L’annexion éclair qui a changé l’Europe
Février 2014. L’Ukraine sort à peine de la révolution de Maïdan. Le président pro-russe Viktor Ianoukovitch a fui vers Moscou. Un gouvernement de transition se met en place à Kiev. L’espoir d’un rapprochement avec l’Europe renaît. Mais à Moscou, Vladimir Poutine voit les choses différemment. Pour lui, la chute de Ianoukovitch n’est pas une révolution populaire, mais un coup d’État orchestré par l’Occident. Une menace existentielle pour la Russie. Une ligne rouge franchie. Sa réaction sera foudroyante. Dans la nuit du 27 au 28 février, des hommes armés en uniformes sans insignes prennent le contrôle du parlement de Crimée et des principaux bâtiments gouvernementaux de Simferopol. Ces « petits hommes verts », comme les appellera la presse, sont en réalité des soldats russes des forces spéciales. Leur mission : sécuriser la péninsule avant que Kiev ne puisse réagir. En quelques jours, tous les points stratégiques de Crimée sont sous contrôle russe. Les bases militaires ukrainiennes sont encerclées. Les soldats ukrainiens, pris au dépourvu, sont sommés de se rendre ou de rejoindre l’armée russe. La plupart choisissent de partir, abandonnant leurs armes et leur matériel. Le 16 mars, un référendum est organisé. Selon les autorités russes, 96,77% des votants se prononcent pour le rattachement à la Russie. Un chiffre grotesque qui ne trompe personne, mais qui donne une apparence de légitimité à l’annexion. Deux jours plus tard, Poutine signe le traité d’annexion de la Crimée. L’opération aura duré moins d’un mois. Sans un coup de feu, ou presque. Une démonstration de force parfaitement exécutée qui laisse le monde stupéfait.
Cette annexion de la Crimée marque un tournant historique. C’est la première fois depuis 1945 qu’une puissance européenne annexe par la force le territoire d’un autre État souverain. C’est la fin de l’ordre international établi après la Seconde Guerre mondiale. C’est le retour de la loi du plus fort en Europe. Mais c’est aussi, et surtout, la première démonstration de ce qui deviendra la marque de fabrique de Poutine : l’audace combinée à la détermination absolue. L’Occident proteste, bien sûr. Des sanctions sont imposées. La Russie est exclue du G8. Des avoirs sont gelés. Mais ces mesures sont largement symboliques. Elles ne changent rien sur le terrain. La Crimée reste russe. Et Poutine en tire une conclusion fatale : l’Occident ne fera rien pour défendre l’Ukraine. Il peut parler, condamner, sanctionner. Mais il n’agira pas militairement. Cette conviction va le pousser à aller plus loin. Beaucoup plus loin. Car si l’Occident a accepté l’annexion de la Crimée, pourquoi n’accepterait-il pas celle du Donbass ? Pourquoi pas celle de toute l’Ukraine orientale ? Cette escalade progressive, cette logique du salami qui consiste à grignoter territoire après territoire en testant à chaque fois la réaction occidentale, va conduire directement à l’invasion de février 2022. Mais en 2014, personne ne le voit encore. On se dit que Poutine s’est contenté de la Crimée, que c’est un cas particulier en raison de la base navale de Sébastopol, que ça n’ira pas plus loin. On se trompe. Lourdement.
Le Donbass s’embrase : quand la guerre hybride devient réalité
Avril 2014. À peine deux mois après l’annexion de la Crimée, la guerre éclate dans le Donbass. Des groupes armés pro-russes s’emparent de bâtiments gouvernementaux à Donetsk, Louhansk, Sloviansk et d’autres villes de l’est ukrainien. Ils proclament des « républiques populaires » et demandent leur rattachement à la Russie. Le scénario semble se répéter. Mais cette fois, Kiev réagit. Le gouvernement ukrainien lance une « opération antiterroriste » pour reprendre le contrôle de ces régions. Les combats commencent. D’abord sporadiques, puis de plus en plus intenses. Ce qui devait être une opération de police se transforme rapidement en guerre ouverte. Car contrairement à ce que prétend Moscou, les séparatistes ne sont pas de simples miliciens locaux. Ce sont des combattants aguerris, équipés d’armes lourdes, soutenus par des conseillers militaires russes et, de plus en plus, par des soldats russes réguliers déguisés en volontaires. Les preuves s’accumulent. Des chars T-72B3, un modèle utilisé uniquement par l’armée russe, apparaissent sur le champ de bataille. Des systèmes de défense antiaérienne Buk, capables d’abattre des avions à haute altitude, sont déployés. Le 17 juillet 2014, l’un de ces systèmes abat le vol MH17 de Malaysia Airlines, tuant les 298 personnes à bord. Une tragédie qui révèle au monde l’ampleur de l’implication russe dans le conflit. Mais Moscou nie. Toujours. Systématiquement. Ce ne sont pas nos soldats. Ce ne sont pas nos armes. Nous ne sommes pas en guerre contre l’Ukraine. Un mensonge éhonté que personne ne croit, mais qui permet à Poutine de maintenir une fiction de déni plausible.
