaires. Un bassin de stockage du combustible nucléaire de 170 mètres de long. Et tout cela, construit underground où possible, ou derrière des murs capables de résister à une attaque aérienne massive.
Les quatre Triomphant-class SSBN basés à Île Longue sont le cœur de la stratégie française. Chaque sous-marin peut porter 16 missiles M51 balistiques, chacun armé avec cinq à six têtes nucléaires. Chaque tête a une puissance estimée à 100 kilotonnes. C’est plus puissant qu’Hiroshima. Quatre sous-marins. Soixante-quatre missiles. Plusieurs centaines de têtes nucléaires. À tout moment, au moins un des sous-marins français patrouille quelque part dans les océans du monde, prêt à frapper. C’est ce qu’on appelle la « dissuasion du second coup »—la garantie qu’avec même si la France était attaquée, elle pourrait toujours riposter. Et cette garantie repose sur la sécurité d’Île Longue.
Je contemple Île Longue comme un temple de la puissance terrestre. Pas un temple religieux. Un temple du pouvoir brut. Des centaines de techniciens, d’officiers, de mariniers travaillent chaque jour pour maintenir cette puissance. Pour nettoyer les salles de réacteurs. Pour inspecter les missiles. Pour s’assurer que les têtes nucléaires sont en état de fonctionner. Et maintenant, des drones survolent ce temple. Ils regardent, enregistrent, rapportent. Et le temple ne peut pas vraiment répondre à cette menace invisible.
Les défenses et leurs limites
Île Longue est défendue par 120 gendarmes maritimes et un bataillon de fusiliers marins. C’est relativement peu pour défendre un site d’une importance stratégique considérable. Mais la défense d’Île Longue est censée être multi-couche. D’abord, des radars et des systèmes de détection aérienne. Ensuite, des armes anti-aérie—des canons, des missiles, des fusils. Et puis, l’éloignement géographique. Île Longue est entourée par la mer. Vous ne pouvez pas l’approcher par la terre sans franchir des barrières. Vous ne pouvez pas l’approcher par la mer sans être détecté par les patrouilles. Et les drones ? Les drones survolent simplement tout cela.
C’est le point faible découvert le 4 décembre. Les défenses contre les menaces aériennes traditionnelles—les avions de chasse, les missiles de croisière—sont robustes. Mais contre de petits drones volant à basse altitude, à une vitesse modérée, émettant peut-être peu de signature radar ? C’est plus compliqué. Les défenses doivent être activées rapidement. Les opérateurs doivent être alertes. Et les armes doivent pouvoir engager des cibles mobiles, imprévisibles. Dans la nuit du 4 décembre, les défenses d’Île Longue se sont révélées insuffisantes. Les drones ont été détectés. Mais ils ont été seulement perturbés, pas détruits. Ils se sont échappés. Et ils n’ont jamais été retrouvés.
Section 5 : La doctrine russe de la "guerre hybride"
Au-delà de la guerre conventionnelle : destabilisation systématique
Moscou appelle cela la « guerre hybride »—une forme de conflit qui combine les tactiques militaires, les opérations de sabotage, la désinformation informationnelle, et l’exploitation des faiblesses civiles. Le Kremlin a établi au moins cinq unités militaires dédiées à ces opérations hybrides, notamment l’Unité 54654 du GRU. Ces unités ne cherchent pas à conquérir des territoires. Elles cherchent à déstabiliser, à semer le doute, à paralyser les réponses défensives par l’incertitude et la confusion.
Les survols de drones sur des installations militaires sensibles en Europe correspondent exactement à cette doctrine. Ils ne détruisent rien. Ils ne tuent personne. Mais ils créent une pression psychologique constante. Un aéroport ferme. Les civils paniquent. Les ressources militaires sont détournées pour intercepter. Et le lendemain, un nouvel aéroport. Une nouveau base militaire. Les défenseurs ne savent jamais où frappera la prochaine attaque. Cette incertitude est exactement ce que le Kremlin recherche. C’est moins coûteux en ressources qu’une attaque militaire majeure. Et c’est difficile à attribuer, rendant la riposte légale et diplomatique complexe.
