Les petits groupes de deux ou trois hommes
Les russes ont compris que l’attaque frontale massive n’était plus viable. Pokrovsk est une cité urbaine. Les rues sont étroites. Les bâtiments offrent une couverture. Les défenses aériennes ukrainiennes—les drones en particulier—transforment tout mouvement groupé en cauchemar. Alors, les Russes ont pivotés vers une tactique d’infiltration. Des groupes de deux à trois hommes. Parfois quatre. Rarement plus. Ils montaient des motos. Des véhicules tout-terrain. Des civiles. Ils avançaient lentement, en silence, cherchant à éviter les caméras de drones. L’objectif ? Pénétrer les défenses ukrainiennes. Attaquer les opérateurs de drones. Créer le chaos. Permettre aux forces principales russes de consolider les gains.
Cette tactique d’infiltration représente un changement fondamental dans l’approche russe. Ce n’est pas une victoire triomphale. C’est une adaptation face à l’échec. Les Russes ne peuvent pas vaincre l’Ukraine par la force brute traditionnelle. Donc, ils changent. Ils deviennent plus insidieux. Plus dispersés. Plus difficiles à déterminer. Les soldats ukrainiens rapportent que les groupes russes se font passer pour des civils, ou même pour des soldats ukrainiens. Ils rampent par les conduits de gaz. Ils se cachent dans les caves. Ils cherchent à attaquer par surprise, plutôt que par confrontation directe. C’est la guérilla urbaine dans toute sa forme—non pas la guérilla des faibles contre les forts, mais la guérilla des désespérés contre les déterminés.
Je vois dans cette évolution tactique russe une forme de désespoir profondément humain. Ils ne peuvent pas gagner selon les règles de la guerre conventionnelle. Alors, ils changent les règles. Ils cherchent des angles qui ne requièrent pas de victoires décisives. Chaque petit groupe qui s’infiltre en Pokrovsk est une tentative de contourner l’impossible. Et cet impossible—c’est la volonté de résistance ukrainienne qui refuse simplement de s’effondrer.
L’adaptation ukrainienne et la chasse aux infiltrés
Les Ukrainiens, confrontés à cette nouvelle tactique, n’ont pas panique. Ils se sont adaptés. Les opérateurs de drones ont appris à chercher les petits groupes. Les soldats d’infanterie ont appris à patrouiller différemment. Les tireurs d’élite ont pris des positions différentes. C’est une course entre l’innovation du désespoir russe et l’adaptation de la détermination ukrainienne. Et—au moins selon les rapports des commandants ukrainiens—l’Ukraine gagne cette course. Pas d’une manière spectaculaire. Pas d’une manière qui produirait d’impressionnants reportages vidéo. Mais d’une manière méthodique et efficace.
Le commandant de la 7e Air Assault Corps a rapporté que dans les zones où les Russes tentaient d’opérer près des routes logistiques, le taux d’élimination des ennemis était supérieur au taux de progression des Russes. En d’autres termes, les Russes tuaient plus lentement qu’ils n’étaient eux-mêmes tués. C’est un calcul brutal, mais c’est celui qui détermine les guerres modernes. Vous pouvez avancer aussi longtemps que votre vitesse de mort dépasse celle de l’ennemi. Le moment où ce calcul s’inverse, c’est le moment où l’avance s’arrête.
Section 3 : La ligne de contact—une réalité floue et confuse
Le chemin de fer comme démarcation de facto
Dans les guerres urbaines classiques, les lignes de contact étaient claires. Une rue appartenait à l’un ou à l’autre côté. Les civils savaient où aller pour être en sécurité. Les combattants connaissaient où le danger résidait. Mais à Pokrovsk, la situation est bien plus nuancée. La ligne de contact court le long de la voie ferrée, selon les déclarations officielles. Mais qu’est-ce que cela signifie vraiment ? Cela signifie que les Ukrainiens contrôlent tout ce qui est au nord de la voie ferrée. Les Russes tentent de contrôler ce qui est au sud. Mais le centre reste un patchwork de positions entrecroisées, de zones grises, de secteurs où les deux camps ont des présences.
DeepState, le collectif d’OSINT (Open-Source Intelligence) qui cartographie le front Ukraine avec une précision remarquable, a noté que Pokrovsk s’était transformée en une sorte de « salade »—un mélange chaotique où les lignes claires n’existent plus. Des groupes russes se trouvent au nord de positions ukrainiennes. Des positions ukrainiennes existent au sud de groupes russes. Les drones des deux côtés patrouillent dans les espaces grises. Les civils qui restent—et il en reste quelques milliers—vivent dans une réalité fractale où la notion même de « contrôle » devient quasi-dénuée de sens.
