Anatomie d’une trahison
Le plan Trump pour l’Ukraine, révélé en novembre 2025, est un chef-d’œuvre de cynisme diplomatique. Présenté comme un « accord de paix réaliste », il n’est en réalité qu’un diktat imposé à Kiev sous la menace d’un abandon total par Washington. Le document, initialement composé de 28 points puis révisé à 19, reprend les principales exigences russes formulées depuis 2014. Première concession majeure : l’Ukraine devrait renoncer définitivement à la Crimée, annexée illégalement par la Russie en 2014. Cette péninsule stratégique, qui abrite la base navale de Sébastopol et contrôle l’accès à la mer Noire, serait officiellement reconnue comme territoire russe. Deuxième abandon : le Donbass, c’est-à-dire les régions de Donetsk et Louhansk, passerait également sous contrôle russe permanent. Ces territoires, théâtre d’une guerre de basse intensité depuis 2014, seraient perdus pour l’Ukraine. Troisième concession : dans les régions de Kherson et Zaporijjia, la ligne de front actuelle serait gelée, créant de facto une partition de ces oblasts. Les territoires occupés par la Russie resteraient sous son contrôle, tandis que les zones encore ukrainiennes conserveraient théoriquement leur souveraineté. Au total, l’Ukraine perdrait environ 20% de son territoire, soit plus de 120 000 kilomètres carrés. C’est l’équivalent de la superficie de l’Angleterre et du Pays de Galles réunis. Des terres fertiles, des ressources minérales, des infrastructures industrielles, mais surtout des millions de citoyens ukrainiens qui se retrouveraient sous occupation russe.
Mais les concessions territoriales ne sont que le début. Le plan Trump impose également une neutralité constitutionnelle à l’Ukraine. Concrètement, cela signifie que Kiev devrait inscrire dans sa constitution l’interdiction de rejoindre l’OTAN ou toute autre alliance militaire. L’Alliance atlantique, de son côté, s’engagerait à ne jamais stationner de troupes sur le sol ukrainien. Cette clause transforme l’Ukraine en zone tampon entre l’Occident et la Russie, exactement ce que Poutine réclamait avant l’invasion. Le plan prévoit également un plafonnement des forces armées ukrainiennes. Selon les versions, l’armée ukrainienne serait limitée à entre 600 000 et 800 000 soldats. Ce chiffre peut sembler élevé, mais il est largement insuffisant pour défendre un pays de la taille de l’Ukraine contre une Russie qui maintient des forces bien supérieures. De plus, des restrictions seraient imposées sur les types d’armements que l’Ukraine pourrait posséder, notamment concernant les missiles à longue portée et les systèmes de défense aérienne avancés. En échange de ces concessions massives, l’Ukraine recevrait de vagues « garanties de sécurité ». Le plan mentionne la création d’un « Conseil de paix » incluant les États-Unis, la Russie, l’Ukraine et des pays européens. Ce conseil serait censé surveiller l’application de l’accord et intervenir en cas de violation. Mais aucun mécanisme d’application contraignant n’est prévu. Aucune garantie militaire automatique. Aucun engagement ferme de défendre l’Ukraine en cas de nouvelle agression russe. Ce sont des promesses creuses, des mots sur du papier, sans substance réelle. Nous avons déjà vu ce scénario avec le Mémorandum de Budapest de 1994. L’Ukraine avait abandonné son arsenal nucléaire en échange de garanties de sécurité. Ces garanties n’ont rien valu quand la Russie a envahi en 2014, puis à nouveau en 2022.
Le chantage américain
Le plan Trump n’est pas présenté comme une option parmi d’autres. Il est imposé à l’Ukraine sous la menace explicite d’un abandon total par Washington. L’administration Trump a clairement fait savoir à Kiev que si le président Zelensky refuse ce plan, l’aide américaine sera coupée. Complètement. Immédiatement. Sans appel. C’est du chantage pur et simple. Les États-Unis, qui ont fourni la majeure partie de l’aide militaire à l’Ukraine depuis 2022, utilisent maintenant cette dépendance comme levier pour forcer Kiev à accepter des conditions inacceptables. Le message est clair : acceptez la défaite, ou nous vous laissons vous effondrer seuls. Cette approche transactionnelle est typique de Donald Trump. Pour lui, la politique étrangère n’est qu’une série de deals, de transactions commerciales où chacun doit obtenir quelque chose. Il ne comprend pas, ou refuse de comprendre, que certains principes ne sont pas négociables. Que la souveraineté d’un pays n’est pas une marchandise qu’on peut échanger. Que l’agression ne doit pas être récompensée. Trump veut se débarrasser du « problème ukrainien » pour se concentrer sur ce qu’il considère comme la vraie menace : la Chine. Il voit l’Ukraine comme une distraction coûteuse, un fardeau dont il faut se débarrasser au plus vite. Peu importe le prix pour l’Ukraine. Peu importe les conséquences géopolitiques. Peu importe la crédibilité américaine. Ce qui compte, c’est de pouvoir annoncer un « accord de paix », de revendiquer une victoire diplomatique, et de passer à autre chose. Cette vision à court terme est catastrophique. Parce qu’elle ignore les leçons de l’histoire. Chaque fois que l’Occident a cédé face à un agresseur, cela n’a fait qu’encourager de nouvelles agressions.
L’Europe, de son côté, se trouve dans une position impossible. Les pays européens savent que le plan Trump est une capitulation déguisée. Ils savent que céder maintenant créera un précédent dangereux. Mais ils sont également conscients de leur dépendance vis-à-vis des États-Unis pour leur sécurité. Sans le parapluie militaire américain, l’Europe est vulnérable. Elle n’a ni les capacités militaires ni la volonté politique pour défendre seule l’Ukraine. Alors elle tergiverse. Elle propose des amendements au plan Trump, tentant de l’adoucir à la marge. Elle demande une augmentation des effectifs militaires ukrainiens autorisés, de 600 000 à 800 000 soldats. Elle insiste pour que les négociations territoriales aient lieu après le cessez-le-feu, et non avant. Elle réclame des garanties de sécurité plus robustes. Mais ce ne sont que des ajustements cosmétiques. Le cœur du plan reste inchangé : l’Ukraine doit abandonner des territoires, renoncer à l’OTAN, accepter des limitations sur sa souveraineté. L’Europe n’a pas le courage de s’opposer frontalement à Washington. Elle n’a pas la capacité de proposer une alternative crédible. Alors elle se résigne, espérant limiter les dégâts, tout en sachant au fond qu’elle participe à une trahison historique. Les dirigeants européens se consolent en se disant qu’ils n’ont pas le choix, que c’est le « moins pire » des scénarios possibles. Mais c’est un mensonge qu’ils se racontent à eux-mêmes. Parce qu’il y avait un choix. Le choix de tenir bon. Le choix de continuer à soutenir l’Ukraine jusqu’à ce qu’elle puisse négocier d’une position de force. Le choix de construire une véritable autonomie stratégique européenne. Mais ce choix aurait nécessité du courage, de la vision, des sacrifices. Et l’Europe n’en a plus. Elle préfère la facilité de la capitulation au courage de la résistance.
Le plan Trump. Même le nom me révulse. Comme si c’était son plan. Comme si c’était lui qui décidait du sort de l’Ukraine. Mais c’est exactement ça, n’est-ce pas ? Trump décide. Poutine approuve. Et l’Ukraine subit. Pendant que l’Europe regarde ailleurs, impuissante et complice. Ce plan n’est pas un accord de paix. C’est un diktat. Une capitulation imposée à un pays qui se bat pour sa survie. Et nous osons appeler ça du réalisme ? Du pragmatisme ? Non. C’est de la lâcheté. Pure et simple. Nous abandonnons l’Ukraine parce que c’est plus facile. Parce que continuer à la soutenir coûte cher. Parce que nos opinions publiques sont fatiguées. Parce que nos dirigeants manquent de courage. Alors on habille la trahison en diplomatie. On déguise la défaite en compromis. Et on espère que l’histoire sera indulgente. Mais elle ne le sera pas. L’histoire jugera sévèrement cette génération de dirigeants occidentaux qui ont choisi la facilité plutôt que le courage. Qui ont trahi leurs alliés plutôt que de tenir leurs promesses. Qui ont sacrifié leurs principes sur l’autel de l’opportunisme politique.
Section 3 : Les précédents historiques qui condamnent cette approche
Munich 1938 : quand l’apaisement nourrit l’appétit des dictateurs
L’Histoire nous a déjà enseigné cette leçon amère, mais nous semblons déterminés à l’oublier. En septembre 1938, à Munich, les démocraties occidentales ont cru acheter la paix en sacrifiant la Tchécoslovaquie sur l’autel de l’apaisement. Neville Chamberlain est revenu à Londres en brandissant son accord et en proclamant avoir obtenu « la paix pour notre temps ». Six mois plus tard, Hitler envahissait le reste de la Tchécoslovaquie. Un an plus tard, le monde plongeait dans la Seconde Guerre mondiale. Le parallèle avec la situation ukrainienne n’est pas une simple analogie rhétorique, c’est un avertissement historique que nous nous apprêtons à ignorer une nouvelle fois. Abandonner vingt pour cent du territoire ukrainien à Poutine, c’est répéter l’erreur de Munich avec une naïveté qui confine à la stupidité criminelle. Les dictateurs ne se contentent jamais de ce qu’on leur donne, ils y voient simplement la confirmation de notre faiblesse et l’invitation à prendre davantage.
Je regarde ces diplomates occidentaux négocier la capitulation ukrainienne avec le même sourire satisfait que Chamberlain en 1938, et je me demande s’ils ont seulement ouvert un livre d’histoire. Ou peut-être l’ont-ils lu et ont-ils simplement décidé que les leçons du passé ne s’appliquent pas à eux, ces génies de la realpolitik moderne. Leur arrogance n’a d’égale que leur ignorance, et c’est l’Ukraine qui paiera le prix de leur aveuglement volontaire.
Les accords de Minsk : la preuve que Moscou ne respecte rien
Mais pourquoi remonter à 1938 quand nous avons des exemples beaucoup plus récents de la duplicité russe ? Les accords de Minsk de 2014 et 2015 devaient mettre fin au conflit dans le Donbass. La Russie les a signés, puis les a systématiquement violés pendant huit ans avant de lancer son invasion totale en février 2022. Angela Merkel elle-même a admis en décembre 2022 que ces accords n’étaient qu’un moyen de gagner du temps pour permettre à l’Ukraine de se renforcer, reconnaissant implicitement que personne ne croyait vraiment à leur respect par Moscou. Poutine, de son côté, a utilisé ce répit pour préparer son invasion, renforcer son armée, tester de nouvelles armes en Syrie et consolider son emprise sur les territoires occupés. Aujourd’hui, on nous propose essentiellement de signer Minsk 3.0, en espérant que cette fois sera différente. C’est la définition même de la folie : répéter la même action en espérant un résultat différent. Mais cette folie n’est pas innocente, elle est calculée, car elle permet aux dirigeants occidentaux de se dédouaner à bon compte tout en abandonnant l’Ukraine à son sort.
Les violations russes des accords de Minsk n’étaient pas des incidents isolés ou des malentendus diplomatiques. C’était une stratégie délibérée et systématique. Moscou a continué à fournir des armes lourdes aux séparatistes, à envoyer des troupes régulières déguisées en « volontaires », à bombarder les positions ukrainiennes et à refuser toute vérification internationale sérieuse. L’OSCE, chargée de surveiller le cessez-le-feu, a été constamment entravée dans son travail, ses observateurs harcelés, ses drones abattus, ses rapports ignorés. Pendant ce temps, les capitales occidentales faisaient semblant de croire que les accords tenaient, parce que cette fiction leur permettait de maintenir un semblant de relations commerciales avec Moscou. Le gazoduc Nord Stream 2 a continué sa construction pendant que les obus russes tombaient sur le Donbass. Les banques européennes ont continué à financer les oligarques russes pendant que les soldats ukrainiens mouraient dans les tranchées. Cette hypocrisie a pavé la route vers l’invasion de 2022, et nous nous apprêtons à la répéter à une échelle encore plus grande.
La Géorgie 2008 : le laboratoire de l’agression impunie
Avant l’Ukraine, il y a eu la Géorgie. En août 2008, la Russie a envahi ce petit pays du Caucase, occupé vingt pour cent de son territoire, créé deux États fantoches en Abkhazie et en Ossétie du Sud, et n’a jamais été sérieusement sanctionnée pour cette agression. L’Occident a protesté mollement, imposé quelques sanctions symboliques rapidement levées, puis est revenu au business as usual avec Moscou. Le président Sarkozy a même négocié un cessez-le-feu qui a entériné de facto l’occupation russe. Quatorze ans plus tard, les troupes russes sont toujours en Géorgie, les réfugiés géorgiens ne peuvent toujours pas rentrer chez eux, et Moscou continue de grignoter le territoire géorgien par le processus dit de « borderisation ». Cette impunité totale a envoyé un message clair à Poutine : l’Occident ne défendra pas les petites nations post-soviétiques, on peut les envahir sans conséquence réelle. L’invasion de l’Ukraine en 2014, puis en 2022, est la conséquence directe de notre lâcheté en 2008. Et maintenant, nous nous apprêtons à répéter la même erreur, mais cette fois avec un pays beaucoup plus grand et des implications géopolitiques infiniment plus graves.
Chaque fois qu’on abandonne un pays à l’agression russe, on signe le mandat d’arrêt du suivant. La Géorgie a payé pour la Tchétchénie, l’Ukraine paie pour la Géorgie, et qui paiera pour l’Ukraine ? La Moldavie ? Les pays baltes ? La Pologne ? À quel moment exactement déciderons-nous que ça suffit ? Quand les chars russes seront aux portes de Berlin ? Ou peut-être attendrons-nous qu’ils soient à Paris, histoire d’être vraiment sûrs que c’est sérieux cette fois ?