Je regarde cette stratégie russe de déstabilisation et je vois le génie machiavélique du Kremlin. Moscou n’attaque pas directement. Moscou affaiblit graduellement. Chaque drone. Chaque survol. Chaque fermeture d’aéroport. Chaque allocation de ressources militaires pour une menace qui ne matérialise jamais. C’est l’usure émotionnelle et militaire de l’Europe. Et l’Europe, hypnotisée par les règles du droit international, ne peut même pas riposter proprement.
Les recrutements de « petits agents » et la fragmentation de la menace
Selon les services de renseignement allemands, la Russie a commencé une nouvelle stratégie de recrutement via Telegram. Le GRU identifie les utilisateurs de canaux pro-Kremlin, les évalue pour leur potentiel d’agentivité, puis les contacte directement avec des offres d’argent pour des tâches simples : prendre des photos de bases militaires, déclencher des incendies de petite ampleur, surveiller les mouvements des troupes. Le tout est payé en cryptocurrency, traçable, mais avec des chaînes d’attribution morcelées qui rendent difficile la responsabilisation.
C’est une forme de criminalité organisée au service de l’État. Des milliers de « petits agents » opèrent à travers l’Europe, recrutés individuellement, sans connaître l’identité de leur « gestionnaire ». Chacun ne fait qu’une tâche mineure. Mais ensemble, ces tâches forment un tableau complet d’espionnage et de sabotage. Et parce que chaque agent est un civil ordinaire—pas un espion entraîné, pas un militaire—les gouvernements européens trouvent difficile d’identifier et de neutraliser la menace sans violer les libertés civiles.
Section 6 : Les implications stratégiques pour la dissuasion nucléaire
La confiance ébranlée dans les sanctuaires nucléaires
Les survols de Île Longue par les drones posent une question philosophique qui trouble les stratèges militaires depuis des décennies : comment pouvez-vous maintenir une dissuasion nucléaire si la base qui soutient cette dissuasion n’est pas vraiment « sûre » ? Depuis la création du concept de force de dissuasion du second coup dans les années 1960, les puissances nucléaires ont dépendus de l’existence de sanctuaires—des zones si fortement défendues que l’adversaire ne peut pas les menacer. Et si cette hypothèse fondamentale s’effondre ?
Les drones ne menacent pas directement les sous-marins nucléaires en mer. Un sous-marin en mer est essentiellement indétectable, presque insaisissable. Mais les sous-marins doivent revenir à leur port d’attache pour maintenance, ravitaillement, et remplacement du personnel. Île Longue n’est pas juste une base militaire. C’est un goulet d’étranglement dans la logistique française de dissuasion. Si Île Longue était rendue inopérable—par une attaque majeure, par une explosion, par une contamination nucléaire—la France perdrait temporairement sa capacité à maintenir sa force de dissuasion. Et c’est peut-être un scénario que les planificateurs russes envisagent.
Je pense à ce que signifie vraiment l’incursion de drones au-dessus d’Île Longue. Ce n’est pas simplement une violation d’airspace. C’est une démonstration que même l’installation la plus secrète de France—le cœur de sa sécurité nationale—peut être observée, étudiée, potentiellement attaquée. Et cela sape psychologiquement la confiance dans la dissuasion nucléaire. Si le sanctuaire n’est pas sacré, si le secret n’est pas total, si la base peut être survolée—alors qu’est-ce qui garanti vraiment le pays ?