Je réfléchis à cette situation de Pokrovsk, et je me rends compte que nous vivons une transformation de la nature même du conflit urbain. La ligne de contact n’est plus une frontière. C’est une spirale. C’est une structure fractale où le local et le global se mélangent de manière indissociable. Et dans cette spirale, les soldats luttent non seulement contre l’ennemi, mais aussi contre l’incertitude de ce qui constitue le territoire qu’ils défendent.
L’enjeu de la cartographie militaire et de la narration stratégique
Il y a quelque chose de particulièrement significatif dans le fait que cette bataille se joue autant en cartographie qu’en territoires réels. DeepState a publié une carte le 22 novembre qui semblait être plusieurs mois antérieure à la date actuelle, montrant le territoire russe bien en-dehors de Pokrovsk et Myrnohrad. Pourquoi ? Peut-être parce que les réalités du terrain étaient tellement chaotiques et confuses que les cartographes préféraient une image ancienne et défendue à une image actuelle et ambiguë. C’est révélateur du rôle de la perception dans la guerre moderne. La réalité du terrain n’est qu’une partie de la bataille. L’autre partie est ce qui est cartographié, ce qui est rapporté, ce qui est cru.
Le Kremlin, conscient de cette importance, a décidé de trancher le nœud gordien. Poutine a annoncé publiquement que Pokrovsk était tombée. Point. Pas de débat. Pas d’ambiguïté. Une déclaration simple et claire qui pouvait être répercutée par tous les médias du monde. L’Ukraine a contre-attaqué en rappelant les faits sur le terrain. Les forces ukrainiennes contrôlaient le nord. Les unités ukrainiennes tenaient la position. Les lignes logistiques persistaient. C’est la essence du combat informatif : une affirmation contre une negation, une narration contre une autre narration. Et malheureusement, c’est souvent l’affirmation la plus simple et la plus mémorables qui gagne, pas nécessairement la plus vraie.
Section 4 : Myrnohrad et la question de l'encerclement
Des corridors logistiques fragilisés mais opérationnels
Myrnohrad est le point chaud qui crystallise toutes les inquiétudes. Les rumeurs d’encirclement de Myrnohrad ont circulé pendant des mois. En novembre 2024, certaines sources ukrainiennes affirmaient que l’encerclement était déjà une réalité. Des rapports de SOVI (intelligence militaire) affirmaient que les troupes ukrainiennes à Myrnohrad n’avaient pas été relevées depuis novembre 12. C’est une affirmation qui, si elle était vraie, suggérerait un véritable encerclement tactique. Mais Lasiychuk, lui, contestait cette affirmation. Les rotations de personnel continuaient. Les ravitaillements arrivaient. Pas d’encerclement.
La réalité semble être nuancée. Les lignes logistiques vers Myrnohrad sont devenues extrêmement difficiles d’accès. Les Russes opèrent depuis le sud et l’est, fermant progressivement le piège. Les ravitaillements ne peuvent plus se faire par véhicule. Les drones de ravitaillement livrent les suppléments à Myrnohrad. Les systèmes robotiques au sol, des appareils téleopérés sans risque de décès humain, effectuent certaines missions logistiques. C’est une situation précaire, délicatement équilibrée au bord de l’abîme. Mais c’est une situation. Pas l’effondrement que le Kremlin proclame.
Je vois dans les lignes logistiques de Myrnohrad une métaphore de la résilience ukrainienne. Elles ne sont pas robustes. Elles ne sont pas idéales. Elles sont fragiles, improvisées, souvent imprenables. Mais elles persistent. Et dans une guerre où la persistance est la forme suprême de la résistance, cette fragile continuité est une victoire morale, sinon stratégique.
Les tentatives de blocus russe et leur inefficacité relative
Les Russes comprennent parfaitement l’importance stratégique de Myrnohrad. Si Myrnohrad tombe, ou pire, si Myrnohrad est encerclée et ses forces détruites, alors toute la défense de la région sud du Pokrovsk s’effondre. C’est pour cela que l’effort russe se concentre sur le contournement et l’asphyxie. Les Russes tentent d’établir un blocus, pas une attaque directe qui serait coûteuse en vies humaines. Mais le blocus, en lui-même, présente des défis. Il faut des forces considérables pour maintenir un blocus efficace. Les Russes, bien que nombreux—estimés à 150 000 personnel en région Pokrovsk-Myrnohrad—sont dispersés sur un front trop large.