Section 4 : La Russie ne respecte jamais ses engagements
Le mémorandum de Budapest : la trahison originelle
En 1994, l’Ukraine a accepté de renoncer au troisième arsenal nucléaire mondial hérité de l’URSS en échange de garanties de sécurité fournies par la Russie, les États-Unis et le Royaume-Uni dans le cadre du mémorandum de Budapest. Ce document promettait de respecter l’indépendance, la souveraineté et les frontières existantes de l’Ukraine. Vingt ans plus tard, la Russie annexait la Crimée et envahissait le Donbass. Les États-Unis et le Royaume-Uni ont protesté mais n’ont rien fait de concret pour honorer leurs engagements. L’Ukraine a découvert que les garanties de sécurité occidentales ne valaient pas le papier sur lequel elles étaient écrites. Cette trahison fondamentale a des implications qui vont bien au-delà de l’Ukraine. Elle envoie un message à tous les pays qui possèdent ou pourraient développer des armes nucléaires : ne les abandonnez jamais, car les garanties de sécurité internationales sont sans valeur. La Corée du Nord, l’Iran, et d’autres pays ont tiré les leçons de Budapest. Le régime de non-prolifération nucléaire, pilier de la sécurité internationale depuis des décennies, a été gravement affaibli par notre incapacité à défendre l’Ukraine.
Le mémorandum de Budapest n’était pas un traité contraignant au sens juridique strict, mais c’était un engagement politique solennel pris par trois puissances nucléaires majeures. L’Ukraine avait des raisons légitimes de s’inquiéter de la sécurité de son arsenal nucléaire hérité de l’URSS, et la communauté internationale avait intérêt à ce que ces armes soient démantelées. Mais en échange de ce désarmement, Kiev était en droit d’attendre des garanties solides. Au lieu de cela, elle a reçu des promesses creuses qui se sont révélées être un piège mortel. Quand la Russie a violé le mémorandum en 2014, ni Washington ni Londres n’ont considéré qu’ils avaient une obligation d’intervenir militairement. Ils ont fourni une aide limitée, imposé des sanctions modérées, et laissé l’Ukraine se débrouiller seule. Aujourd’hui, quand on propose à Kiev d’accepter un nouveau accord de paix garanti par l’Occident, les Ukrainiens se souviennent de Budapest et se demandent pourquoi ils devraient faire confiance à des garanties qui ont déjà été trahies une fois.
Les traités violés : une longue tradition russe
La violation du mémorandum de Budapest n’est pas une aberration dans la politique étrangère russe, c’est la norme. Moscou a une longue tradition de signer des traités qu’elle n’a aucune intention de respecter, les utilisant simplement comme outils tactiques pour gagner du temps ou diviser ses adversaires. Le traité de non-prolifération nucléaire, que la Russie a violé en menaçant d’utiliser l’arme nucléaire contre l’Ukraine. Le traité sur les forces conventionnelles en Europe, dont Moscou s’est retiré unilatéralement. Le traité de ciel ouvert, qu’elle a violé avant de s’en retirer. La convention de Genève sur les prisonniers de guerre, qu’elle bafoue quotidiennement en torturant et en exécutant des soldats ukrainiens capturés. La convention sur le génocide, qu’elle viole en déportant des milliers d’enfants ukrainiens en Russie pour les russifier de force. La liste est interminable et accablante. Chaque traité international, chaque accord bilatéral, chaque engagement solennel n’est pour le Kremlin qu’un morceau de papier à jeter dès qu’il devient gênant.
Et pourtant, malgré cette montagne de preuves, malgré cette accumulation de trahisons, nous nous apprêtons à signer un nouveau traité avec Moscou en espérant que cette fois sera différente. C’est comme épouser un conjoint violent pour la cinquième fois en se disant que maintenant il a vraiment changé. Cette naïveté serait touchante si elle n’était pas criminelle, si elle ne condamnait pas des millions d’Ukrainiens à vivre sous occupation russe.
Les garanties de sécurité : une illusion dangereuse
Le plan Trump et ses variantes européennes proposent tous des « garanties de sécurité » pour l’Ukraine en échange de concessions territoriales et de neutralité. Mais que valent ces garanties ? L’expérience historique nous enseigne qu’elles ne valent rien. Des garanties sans engagement militaire contraignant ne sont que des mots creux. Or, aucun des plans proposés n’inclut un engagement ferme de défendre militairement l’Ukraine en cas de nouvelle agression russe. Au mieux, on parle de livraisons d’armes accélérées, de sanctions économiques renforcées, de soutien diplomatique. Exactement ce que l’Occident fait déjà depuis 2022, et qui n’a pas empêché la Russie de continuer sa guerre. Poutine sait parfaitement que ces garanties sont du vent. Il signera l’accord, attendra quelques années que l’attention internationale se détourne, que les sanctions s’érodent, que la lassitude s’installe, puis il reprendra son offensive pour achever la conquête de l’Ukraine. Et l’Occident protestera, imposera quelques nouvelles sanctions, fournira quelques armes supplémentaires, mais ne fera rien de décisif parce qu’il aura déjà accepté le principe que l’Ukraine n’est pas vraiment défendable.
La seule garantie de sécurité qui aurait un sens pour l’Ukraine serait l’adhésion à l’OTAN avec l’application de l’article 5. Mais c’est précisément ce que tous ces plans de paix excluent explicitement. L’Ukraine devrait renoncer à son aspiration euro-atlantique, accepter une neutralité constitutionnelle, et se contenter de promesses vagues de soutien occidental. C’est exactement la situation dans laquelle elle se trouvait avant 2014, et nous savons comment cela s’est terminé. La neutralité n’a pas protégé l’Ukraine de l’agression russe, elle l’a au contraire rendue plus vulnérable en la privant d’alliés solides. Proposer la même solution aujourd’hui, après trois ans de guerre totale, après des centaines de milliers de morts, après la destruction de villes entières, c’est insulter l’intelligence des Ukrainiens et se moquer de leur sacrifice. Mais c’est aussi condamner l’Ukraine à une nouvelle agression dans un avenir proche, car Moscou interprétera cette « paix » comme une victoire et une invitation à terminer le travail.
Section 5 : Le piège de la "neutralité" ukrainienne
La neutralité comme arme de guerre russe
La « neutralité » ukrainienne est présentée par les architectes de cette paix imposée comme un compromis raisonnable, un moyen terme entre les aspirations euro-atlantiques de Kiev et les exigences sécuritaires de Moscou. En réalité, c’est un piège mortel conçu pour désarmer l’Ukraine et la livrer pieds et poings liés à son agresseur. La neutralité n’est pas une position équilibrée entre deux blocs, c’est un statut de vulnérabilité permanente qui prive un pays de la protection d’alliances militaires tout en le laissant exposé aux menaces de ses voisins puissants. Pour l’Ukraine, coincée entre une Russie revancharde et un Occident hésitant, la neutralité équivaut à un suicide géopolitique. Moscou le sait parfaitement, c’est pourquoi elle en fait une condition sine qua non de tout accord de paix. La neutralité ukrainienne n’est pas une concession que la Russie accepte à contrecœur, c’est un objectif stratégique qu’elle poursuit depuis des décennies et qu’elle est sur le point d’obtenir grâce à la complaisance occidentale.
Quand j’entends des diplomates occidentaux vanter les mérites de la neutralité ukrainienne, je me demande dans quel monde parallèle ils vivent. Ont-ils oublié que l’Ukraine était neutre avant 2014 ? Ont-ils oublié que cette neutralité n’a pas empêché l’annexion de la Crimée et l’invasion du Donbass ? Ou peut-être pensent-ils que Poutine respectera la neutralité ukrainienne cette fois parce qu’elle sera inscrite dans un traité international ? Comme il a respecté le mémorandum de Budapest ? Comme il a respecté les accords de Minsk ? Cette naïveté calculée est une insulte à l’intelligence.
Les exemples de neutralité qui ont échoué
L’Histoire regorge d’exemples de pays neutres qui ont été envahis malgré leur statut. La Belgique était neutre en 1914, cela n’a pas empêché l’Allemagne de la traverser pour attaquer la France. Les Pays-Bas, la Belgique et le Luxembourg étaient neutres en 1940, cela ne les a pas protégés de l’invasion nazie. La Finlande a tenté de rester neutre en 1939, elle a été attaquée par l’Union soviétique et a perdu dix pour cent de son territoire. La neutralité n’est une protection efficace que si elle est respectée par tous les acteurs, et elle n’est respectée que si le pays neutre est soit trop insignifiant pour intéresser quiconque, soit suffisamment puissant pour se défendre seul. L’Ukraine n’est ni l’un ni l’autre. Elle est trop importante stratégiquement pour que la Russie la laisse tranquille, et pas assez puissante pour se défendre seule contre son voisin impérial. La neutralité ukrainienne serait donc une fiction juridique sans substance, un morceau de papier que Moscou déchirerait dès que les circonstances lui sembleraient favorables.
Même les exemples souvent cités de neutralité réussie ne résistent pas à l’examen. La Suisse a pu maintenir sa neutralité pendant les deux guerres mondiales non pas grâce à un statut juridique, mais grâce à sa géographie montagneuse, à son armée bien équipée, et surtout à son utilité pour toutes les parties belligérantes comme place financière et canal de communication. L’Autriche a obtenu sa neutralité en 1955 comme prix de son indépendance, mais cette neutralité était garantie par les quatre puissances occupantes et s’inscrivait dans le contexte de la Guerre froide où aucun camp ne voulait que l’Autriche rejoigne l’autre. La Finlande a maintenu une neutralité précaire pendant la Guerre froide au prix d’une « finlandisation » qui limitait sévèrement sa souveraineté et l’obligeait à tenir compte des intérêts soviétiques dans toutes ses décisions. Aucun de ces modèles n’est applicable à l’Ukraine, et aucun ne serait acceptable pour un pays qui vient de sacrifier des centaines de milliers de vies pour défendre son indépendance et sa liberté de choisir ses alliances.
La neutralité comme antichambre de la domination
Pour la Russie, la neutralité ukrainienne n’est pas une fin en soi, c’est une étape vers la restauration de sa domination sur l’Ukraine. Le Kremlin ne veut pas d’une Ukraine neutre et prospère qui pourrait servir de modèle attractif pour d’autres pays post-soviétiques. Il veut une Ukraine affaiblie, divisée, dépendante, qui reste dans son orbite et ne menace pas son modèle autoritaire par son exemple démocratique. La neutralité constitutionnelle imposée à l’Ukraine serait le premier pas vers cet objectif. Elle empêcherait Kiev de rejoindre l’OTAN et l’Union européenne, la privant ainsi de la protection et du soutien de l’Occident. Elle permettrait à Moscou de maintenir une pression constante sur l’Ukraine à travers les territoires occupés, les minorités russophones, l’influence économique et les opérations de déstabilisation. Progressivement, l’Ukraine serait ramenée dans la sphère d’influence russe, non pas par une conquête militaire ouverte, mais par une combinaison de pression, de corruption et de manipulation qui caractérise la politique russe dans son « étranger proche ».
La neutralité qu’on veut imposer à l’Ukraine n’est pas la neutralité suisse, c’est la neutralité biélorusse. C’est la neutralité d’un État vassal qui n’a de souverain que le nom, qui doit demander la permission à Moscou avant de prendre toute décision importante, qui sert de zone tampon et de terrain de jeu pour les ambitions impériales russes. C’est cette « neutralité » que nous nous apprêtons à offrir à l’Ukraine sur un plateau d’argent, en prétendant lui rendre service.
Section 6 : Les zones grises : laboratoires de l'instabilité
Les territoires gelés : bombes à retardement géopolitiques
L’un des aspects les plus dangereux des plans de paix proposés est la création de facto de nouvelles « zones grises » ou « conflits gelés » sur le territoire ukrainien. Ces zones, où le statut territorial reste indéterminé et où aucune autorité légitime n’exerce un contrôle effectif, sont devenues la spécialité de la Russie dans son étranger proche. La Transnistrie en Moldavie, l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud en Géorgie, le Haut-Karabakh en Azerbaïdjan avant 2020 : tous ces territoires ont servi d’instruments de déstabilisation permanente, permettant à Moscou de maintenir une pression constante sur les gouvernements centraux et d’empêcher ces pays de s’intégrer pleinement à l’Occident. Les territoires ukrainiens occupés sont destinés à jouer le même rôle, mais à une échelle beaucoup plus grande et avec des implications beaucoup plus graves. Vingt pour cent du territoire ukrainien transformé en zone grise, c’est vingt pour cent du pays qui devient un foyer permanent d’instabilité, de criminalité, de trafics en tous genres et de menace militaire.
Ces zones grises ne sont pas des accidents de l’histoire ou des situations temporaires en attente de résolution. Elles sont délibérément créées et maintenues par la Russie comme outils de sa politique étrangère. Moscou n’a aucun intérêt à résoudre ces conflits gelés, car leur résolution signifierait soit l’abandon de son influence sur ces territoires, soit leur annexion formelle qui entraînerait des sanctions internationales. Le statu quo lui convient parfaitement : elle contrôle ces territoires de facto à travers des régimes fantoches, elle peut les utiliser pour déstabiliser les gouvernements centraux, et elle évite les coûts politiques et économiques d’une annexion formelle. En Transnistrie, ce système fonctionne depuis plus de trente ans. En Géorgie, depuis seize ans. Il n’y a aucune raison de penser qu’il ne fonctionnerait pas en Ukraine pendant des décennies, condamnant des millions d’Ukrainiens à vivre dans un no man’s land juridique et politique, privés de leurs droits fondamentaux et utilisés comme pions dans les jeux géopolitiques du Kremlin.
L’économie criminelle des territoires occupés
Les zones grises créées par les conflits gelés deviennent invariablement des havres pour toutes sortes d’activités criminelles. Sans État de droit, sans contrôle douanier effectif, sans surveillance internationale, ces territoires se transforment en paradis pour les trafiquants d’armes, de drogue, d’êtres humains, pour les blanchisseurs d’argent et les criminels en fuite. La Transnistrie est depuis longtemps connue comme une plaque tournante du trafic d’armes en Europe de l’Est, avec d’immenses stocks d’armements soviétiques qui s’écoulent sur le marché noir. Les territoires occupés de Géorgie servent de bases pour les réseaux criminels russes opérant dans le Caucase. Les territoires ukrainiens occupés depuis 2014 ont déjà développé une économie souterraine florissante basée sur la contrebande, l’extorsion et le pillage des ressources. Si ces territoires sont abandonnés dans un accord de paix, cette économie criminelle va se consolider et s’étendre, créant une menace sécuritaire majeure non seulement pour l’Ukraine mais pour toute l’Europe.