La leçon de l’Ukraine : les drones peuvent avoir un effet stratégique disproportionné
L’Ukraine a démontré depuis 2022 que les drones, même petits, armés de simples charges explosives, peuvent infliger des dégâts stratégiques à une puissance militaire beaucoup plus grande. Des drones ukrainiens ont détruit des aéroports russes. Ils ont criblé des raffineries. Ils ont interdit des zones d’opérations aériennes russes. Et pendant de long mois, les défenses russes se sont avérées insuffisantes pour arrêter ces attaques. Les Russes ont appris cette leçon. Et ils l’appliquent maintenant en Occident.
Si de petits drones peuvent franchir les défenses de Île Longue pour le simple survol de reconnaissance, que se passerait-il si ces drones étaient armés d’explosifs ? Une charge de quelques kilogrammes seulement, explosée au-dessus des docks ou des installations critiques, pourrait causer des dégâts significatifs. Pas une destruction totale. Pas une mise hors service permanente. Mais un dégât suffisant pour interrompre les opérations pendant des semaines. Et quand une base aussi critiquement sensible s’arrête, c’est la machine entière de la dissuasion qui commence à se gripper.
Section 7 : L'incapacité de répondre—le dilemme politique et militaire
Pourquoi la France ne peut pas riposter directement
Voici le dilemme dans lequel se trouve la France. On soupçonne fortement la Russie. Mais on ne peut pas le prouver légalement. Pas de chaîne de preuve satisfaisante. Pas d’aveu direct. Pas de communication interceptée explicite. Juste une accumulation d’indices circonstanciels que tout analystes sérieux interpréterait comme « assez probable ». Mais « assez probable » n’est pas suffisant pour justifier une réponse militaire selon le droit international. Et une réponse sans justification légale serait elle-même une violation du droit international—exactement le genre de violation que le Kremlin attend avec enthousiasme, parce que cela justifierait une escalade.
De plus, même si la France pouvait attribuer formellement ces drones à la Russie, que faire ? Attaquer des installations russes ? Riposté par la mer ? Cela pourrait escalader rapidement vers un affrontement direct entre la France et une puissance nucléaire. Imposer des sanctions supplémentaires ? Des sanctions qui n’ont jamais empêché la Russie de mener ses opérations hybrides jusqu’à présent. Arrêter des navires suspects comme le Boracay ? La France l’a essayé, et le Boracay continue à naviguer. La vérité inconfortable est que la France n’a pas de réponse proportionnée et efficace à cette menace hybride russe.
Je contemple cette impasse et je vois l’absurdité de la politique internationale moderne. Deux puissances nucléaires. Une qui attaque systématiquement l’autre par des moyens non conventionnels. Et l’autre qui, bien que possédant la puissance destructrice pour raser le pays de l’agresseur, se trouve impuissante à répondre parce que les règles du jeu—construites après la Seconde Guerre mondiale—ne prévoient aucune riposte proportionnée à une attaque aussi diffuse et indirecte. C’est peut-être la forme finale de la stupidité géopolitique : deux géants enchaînés par les conventions qu’ils ont eux-mêmes créées.
La fragile ligne entre la non-réaction et l’escalade
Les gouvernements européens marchent sur une ligne très fine. D’un côté, tolérer les survols de drones signifie accepter implicitement que la Russie peut faire ce qu’elle veut sans conséquences. Cela encourage des attaques futures. Cela montre à d’autres adversaires potentiels que le coût de la provocation est nul. D’un autre côté, réagir de manière trop agressive—en tirant sur des drones ou en attaquant des installations, risque d’escalader vers un affrontement direct qui pourrait devenir nucléaire.
C’est peut-être l’objectif calculé du Kremlin. Tester les limites de la tolérance occidentale. Identifier le point d’inflexion où la Occident bascule de la passivité à l’action. Et une fois ce point identifié, rester juste en deçà, continuant à provocation sans croiser la ligne rouge. C’est une forme de « brinkmanship »—de jeu au bord de l’abîme. Et la Russie, ayant peu à perdre, joue avec plus de confiance que l’Europe, qui craint l’escalade nucléaire.