De plus, un blocus efficace nécessite une coordination et une discipline que les forces russes ont historiquement peint à maintenir sur de longues périodes. Il faut des postes d’observation constants. Il faut patrouiller sans relâche. Il faut maintenir la pression sans donner d’ouvertures. C’est un travail de fourmis, monotone, dangereux, non-glorifiant. Le Kremlin préfère raconter l’histoire de la victoire triomphale. Mais sur le terrain, ses soldats réalisent que la victoire n’est que patient épuisement de l’ennemi.
Section 5 : L'importance stratégique de Pokrovsk—bien plus que des pierres
Le centre logistique et les autoroutes stratégiques
Pokrovsk n’est pas une simple ville. C’est un nœud routier stratégique qui contrôle les autoroutes majeures reliant Donetsk à Dnipro et au reste de l’Ukraine. C’est un centre ferroviaire. C’est un carrefour de logistique militaire. Son contrôle par la Russie aurait des conséquences catastrophiques pour les chaînes d’approvisionnement ukrainiennes. Mais plus que cela, Pokrovsk est le cœur d’une région minière vitale. Le Pischane coal mine, l’une des plus grandes mines de charbon de cokéfaction en Europe, est situé près de Pokrovsk. Le charbon de cokéfaction est essentiel pour la production d’acier. Le charbon de cokéfaction du Pischane fournit près de 90 pour cent du charbon de cokéfaction ukrainien.
Si la Russie saisit complètement Pokrovsk, elle ne gagne pas seulement une ville. Elle gagne le contrôle des mines de charbon. Elle coupe la production d’acier ukrainienne. Elle prive l’Ukraine de l’une de ses principales sources de devises étrangères. Cela explique pourquoi les deux côtés se battent avec un tel acharnement pour cette région. Ce n’est pas juste stratégique militairement. C’est stratégique économiquement et politiquement. C’est une bataille qui se joue sur plusieurs niveaux simultanément.
Je contemple cette mine de charbon près de Pokrovsk, et je vois en elle la réalité souterraine de cette guerre. Le combat n’est pas seulement pour le territoire. C’est pour l’acier. Pour l’économie. Pour la capacité d’une nation à se reconstruire après la guerre. Et c’est pour cela que les deux côtés se battent si durement. Parce qu’ils savent que le vrai prix n’est pas mesuré en soldats perdus, mais en mines perdues et en usines détruites.
Les implications civiles et économiques de la perte potentielle
Metinvest, le géant sidérurgique ukrainien, a suspend ses opérations au Pischane en décembre 2024. La raison officiellement annoncée était la sécurité. Les champs de bataille s’approchaient. Les tirs d’obus devenaient trop proches. Mais en réalité, c’était une capitulation tacite face à la réalité. Si Pokrovsk tombait—ou pire, si Pokrovsk restait un champ de bataille prolongé—la mine ne pouvait pas fonctionner. Et sans la mine, la production d’acier serait réduite de 40 à 50 pour cent. De 7,5 millions de tonnes par an à 2 ou 3 millions de tonnes maximum.
Pour une Ukraine qui cherche à reconstruire après la guerre, cette perte serait catastrophique. L’acier est l’un des quelques secteurs où l’Ukraine conserve une capacité industrielle significant. Perde Pokrovsk, c’est bien plus que perdre une ville. C’est perdre la capacité à reconstruire. C’est perdre des revenus d’exportation critiques. C’est perdre des emplois, des ressources, des perspectives d’avenir. Et c’est pour cela que les Ukrainiens se battent avec une telle férocité. Pas seulement pour le présent, mais pour l’avenir qu’ils veulent construire.
Section 6 : La réalité des forces de combat engagées
Les effectifs russes concentrés : 150 000 personnel et une machine de guerre écrasante
Les Russes ont concentré une force massive autour de Pokrovsk et Myrnohrad. Selon les estimations du commandement ukrainien, environ 150 000 personnel russes opèrent dans cette région. De ces 150 000, environ 11 000 à 12 000 sont engagés dans les assauts directs. Le reste constitue les unités de soutien, de logistique, de défense, d’artillerie. C’est une machine de guerre considérable. C’est la puissance brute mise au service du Kremlin. Et pourtant, avec cette puissance massive, la Russie n’a pas pu prendre Pokrovsk par la force.
Pourquoi ? Parce que l’urbanisme crée des conditions où la puissance brute compte moins que la préparation défensive. Une ville offre une couverture. Elle offre des positions défensives préparées. Elle ralentit les assaillants. Et Ukraine a mis trois ans à construire des défenses en profondeur dans et autour de Pokrovsk. Des bunkers. Des obstacles. Des positions de tir préparées. Les 7e Air Assault Corps a été renforcée par d’autres unités d’assaut, les forces d’opérations spéciales, les unités de drones, la Garde nationale. Ensemble, ces forces créent une masse défensive que même 150 000 soldats russes ne peuvent pas écrase facilement.