Nous sommes en train de créer délibérément une nouvelle Somalie au cœur de l’Europe, une zone de non-droit de la taille de la Belgique où règneront les seigneurs de guerre, les mafias et les services de renseignement russes. Et nous faisons cela au nom de la « paix » et de la « stabilité ». C’est comme éteindre un incendie avec de l’essence en espérant que ça marchera cette fois.
Le précédent pour d’autres conflits
La création de zones grises en Ukraine établirait un précédent extrêmement dangereux pour la résolution des conflits internationaux. Elle enverrait le message que l’agression militaire peut être récompensée par le contrôle de facto de territoires conquis, même si ce contrôle n’est pas reconnu internationalement. Elle encouragerait d’autres puissances régionales à utiliser la même tactique : envahir un voisin, créer des entités séparatistes fantoches, puis négocier un accord de paix qui gèle le conflit et entérine de facto la conquête. La Chine pourrait appliquer ce modèle à Taiwan, créant des zones d’occupation sur l’île sans l’annexer formellement. La Turquie pourrait l’utiliser en Syrie ou en Irak. Le Pakistan au Cachemire. Les possibilités sont infinies, et les conséquences seraient catastrophiques pour l’ordre international. Chaque conflit gelé créé aujourd’hui est une bombe à retardement qui explosera demain, déclenchant potentiellement de nouvelles guerres et déstabilisant des régions entières. Mais cette perspective ne semble pas inquiéter les architectes de la paix imposée en Ukraine, trop occupés à se féliciter d’avoir « arrêté la guerre » pour se soucier des guerres qu’ils préparent pour demain.
Section 7 : L'effet domino sur les démocraties menacées
Les pays baltes : prochains sur la liste
Si l’Occident abandonne l’Ukraine en acceptant une paix imposée qui récompense l’agression russe, les pays baltes savent qu’ils seront les prochains sur la liste. L’Estonie, la Lettonie et la Lituanie, ces trois petites républiques qui ont retrouvé leur indépendance après l’effondrement de l’URSS, vivent dans la crainte constante d’une agression russe. Elles ont des minorités russophones importantes que Moscou pourrait utiliser comme prétexte pour une intervention, exactement comme elle l’a fait en Ukraine. Elles partagent des frontières avec la Russie et son satellite biélorusse, les rendant vulnérables à une attaque surprise. Leur seule protection est leur appartenance à l’OTAN et l’article 5 qui garantit leur défense collective. Mais si l’OTAN ne défend pas l’Ukraine, un pays qui aspirait à rejoindre l’Alliance, pourquoi défendrait-elle les pays baltes quand Poutine testera leur détermination ? L’abandon de l’Ukraine saperait fatalement la crédibilité de l’article 5 et encouragerait Moscou à tenter sa chance avec un membre de l’OTAN, pariant que l’Occident ne risquera pas une guerre nucléaire pour défendre Tallinn ou Riga.
Les dirigeants baltes comprennent parfaitement cette dynamique, c’est pourquoi ils ont été parmi les plus fermes soutiens de l’Ukraine depuis le début de la guerre. Ils savent que la bataille pour leur propre sécurité se joue en Ukraine, et que si Kiev tombe, ils seront les prochains. Ils ont fourni une aide militaire proportionnellement bien supérieure à celle des grandes puissances occidentales, allant jusqu’à donner une partie significative de leurs propres stocks d’armes. Ils ont accueilli des centaines de milliers de réfugiés ukrainiens. Ils ont plaidé sans relâche pour des sanctions plus dures contre la Russie et pour un soutien militaire accru à l’Ukraine. Mais leurs voix sont noyées dans le concert des grandes puissances qui veulent « tourner la page » et « normaliser les relations avec Moscou ». Quand la paix imposée sera signée et que l’Ukraine sera abandonnée, les pays baltes se retrouveront seuls face à une Russie victorieuse et enhardi, se demandant combien de temps il leur reste avant que les chars russes ne franchissent leurs frontières.
La Pologne : le retour des vieux démons
La Pologne, qui a été rayée de la carte pendant plus d’un siècle par ses voisins russe et allemand, comprend mieux que quiconque les dangers de l’impérialisme russe. Varsovie a été l’un des plus fermes soutiens de l’Ukraine, fournissant des armes, accueillant des millions de réfugiés, et plaidant pour une ligne dure contre Moscou. Les Polonais savent que si l’Ukraine tombe, ils seront en première ligne face à une Russie revancharde qui n’a jamais accepté la perte de son empire. L’histoire de la Pologne est jalonnée d’invasions russes, de partitions, d’occupations brutales. Le pacte Molotov-Ribbentrop de 1939, qui a partagé la Pologne entre l’Allemagne nazie et l’Union soviétique, reste gravé dans la mémoire collective polonaise. La domination soviétique de 1945 à 1989, imposée par les chars russes et maintenue par la terreur, n’est pas un souvenir lointain mais une expérience vécue par la génération des parents et grands-parents actuels. Abandonner l’Ukraine, c’est trahir la Pologne et la livrer à nouveau à la menace russe.
Quand je vois des dirigeants occidentaux négocier la capitulation ukrainienne sans consulter sérieusement les Polonais et les Baltes, je me dis qu’ils n’ont rien appris de l’histoire. Ces pays ne sont pas des paranoïaques qui voient des menaces russes partout, ce sont des nations qui ont payé le prix du sang pour leur liberté et qui savent reconnaître un danger existentiel quand elles en voient un. Mais leurs avertissements sont ignorés par des dirigeants occidentaux qui pensent pouvoir gérer Poutine avec des sourires et des poignées de main.
La Moldavie et les Balkans : dominos en attente
La Moldavie, petit pays coincé entre l’Ukraine et la Roumanie, est déjà partiellement occupée par la Russie à travers la Transnistrie. Si l’Ukraine est forcée d’accepter une paix qui entérine les conquêtes russes, la Moldavie sait qu’elle sera la prochaine cible. Moscou pourrait utiliser la Transnistrie comme base pour déstabiliser le reste du pays, soutenir des mouvements séparatistes dans la région autonome de Gagaouzie, et finalement forcer Chisinau à accepter un gouvernement pro-russe ou à céder davantage de territoire. La Moldavie est trop petite et trop faible pour résister seule à la pression russe, et si l’Occident abandonne l’Ukraine, il abandonnera certainement la Moldavie. Dans les Balkans, la Bosnie-Herzégovine, le Kosovo, la Macédoine du Nord, tous ces pays fragiles où les tensions ethniques restent vives, regardent avec inquiétude la situation en Ukraine. Si l’agression russe est récompensée, d’autres acteurs régionaux pourraient être tentés d’utiliser la force pour redessiner les frontières. La Serbie, alliée traditionnelle de la Russie, pourrait relancer ses ambitions sur le Kosovo et la Republika Srpska en Bosnie. L’effet domino serait catastrophique.
Section 8 : Taiwan, la prochaine victime de ce précédent
Pékin observe et tire les leçons
À Pékin, les dirigeants chinois observent avec une attention extrême la manière dont l’Occident gère la crise ukrainienne. Chaque hésitation, chaque compromis, chaque signe de faiblesse est soigneusement noté et analysé. Si l’Occident abandonne l’Ukraine et accepte une paix imposée qui récompense l’agression russe, la Chine en tirera une conclusion simple et terrifiante : elle peut envahir Taiwan sans craindre de conséquences sérieuses. Les sanctions économiques ? La Chine est beaucoup plus intégrée à l’économie mondiale que la Russie, ce qui rend les sanctions occidentales plus coûteuses pour l’Occident que pour Moscou. L’aide militaire à Taiwan ? L’île est beaucoup plus difficile à ravitailler que l’Ukraine, séparée du continent par un détroit de 180 kilomètres que la marine chinoise peut facilement bloquer. L’intervention militaire directe ? Si l’OTAN n’est pas prête à risquer une escalade nucléaire pour l’Ukraine, elle le sera encore moins pour Taiwan, une île que la plupart des pays occidentaux ne reconnaissent même pas officiellement comme un État indépendant.
Le parallèle entre l’Ukraine et Taiwan est frappant et inquiétant. Dans les deux cas, une grande puissance autoritaire revendique un territoire qu’elle considère comme historiquement sien et qu’elle est déterminée à reconquérir par la force si nécessaire. Dans les deux cas, le territoire en question est une démocratie prospère qui refuse de se soumettre et qui compte sur le soutien occidental pour sa survie. Dans les deux cas, l’Occident est déchiré entre ses principes démocratiques et ses intérêts économiques, entre son désir de défendre la liberté et sa peur d’une confrontation militaire avec une puissance nucléaire. Si l’Occident choisit la facilité en Ukraine, en acceptant une paix qui sacrifie la démocratie ukrainienne sur l’autel de la realpolitik, il enverra un signal clair à Pékin : allez-y, prenez Taiwan, nous protesterons mais nous ne ferons rien de concret pour vous arrêter. Ce précédent serait catastrophique non seulement pour Taiwan mais pour tout l’ordre international basé sur le respect de la souveraineté et l’interdiction de l’usage de la force pour modifier les frontières.
Le détroit de Taiwan : futur champ de bataille
La Chine se prépare depuis des années à une invasion de Taiwan. Elle a massivement renforcé ses capacités militaires, en particulier sa marine et son aviation, spécifiquement conçues pour une opération amphibie à grande échelle contre l’île. Elle a construit des îles artificielles en mer de Chine méridionale pour servir de bases avancées. Elle a développé des missiles balistiques et de croisière capables de saturer les défenses taïwanaises. Elle a mené des exercices militaires de plus en plus agressifs autour de Taiwan, simulant un blocus et une invasion. Tout indique que Pékin se prépare à passer à l’acte dans les prochaines années, et la manière dont l’Occident réagira à l’Ukraine sera un facteur déterminant dans le calendrier de cette invasion. Si l’Occident montre qu’il est prêt à abandonner ses alliés démocratiques face à l’agression autoritaire, la Chine se sentira libre d’agir. Si au contraire l’Occident soutient l’Ukraine jusqu’à la victoire, Pékin sera forcé de recalculer les risques et les coûts d’une invasion de Taiwan.
Chaque fois qu’un diplomate occidental parle de « paix réaliste » en Ukraine, un général chinois sourit en regardant une carte de Taiwan. Chaque concession faite à Poutine est une invitation envoyée à Xi Jinping. Nous sommes en train de préparer la prochaine guerre en prétendant mettre fin à celle-ci. Cette myopie stratégique est criminelle.
Les conséquences économiques d’une invasion de Taiwan
Une invasion chinoise de Taiwan aurait des conséquences économiques catastrophiques qui feraient passer les perturbations causées par la guerre en Ukraine pour une simple récession. Taiwan produit plus de soixante pour cent des semi-conducteurs mondiaux et plus de quatre-vingt-dix pour cent des puces les plus avancées. TSMC, le géant taïwanais des semi-conducteurs, est le fournisseur essentiel d’Apple, Nvidia, AMD, Qualcomm et de pratiquement toutes les grandes entreprises technologiques mondiales. Une guerre dans le détroit de Taiwan interromprait immédiatement cette production, provoquant une pénurie mondiale de puces qui paralyserait l’industrie électronique, automobile, aéronautique, et pratiquement tous les secteurs de l’économie moderne. Les chaînes d’approvisionnement mondiales, déjà fragilisées par la pandémie et la guerre en Ukraine, s’effondreraient. Les marchés financiers plongeraient. Une récession mondiale profonde et prolongée serait inévitable. Et tout cela parce que nous aurons envoyé le signal à Pékin qu’il peut envahir ses voisins sans conséquences sérieuses, en abandonnant l’Ukraine à son sort.
Section 9 : Les Balkans, la Moldavie : dominos en attente
La poudrière balkanique rallumée
Les Balkans, cette région qui a déjà plongé l’Europe dans la guerre à plusieurs reprises au cours du XXe siècle, restent une poudrière où les tensions ethniques et nationalistes couvent sous une paix fragile. La Bosnie-Herzégovine est un État dysfonctionnel divisé entre une Fédération croato-bosniaque et une Republika Srpska dominée par les Serbes de Bosnie, qui rêvent de sécession et de rattachement à la Serbie. Le Kosovo, dont l’indépendance n’est pas reconnue par Belgrade, reste une source de conflit potentiel. La Macédoine du Nord est déchirée entre sa majorité macédonienne et sa minorité albanaise. Le Monténégro est divisé entre pro-Serbes et indépendantistes. Dans tous ces pays, la Russie joue un rôle déstabilisateur, soutenant les forces nationalistes et séparatistes, alimentant les tensions, et sapant les efforts d’intégration européenne. Si l’Occident abandonne l’Ukraine et montre qu’il n’est pas prêt à défendre l’ordre international contre l’agression, les acteurs régionaux dans les Balkans en tireront les leçons et pourraient être tentés de recourir à la force pour réaliser leurs ambitions.
La Serbie, alliée traditionnelle de la Russie et seul pays européen à avoir refusé de sanctionner Moscou pour son invasion de l’Ukraine, observe avec attention. Belgrade n’a jamais accepté l’indépendance du Kosovo et maintient des revendications sur ce territoire. Le président serbe Aleksandar Vučić joue un double jeu, flirtant avec l’Union européenne tout en maintenant des liens étroits avec Moscou et en refusant de s’aligner sur la politique étrangère européenne. Si la Russie sort victorieuse de la guerre en Ukraine grâce à une paix imposée qui récompense son agression, la Serbie pourrait être tentée de suivre le même chemin au Kosovo ou en Bosnie. Les forces serbes de Bosnie, dirigées par Milorad Dodik, un allié proche de Poutine, menacent régulièrement de faire sécession et de rattacher la Republika Srpska à la Serbie. Jusqu’à présent, ces menaces sont restées verbales, mais si l’exemple ukrainien montre que l’agression peut payer, elles pourraient se transformer en action.