Section 8 : L'infrastructure nucléaire européenne en danger
Les autres bases sensibles sous surveillance
Île Longue n’est pas seule. Volkel aux Pays-Bas et Kleine-Brogel en Belgique sont aussi des bases essentielles pour la dissuasion nucléaire de l’OTAN. Ces deux bases stockent les bombes nucléaires B61 que les États-Unis partage avec ses alliés européens. Et les deux ont été survolées par des drones cette année. Les drones n’étaient pas armés. Ils n’ont lancé aucune attaque. Mais ils ont envoyé un message : nous voyons votre infrastructure. Nous savons où se trouvent vos armes nucléaires. Nous pourrions y accéder demain si nous le désirions.
Les drones ne peuvent pas vraiment frapper les stocks de bombes nucléaires directement—ils sont trop profondément enterrés, trop bien protégés. Mais ils pourraient endommager l’infrastructure environnante. Ils pourraient détruire les générateurs d’électricité qui alimentent les systèmes de refroidissement des bunkers. Ils pourraient interrompre les lignes de communication. Les bases nucléaires sont complexes, interconnectées, vulnérables en mille endroits. Et chaque survol de drone teste ces vulnérabilités, les identifie, les cartographie.
Je vois dans ces survols de drones au-dessus des bases nucléaires une forme de prédation. Le prédateur cercle, observe, attend. Il ne saute pas tout de suite. Il apprend d’abord le comportement de sa proie. Il identifie les faiblesses. Et puis, quand le moment vient—dans un mois, un an, une décennie—il frappe. Les drones survolant Île Longue, Volkel et Kleine-Brogel maintenant sont comme les cercles du prédateur. C’est une chasse, et l’Europe en est la proie.
La vulnérabilité des petites nations face aux survols russes
Les nations les plus vulnérables sont les petites nations d’Europe de l’Est. La Pologne a signalé des drones russes pénétrant son espace aérien. L’Estonie, la Finlande, la Lituanie, la Roumanie ont tous signalé des incursions aériennes russes. Ces pays n’ont pas accès à une dissuasion nucléaire. Leur sécurité repose entièrement sur la garantie de l’OTAN et de la puissance nucléaire des États-Unis. Mais comment l’OTAN peut-elle garantir la sécurité de ces nations si même les grandes puissances nucléaires comme la France ne peuvent pas protéger leurs propres installations ?
La Pologne a réagi en lançant l’Opération Horizon—un déploiement de jusqu’à dix mille soldats pour protéger l’infrastructure critique nationale contre les opérations de sabotage russes. C’est une réponse défensive massive. Mais c’est aussi une admission que les défenses existantes sont insuffisantes. Et si une nation de quarante millions d’habitants ayant le plus grand arsenal militaire d’Europe de l’Est ne peut pas se protéger seule, qu’en est-il des autres ?
Section 9 : Les drones ukrainiens et la contre-stratégie
Les opérations au-delà de Kyiv : la doctrine émergente
Pendant que la Russie sonde les défenses aériennes européennes avec des drones de reconnaissance, l’Ukraine répond en attaquant l’infrastructure russe avec ses propres systèmes de drones de frappe. Les Sea Baby, les drones navals ukrainiens, ont endommagé des pétroliers de la « flotte de l’ombre » russe. Les attaques aux drones ukrainiens contre les raffineries russes ont détruit millions de barils de capacité de traitement. Et l’Ukraine a déployé des drones de reconnaissance pour cartographier les positions russes, les flux logistiques, l’emplacement des systèmes de défense aérienne.
Ce qui est significatif, c’est que ces drones opèrent par-delà les lignes de front. Certains décollent d’Ukraine. D’autres sont lancés depuis les navires ou les positions côtières. Beaucoup utilisent les communications par satellite Starlink pour l’orientation et le guidage. Cette capacité à projeter de la force à distance, sans frontière définie de « ligne de contact », est quelque chose que même les grandes puissances trouvent difficile à imiter. Mais la Russie apprend. Et si la Russie combine ces techniques d’opérations de drones avec sa doctrine de « guerre hybride », le résultat pourrait être une forme de conflit pour lequel l’Occident n’a pas vraiment de défense.