Je regarde ces chiffres—150 000 contre une force défensive de quelques milliers—et je vois une perversion des mathématiques militaires traditionnelles. Les vieux généraux auraient dit qu’un rapport de dix contre un assure la victoire de l’attaquant. Mais à Pokrovsk, ce rapport n’apporte pas la victoire. Pourquoi ? Parce que les mathématiques de la guerre urbaine sont différentes. Parce que l’urbanisme crée une résistance que les effectifs seuls ne peuvent surmonter.
La composition diverse des forces ukrainiennes défensives
Les défenseurs de Pokrovsk n’étaient pas une seule unité homogène. C’étaient des assemblages diversifiés de forces militaires, chacune apportant ses compétences particulières. Les 7e Air Assault Corps apportaient l’expertise en défense urbaine rapide et agile. Les unités d’assaut—dont certaines sont des vétérans d’Azov et d’autres brigades—apportaient une expérience de combat urbain brutal. Les opérateurs de drones apportaient la capacité de détection et de frappe à courte portée. Les forces d’opérations spéciales apportaient les capacités de reconnaissance et de contre-infiltration. La Garde nationale apportait la capacité de défense des positions fixes.
Cette diversité de forces créait une résilience qu’une seule unité ne possèderait pas. Si l’une des composantes était submergée, une autre pouvait intervenir. Si l’une des tactiques échouait, une autre pouvait être essayée. C’est une approche orchestrée de la défense urbaine, où chaque instrument militaire joue un rôle spécifique dans une symphonie plus large de résistance. Et c’est cette orchestration, autant que la volonté des défenseurs, qui a permis à Pokrovsk de tenir contre l’assaut russe.
Section 7 : La machine de propagande russe et la narrative de la victoire
Poutine annonce la chute et le Kremlin renforce l’illusion
Le 1er décembre 2024, Vladimir Poutine a annoncé publiquement que la Russie contrôlait Pokrovsk. Il l’a dit lors d’une rencontre soigneusement orchestrée avec son chef d’état-major Valery Gerasimov. Des caméras étaient présentes. Des déclarations officielles ont été distribués. Le Kremlin a construit une narration complète autour de cette affirmation. Pokrovsk était tombée. C’était une victoire pour la Russie. C’était un tournant dans la guerre. Et cette annonce aurait dû s’imposer comme la réalité. Dans les anciens médias, elle l’aurait fait. Mais dans le contexte moderne, où les informations circulent instantanément et où les contre-narrations peuvent être lancées presque immédiatement, l’annonce de Poutine s’est heurtée à une résistance immédiate.
Le Kremlin n’était pas surpris. Il y a longtemps que la Russie comprend que l’annonce elle-même est une forme de victoire. Même si Pokrovsk n’était pas réellement tombée, l’annonce qu’elle était tombée crée une impression de momentum vers la victoire russe. Cela affecte les perceptions internationales. Cela affecte le moral. Cela affecte les négociations de paix. La vérité du terrain cède la place à la vérité de la narration. Et le Kremlin excelle dans la narration.
Je regarde cette danse de propagande entre la Russie et l’Ukraine, et je vois une guerre pour la réalité elle-même. C’est presque philosophique. Qu’est-ce qui est réel ? Ce qui se passe sur le terrain, ou ce qui est annoncé dans les médias ? Et quand les deux divergent—comme c’est le cas à Pokrovsk—quelle version s’impose ? Pour la première fois dans l’histoire militaire moderne, la réponse n’est pas claire. Et c’est terrifiant, parce que cela signifie que la réalité du conflit est déterminée autant par les spin doctors que par les généraux.
La contre-offensive informationnelle ukrainienne et ses limites
L’Ukraine a répondu à l’annonce de Poutine en déployant sa propre machine informationnelle. Les commandants militaires ont publié des déclarations détaillées. Des rapports ont été distribués aux médias. Des sources ont parlé à des journalistes. L’objectif était simple : contredire la narration russe. Montrer que Pokrovsk n’était pas tombée. Montrer que les forces ukrainiennes tenaient toujours. Montrer que la victoire russe n’était qu’une illusion propagandiste.
Mais il y a un problème inhérent à cette approche. Les déclarations ukrainiennes doivent être détaillées pour être crédibles. Les sources doivent être spécifiques. Les rapports doivent contenir des détails tactiques et opérationnels qui, s’ils sont diffusés publiquement, peuvent révéler des informations sensibles à l’ennemi. Pendant ce temps, l’annonce russe est simple : Pokrovsk est tombée. C’est mémorable. C’est facile à répercuter. C’est facile à croire. Donc, même quand l’Ukraine contredit cette affirmation, l’affirmation originale reste en place dans l’esprit du public. C’est un problème d’asymétrie informationnelle qui avantage les agresseurs menaceurs et pénalise les défenseurs vertueux.