La Moldavie : le prochain domino
La Moldavie est probablement le pays le plus vulnérable d’Europe face à l’agression russe. Ce petit pays de 2,6 millions d’habitants, coincé entre l’Ukraine et la Roumanie, est déjà partiellement occupé par la Russie à travers la Transnistrie, une région séparatiste autoproclamée où stationnent des troupes russes depuis 1992. La présidente moldave Maia Sandu, pro-européenne et réformatrice, a réussi à maintenir le cap vers l’intégration européenne malgré les pressions russes constantes, mais sa position est fragile. La Moldavie dépend du gaz russe, son économie est faible, et une partie importante de sa population, en particulier dans la région autonome de Gagaouzie, est pro-russe. Si l’Ukraine est forcée d’accepter une paix qui entérine les conquêtes russes, la Moldavie sait qu’elle sera la prochaine cible. Moscou pourrait utiliser la Transnistrie comme base pour une opération militaire visant à renverser le gouvernement de Chisinau et à installer un régime pro-russe, ou simplement à annexer le pays à la Russie.
La Moldavie est si petite, si pauvre, si vulnérable que personne en Occident ne se soucie vraiment de son sort. Mais c’est précisément pour cela qu’elle sera la prochaine victime si nous abandonnons l’Ukraine. Les prédateurs s’attaquent toujours aux proies les plus faibles, et Poutine sait parfaitement que l’Occident ne lèvera pas le petit doigt pour défendre Chisinau si nous n’avons pas été capables de défendre Kiev.
L’effet domino : une réaction en chaîne incontrôlable
Le danger de l’abandon de l’Ukraine ne réside pas seulement dans les conséquences immédiates pour ce pays, mais dans l’effet domino qu’il déclencherait à travers l’Europe et au-delà. Chaque agression réussie encourage la suivante. Chaque capitulation occidentale affaiblit la crédibilité de nos engagements et invite de nouvelles agressions. Si la Russie peut conquérir vingt pour cent de l’Ukraine sans conséquences sérieuses, pourquoi ne pourrait-elle pas prendre la Moldavie ? Si elle peut prendre la Moldavie, pourquoi pas les pays baltes ? Si la Serbie peut reconquérir le Kosovo avec la bénédiction tacite de Moscou, pourquoi la Turquie ne pourrait-elle pas annexer des territoires en Syrie ou en Irak ? Pourquoi l’Azerbaïdjan ne pourrait-il pas attaquer l’Arménie ? Pourquoi le Pakistan ne pourrait-il pas intensifier ses opérations au Cachemire ? Une fois que le principe de l’inviolabilité des frontières est abandonné, une fois que l’usage de la force pour modifier les frontières est accepté comme un fait accompli, l’ordre international s’effondre et nous retournons à la loi de la jungle où seule la force compte.
Section 10 : Le coût réel de cette "paix" pour l'Europe
La facture de la reconstruction : qui va payer ?
Les promoteurs de la paix imposée en Ukraine parlent beaucoup des économies que cette paix permettrait de réaliser en mettant fin aux dépenses militaires et à l’aide à l’Ukraine. Mais ils oublient commodément de mentionner le coût astronomique de la reconstruction de l’Ukraine après trois ans de guerre dévastatrice. La Banque mondiale estime que la reconstruction de l’Ukraine coûtera au moins 411 milliards de dollars, et ce chiffre ne cesse d’augmenter à mesure que la guerre se prolonge et que les destructions s’accumulent. Des villes entières comme Marioupol, Bakhmout, Avdiivka ont été littéralement rayées de la carte. Les infrastructures énergétiques, les ponts, les routes, les voies ferrées, les hôpitaux, les écoles ont été systématiquement ciblés et détruits par les bombardements russes. Des millions de logements ont été endommagés ou détruits. L’économie ukrainienne a été dévastée, avec une contraction du PIB de plus de trente pour cent depuis le début de la guerre. Qui va payer pour tout reconstruire ? L’Occident, bien sûr, car la Russie ne paiera jamais de réparations et l’Ukraine n’a pas les moyens de financer seule sa reconstruction.
Mais ce n’est pas tout. Une paix imposée qui abandonnerait vingt pour cent du territoire ukrainien à la Russie signifierait que ces régions, parmi les plus riches et les plus industrialisées du pays, ne contribueraient plus à l’économie ukrainienne. Le Donbass était le cœur industriel de l’Ukraine, avec ses mines de charbon, ses aciéries, ses usines. La côte de la mer d’Azov, désormais occupée, était cruciale pour le commerce maritime ukrainien. La perte de ces territoires rendrait l’Ukraine encore plus dépendante de l’aide occidentale, transformant le pays en un État assisté perpétuellement sous perfusion financière. Et pendant ce temps, la Russie exploiterait les ressources des territoires occupés, utilisant les revenus pour financer son réarmement et préparer sa prochaine agression. L’Occident se retrouverait donc à payer deux fois : une fois pour reconstruire l’Ukraine amputée, et une fois de plus quand il faudra faire face à la prochaine guerre que cette paix imposée aura rendue inévitable.
Le coût de la sécurité : un réarmement massif inévitable
Une paix imposée en Ukraine qui récompenserait l’agression russe forcerait l’Europe à un réarmement massif pour faire face à la menace russe permanente. Les pays de l’OTAN ont déjà considérablement augmenté leurs budgets de défense depuis 2022, mais ce n’est rien comparé à ce qui serait nécessaire si la Russie sortait victorieuse de la guerre en Ukraine. L’Allemagne a annoncé un fonds spécial de 100 milliards d’euros pour moderniser sa Bundeswehr. La Pologne prévoit de porter ses dépenses militaires à quatre pour cent de son PIB, devenant ainsi l’armée la plus puissante d’Europe après celle de la France. Les pays baltes, la Finlande, la Suède, tous augmentent massivement leurs budgets militaires. Ce réarmement coûtera des centaines de milliards d’euros sur les prochaines décennies, argent qui ne sera pas disponible pour l’éducation, la santé, la transition écologique, ou toute autre priorité sociale. Et tout cela parce que nous aurons choisi la facilité en abandonnant l’Ukraine plutôt que de soutenir sa victoire qui aurait affaibli durablement la menace russe.
Les mêmes politiciens qui nous disent qu’on ne peut pas se permettre de soutenir l’Ukraine jusqu’à la victoire vont nous demander dans quelques années de payer des centaines de milliards pour nous réarmer face à une Russie victorieuse et enhardi. Ils nous vendront cette paix imposée comme une économie, alors que ce sera en réalité l’investissement le plus coûteux et le plus stupide de notre histoire. Mais à ce moment-là, ils auront déjà quitté leurs fonctions et ce seront nos enfants qui paieront le prix de leur lâcheté.
La crise énergétique permanente
L’une des conséquences les plus immédiates et les plus douloureuses de la guerre en Ukraine a été la crise énergétique provoquée par la rupture des approvisionnements en gaz russe. L’Europe a dû trouver en urgence des sources alternatives d’énergie, construire des terminaux de gaz naturel liquéfié, rationner la consommation, et accepter des prix de l’énergie multipliés par plusieurs facteurs. Cette crise a coûté des centaines de milliards d’euros aux économies européennes et a contribué à une inflation qui a appauvri des millions de citoyens. Une paix imposée qui laisserait la Russie en position de force ne résoudrait pas cette crise, elle la rendrait permanente. Moscou utiliserait son contrôle sur les ressources énergétiques comme une arme pour faire chanter l’Europe, alternant les menaces de coupure et les promesses de reprise des livraisons pour obtenir des concessions politiques. L’Europe resterait vulnérable et dépendante, incapable de planifier sa transition énergétique dans un contexte de sécurité stable. Le coût de cette insécurité énergétique permanente se chiffrerait en milliers de milliards d’euros sur les prochaines décennies.
Section 11 : La sécurité énergétique sacrifiée
Le chantage gazier russe : une arme de guerre
La Russie a transformé ses exportations d’énergie en arme de guerre bien avant l’invasion de l’Ukraine en 2022. Pendant des années, Moscou a utilisé son contrôle sur les approvisionnements en gaz naturel pour faire pression sur ses voisins et diviser l’Europe. Elle a coupé le gaz à l’Ukraine à plusieurs reprises pour punir Kiev de son orientation pro-occidentale. Elle a menacé de couper les approvisionnements à l’Europe pour obtenir des concessions politiques. Elle a construit le gazoduc Nord Stream pour contourner l’Ukraine et priver ce pays des revenus de transit, tout en augmentant la dépendance de l’Allemagne au gaz russe. Cette stratégie a culminé en 2022 quand la Russie a progressivement réduit puis complètement coupé ses livraisons de gaz à l’Europe en représailles aux sanctions occidentales. Cette coupure a provoqué une crise énergétique majeure, avec des prix du gaz qui ont atteint des niveaux records, forçant les industries énergivores à réduire leur production et menaçant de pénuries de chauffage pendant l’hiver.
L’Europe a réussi à surmonter cette crise en diversifiant rapidement ses sources d’approvisionnement, en important du gaz naturel liquéfié des États-Unis, du Qatar et d’autres producteurs, en réduisant sa consommation, et en accélérant le déploiement des énergies renouvelables. Mais cette adaptation a eu un coût énorme, tant économique que social. Les factures d’énergie des ménages et des entreprises ont explosé, contribuant à une inflation qui a érodé le pouvoir d’achat. Des industries ont dû fermer ou délocaliser face à des coûts énergétiques devenus insoutenables. L’Allemagne, en particulier, a vu son modèle économique basé sur l’énergie russe bon marché s’effondrer, plongeant le pays dans une récession. Et maintenant, certains voudraient revenir à la dépendance au gaz russe en échange d’une paix imposée en Ukraine, oubliant commodément les leçons douloureuses que nous venons d’apprendre sur les dangers de cette dépendance.
Nord Stream : le symbole de notre naïveté
Le gazoduc Nord Stream, et son extension Nord Stream 2, restera dans l’histoire comme le symbole de la naïveté européenne face à la Russie. Malgré les avertissements répétés des États-Unis, de la Pologne, des pays baltes et de l’Ukraine, l’Allemagne a insisté pour construire ce gazoduc qui devait acheminer le gaz russe directement vers l’Allemagne en contournant l’Ukraine. Berlin justifiait ce projet par des arguments économiques, affirmant qu’il permettrait de sécuriser les approvisionnements énergétiques de l’Europe et de réduire les coûts. En réalité, Nord Stream était un projet géopolitique russe visant à isoler l’Ukraine, à augmenter la dépendance européenne au gaz russe, et à diviser l’OTAN en créant des intérêts économiques divergents entre ses membres. L’ancien chancelier allemand Gerhard Schröder, qui a rejoint le conseil d’administration de Gazprom immédiatement après avoir quitté ses fonctions, a été l’un des principaux promoteurs du projet, illustrant parfaitement la corruption des élites européennes par les intérêts russes.
Nord Stream 2 était prêt à être mis en service quand la Russie a envahi l’Ukraine en février 2022. Si l’invasion avait eu lieu quelques mois plus tard, l’Allemagne aurait été encore plus dépendante du gaz russe et encore moins capable de soutenir l’Ukraine. C’était exactement le plan de Poutine : nous rendre tellement dépendants de son énergie que nous n’oserions pas le défier quand il passerait à l’action. Et nous avons failli tomber dans le piège, aveuglés par notre cupidité et notre naïveté.
La transition énergétique compromise
Une paix imposée en Ukraine qui normaliserait les relations avec la Russie compromettrait gravement la transition énergétique de l’Europe. Face à la crise énergétique provoquée par la guerre, l’Europe a été forcée d’accélérer son passage aux énergies renouvelables et de réduire sa dépendance aux combustibles fossiles. Cette transition, bien que douloureuse à court terme, est nécessaire non seulement pour des raisons climatiques mais aussi pour des raisons de sécurité énergétique. Tant que l’Europe dépendra du gaz et du pétrole importés, elle restera vulnérable au chantage des pays producteurs, qu’il s’agisse de la Russie, des pays du Golfe, ou d’autres. La seule manière de garantir une véritable indépendance énergétique est de développer massivement les énergies renouvelables produites localement. Mais si la paix imposée en Ukraine ouvre la porte à une reprise des importations d’énergie russe bon marché, la tentation sera grande de ralentir la transition énergétique et de revenir au statu quo ante. Ce serait une erreur catastrophique qui nous rendrait à nouveau vulnérables au chantage russe et compromettrait nos objectifs climatiques.
Section 12 : Le réarmement russe pendant la "paix"
La pause stratégique pour reconstruire l’armée
Pour la Russie, une paix imposée en Ukraine ne serait pas la fin de la guerre mais simplement une pause stratégique pour reconstruire son armée et préparer la prochaine phase de son expansion impériale. L’armée russe a subi des pertes considérables en Ukraine : plus d’un million de soldats tués ou blessés selon les estimations ukrainiennes, des milliers de chars, de véhicules blindés, d’avions et d’hélicoptères détruits, des stocks de munitions épuisés. La machine de guerre russe a été sérieusement endommagée par trois ans de combats intenses, et elle a besoin de temps pour se reconstituer. Une paix imposée lui donnerait exactement ce temps. Pendant que l’Occident se féliciterait d’avoir « arrêté la guerre » et réduirait son soutien à l’Ukraine, la Russie mobiliserait toutes ses ressources pour reconstruire son armée, tirer les leçons de ses échecs tactiques, moderniser son équipement, et se préparer à la prochaine offensive. Dans cinq ou dix ans, quand Moscou jugera le moment opportun, elle reprendra sa guerre de conquête, mais cette fois avec une armée plus forte, mieux préparée, et face à une Ukraine affaiblie et abandonnée par l’Occident.