L’été 2014 voit l’armée ukrainienne reprendre progressivement du terrain. Les séparatistes reculent. Sloviansk est libérée en juillet. D’autres villes suivent. Pour la première fois depuis le début du conflit, il semble que Kiev puisse l’emporter militairement. Mais en août, tout bascule. Des colonnes de blindés russes franchissent la frontière. Pas des « volontaires » cette fois. Pas des « conseillers ». Des unités régulières de l’armée russe, avec leur artillerie lourde, leurs systèmes de missiles, leur puissance de feu écrasante. L’offensive russe est dévastatrice. En quelques jours, l’armée ukrainienne perd des centaines d’hommes et des dizaines de véhicules. La bataille d’Ilovaïsk, fin août, se transforme en massacre. Des centaines de soldats ukrainiens sont tués alors qu’ils tentent de se retirer d’une poche encerclée. Les survivants parlent de colonnes entières anéanties par l’artillerie russe. De soldats abattus alors qu’ils se rendaient. De prisonniers exécutés. Cette défaite marque un tournant. Elle prouve que la Russie est prête à intervenir directement, massivement, pour empêcher une victoire ukrainienne. Elle prouve aussi que l’armée ukrainienne de 2014, mal équipée et mal entraînée, ne fait pas le poids face à la machine de guerre russe. Les accords de Minsk sont signés en septembre, puis à nouveau en février 2015 après de nouveaux combats meurtriers. Ils établissent une ligne de cessez-le-feu, prévoient le retrait des armes lourdes, promettent une solution politique. Mais ils ne seront jamais vraiment appliqués. La guerre continue, à basse intensité. Les bombardements sporadiques. Les tirs de snipers. Les mines. Jour après jour, semaine après semaine, année après année. Une guerre gelée qui fait des morts quotidiennement, mais que le monde finit par oublier.
Les leçons ignorées d’un conflit oublié
Entre 2014 et 2022, la guerre du Donbass tue plus de 14 000 personnes. Des soldats, majoritairement. Mais aussi des civils. Des enfants qui jouent sur des mines. Des personnes âgées tuées par des obus perdus. Des familles déchirées par un conflit qui ne dit pas son nom. Car officiellement, il n’y a pas de guerre. Juste une « opération antiterroriste » côté ukrainien. Juste des « volontaires » côté russe. Une fiction que tout le monde maintient parce qu’elle arrange tout le monde. Kiev parce qu’une guerre ouverte avec la Russie serait catastrophique. Moscou parce que le déni permet d’éviter de nouvelles sanctions. L’Occident parce qu’il n’a aucune envie de s’impliquer militairement. Pendant ces huit années, l’Ukraine se transforme. Son armée, humiliée en 2014, se professionnalise. Elle adopte les standards de l’OTAN. Elle reçoit des formations, des équipements, des armes. Les États-Unis, le Canada, le Royaume-Uni envoient des instructeurs. Des exercices conjoints sont organisés. L’armée ukrainienne de 2022 n’a plus rien à voir avec celle de 2014. C’est une force moderne, bien entraînée, motivée. Mais surtout, c’est une armée qui a appris à combattre les Russes. Qui connaît leurs tactiques. Leurs faiblesses. Leurs méthodes. Cette expérience sera cruciale en février 2022.