Section 8 : Les revendications contradictoires et la réalité ambiguë
ISW versus Lasiychuk : deux interprétations de la même réalité
L’Institute for the Study of War, l’une des institutions d’analyse les plus respectées du conflit ukrainien, a rapporté que elle n’avait pas observé de preuves suggérant que les forces russes avaient encerclé Myrnohrad. C’était une affirmation prudente, mais claire. Pas d’encerclement. Pas d’effet logistique. Donc, en théorie, Lasiychuk et l’ISW étaient d’accord. Myrnohrad n’était pas encerclée. Mais il y avait des nuances. L’ISW notait aussi que les sources ukrainiennes continuaient à affirmer que les forces russes avaient encerclé les forces ukrainiennes à Myrnohrad dès le 29 novembre. Des rotations de personnel n’avaient pas eu lieu depuis le 12 novembre.
Qui avait raison ? Les deux peut-être. Et c’est là que réside le problème. En réalité, il n’y a pas d’encirclement au sens classique du terme. Il n’y a pas de cercle militaire fermé autour de Myrnohrad. Mais il y a un blocus qui s’intensifie. Il y a une isolation tactique qui s’approfondit. Il y a une situation qui s’approche de l’encerclement sans l’être encore. C’est une zone grise où les affirmations contradictoires peuvent toutes être téchniquement exactes.
Je contemple cette réalité ambiguë de Pokrovsk et Myrnohrad, et je vois la nature même du conflit moderne. Il n’y a plus de victoires nettes. Il n’y a plus de défaites claires. Il y a seulement des situations qui se dégradent, des positions qui s’érodent, des frontières qui deviennent de plus en plus poreuses. Et dans cette ambiguité, chaque côté peux revendiquer la vérité en fonction de son interprétation des preuves incomplètes.
DeepState et la difficulté de cartographier le flou
DeepState, le collectif OSINT qui cartographie le front avec une précision remarquable, a constaté une difficulté croissante à représenter la réalité sur les cartes. Comment mapper une situation où les deux côtés opèrent de manière entrecroisée ? Comment montrer une ligne de contact quand il n’y a pas vraiment de ligne ? DeepState a commencé à publier des cartes « anciennes » pour éviter de représenter une réalité trop chaotique. C’est un aveu de la nature fragmentée du conflit modern. La cartographie—qui était autrefois un outil de clarté militaire—est devenue un outil de confusion.
Cela a des implications profondes. Si nous ne pouvons pas cartographier la réalité, nous ne pouvons pas vraiment la comprendre. Et si nous ne pouvons pas la comprendre, nous ne pouvons pas la communiquer efficacement. Cela avantage les communications simples et tranchées—comme l’affirmation de Poutine que Pokrovsk était tombée—par rapport aux communications nuancées et ambiguës qui reflètent réellement le terrain.
Section 9 : Les effectifs ukrainiens et la question de la rotation
Les rotations de personnel et l’usure des troupes
Selon certaines sources ukrainiennes citées par Hromadske, les forces ukrainiennes à Myrnohrad n’avaient pas été relevées depuis plus de trois semaines. C’est une situation critique. Les soldats combattent sans relève. Pas de rotation. Pas de repos. Pas de remplacement par des troupes fraîches. C’est un régime d’usure qui, s’il continue, détruira les capacités combattantes des unités en question. Les hommes deviennent fatigués. Leurs jugements deviennent lents. Leurs réactions s’émoussent. Les erreurs augmentent.
Cependant, Lasiychuk a contesté cette affirmation. Il a rapporté que des rotations de personnel avaient eu lieu dans la dernière semaine. Que les unités avaient été relevées. Que la rotation était en cours. Qui croire ? Peut-être les deux. Peut-être que certaines unités n’ont pas été relevées, tandis que d’autres l’ont été. Peut-être que le commandement a promis des rotations sans pouvoir les livrer complètement. Peut-être que la réalité sur le terrain était si chaotique que ni Hromadske ni le commandement n’avaient une vision complète.
Je pense aux soldats à Myrnohrad qui attendent une relève qui peut ne jamais venir. Je pense à l’épuisement qui s’accumule nuit après nuit. Je pense à la démoralisation graduelle qui s’installe quand les promesses de repos ne se matérialisent pas. C’est peut-être la véritable bataille de Myrnohrad—pas une bataille pour le terrain, mais une bataille pour la volonté des soldats de continuer à combattre.