Je vois dans les drones ukrainiens la promesse et la menace d’une nouvelle forme de guerre. Promesse, parce que Ukraine peut maintenant frapper loin au-delà de ses frontières, peut contester une puissance beaucoup plus grande, peut maintenir une position. Menace, parce que cette même technologie, déployée par une puissance hostile avec des ressources massives, pourrait devenir invincible. Et nulle puissance ne possède réellement les défenses contre un tel adversaire.
Les limitations et les risques des opérations longue portée
Mais il y a des limites à ce que les drones peuvent accomplir. Ils ne peuvent pas conquérir du territoire. Ils ne peuvent pas établir un contrôle politique. Ils ne peuvent que détruire et déranger. Pour une puissance ayant des objectifs politiques définis, comme l’Ukraine défendant son indépendance, les drones sont un outil magnifique de négation et de retardement. Pour une puissance ayant l’intention de conquérir, comme la Russie, les drones seuls sont insuffisants.
De plus, il y a le risque d’escalade. Si les opérations de drones s’intensifient, si elles frappent des cibles civiles, si les destructions deviennent trop massives, les normes de réponse peuvent changer. Un gouvernement victime d’attaques massives pourrait décider que la riposte nucléaire tactique est justifiée. Et une fois que le seuil nucléaire est franchi, tout devient possible. C’est le cauchemar que les stratèges militaires redoutent : une escalade graduée menée par des drones qui franchit finalement la ligne rouge séparant le conflit conventionnel du conflit nucléaire.
Section 10 : L'attribution et le droit international
La jungle de la preuve et l’inadéquation du droit
Attribuer définitivement une attaque hybride à un État particulier est presque impossible dans le cadre du droit international existant. Les normes d’attribution qui ont émergé après des décennies de cyber-attaques requièrent une certitude « haute » ou « très haute ». Cela signifie généralement la capture d’équipement portant des marqueurs russes. Ou l’interception de communications directes liant l’attaque à des commandements russes. Ou des observations physiques de personnel russe menant l’opération. Aucun de ces éléments n’est disponible dans le cas des drones survolant les installations militaires européennes.
Même le Boracay—un navire-citerne clairement impliqué dans les opérations de sanctuaires-busting russes, opérant dans la flotte de l’ombre—n’a pas pu être poursuivi efficacement. Les autorités françaises ont lancé une enquête. Elles ont interrogé l’équipage. Mais aucune condamnation criminelle n’a été annoncée. Parce que même avec un navire suspect arraisonné et inspectionné, la preuve qu’il a effectivement lancé des drones reste ténue. Pas de débris de drones trouvés à bord. Pas d’équipement de lancement. Juste des soupçons. Et les soupçons ne suffisent pas pour les poursuites.
Je contemple cette incapacité du droit international à s’adapter aux réalités de la nouvelle guerre, et je vois un système qui s’effondre lentement. Les règles ont été écrites pour un monde de guerre déclarée, d’ambassadeurs qui se connaisent, d’agents diplomatiques clairement identifiés. Elles n’ont pas été écrites pour un monde de drones, de navires fantômes, d’agents recrutés via Telegram. Et tant que le droit ne s’adapte pas, le criminel (l’État agresseur) peut opérer impunément.
Les propositions de réforme et leur infaisabilité politique
Des experts en droit international ont proposé que l’attribution de la « probabilité moyenne » soit suffisante pour justifier une riposte militaire limitée. D’autres ont proposé que les États établissent des « lignes rouges » claires—des actions qui déclenchent une réponse automatique sans besoin d’attribution parfaite. Mais ces propositions heurtent une réalité politique désagréable : aucune grande puissance ne veut être liée par des règles d’attribution laxes, parce que cela signifierait qu’elles pourraient aussi être victimes de ripostes basées sur la « probabilité moyenne ».