L’histoire nous enseigne que les dictateurs utilisent toujours les périodes de paix pour se préparer à la prochaine guerre. Hitler a utilisé les années 1933-1939 pour réarmer l’Allemagne en violation du traité de Versailles, construire une armée moderne, et préparer ses conquêtes. Staline a utilisé le pacte Molotov-Ribbentrop pour gagner du temps et déplacer ses industries militaires à l’est avant l’invasion allemande. Saddam Hussein a utilisé les années entre la première et la deuxième guerre du Golfe pour reconstruire son armée et développer des armes de destruction massive. Poutine suivra exactement le même schéma. Il signera l’accord de paix, respectera formellement ses termes pendant quelques années pour endormir la vigilance occidentale, puis il trouvera un prétexte pour reprendre la guerre quand il jugera que le rapport de forces lui est à nouveau favorable. Et l’Occident, qui aura démobilisé son soutien à l’Ukraine et réduit ses dépenses militaires, se retrouvera une fois de plus pris au dépourvu, forcé de réagir dans l’urgence à une nouvelle agression qu’il aurait pu prévenir en soutenant l’Ukraine jusqu’à la victoire.
L’économie de guerre russe : une mobilisation totale
Contrairement à ce que prétendent certains analystes occidentaux, l’économie russe n’est pas au bord de l’effondrement. Elle s’est transformée en économie de guerre, avec une part croissante du PIB consacrée à la production militaire. Les usines d’armement tournent vingt-quatre heures sur vingt-quatre, produisant des chars, des missiles, des drones, des munitions. Les sanctions occidentales ont certes compliqué l’accès de la Russie aux technologies avancées, mais Moscou a trouvé des moyens de les contourner en important des composants via des pays tiers comme la Chine, la Turquie, les Émirats arabes unis. L’économie russe a prouvé sa résilience et sa capacité d’adaptation. Une paix imposée permettrait à Moscou de consolider cette économie de guerre, d’améliorer son efficacité, et de se préparer à un conflit encore plus long et plus intense. Pendant que l’Occident retournerait à ses préoccupations habituelles et réduirait sa production militaire, la Russie continuerait à produire des armes à un rythme soutenu, créant un déséquilibre militaire croissant en sa faveur.
Nous sommes en train de répéter exactement les mêmes erreurs que dans les années 1930. Nous voulons croire que la paix est possible avec un dictateur expansionniste, nous fermons les yeux sur son réarmement, nous nous berçons d’illusions sur ses intentions pacifiques. Et quand il attaquera à nouveau, nous serons choqués, indignés, et totalement impréparés. L’histoire se répète parce que nous refusons d’en tirer les leçons.
Les leçons tactiques de la guerre en Ukraine
L’armée russe a commis de nombreuses erreurs tactiques et stratégiques au début de la guerre en Ukraine, erreurs qui ont coûté cher en vies humaines et en matériel. L’offensive initiale sur Kiev a échoué lamentablement, avec des colonnes blindées détruites, des unités d’élite décimées, et des généraux tués au combat. Mais l’armée russe apprend de ses erreurs. Elle a adapté sa tactique, passant d’une guerre de mouvement rapide à une guerre d’attrition méthodique. Elle a amélioré sa coordination entre les différentes armes, son utilisation des drones, sa guerre électronique. Elle a tiré les leçons de ses échecs et a progressivement amélioré son efficacité au combat. Une pause dans les combats lui permettrait de systématiser ces leçons, de former ses troupes aux nouvelles tactiques, de moderniser son équipement en fonction de l’expérience acquise. Quand elle reprendra la guerre, elle sera une armée beaucoup plus redoutable, ayant appris de ses erreurs et corrigé ses faiblesses. L’Ukraine, de son côté, serait affaiblie par les concessions territoriales, démoralisée par l’abandon occidental, et privée du soutien militaire qui lui a permis de tenir jusqu’à présent.
Section 13 : Les réfugiés ukrainiens, otages de ce compromis
Six millions d’exilés dans l’incertitude
Plus de six millions d’Ukrainiens ont fui leur pays depuis le début de l’invasion russe en février 2022, se réfugiant principalement en Pologne, en Allemagne, en République tchèque, et dans d’autres pays européens. Ces réfugiés ont tout laissé derrière eux : leurs maisons, leurs emplois, leurs vies, espérant pouvoir rentrer chez eux une fois la guerre terminée. Mais une paix imposée qui abandonnerait vingt pour cent du territoire ukrainien à la Russie signifierait que des millions de ces réfugiés ne pourraient jamais rentrer chez eux. Leurs villes et villages resteraient sous occupation russe, leurs maisons seraient occupées par des colons russes, leurs terres seraient confisquées. Ils deviendraient des exilés permanents, condamnés à vivre dans des pays étrangers, séparés de leurs racines, de leur culture, de leur identité. Pour ces réfugiés, la paix imposée ne serait pas une libération mais une condamnation, la confirmation que leur sacrifice et leur souffrance n’ont servi à rien, que l’Occident les a abandonnés à leur sort.
Les pays européens qui ont accueilli ces réfugiés se retrouveraient face à un dilemme impossible. Soit ils acceptent que ces millions d’Ukrainiens restent définitivement sur leur territoire, avec toutes les implications sociales, économiques et politiques que cela implique. Soit ils les forcent à rentrer en Ukraine, même si leurs régions d’origine sont sous occupation russe, les condamnant à vivre sous un régime autoritaire qui les persécutera pour avoir fui. Aucune de ces options n’est acceptable moralement ou politiquement. La seule solution juste serait de soutenir l’Ukraine jusqu’à ce qu’elle libère tous ses territoires occupés, permettant ainsi à tous les réfugiés de rentrer chez eux en sécurité. Mais cette solution exige de la détermination, du courage, et un engagement à long terme que les dirigeants occidentaux semblent incapables de fournir. Ils préfèrent la facilité d’une paix imposée, même si cela signifie condamner des millions d’Ukrainiens à l’exil permanent.
Les enfants déportés : une génération perdue
L’un des crimes les plus odieux commis par la Russie en Ukraine est la déportation forcée de milliers d’enfants ukrainiens vers la Russie. Ces enfants, arrachés à leurs familles, sont placés dans des familles d’accueil russes, envoyés dans des camps de rééducation, et soumis à un processus de russification forcée visant à leur faire oublier leur identité ukrainienne. La Cour pénale internationale a émis un mandat d’arrêt contre Vladimir Poutine pour ce crime, le qualifiant de génocide. Mais une paix imposée qui normaliserait les relations avec la Russie rendrait impossible le retour de ces enfants en Ukraine. Moscou refuserait de les rendre, prétendant qu’ils sont désormais des citoyens russes heureux dans leurs nouvelles familles. Les familles ukrainiennes qui ont perdu leurs enfants resteraient dans l’angoisse, sachant que leurs enfants sont quelque part en Russie mais incapables de les retrouver ou de les récupérer. Cette tragédie humaine serait l’un des prix cachés de la paix imposée, un prix que personne ne mentionne dans les négociations diplomatiques mais qui hantera des milliers de familles ukrainiennes pour le reste de leur vie.
Quand je pense à ces enfants ukrainiens déportés en Russie, à ces familles brisées, à ces vies détruites, je me demande comment on peut parler de « paix » en laissant ces crimes impunis. Ce n’est pas la paix, c’est la complicité. En acceptant une paix imposée qui abandonne ces enfants à leur sort, nous devenons complices de leur déportation, complices de leur russification forcée, complices du génocide culturel dont ils sont victimes.
Le traumatisme collectif d’une nation trahie
Au-delà des réfugiés et des enfants déportés, c’est toute la nation ukrainienne qui portera le traumatisme d’une paix imposée qui récompense l’agresseur et punit la victime. Les Ukrainiens ont sacrifié des centaines de milliers de vies pour défendre leur liberté et leur indépendance. Ils ont résisté héroïquement à une armée beaucoup plus puissante, infligeant à la Russie des pertes considérables et démontrant au monde entier leur détermination à rester libres. Et maintenant, on leur demande d’accepter une paix qui abandonne vingt pour cent de leur territoire, qui force des millions de leurs compatriotes à vivre sous occupation russe, qui entérine les crimes de guerre commis contre eux. Cette trahison créera un traumatisme collectif profond qui marquera la société ukrainienne pour des générations. La confiance dans l’Occident sera définitivement brisée. Le sentiment d’avoir été abandonné et trahi alimentera le ressentiment et la colère. Et quand la Russie reprendra sa guerre, comme elle le fera inévitablement, les Ukrainiens se souviendront que l’Occident les a déjà trahis une fois et se demanderont s’ils peuvent encore compter sur son soutien.
Section 14 : La justice internationale bafouée
La Cour pénale internationale : un tigre de papier
La Cour pénale internationale a émis un mandat d’arrêt contre Vladimir Poutine pour le crime de déportation d’enfants ukrainiens, marquant la première fois qu’un dirigeant d’une puissance nucléaire majeure est inculpé pour crimes de guerre. Ce mandat d’arrêt était censé envoyer un message fort : même les dirigeants les plus puissants ne sont pas au-dessus de la loi internationale et devront répondre de leurs crimes. Mais une paix imposée qui normaliserait les relations avec la Russie sans exiger que Poutine soit traduit en justice transformerait ce mandat d’arrêt en simple geste symbolique sans conséquence. Poutine continuerait à diriger la Russie, à voyager dans les pays qui refusent de reconnaître la juridiction de la CPI, et à narguer la justice internationale. Le message envoyé serait dévastateur : la justice internationale ne s’applique qu’aux dirigeants de pays faibles, les puissants peuvent commettre des crimes de guerre en toute impunité tant qu’ils ont des armes nucléaires et des alliés influents.
La crédibilité de la Cour pénale internationale, déjà fragile, serait définitivement compromise. Si elle ne peut pas faire respecter ses mandats d’arrêt contre les dirigeants de grandes puissances, à quoi sert-elle ? Les victimes de crimes de guerre à travers le monde perdraient tout espoir de voir justice rendue. Les dictateurs et les criminels de guerre prendraient note que tant qu’ils sont suffisamment puissants, ils peuvent commettre les pires atrocités sans craindre de conséquences légales. Le système de justice pénale internationale, patiemment construit depuis les procès de Nuremberg après la Seconde Guerre mondiale, s’effondrerait. Nous retournerions à un monde où seule la force compte, où les vainqueurs écrivent l’histoire et où les victimes n’ont aucun recours. C’est ce monde que nous sommes en train de créer en acceptant une paix imposée en Ukraine qui laisse les crimes de guerre impunis.
Les preuves accumulées : un dossier accablant
Depuis le début de l’invasion, des organisations internationales, des ONG, des journalistes et des enquêteurs ukrainiens ont accumulé un dossier accablant de preuves de crimes de guerre commis par l’armée russe en Ukraine. Les massacres de civils à Boutcha, Irpin, Marioupol. Les bombardements délibérés d’hôpitaux, d’écoles, de théâtres, de centres commerciaux. Les tortures systématiques de prisonniers de guerre. Les viols utilisés comme arme de guerre. Les déportations forcées de populations civiles. Les destructions délibérées d’infrastructures civiles. Chacun de ces crimes est documenté, avec des témoignages, des images satellites, des enregistrements vidéo, des expertises médico-légales. Ce dossier devrait servir à traduire en justice les responsables de ces crimes, du simple soldat qui a appuyé sur la gâchette jusqu’aux généraux qui ont donné les ordres et au président qui a lancé cette guerre d’agression. Mais une paix imposée qui normaliserait les relations avec la Russie enterrerait ce dossier dans les archives, condamnant les victimes à ne jamais voir justice rendue et les criminels à jouir de leur impunité.
Nous avons les preuves. Nous avons les témoignages. Nous avons les images. Nous savons qui a commis ces crimes et qui en a donné l’ordre. Mais nous allons choisir de fermer les yeux, de tourner la page, de « regarder vers l’avenir » plutôt que de faire justice. Cette lâcheté morale est insupportable. Chaque victime de ces crimes mérite justice, et en leur refusant cette justice, nous devenons complices de leurs bourreaux.
Le précédent pour les futurs crimes de guerre
L’impunité accordée à la Russie pour ses crimes de guerre en Ukraine établirait un précédent catastrophique pour tous les conflits futurs. Si un pays peut envahir son voisin, commettre des massacres de masse, déporter des populations, détruire des villes entières, et finalement obtenir une paix négociée qui récompense son agression sans punir ses crimes, quel message envoyons-nous aux autres dictateurs et criminels de guerre potentiels ? Que les conventions de Genève ne sont que des suggestions facultatives ? Que le droit international humanitaire ne s’applique que si vous perdez la guerre ? Que tant que vous êtes suffisamment puissant pour forcer une paix négociée, vous pouvez commettre les pires atrocités sans craindre de conséquences ? Ce précédent encouragerait les crimes de guerre dans tous les conflits futurs, car les belligérants sauraient qu’ils ne seront jamais punis tant qu’ils évitent la défaite totale. Les civils, qui sont censés être protégés par le droit international humanitaire, deviendraient des cibles légitimes. Les conventions de Genève deviendraient des reliques d’un passé révolu. Nous retournerions à la barbarie des guerres totales où tout est permis.
Section 15 : Les crimes de guerre impunis
Boutcha : le symbole de l’horreur
Le nom de Boutcha restera à jamais gravé dans l’histoire comme le symbole des atrocités commises par l’armée russe en Ukraine. Quand les troupes russes se sont retirées de cette banlieue de Kiev en avril 2022, elles ont laissé derrière elles des centaines de cadavres de civils dans les rues, les mains liées dans le dos, abattus d’une balle dans la tête. Des fosses communes ont été découvertes. Des maisons ont été trouvées remplies de corps torturés. Des femmes violées et assassinées. Des enfants tués. Les images de Boutcha ont choqué le monde entier et ont révélé la vraie nature de cette guerre : non pas un conflit entre deux armées, mais une campagne d’extermination visant à terroriser et à soumettre la population civile ukrainienne. Les enquêteurs internationaux ont confirmé que ces massacres étaient délibérés et systématiques, pas des incidents isolés ou des bavures. C’était une politique, ordonnée par la chaîne de commandement russe, visant à briser la résistance ukrainienne par la terreur.