L’importance stratégique de la rotation et du moral des troupes
La question de la rotation n’est pas qu’une question d’efficacité tactique. C’est une question de moral et de capacité à soutenir une défense à long terme. Si les troupes épuisées à Myrnohrad peuvent être rotées, c’est un signe que la situation, bien que difficile, reste gérable. Si elles ne peuvent pas être rotées, c’est un signe que Myrnohrad est peut-être effectivement en train de être lentement encerclée. La rotation devient donc un test de la santé réelle de la position ukrainienne à Myrnohrad.
Lasiychuk, en affirmant que les rotations avaient lieu, était effectivement en train de dire : la situation est geré. Nous pouvons faire tourner les troupes. Nous maîtrisons la situation. Mais était-ce vrai, ou était-ce simplement ce qu’un commandant doit dire publiquement, peu importe la réalité sur le terrain ? C’est la nature de la guerre informationnelle moderne—qu’on ne peux jamais vraiment être sûr de ce qui est true et de ce qui est propaganda.
Section 10 : L'infrastructure de défense et la capacité de tenue
Les bunkers et les positions préparées en profondeur
Ukraine a eu trois ans pour préparer les défenses de Pokrovsk. Trois ans. C’est une durée considérable pour construire des fortifications. Des bunkers ont été creusés. Des postes de tir ont été établis. Des obstacles anti-char ont été placés. Des tranchées ont été creusées. Des passages souterrains ont été construits. Les défenses ukrainiennes à Pokrovsk ne sont pas improvisées. Elles sont systématiques, préparées, pensées. Elles ont été construites avec l’expectation qu’un jour, Pokrovsk serait assiégée. Et ce jour est arrivé.
Ces fortifications ne sont pas invincibles. Aucune fortification ne l’est. Mais elles permettent à un nombre relativement petit de défenseurs de tenir contre un nombre beaucoup plus grand d’assaillants. Historiquement, les fortifications offrent un avantage de trois ou quatre à un pour les défenseurs. C’est-à-dire qu’un défenseur fortifié peut égaler quatre assaillants non fortifiés. Appliqué à Pokrovsk, cela signifie que quelques milliers de défenseurs fortifiés pourraient théoriquement égaler 12 000 assaillants russes. Or, les Russes en ont 150 000. Mais beaucoup sont en arrière, en soutien, pas engagés au combat direct.
Je me demande si les bunkers creusés à Pokrovsk sont finalement un acte de foi. Foi que les défenseurs pourraient, contre les odds, maintenir cette position. Foi que la fortification apporte quelque chose que le nombre seul ne peut surmonter. Et comme toute foi, elle peut être justifiée par le temps et l’événement, ou elle peut être brisée par la vague impitoyable des attaques.
L’importance de la première ligne de defense et l’effet du terrain
La première ligne de défense à Pokrovsk court le long de la voie ferrée, selon Lasiychuk. C’est une ligne qui offre une certaine structure naturelle. Les voies ferrées créent une démarcation physique. Elles peuvent être barricadées. Elles peuvent être minées. Elles offrent une structure géométrique qui peut être défendue. Mais plus important que la géométrie, c’est que cette première ligne est maintenant renforcée par trois ans de préparation. Les Ukrainiens l’ont vue venir, cette ligne. Ils ont eu le temps de la préparer.
Quand une armée attaquante ne peut pas briser la première ligne de défense d’un ennemi, tout le reste en découle. Parce que si vous ne pouvez pas briser la ligne de défense principale, vous restez pinned down dans les positions initiales. Vous subissez les attaques. Vous suez sang et larmes pour avancer de quelques mètres. Et à chaque mètre avancé, vous payez en vies humaines. C’est pour cela que la bataille pour Pokrovsk dure depuis des mois. Ce n’est pas que les Russes manquent de déterminatoion. C’est qu’il ne peuvent pas briser la première ligne de défense ukrainienne.
Section 11 : La question de la viabilité à long terme
Peut-on maintenir Pokrovsk indéfiniment ?
Il y a une question existentielle qui sous-tend toute la situation à Pokrovsk : peut-elle être maintenue indéfiniment ? Ou plus précisément, quelle durée est-ce que l’Ukraine peut soutenir cette position avant que les ressources ne s’épuisent ? Les munitions ne sont pas infinies. Les soldats ne peuvent pas combattre indéfiniment. Les ravitaillements ne peuvent pas surpasser l’attrition infinie. À un moment donné, le calcul d’attrition penchera contre l’Ukraine.