Donc la statu quo persiste. Les États continuent à mener des opérations hybrides dans cette zone grise, savant qu’ils ne seront pas tenus responsables légalement. La Russie sonde les défenses aériennes. L’Ukraine riposte par des attaques aux drones. Et l’Europe reste paralysée par son propre système légal, incapable de réagir efficacement à une menace qu’elle ne peut pas attribuer légalement mais sait pertinemment être dirigée par Moscou.
Section 11 : Les implications à long terme pour la défense européenne
La réarmement nucléaire et les questions de contrôle des armes
Les survols de drones au-dessus des installations nucléaires sensibles soulèvent une question troublante : devraient les puissances nucléaires augmenter leur arsenal nucléaire en réponse à une menace quasi-conventionnelle ? La logique démentielle de la dissuasion nucléaire suggère que oui. Si la Russie peut déranger impunément l’ordre sécuritaire français par des drones, la France pourrait-elle ne pas augmenter son arsenal nucléaire pour dissuader davantage de telles provocations ?
La France a récemment declaré sa nouvelle génération de missiles M51.3 comme opérationnels. Ces missiles ont une portée plus grande et une précision améliorée. Ils représentent une augmentation de la capacité destructrice française. Mais ce qui est troublant, c’est que cette augmentation armée semble motivée en partie par l’inquiétude que les défenses conventionnelles ne suffisent pas. En d’autres termes, la Russie, par ses opérations hybrides, pousse potentiellement les puissances nucléaires à augmenter leurs arsenaux. C’est exactement le contraire de ce que le droit des armes vise—le désarmement progressif.
Je vois dans ce cycle d’action et de réaction nucléaire la tragédie de la politique internationale moderne. Une puissance fait une provocation. Une autre augmente ses défenses. La première rend cette défense obsolète par une nouvelle innovation. Et la deuxième réagit en augmentant les risques nucléaires. Et aucune puissance ne peut s’arrêter, parce que chaque arrêt signifierait la vulnérabilité relative. C’est une course sans fin vers l’abîme, acceleré par chaque innovation tactique.
La défense européenne en transition et les alliances fragiles
L’Europe dépend largement de l’OTAN pour sa défense collective. Mais les survols de drones ont soulevé la question troublante : peux-tu vraiment compter sur une alliance quand même ses plus grands membres ne peuvent pas protéger leurs propres installations ? La Grande-Bretagne et la France ont envoyé du personnel en Belgique pour aider à contrer les drones. L’Allemagne, la Pologne, les Pays-Bas ont tous déployé des ressources pour la défense contre les drones.
Mais cette coopération révèle aussi les fissures. Chaque nation a sa propre stratégie, ses propres systèmes, ses propres doctrine. Il n’y a pas de système coordonné pour défendre l’Europe contre cette menace nouvelle et diffuse. Et dans l’absence de coordination, la Russie peut continuer à opérer dans les zones où les défenses sont les plus faibles, frappant d’abord un aéroport, puis un base militaire, puis une installation nucléaire—en cherchant toujours le point de faiblesse, l’anneau brisé de la défense collective.
Conclusion : vivre avec l'insécurité nucléaire malgré les armes
Le paradoxe de la puissance nucléaire dans une ère de drones
Les survols de drones au-dessus d’Île Longue et d’autres installations militaires sensibles révèlent un paradoxe fondamental de la puissance militaire moderne. Plus une nation est nucléairement puissante, moins elle peut se permettre de répondre directement à une provocation, en raison du risque d’escalade. La France possède des centaines de têtes nucléaires. Mais elle ne peut pas les utiliser pour riposter à des drones de reconnaissance non armés. Et Moscou le sait. C’est peut-être la plus grande victoire diplomatique et stratégique du Kremlin : avoir créé une situation où les armes les plus puissantes du monde sont parfaitement inutiles.