Mais Boutcha n’était pas un cas isolé. Des massacres similaires ont été découverts à Irpin, à Hostomel, à Borodyanka, et dans des dizaines d’autres localités libérées de l’occupation russe. Partout, le même schéma se répétait : exécutions sommaires de civils, tortures, viols, pillages, destructions délibérées. L’armée russe a systématiquement ciblé les civils, en particulier ceux soupçonnés de soutenir la résistance ukrainienne ou simplement d’être patriotes ukrainiens. Les maires, les enseignants, les journalistes, les militants associatifs étaient des cibles prioritaires. Des listes de personnes à éliminer avaient été préparées avant l’invasion. C’était un génocide planifié, visant à détruire l’identité nationale ukrainienne en éliminant ses élites et en terrorisant sa population. Et maintenant, on nous demande d’accepter une paix qui laisserait ces crimes impunis, qui permettrait aux responsables de ces massacres de continuer à vivre tranquillement, peut-être même de recevoir des médailles pour leur « service » en Ukraine.
Marioupol : la ville martyre
Si Boutcha symbolise les massacres de civils, Marioupol symbolise la destruction totale d’une ville et de sa population. Cette ville portuaire de la mer d’Azov, qui comptait près de 500 000 habitants avant la guerre, a été assiégée pendant trois mois par l’armée russe et réduite en ruines. Les bombardements ont été d’une intensité inouïe, visant délibérément les zones résidentielles, les hôpitaux, les écoles, les abris. Le théâtre de Marioupol, où s’étaient réfugiés des centaines de civils, a été bombardé malgré le mot « ENFANTS » écrit en lettres géantes devant le bâtiment pour signaler sa nature civile. La maternité de Marioupol a été bombardée, tuant des femmes enceintes et des nouveau-nés. Des milliers de civils sont morts sous les décombres ou de faim et de soif pendant le siège. Les survivants ont été forcés de passer par des « camps de filtration » où ils étaient interrogés, torturés, et parfois déportés en Russie. La ville elle-même a été détruite à quatre-vingt-dix pour cent, transformée en un paysage lunaire de ruines et de cratères.
Marioupol était une ville vivante, dynamique, multiculturelle. Elle avait des théâtres, des universités, des parcs, des plages. Des gens y vivaient, y travaillaient, y élevaient leurs enfants, y rêvaient d’avenir. Et en trois mois, l’armée russe l’a transformée en cimetière. Pas par accident, pas comme dommage collatéral d’une bataille, mais délibérément, méthodiquement, en ciblant systématiquement tout ce qui permettait la vie humaine. Et nous allons accepter une paix qui laisse cette destruction impunie, qui permet à ceux qui ont ordonné et commis ces crimes de s’en tirer sans conséquence.
Les chambres de torture : l’horreur systématique
Dans chaque ville et village libéré de l’occupation russe, les autorités ukrainiennes ont découvert des chambres de torture où l’armée russe et les services de sécurité russes interrogeaient, torturaient et souvent tuaient des civils ukrainiens. Ces chambres de torture n’étaient pas des initiatives isolées de soldats sadiques, mais des installations officielles, équipées de matériel spécialisé, dirigées par des officiers du FSB et du GRU, les services de renseignement russes. Les victimes étaient torturées pour obtenir des informations sur la résistance ukrainienne, pour les forcer à collaborer, ou simplement pour les terroriser et briser leur volonté. Les méthodes utilisées incluaient les chocs électriques, les simulacres d’exécution, les viols, les mutilations, les privations de nourriture et d’eau, l’isolement prolongé dans des conditions inhumaines. Des milliers d’Ukrainiens sont passés par ces chambres de torture, et beaucoup n’en sont jamais ressortis vivants. Ceux qui ont survécu portent des cicatrices physiques et psychologiques qui ne guériront jamais.
Section 16 : Le message envoyé aux dictateurs du monde
L’impunité comme invitation à l’agression
Chaque dictateur, chaque régime autoritaire, chaque leader expansionniste dans le monde observe attentivement la manière dont l’Occident gère la crise ukrainienne. Ils tirent des leçons de nos actions et de nos inactions, de nos déclarations et de nos compromis. Si nous acceptons une paix imposée qui récompense l’agression russe, le message que nous envoyons est clair et dévastateur : l’agression paie. Si vous êtes suffisamment puissant, si vous avez des armes nucléaires, si vous êtes prêt à ignorer les protestations internationales et à endurer des sanctions économiques, vous pouvez envahir vos voisins, annexer leurs territoires, et finalement obtenir une paix négociée qui entérine vos conquêtes. Ce message encouragera les agressions partout dans le monde. Les dictateurs qui hésitaient à franchir le Rubicon, qui pesaient les risques et les bénéfices d’une invasion, concluront que les bénéfices l’emportent largement sur les risques. L’ordre international basé sur le respect de la souveraineté et l’interdiction de l’usage de la force pour modifier les frontières s’effondrera, et nous entrerons dans une ère de chaos où la loi du plus fort redeviendra la seule loi.
Les régimes autoritaires du monde entier se réjouissent déjà de la perspective d’une paix imposée en Ukraine. La Chine, qui observe avec attention pour planifier son éventuelle invasion de Taiwan. L’Iran, qui pourrait être tenté d’intensifier ses interventions au Moyen-Orient. La Turquie, qui pourrait relancer ses ambitions néo-ottomanes. Le Pakistan, qui pourrait escalader au Cachemire. Le Venezuela, qui pourrait envahir le Guyana pour ses ressources pétrolières. L’Azerbaïdjan, qui pourrait attaquer l’Arménie. Chacun de ces pays a des revendications territoriales, des griefs historiques, des ambitions expansionnistes. Jusqu’à présent, ils étaient contenus par la crainte de la réaction internationale et des sanctions. Mais si la Russie peut envahir l’Ukraine et s’en tirer avec une paix négociée qui récompense son agression, pourquoi ne pourraient-ils pas faire de même ? L’effet domino serait catastrophique, déclenchant une vague d’agressions qui déstabiliserait des régions entières et pourrait conduire à des conflits majeurs, voire à une troisième guerre mondiale.
Le déclin de l’ordre libéral international
L’ordre international libéral, construit patiemment après la Seconde Guerre mondiale et consolidé après la fin de la Guerre froide, repose sur des principes fondamentaux : le respect de la souveraineté des États, l’interdiction de l’usage de la force pour modifier les frontières, le règlement pacifique des différends, le respect des droits de l’homme et du droit international. Cet ordre n’a jamais été parfait, il a été violé à de nombreuses reprises, mais il a néanmoins fourni un cadre qui a permis une période de paix et de prospérité relative sans précédent dans l’histoire humaine. L’abandon de l’Ukraine marquerait le début de la fin de cet ordre. Il signalerait que les principes sur lesquels il repose ne sont plus respectés par les grandes puissances, qu’ils ne sont que des façades rhétoriques sans substance réelle. Les pays qui ont bénéficié de cet ordre, en particulier les petites et moyennes puissances qui comptaient sur le droit international pour protéger leur souveraineté, perdraient confiance dans le système et chercheraient d’autres moyens de garantir leur sécurité, notamment en développant leurs propres armes nucléaires ou en formant des alliances militaires régionales.
Nous sommes en train de détruire de nos propres mains l’ordre international qui a garanti notre sécurité et notre prospérité pendant des décennies. Et nous le faisons non pas parce que nous y sommes forcés, non pas parce que nous n’avons pas d’autre choix, mais simplement parce que nous sommes fatigués, parce que nous voulons tourner la page, parce que nous préférons la facilité d’un compromis immoral à la difficulté de défendre nos principes. Cette lâcheté nous coûtera infiniment plus cher que le courage aurait coûté.
La montée des régimes autoritaires
L’abandon de l’Ukraine ne serait pas seulement un signal pour les dictateurs expansionnistes, ce serait aussi un coup terrible pour les démocrates et les défenseurs des droits de l’homme partout dans le monde. Dans tous les pays où des mouvements démocratiques luttent contre des régimes autoritaires, où des dissidents risquent leur vie pour défendre la liberté, où des citoyens ordinaires rêvent d’un avenir meilleur, l’abandon de l’Ukraine serait perçu comme la preuve que l’Occident ne défend plus vraiment la démocratie et les droits de l’homme, qu’il est prêt à sacrifier ces valeurs sur l’autel de ses intérêts économiques et de sa tranquillité. Les régimes autoritaires, enhardis par cette démonstration de faiblesse occidentale, intensifieraient leur répression contre les mouvements démocratiques. En Russie même, les derniers vestiges d’opposition seraient écrasés, Poutine ayant prouvé que son modèle autoritaire et expansionniste fonctionne. En Chine, le Parti communiste renforcerait son contrôle totalitaire, sachant que l’Occident ne fera rien de concret pour défendre les droits de l’homme. En Iran, en Arabie saoudite, en Égypte, au Venezuela, au Myanmar, partout où des régimes autoritaires oppriment leur population, la répression s’intensifierait.
Section 17 : L'OTAN affaiblie et divisée
L’article 5 en question
L’article 5 du traité de l’Atlantique Nord, qui stipule qu’une attaque contre un membre de l’OTAN est considérée comme une attaque contre tous les membres, est le pilier de la sécurité européenne depuis 1949. C’est cette garantie de défense collective qui a dissuadé l’Union soviétique puis la Russie d’attaquer les pays membres de l’OTAN pendant la Guerre froide et après. Mais la crédibilité de l’article 5 repose sur la conviction que les membres de l’OTAN sont réellement prêts à se défendre mutuellement, y compris au risque d’une guerre majeure. Si l’OTAN abandonne l’Ukraine, un pays qui aspirait à rejoindre l’Alliance et qui a combattu héroïquement contre l’agression russe, comment les membres de l’OTAN, en particulier les pays d’Europe de l’Est, peuvent-ils être sûrs que l’Alliance les défendra si la Russie les attaque ? Poutine testera certainement cette question en provoquant des incidents aux frontières des pays baltes, en soutenant des mouvements séparatistes, en menant des opérations hybrides visant à déstabiliser ces pays. Et si l’OTAN hésite, si elle cherche à éviter l’escalade, si elle propose des compromis plutôt que de défendre fermement ses membres, l’article 5 deviendra une coquille vide et l’Alliance perdra sa raison d’être.
Le doute sur la crédibilité de l’article 5 n’est pas une hypothèse théorique, c’est une préoccupation réelle exprimée par de nombreux experts en sécurité et par les dirigeants des pays d’Europe de l’Est. Pendant la campagne présidentielle américaine de 2016, Donald Trump a publiquement remis en question l’engagement des États-Unis à défendre les membres de l’OTAN qui ne dépensent pas assez pour leur défense, créant une incertitude majeure sur la fiabilité de la garantie américaine. Bien que cette position ait été officiellement abandonnée, le doute persiste. Si les États-Unis, qui fournissent la majeure partie de la puissance militaire de l’OTAN, ne sont pas fermement engagés à défendre tous les membres de l’Alliance, l’article 5 perd sa crédibilité dissuasive. La Russie le sait et exploitera cette faiblesse. Une paix imposée en Ukraine qui montrerait l’hésitation occidentale à défendre ses alliés ne ferait qu’aggraver ce problème, encourageant Poutine à tester les limites de l’article 5 en provoquant une crise avec un membre de l’OTAN.
Les divisions internes de l’Alliance
La guerre en Ukraine a révélé et exacerbé des divisions profondes au sein de l’OTAN. D’un côté, les pays d’Europe de l’Est, en particulier la Pologne et les pays baltes, qui ont une compréhension viscérale de la menace russe et qui plaident pour un soutien maximal à l’Ukraine et une ligne dure contre Moscou. De l’autre, certains pays d’Europe occidentale, en particulier l’Allemagne et la France, qui sont plus hésitants, plus enclins à chercher des compromis, plus préoccupés par les conséquences économiques des sanctions et par le risque d’escalade. Ces divisions ne sont pas nouvelles, elles reflètent des histoires et des géographies différentes, mais elles sont devenues beaucoup plus visibles et problématiques avec la guerre en Ukraine. Une paix imposée qui sacrifierait l’Ukraine pour apaiser la Russie aggraverait ces divisions. Les pays d’Europe de l’Est se sentiraient trahis et perdraient confiance dans l’Alliance, se demandant si l’OTAN les défendrait vraiment en cas d’agression russe. Ils pourraient chercher à former leurs propres alliances régionales ou à développer leurs propres capacités de dissuasion, y compris nucléaires, affaiblissant encore davantage la cohésion de l’OTAN.
L’OTAN a survécu à la Guerre froide, aux guerres des Balkans, aux interventions en Afghanistan et en Libye. Mais elle pourrait ne pas survivre à l’abandon de l’Ukraine. Une alliance qui n’est pas prête à défendre ses valeurs et ses alliés potentiels n’est qu’un club social sans substance. Et c’est exactement ce que nous sommes en train de transformer l’OTAN en acceptant une paix imposée en Ukraine.
Le retrait américain et ses conséquences
Les États-Unis ont été le pilier de l’OTAN depuis sa création, fournissant la majeure partie de sa puissance militaire et de son leadership politique. Mais l’engagement américain envers l’Europe n’est plus aussi solide qu’il l’était pendant la Guerre froide. Washington est de plus en plus focalisé sur la Chine et l’Indo-Pacifique, considérant que c’est là que se joue l’avenir de la puissance américaine. L’Europe est perçue comme un théâtre secondaire, important mais pas prioritaire. Cette réorientation stratégique américaine a des implications majeures pour la sécurité européenne. Si les États-Unis réduisent leur engagement en Europe, qui comblera le vide ? L’Europe peut-elle se défendre seule contre la Russie ? La réponse honnête est non, du moins pas dans l’état actuel de ses capacités militaires. Les armées européennes ont été considérablement réduites depuis la fin de la Guerre froide, leurs budgets de défense ont été coupés, leurs capacités se sont atrophiées. Il faudrait des années et des centaines de milliards d’euros pour reconstruire une capacité de défense européenne crédible. Pendant ce temps, l’Europe resterait vulnérable à la pression russe, et une paix imposée en Ukraine qui montrerait le désengagement américain ne ferait qu’encourager Moscou à exploiter cette vulnérabilité.