Mais cela suppose que le Kremlin peut maintenir sa concentration de 150 000 personnel indéfiniment. Or, cela aussi n’est pas infini. Les Russes subissent des pertes massives à Pokrovsk. Selon les estimations, ils perdent des milliers de soldats par mois. À ce rythme, la Russie ne peut pas maintenir l’offensive pendant des années. Elle doit ou gagner relativamente rapidement, ou changer de stratégie. Le Kremlin sait cela. C’est pourquoi la narration de la « victoire » immédiate est si importante. Si Poutine peut convaincre le monde que Pokrovsk a déjà tombée, peut-être que les autres facteurs (comme les coûts humains) deviendront moins importants.
Je vois dans cette question de viabilité long terme la tension centrale de cette guerre. Ni la Russie ni l’Ukraine ne peut soutenir ce conflit indéfiniment. Les deux côtés s’épuisent. Les deux côtés cherchent une sortie. Et Pokrovsk devient un symbole de cet épuisement mutuel—un terrain où deux armées usées se battent une pour le prestige, l’autre pour la survie nationale.
Les alternatives stratégiques et la recherche de settlement
À long terme, la question n’est pas si Pokrovsk peut être maintenue indéfiniment, mais pourquoi la maintenir si le coût devient trop élevé ? Pour l’Ukraine, perdre Pokrovsk signifierait une perte économique majeure, mais cela signifierait aussi une réduction des pertes humaines. Si le choix devait venir entre tenir Pokrovsk ou préserver les forces armées ukrainiennes pour des opérations futures, lequel chooserait-on ? C’est une question que le commandement ukrainien doit envisager, même s’il ne le dit jamais publiquement.
De même, pour la Russie, mantenir une pression constante sur Pokrovsk permet-elle d’atteindre les objectifs stratégiques ? Ou est-ce que les ressources pourraient être utilisées plus efficacement ailleurs ? Ces questions deviennent d’autant plus urgentes que les négociations pour une paix se rapprochent. L’administration Trump a montré un intérêt pour un règlement du conflit. Et une paix potentielle changerait complètement la dynamique stratégique de Pokrovsk. Plutôt que de se demander qui peut maintenir la position indéfiniment, la question devient : à partir de quelle ligne de contact une paix peut-elle être conclue ?
Section 12 : Les implications pour le futur du conflit
Pokrovsk comme microcosme de la guerre urbaine moderne
Pokrovsk représente plus qu’une simple bataille entre deux armées. Elle représente la nature transformée du conflit urbain moderne. Ce n’est pas une Guerre Mondiale avec des tranchées linéaires et des fronts clairs. Ce n’est pas un conflit classique avec des capitulations nettes et des victoires définitives. C’est une guerre de drones et de petits groupes. C’est une guerre où la ligne de contact est poreuse et fluide. C’est une guerre où la narratibe compte autant que la réalité du terrain. Et c’est une forme de conflit que les armées futures rencontreront probablement partout.
Pokrovsk enseigne des leçons critiques : que la fortification offre une résilience disproportionnée ; que les petites unités peuvent combattre de manière disruptive à l’ère des drones ; que l’information est une arme aussi puissante que les balles ; que les civils et les militaires ne peuvent pas être séparés dans les zones de conflit urbain. Ces leçons sont en train d’être écrites dans le sang et les ruines de Pokrovsk. Et elles seront étudiées par les académies militaires pendant des décennies.
Je contemple Pokrovsk comme un laboratoire de la guerre future, et je vois une transformation qui nous terrife tous. Ce qui se passe à Pokrovsk n’est pas une anomalie. C’est l’avenir. Et si c’est l’avenir, alors nous devons apprendre maintenant comment y survivre.
Les leçons pour la défense urbaine et la résilience militaire
Pokrovsk démontre qu’une défense déterminée d’une ville peut repousser les attaques d’une puissance apparemment supérieure. Mais cela n’était possible que parce que les défenseurs avaient eu le temps de préparer les positions. Trois ans de préparation. Trois ans d’ingénierie militaire. Trois ans de fortification. C’est une leçon importante pour les autres villes et nations qui pourraient faire face à des menaces similaires. La préparation compte. Les fortifications comptent. L’infrastructure défensive compte.
De plus, Pokrovsk démontre que la composition diversifiée des forces amène une résilience. Ce ne sont pas les unités d’infanterie regulière seules qui défendent Pokrovsk. C’est un assemblage de forces spécialisées—drones, forces d’opérations spéciales, artillerie, gardes nationaux—tous opérant en tandem. Quand l’une des composantes est submergée, l’autre peut intervenir. Quand l’une des tactiques échoue, l’autre peut être essayée. C’est une forme d’armée hautement adaptative et résiliente.