Mais l’Ukraine apprend aussi une autre leçon, plus amère. Elle apprend que la Russie ne renonce jamais. Que les accords ne sont pour Moscou que des pauses tactiques. Que les cessez-le-feu ne sont que des occasions de se réarmer. Que les négociations ne sont que des écrans de fumée pour gagner du temps. Pendant huit ans, Kiev espère une solution diplomatique. Pendant huit ans, elle croit que les accords de Minsk finiront par être appliqués. Pendant huit ans, elle se berce d’illusions. Car Poutine, lui, n’a jamais eu l’intention d’appliquer ces accords. Pour lui, ils ne sont qu’un moyen de geler le conflit, de maintenir une pression permanente sur l’Ukraine, d’empêcher son intégration à l’OTAN et à l’Union européenne. Le Donbass n’est pas un objectif en soi. C’est un outil. Un levier. Une épine plantée dans le flanc de l’Ukraine pour l’empêcher de s’échapper de l’orbite russe. Cette stratégie fonctionne pendant huit ans. Mais en 2021, Poutine décide que ce n’est plus suffisant. Que l’Ukraine s’éloigne trop vite. Que le temps joue contre lui. Qu’il faut frapper un grand coup. Définitif. Il commence à masser des troupes à la frontière. D’abord discrètement. Puis de plus en plus ouvertement. En novembre 2021, les satellites américains détectent plus de 100 000 soldats russes déployés autour de l’Ukraine. Les services de renseignement occidentaux tirent la sonnette d’alarme. Une invasion est imminente. Mais beaucoup n’y croient pas. Pas après huit ans de guerre gelée. Pas après les accords de Minsk. Poutine bluffe, disent-ils. Il veut juste faire pression pour obtenir des concessions. Il n’osera jamais lancer une invasion à grande échelle. Ils se trompent. Le 24 février 2022, à l’aube, les missiles russes pleuvent sur l’Ukraine.
Février 2022 : l'invasion qui devait tout changer
Le choc de l’offensive russe
24 février 2022, 5 heures du matin. Des explosions retentissent à Kiev, Kharkiv, Odessa, Marioupol et dans des dizaines d’autres villes ukrainiennes. Les missiles de croisière russes frappent les aérodromes, les dépôts de munitions, les centres de commandement. C’est le début de l’opération que Poutine appelle une « opération militaire spéciale ». En réalité, c’est la plus grande invasion militaire en Europe depuis 1945. Plus de 190 000 soldats russes franchissent simultanément la frontière ukrainienne sur plusieurs axes. Au nord, depuis le Belarus, les colonnes blindées foncent vers Kiev. L’objectif est clair : décapiter le gouvernement ukrainien, capturer ou tuer Zelensky, installer un régime fantoche. À l’est, les forces russes attaquent depuis le Donbass, cherchant à percer les défenses ukrainiennes et à s’emparer de tout l’oblast. Au sud, les troupes venues de Crimée avancent vers Kherson et Marioupol, visant à créer un corridor terrestre jusqu’au Donbass. C’est une offensive sur trois fronts, coordonnée, massive. Une démonstration de force qui doit terrifier l’Ukraine et la forcer à capituler rapidement. Les premiers jours sont chaotiques. Les Ukrainiens, malgré les avertissements américains, sont pris de court par l’ampleur de l’attaque. Certaines unités se replient en désordre. D’autres résistent farouchement. À l’aéroport de Hostomel, près de Kiev, des parachutistes russes tentent de s’emparer de la piste pour permettre l’atterrissage de renforts. Ils sont repoussés au prix de combats acharnés. C’est le premier signe que cette guerre ne se déroulera pas comme Moscou l’avait prévu.