L’Europe doit maintenant vivre avec cette nouvelle réalité. L’infrastructure de la dissuasion nucléaire, qui était censée être absolument secrète et sûre, est maintenant observée par l’adversaire. Les calculs de dissuasion, basés sur l’assomption que le secret était gardé et que les bases étaient inviolables, doivent être révisés. Et dans cette révision, il existe une vulnérabilité psychologique profonde : si nous ne pouvons même pas protéger nos propres sanctuaires nucléaires des drones non armés, comment pouvons-nous prétendre à une dissuasion nucléaire crédible ?
Je termine en contemplant une France qui doit accepter que son ciel n’est plus vraiment le sien. Que ses installations les plus secrètes ne sont plus secrets. Que ses enemis peuvent regarder impunément sans crainte de riposte. Et que cette nouvelle réalité s’imposera progressivement, douloureusement, par chaque drone qui survole, par chaque installation photographiée, par chaque mètre de territoire français observé et enregistré. C’est l’avenir que nous construisons, verre par verre, drone par drone. Et je ne suis pas certain que nous aimions ce monde quand il finira d’être construit.
Les perspectives futures et l’adaptation nécessaire
La France et l’Europe devront s’adapter. Cela signifie développer de meilleures défenses anti-drones, oui. Mais cela signifie aussi réinventer la doctrine de dissuasion pour un monde où les sanctuaires ne sont plus sacrés. Cela signifie peut-être une plus grande dépendance aux sous-marins, qui restent indétectables même si leurs bases sont compromises. Cela signifie aussi une possible acceptation du fait que la dissuasion nucléaire, fondée sur le secret et l’inviolabilité, ne peut peut-être plus fonctionner de la même manière.
Le long terme est incertain. Les drones continueront à volonger. Les innovations continueront à émerger. Les risques continueront à s’accumuler. Et quelque part, un calcul catastrophique sera fait—une escalade franchira un seuil critique, et le monde basculera vers quelque chose de terriblement différent. Où, nous ne savons pas. Quand, nous ne savons pas. Mais que cela vienne, presque personne ne doute plus.
Sources
Sources primaires
United 24 Media – Mysterious Drones Penetrate Airspace Above France’s Nuclear Sub Fleet (4 décembre 2025) ; Le Figaro – Drones intercepted over Île Longue base (5 décembre 2025) ; Defense News – Drones fly over French strategic nuclear submarine base (4 décembre 2025) ; Axios – French forces intercept drones near nuclear submarine base (5 décembre 2025) ; AP News – France intercepts illegal drone overflight at nuclear submarine base (5 décembre 2025) ; The Aviationist – Drone Incursion at French Navy Nuclear Submarine Base (4 décembre 2025) ; The War Zone – Nuclear Submarine Base Drone Incursion Prompts French Military Response (4 décembre 2025)
Sources secondaires
Wikipedia – Triomphant-class submarine (2004-2025) ; NTI – France Submarine Capabilities (19 août 2024) ; Naval Technology – L’Ile Longue Submarine Base (20 décembre 2010) ; Wikipedia – 2025 European drone sightings (26 septembre 2025 et mise à jour continue) ; Kyiv Independent – Netherlands opens fire on suspicious drones near air base housing US nuclear weapons (21 novembre 2025) ; BBC – French troops board oil tanker linked to Russian shadow fleet (1er octobre 2025) ; Reuters – France investigates suspected offence by sanctioned oil tanker (30 septembre 2025) ; Recorded Future – Threats to the 2025 NATO Summit (17 juin 2025) ; Euronews – Putin’s secret terror in Germany: How Russia recruits its agents (27 octobre 2025) ; Atlantic Council – Russia’s shadow war: How the Kremlin uses sabotage to wear down Europe (19 novembre 2025) ; AeroTime – Dutch Air Force fires at unknown drones over Volkel Air Base (23 novembre 2025)
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