Section 18 : La Chine, grande gagnante de cette capitulation
Pékin observe et calcule
Pendant que l’Occident s’épuise dans le conflit ukrainien et se prépare à accepter une paix imposée qui récompense l’agression russe, la Chine observe, calcule, et se prépare à exploiter notre faiblesse. Pékin a maintenu une position officiellement neutre dans le conflit, refusant de condamner l’invasion russe mais évitant aussi de fournir une aide militaire directe à Moscou. Cette neutralité apparente cache en réalité un soutien économique et diplomatique crucial à la Russie. La Chine a augmenté ses importations de pétrole et de gaz russes, fournissant à Moscou les revenus nécessaires pour financer sa guerre. Elle a aidé la Russie à contourner les sanctions occidentales en servant d’intermédiaire pour les transactions financières et les importations de technologies. Elle a fourni un soutien diplomatique à Moscou dans les forums internationaux, bloquant ou diluant les résolutions condamnant l’agression russe. En échange, la Chine a obtenu de la Russie des ressources énergétiques à prix réduit, un soutien diplomatique pour ses propres ambitions, et surtout la démonstration que l’Occident est faible et divisé, incapable de défendre efficacement ses alliés et ses principes.
Pour la Chine, l’abandon de l’Ukraine par l’Occident serait une victoire stratégique majeure sans avoir eu à tirer un seul coup de feu. Cela confirmerait l’analyse de Pékin selon laquelle l’Occident est en déclin, que son modèle démocratique et libéral est épuisé, que son leadership mondial touche à sa fin. Cela encouragerait la Chine à accélérer ses propres plans expansionnistes, en particulier concernant Taiwan, mais aussi en mer de Chine méridionale, dans l’Himalaya face à l’Inde, et dans sa sphère d’influence en Asie du Sud-Est et en Afrique. La Chine proposerait son propre modèle d’ordre international, basé non pas sur les droits de l’homme et la démocratie mais sur la souveraineté absolue des États, la non-ingérence dans les affaires intérieures, et le respect des « sphères d’influence » des grandes puissances. Ce modèle, qui légitime essentiellement le droit des puissances régionales à dominer leurs voisins plus faibles, serait attractif pour de nombreux régimes autoritaires et marquerait la fin de l’ordre libéral international.
Le partenariat sino-russe renforcé
L’un des effets les plus durables de la guerre en Ukraine sera le renforcement du partenariat stratégique entre la Chine et la Russie. Avant l’invasion, ce partenariat était réel mais limité, les deux pays ayant des intérêts convergents sur certains dossiers mais aussi des rivalités et des méfiances mutuelles. La guerre a transformé cette relation en une alliance de facto contre l’Occident. La Russie, isolée et sanctionnée par l’Occident, est devenue de plus en plus dépendante de la Chine économiquement et diplomatiquement. Cette dépendance limite la marge de manœuvre de Moscou et fait de la Russie un partenaire junior dans la relation, mais elle crée aussi un bloc sino-russe formidable qui représente une menace majeure pour l’Occident. Une paix imposée en Ukraine qui laisserait la Russie en position de force consoliderait ce partenariat et encouragerait une coordination encore plus étroite entre Pékin et Moscou sur tous les dossiers internationaux. Les deux pays pourraient coordonner leurs actions pour défier l’ordre occidental, la Russie en Europe et la Chine en Asie, forçant l’Occident à se battre sur deux fronts simultanément.
Nous sommes en train de créer le pire cauchemar géopolitique possible : une alliance sino-russe unie contre l’Occident, avec la Russie fournissant les ressources énergétiques et la volonté de confrontation militaire, et la Chine fournissant la puissance économique et technologique. Et nous créons cette alliance par notre propre faiblesse, par notre refus de défendre nos alliés et nos principes. L’Histoire jugera sévèrement cette génération de dirigeants qui aura sacrifié la sécurité à long terme pour un peu de tranquillité à court terme.
La nouvelle route de la soie : l’expansion chinoise facilitée
L’initiative chinoise des Nouvelles routes de la soie, officiellement appelée « Belt and Road Initiative », vise à créer un réseau d’infrastructures reliant la Chine à l’Europe, à l’Afrique et au Moyen-Orient, établissant ainsi la domination économique chinoise sur une grande partie du monde. Ce projet pharaonique, qui implique des investissements de plusieurs milliers de milliards de dollars, a déjà permis à la Chine d’acquérir une influence considérable dans de nombreux pays en développement, souvent au prix de leur endettement et de leur dépendance envers Pékin. L’abandon de l’Ukraine faciliterait grandement l’expansion de ce projet. D’une part, une Russie victorieuse et alliée à la Chine fournirait un corridor terrestre sécurisé pour les routes de la soie traversant l’Eurasie. D’autre part, la démonstration de la faiblesse occidentale encouragerait davantage de pays à rejoindre l’orbite chinoise, préférant s’aligner sur une puissance ascendante plutôt que sur un Occident en déclin. L’Europe se retrouverait progressivement encerclée par une sphère d’influence sino-russe, isolée économiquement et politiquement, incapable de projeter sa puissance ou de défendre ses intérêts.
Section 19 : Les voix ukrainiennes ignorées
Un peuple qui refuse la capitulation
Dans tous les débats occidentaux sur la paix imposée en Ukraine, une voix est systématiquement ignorée ou minimisée : celle du peuple ukrainien lui-même. Les sondages réalisés en Ukraine montrent de manière constante et écrasante que les Ukrainiens refusent toute paix qui impliquerait l’abandon de territoires à la Russie. Même après trois ans de guerre dévastatrice, même après des centaines de milliers de morts, même face à des destructions massives, la majorité des Ukrainiens préfèrent continuer à se battre plutôt que d’accepter une paix qui récompenserait l’agresseur. Cette détermination n’est pas de l’entêtement irrationnel ou du nationalisme aveugle, c’est la compréhension profonde que toute paix qui abandonnerait des territoires et des populations à la Russie ne serait qu’une pause avant la prochaine agression. Les Ukrainiens savent, par leur histoire et leur expérience récente, qu’on ne peut pas faire confiance à Moscou, que toute concession sera interprétée comme une faiblesse et encouragera de nouvelles exigences. Ils savent que leur survie en tant que nation indépendante dépend de leur capacité à résister jusqu’à la victoire complète.
Mais les voix ukrainiennes sont ignorées dans les capitales occidentales où se négocient les plans de paix. Les diplomates et les politiciens occidentaux parlent de « réalisme », de « compromis nécessaires », de « paix pragmatique », comme si les Ukrainiens étaient des enfants naïfs incapables de comprendre leurs propres intérêts. Cette attitude paternaliste et condescendante est non seulement insultante, elle est aussi dangereuse. Elle ignore le fait fondamental que ce sont les Ukrainiens qui paient le prix de cette guerre avec leur sang, que ce sont eux qui vivront avec les conséquences de toute paix imposée, que ce sont eux qui devront faire face à une nouvelle agression russe si cette paix échoue. Imposer une paix contre la volonté du peuple ukrainien ne créera pas une paix stable et durable, cela créera du ressentiment, de l’instabilité, et les conditions d’un nouveau conflit. Une paix qui n’est pas acceptée par ceux qui doivent la vivre n’est pas une paix, c’est une capitulation imposée qui ne tiendra pas.
Zelensky : le leader qui refuse de trahir son peuple
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky est devenu le symbole de la résistance ukrainienne, l’homme qui a refusé de fuir quand les chars russes approchaient de Kiev, qui a galvanisé son peuple et le monde entier par son courage et sa détermination. Mais Zelensky n’est pas un dictateur qui impose sa volonté à son peuple, il est l’expression de cette volonté. Quand il refuse les plans de paix qui impliqueraient l’abandon de territoires, il ne fait pas preuve d’entêtement personnel, il représente la position de l’écrasante majorité des Ukrainiens. Quand il demande plus d’armes et plus de soutien à l’Occident, il ne fait pas preuve d’ingratitude, il se bat pour la survie de son pays. Quand il met en garde contre les dangers d’une paix imposée, il ne fait pas de la propagande, il dit la vérité que beaucoup en Occident ne veulent pas entendre. Forcer Zelensky à accepter une paix qu’il sait désastreuse pour son pays serait le trahir lui et le peuple ukrainien qui lui fait confiance. Ce serait aussi créer une situation impossible où le président ukrainien devrait vendre à son peuple une capitulation qu’il sait inacceptable, sapant sa légitimité et créant une crise politique interne en Ukraine au moment où le pays a le plus besoin d’unité.
Zelensky nous supplie de ne pas abandonner l’Ukraine, de ne pas répéter les erreurs de Munich, de ne pas sacrifier son pays sur l’autel de notre confort. Et nous nous apprêtons à ignorer ses supplications, à lui imposer une paix qu’il sait catastrophique, puis à nous laver les mains des conséquences. Cette trahison est d’autant plus odieuse que nous prétendons agir pour le bien de l’Ukraine, comme si nous savions mieux que les Ukrainiens eux-mêmes ce qui est bon pour eux.
Les soldats ukrainiens : des sacrifices en vain ?
Des centaines de milliers de soldats ukrainiens sont morts ou ont été blessés en défendant leur pays contre l’agression russe. Ils ont combattu dans des conditions terribles, souvent sous-équipés, toujours en infériorité numérique, mais avec un courage et une détermination qui ont forcé l’admiration du monde entier. Ils ont tenu Marioupol pendant des mois contre des forces écrasantes. Ils ont défendu Bakhmout maison par maison. Ils ont libéré Kherson et des centaines d’autres localités. Ils ont infligé à l’armée russe des pertes considérables et ont démontré que la Russie n’est pas invincible. Ces soldats se sont battus parce qu’ils croyaient défendre non seulement leur pays mais aussi les valeurs de liberté et de démocratie que l’Occident prétend incarner. Ils ont cru que l’Occident les soutiendrait jusqu’à la victoire, que leur sacrifice ne serait pas vain. Une paix imposée qui abandonnerait les territoires pour lesquels ils se sont battus, qui laisserait leurs camarades tombés sans que justice soit rendue, qui récompenserait l’agresseur qu’ils ont combattu, serait une trahison de leur sacrifice. Comment regarder dans les yeux un soldat ukrainien qui a perdu ses jambes à Bakhmout et lui dire que finalement, nous avons décidé d’abandonner cette ville à la Russie parce que c’était plus pratique ?
Section 20 : L'alternative : un soutien total jusqu'à la victoire
La victoire ukrainienne est possible
Contrairement au discours défaitiste qui domine de plus en plus les débats occidentaux, la victoire ukrainienne est non seulement possible mais probable si l’Occident fournit le soutien nécessaire. L’Ukraine a déjà démontré sa capacité à vaincre l’armée russe sur le champ de bataille. Elle a repoussé l’offensive initiale sur Kiev, libéré Kharkiv et Kherson, infligé des pertes considérables aux forces russes. L’armée ukrainienne est motivée, bien entraînée, et de plus en plus équipée avec des armes occidentales modernes. L’armée russe, malgré sa supériorité numérique, souffre de problèmes chroniques de moral, de commandement, de logistique, et de corruption. Elle a perdu ses meilleures unités dans les combats, et les nouvelles recrues sont mal formées et mal équipées. La Russie a des difficultés croissantes à remplacer ses pertes en équipement, en particulier les systèmes d’armes sophistiqués qui dépendent de composants occidentaux qu’elle ne peut plus obtenir à cause des sanctions. Si l’Occident fournit à l’Ukraine les armes dont elle a besoin, en particulier l’aviation, les missiles à longue portée, et les systèmes de défense aérienne, l’Ukraine peut non seulement arrêter l’offensive russe mais aussi libérer les territoires occupés.
La clé de la victoire ukrainienne n’est pas seulement militaire, elle est aussi économique et politique. L’économie russe, malgré sa résilience apparente, est sous pression croissante. Les sanctions occidentales ont un effet cumulatif qui s’aggrave avec le temps. La fuite des cerveaux, l’isolement technologique, la perte des marchés occidentaux, tout cela affaiblit progressivement la capacité de la Russie à soutenir un effort de guerre prolongé. Politiquement, le régime de Poutine est plus fragile qu’il n’y paraît. La mutinerie de Prigojine en juin 2023 a révélé des fissures dans l’élite russe et dans l’armée. Les pertes massives en Ukraine créent un mécontentement croissant dans la population russe, même si ce mécontentement est réprimé et ne peut pas s’exprimer ouvertement. Une défaite militaire claire en Ukraine pourrait déclencher une crise politique en Russie qui pourrait conduire à la chute de Poutine et à un changement de régime. C’est précisément cette perspective qui terrifie le Kremlin et qui explique pourquoi Moscou est si désespéré d’obtenir une paix négociée maintenant, avant que la situation ne se détériore davantage.
Le coût du soutien versus le coût de l’abandon
Les opposants au soutien continu à l’Ukraine mettent en avant le coût de l’aide militaire et financière, qui se chiffre en dizaines de milliards de dollars. Mais ils oublient de calculer le coût beaucoup plus élevé de l’abandon de l’Ukraine. Ce coût inclurait : la reconstruction de l’Ukraine amputée, le réarmement massif de l’Europe face à une Russie victorieuse, la gestion d’une crise de réfugiés permanente, les conséquences économiques d’une insécurité énergétique durable, le coût des futures guerres que cet abandon encouragerait, et finalement le coût d’une troisième guerre mondiale que notre faiblesse rendrait plus probable. Quand on additionne tous ces coûts, il devient évident que soutenir l’Ukraine jusqu’à la victoire est non seulement moralement juste mais aussi économiquement rationnel. C’est l’investissement le plus rentable que l’Occident puisse faire pour sa propre sécurité. Chaque dollar dépensé pour aider l’Ukraine à vaincre la Russie maintenant nous évitera de dépenser des centaines de dollars pour nous défendre contre une Russie victorieuse et enhardi plus tard.