Conclusion : La persistance malgré l'apparence de défaite
L’essence de la défense ukrainienne
En fin de compte, la déclaration de Lasiychuk selon laquelle Pokrovsk et Myrnohrad ne sont pas encerclées est une déclaration d’intention autant qu’une description de réalité. C’est une affirmation que l’Ukraine continuera à combattre, continuera à résister, continuera à défendre ses villes contre l’invasion russe. Oui, la situation est difficile. Oui, les lignes logistiques sont fragilisées. Oui, les forces russes opèrent à proximité des villes ukrainiennes. Mais encirclement signifie isolation complète, impossibilité d’action, destin scellé. Et Lasiychuk affirme que ce destin n’est pas encore scellé.
La narration ukrainienne après trois ans de guerre s’est transformée. Ce n’est plus la narration de la victoire foudroyante ou de la domination écrasante. C’est la narration de la persistance, de la résilience, de l’endurance. Et c’est peut-être plus puissant, parce que c’est plus crédible. Quand un soldat dit qu’il continue à se battre malgré l’adversité écrasante, ce message résonne d’une manière que les affirmations de victoire totale ne peuvent jamais résonner. C’est la voix de quelqu’un qui a accepté la réalité difficile et a choisi malgré tout de continuer.
Je pense aux soldats dans les bunkers de Pokrovsk qui reçoivent les nouvelles que leur commander dit qu’ils n’sont pas encerclés. Je pense à la manière dont ces paroles peuvent ou non changer leur calcul psychologique de la situation. Je pense à la fragilité de la confiance militaire, à la manière dont une seule parole d’un commandant peut inspirer ou démoraliser une armée entière. Et je réalise que la vraie bataille à Pokrovsk n’est pas sur le terrain. C’est dans l’esprit des soldats qui se battent. Et en ça, je pense que l’Ukraine gagne.
Ce que cela signifie pour l’avenir de la guerre
Si Pokrovsk persiste, si les Ukrainiens parviennent à maintenir cette position contre la pression russe, cela aura des implications profondes pour la future du conflit. Cela signifierait que la Russie ne peut pas simplement écraser l’Ukraine par la force brute. Cela signifierait que la bataille pour Pokrovsk s’éternisera, peut-être pendant des mois ou des années de plus. Cela signifierait que le Kremlin doit revoir ses attentes et ses stratégies. Et cela signifierait que l’Ukraine a survécu à l’un des tests les plus difficiles depuis le début de l’invasion totale.
D’autre part, si Pokrovsk tombe—et cela pourrait toujours arriver—cela signifierait une victoire majeure pour la Russie, mais à un coût humain catastrophique. Et cela pourrait précéder une période de reprises d’haleine où les deux côtés, épuisés, cherchent une paix négociée. Le futur reste incertain. Les deux narrations—celle de la victoire russe et celle de la résilience ukrainienne—restent plausibles. Et l’issue sera déterminée non pas par les paroles, mais par les événements qui se déplieront sur le terrain dans les mois à venir.
Sources
Sources primaires
Pravda Ukraine – Ukrainian Air Assault Forces say Pokrovsk and Myrnohrad are not encircled (5 décembre 2025) ; Ukrainska Pravda – The situation in Pokrovsk is tense, but the Russians do not control the city (4 décembre 2025) ; UNN – The situation in Pokrovsk is tense, but the Russians do not control the city – Air Assault Forces (4 décembre 2025) ; 7th Rapid Response Corps Telegram – Operation to expand logistical corridors ongoing (2 décembre 2025) ; Hromadske – Situation in Pokrovsk and Myrnohrad (3 décembre 2025) ; Liga.net – Myrnohrad is almost completely surrounded (3 décembre 2025)
Sources secondaires
Institute for the Study of War – Russian Offensive Campaign Assessment (4 décembre 2025) ; Reuters – Pokrovsk and Russian advance (divers articles novembre-décembre 2025) ; BBC – Pokrovsk Russian forces use fog cover (11 novembre 2025) ; Wikipedia – Pokrovsk offensive (mise à jour continue, article principal) ; DeepState – Frontline mapping analysis (diverses dates 2025) ; Mining-technology.com – Ukraine’s steel production and Pokrovsk coal mine (2025) ; Forces News – Russian infiltration tactics (12 novembre 2025) ; Discovery Alert – Ukraine’s Pokrovsk Coking Mine (avril 2025) ; CNN – How Russia rethought its war-fighting in Ukraine (16 novembre 2025) ; Washington Post – What Russia’s campaign for Pokrovsk means (4 décembre 2025)
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