Quand j’entends des politiciens se plaindre du coût de l’aide à l’Ukraine, je me demande s’ils savent compter. Ou peut-être savent-ils compter mais préfèrent-ils ignorer les coûts futurs parce qu’ils ne seront plus au pouvoir quand il faudra les payer. Cette myopie calculée est criminelle. Nous avons le choix entre payer maintenant pour la victoire ou payer beaucoup plus cher plus tard pour notre défaite. Le choix devrait être évident.
Un plan pour la victoire : ce qu’il faut faire
Pour assurer la victoire ukrainienne, l’Occident doit prendre plusieurs mesures décisives. Premièrement, fournir à l’Ukraine toutes les armes dont elle a besoin, sans restrictions artificielles sur leur utilisation. Cela inclut l’aviation moderne, les missiles à longue portée, les systèmes de défense aérienne avancés, les munitions en quantité suffisante. Deuxièmement, renforcer drastiquement les sanctions contre la Russie, en ciblant particulièrement le secteur énergétique qui finance la machine de guerre russe, et en fermant toutes les échappatoires qui permettent à Moscou de contourner les sanctions. Troisièmement, fournir un soutien financier massif à l’Ukraine pour maintenir son économie et ses services publics, permettant au pays de tenir aussi longtemps que nécessaire. Quatrièmement, isoler diplomatiquement la Russie en convainquant les pays neutres ou hésitants de condamner l’agression et de rejoindre les sanctions. Cinquièmement, préparer dès maintenant un plan de reconstruction de l’Ukraine qui sera mis en œuvre dès la victoire, incluant son intégration rapide dans l’Union européenne et l’OTAN pour garantir sa sécurité future. Ce plan est ambitieux mais réalisable, et il coûtera infiniment moins cher que les conséquences de l’abandon de l’Ukraine.
Section 21 : Ce que l'Histoire retiendra de notre lâcheté
Le jugement des générations futures
Dans cinquante ans, quand les historiens étudieront cette période, ils se demanderont comment nous avons pu être aussi aveugles, aussi lâches, aussi stupides. Ils analyseront les documents, liront les discours, étudieront les décisions, et ils seront stupéfaits de notre incapacité à tirer les leçons de l’histoire. Ils verront que nous avions tous les outils pour comprendre ce qui se passait : les précédents historiques de Munich et de la Seconde Guerre mondiale, l’expérience récente de la Géorgie et de la Crimée, les avertissements répétés des experts et des pays d’Europe de l’Est, les déclarations explicites de Poutine sur ses intentions impériales. Ils verront que nous avions les moyens d’arrêter l’agression russe : la puissance économique, la supériorité technologique, les alliances militaires. Et pourtant, nous avons choisi de ne rien faire de décisif, de nous contenter de demi-mesures, de chercher des compromis avec un dictateur qui ne comprend que la force. Ils compareront notre génération à celle de Munich en 1938, et la comparaison ne sera pas flatteuse. Au moins, les dirigeants de 1938 avaient l’excuse de sortir de la Première Guerre mondiale et de vouloir éviter à tout prix un nouveau conflit. Nous, nous n’avons même pas cette excuse.
Les historiens noteront aussi l’ironie tragique de notre situation. Nous vivons dans la période la plus prospère, la plus pacifique, la plus libre de l’histoire humaine, grâce précisément à l’ordre international libéral que nous sommes en train de détruire. Nous avons bénéficié pendant des décennies de la paix et de la sécurité garanties par cet ordre, et maintenant que nous devons le défendre, nous préférons le sacrifier pour un peu de confort à court terme. Nous sommes comme des héritiers gaspilleurs qui dilapident la fortune accumulée par leurs ancêtres, sans penser aux conséquences pour leurs propres enfants. Les générations futures paieront le prix de notre lâcheté, et elles auront raison de nous maudire. Elles vivront dans un monde plus dangereux, plus violent, plus instable, où la loi du plus fort aura remplacé le droit international, où les petits pays seront à la merci des grands, où la guerre sera redevenue un instrument normal de la politique. Et tout cela parce que nous n’avons pas eu le courage de défendre nos principes quand c’était encore possible.
Les parallèles historiques accablants
L’histoire nous offre de nombreux exemples de ce qui arrive quand les démocraties choisissent l’apaisement face à l’agression. Munich 1938 est le plus célèbre, mais il y en a d’autres. L’échec de la Société des Nations à arrêter l’agression japonaise en Mandchourie en 1931, qui a encouragé Mussolini à envahir l’Éthiopie en 1935, puis Hitler à remilitariser la Rhénanie en 1936, puis à annexer l’Autriche en 1938, dans une escalade qui a finalement conduit à la Seconde Guerre mondiale. L’échec de l’Occident à arrêter les guerres yougoslaves dans les années 1990, qui a permis le massacre de Srebrenica et des années de nettoyage ethnique avant que l’OTAN n’intervienne finalement. L’échec à arrêter le génocide rwandais en 1994, qui a coûté la vie à 800 000 personnes en cent jours. Chaque fois, l’inaction initiale a coûté beaucoup plus cher que l’action précoce aurait coûté. Chaque fois, nous nous sommes dit « plus jamais ça », et chaque fois nous avons répété les mêmes erreurs. L’abandon de l’Ukraine s’inscrirait dans cette longue liste de hontes historiques, mais avec des conséquences potentiellement encore plus graves car il implique une puissance nucléaire majeure et pourrait déclencher une réaction en chaîne d’agressions à travers le monde.
Nous savons ce qui va se passer si nous abandonnons l’Ukraine. Nous l’avons vu se produire encore et encore tout au long de l’histoire. Et pourtant, nous nous apprêtons à le faire quand même, en prétendant que cette fois sera différente, que nous avons trouvé une solution intelligente que nos prédécesseurs n’avaient pas vue. Cette arrogance dans l’ignorance est insupportable. Nous ne sommes pas plus intelligents que les générations précédentes, nous sommes juste plus lâches.
L’épitaphe de l’Occident
Si nous abandonnons l’Ukraine, les historiens futurs pourraient bien dater de ce moment le début du déclin terminal de l’Occident. Non pas parce que nous n’avions pas les moyens de défendre nos valeurs et nos alliés, mais parce que nous n’avions plus la volonté de le faire. L’Occident ne tombera pas sous les coups d’un ennemi extérieur, il s’effondrera de l’intérieur, miné par sa propre lâcheté, sa propre complaisance, son propre refus de défendre les principes qui ont fait sa grandeur. L’épitaphe de notre civilisation pourrait être : « Ils avaient tout pour réussir, mais ils ont préféré le confort à la liberté, la facilité au courage, la paix à tout prix à la justice. » Cette épitaphe serait méritée, car nous aurons eu tous les avertissements, toutes les opportunités de changer de cap, et nous aurons choisi de continuer sur la voie de la facilité jusqu’à ce qu’il soit trop tard. L’abandon de l’Ukraine ne sera pas la cause de notre chute, il en sera le symptôme, la preuve que nous avons perdu ce qui faisait notre force : la conviction que certaines valeurs valent la peine d’être défendues, même au prix de sacrifices.
Conclusion : Le crépuscule de l'Occident
Une défaite qui ne dit pas son nom
Nous voici donc au terme de cette analyse. Et le constat est accablant. La paix imposée en Ukraine n’est pas la paix. C’est une défaite. Une défaite de l’Ukraine, contrainte d’abandonner 20% de son territoire et sa souveraineté. Une défaite de l’Europe, incapable de défendre ses intérêts et ses valeurs. Mais surtout, une défaite de l’Occident dans son ensemble, qui révèle au monde entier sa faiblesse, son manque de volonté, son incapacité à tenir ses engagements. Cette défaite marquera un tournant historique. Elle signalera la fin de l’ère de l’hégémonie occidentale et le début d’un nouvel ordre mondial où la force prime sur le droit, où l’agression est récompensée, où les démocraties reculent face aux dictatures. Les conséquences de cette capitulation se feront sentir pendant des décennies. La Chine en tirera des leçons pour Taïwan. L’Iran se sentira encouragé dans ses ambitions régionales. La Corée du Nord poursuivra son programme nucléaire sans crainte de représailles réelles. Partout dans le monde, les régimes autoritaires comprendront que l’Occident ne défend ses valeurs que lorsque c’est confortable, qu’il abandonne ses alliés dès que le prix devient trop élevé. Cette perception détruira ce qui reste de crédibilité occidentale et encouragera de nouvelles agressions.
Pour l’Ukraine, cette paix imposée sera une tragédie nationale. Des millions de citoyens ukrainiens se retrouveront sous occupation russe, privés de leurs droits, soumis à la répression. Le pays restera divisé, traumatisé, vulnérable à de futures agressions. Car ne nous y trompons pas : cette paix ne sera pas durable. Poutine ne s’arrêtera pas là. Il utilisera cette victoire comme tremplin pour de nouvelles conquêtes. Dans quelques années, quand l’Ukraine sera affaiblie et isolée, quand l’Occident aura tourné la page, la Russie reviendra. Elle trouvera un nouveau prétexte, une nouvelle excuse, et elle prendra ce qui reste. Parce que c’est ce que font les agresseurs quand on les récompense. Ils reviennent. Encore et encore. Jusqu’à ce qu’on les arrête. Mais l’Occident n’a pas la volonté de les arrêter. Il préfère la facilité de la capitulation au courage de la résistance. Il préfère sacrifier ses alliés plutôt que de défendre ses principes. Et cette lâcheté nous hantera. Elle hantera les dirigeants qui ont pris ces décisions. Elle hantera les peuples qui les ont laissés faire. Elle hantera l’Occident tout entier, qui devra vivre avec la honte d’avoir trahi ceux qui comptaient sur lui. L’histoire ne pardonnera pas. Elle se souviendra de ce moment comme du début de la fin de l’Occident tel que nous le connaissons. Le moment où nous avons choisi la facilité plutôt que le courage. Le moment où nous avons trahi nos valeurs. Le moment où nous avons perdu notre âme.
Il est encore temps
Mais il n’est pas trop tard. Pas encore. Cette paix imposée n’est pas inévitable. Elle peut encore être évitée si l’Occident retrouve son courage, sa détermination, sa volonté de défendre ses valeurs. Si l’Europe décide enfin de prendre son destin en main, de construire une véritable autonomie stratégique, de ne plus dépendre des caprices de Washington. Si les États-Unis réalisent que abandonner l’Ukraine n’est pas dans leur intérêt stratégique, que cela encouragera la Chine et affaiblira leur position globale. Si les peuples occidentaux se lèvent et exigent de leurs dirigeants qu’ils tiennent leurs promesses, qu’ils défendent leurs alliés, qu’ils ne trahissent pas ceux qui se battent pour les mêmes valeurs. Il est encore temps de changer de cap. De dire non à cette paix imposée. De continuer à soutenir l’Ukraine jusqu’à ce qu’elle puisse négocier d’une position de force. De montrer à Poutine et au monde entier que l’Occident ne cède pas face à l’agression, qu’il défend ses principes, qu’il protège ses alliés. Mais cela nécessitera du courage. Du vrai courage. Pas le faux courage des discours grandiloquents et des promesses creuses. Le courage de faire des sacrifices réels. Le courage d’augmenter les budgets de défense. Le courage de fournir à l’Ukraine toutes les armes dont elle a besoin. Le courage de tenir bon face à Poutine, même si cela prend des années. Le courage de construire une Europe forte et unie, capable de défendre ses intérêts sans dépendre de Washington.
Je termine cet article avec un mélange de colère et de tristesse. Colère contre les dirigeants qui nous trahissent. Tristesse pour l’Ukraine qui va être abandonnée. Mais aussi, étrangement, un peu d’espoir. Parce que je crois encore que nous pouvons changer les choses. Que nous pouvons dire non à cette capitulation. Que nous pouvons exiger mieux de nos dirigeants. Que nous pouvons construire un Occident plus fort, plus courageux, plus fidèle à ses valeurs. Mais cela ne se fera pas tout seul. Cela nécessitera que chacun d’entre nous se lève. Que nous exigions de nos gouvernements qu’ils tiennent leurs promesses. Que nous refusions d’accepter cette trahison. Que nous montrions à nos dirigeants que nous ne sommes pas d’accord, que nous ne les laisserons pas abandonner l’Ukraine sans réagir. L’histoire nous jugera sur ce que nous faisons maintenant. Sur le choix que nous faisons entre le courage et la lâcheté. Entre la fidélité et la trahison. Entre nos valeurs et notre confort. Choisissons bien. Parce que ce choix définira qui nous sommes. Et ce que nous deviendrons.
Sources
Sources primaires
IRIS (Institut de relations internationales et stratégiques) – « Paix ou renoncement ? Le plan Trump et l’impasse ukrainienne » – Jean de Gliniasty – 26 novembre 2025 – https://www.iris-france.org/paix-ou-renoncement-le-plan-trump-et-limpasse-ukrainienne/
Le Diplomate – « Le plan de paix Trump pour l’Ukraine : Un tournant réaliste après dix ans d’illusions occidentales » – Alexandre Raoult – 25 novembre 2025 – https://lediplomate.media/decryptage-plan-paix-trump-pour-ukraine-tournant-realiste-apres-dix-ans-illusions-occidentales/
Reuters – « Full text of European counter-proposal to US Ukraine peace plan » – 23 novembre 2025
BBC News – « Proposed Ukraine land concessions are Putin’s trap, EU top officials warn » – Décembre 2025
Sources secondaires
Euronews – « Négociations de paix en Ukraine : quels sont les enjeux pour les Européens » – 25 novembre 2025
Le Monde – « Négocier la paix : un art chaotique, sans règle établie » – 2 décembre 2025
Le Figaro – « Guerre en Ukraine : Vladimir Poutine déclare… » – 4 décembre 2025
Parlement européen – Données sur l’aide européenne à l’Ukraine – 2025
U.S. State Department – Données sur l’aide américaine à l’Ukraine – 2025
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