Dans les jours qui suivent, le monde découvre avec stupeur la résistance ukrainienne. Zelensky, que beaucoup imaginaient en fuite, reste à Kiev et lance son célèbre : « J’ai besoin de munitions, pas d’un taxi ». Les civils fabriquent des cocktails Molotov. Les réservistes affluent dans les centres de recrutement. Les femmes apprennent à manier les armes. L’Ukraine entière se mobilise. Et surtout, l’armée ukrainienne, celle qui a été formée et équipée pendant huit ans, montre de quoi elle est capable. Les missiles antichars Javelin et NLAW, fournis par l’Occident, déciment les colonnes blindées russes. Les drones Bayraktar turcs détruisent les systèmes de défense antiaérienne. L’artillerie ukrainienne pilonne les concentrations de troupes russes. En quelques jours, l’offensive russe s’enlise. La colonne de 60 kilomètres qui devait prendre Kiev se retrouve bloquée, harcelée par des embuscades, à court de carburant et de nourriture. Les soldats russes, mal préparés, démoralisés, commencent à déserter. Certains sabotent leur propre matériel. D’autres se rendent. Le mythe de l’invincibilité russe vole en éclats. Mais cette résistance héroïque a un prix. Marioupol, la grande ville portuaire du sud-est, subit un siège d’une brutalité inouïe. Pendant près de trois mois, l’armée russe bombarde systématiquement la ville. Les hôpitaux, les écoles, les immeubles résidentiels. Rien n’est épargné. Le 16 mars, un missile frappe le théâtre de Marioupol où s’abritaient des centaines de civils. Le mot « ENFANTS » était écrit en lettres géantes devant le bâtiment, visible depuis les airs. Le missile frappe quand même. Des centaines de morts. Le monde est horrifié. Mais les bombardements continuent.
La bataille de Kiev : quand l’impossible devient réalité
Mars 2022. Contre toute attente, Kiev tient toujours. Les forces russes, qui devaient prendre la capitale en quelques jours, sont bloquées dans les faubourgs. Leurs pertes s’accumulent. Les colonnes de ravitaillement sont systématiquement attaquées. Les soldats russes, épuisés, affamés, commencent à piller les magasins pour se nourrir. Certains appellent leurs familles en Russie pour leur dire qu’ils ne comprennent pas ce qu’ils font là. Que ce n’est pas la guerre qu’on leur avait promise. Que les Ukrainiens ne les accueillent pas en libérateurs mais les combattent avec acharnement. Le moral des troupes russes s’effondre. Les désertions se multiplient. Des unités entières refusent d’avancer. Le commandement russe, pris de panique, commence à commettre des erreurs. Il engage des unités sans coordination. Il lance des attaques frontales suicidaires. Il bombarde aveuglément les zones résidentielles, espérant briser la volonté de résistance ukrainienne. Mais cela ne fait que renforcer la détermination des défenseurs. Chaque civil tué, chaque immeuble détruit, chaque crime de guerre commis soude un peu plus la nation ukrainienne dans sa résistance. Fin mars, l’inévitable se produit. Les forces russes commencent à se retirer du nord de l’Ukraine. Officiellement, c’est un « regroupement » pour concentrer les efforts sur le Donbass. En réalité, c’est une défaite. La première défaite majeure de l’armée russe depuis des décennies. Kiev est sauvée. L’Ukraine a gagné la bataille de la capitale. C’est une victoire immense, symbolique, qui galvanise le monde libre.
Mais cette victoire a un goût amer. Car dans leur retraite, les soldats russes laissent derrière eux des scènes d’horreur. À Boutcha, une banlieue de Kiev, les forces ukrainiennes découvrent des centaines de cadavres de civils dans les rues. Certains ont les mains liées dans le dos. D’autres portent des traces de torture. Des fosses communes sont découvertes. Des caves où des familles entières ont été exécutées. Des témoignages de viols systématiques émergent. Le monde découvre avec horreur l’ampleur des crimes de guerre commis par l’armée russe. Poutine nie, bien sûr. Il parle de « mise en scène ». De « fake news ». Mais les preuves sont accablantes. Les images satellites montrent les corps dans les rues pendant l’occupation russe. Les témoignages des survivants se recoupent. Les enquêtes médico-légales confirment les exécutions. Boutcha devient le symbole de la barbarie russe. Un nom qui résonne comme Katyn ou Srebrenica. Un crime qui ne sera jamais oublié, jamais pardonné. Cette découverte change la nature de la guerre. Ce n’est plus seulement un conflit territorial. C’est une lutte existentielle. Une guerre de survie pour l’Ukraine. Car si les Russes reviennent, si Kiev tombe, ce n’est pas seulement la défaite militaire qui attend les Ukrainiens. C’est l’occupation. La répression. Les disparitions. Les exécutions. La terreur. Cette réalisation donne à la résistance ukrainienne une dimension nouvelle. Il n’y a pas d’alternative à la victoire. Pas de compromis possible. Pas de paix négociée qui pourrait être acceptable. Seulement la victoire ou la mort.
Le tournant de Kharkiv : l’Ukraine reprend l’initiative
Septembre 2022. Après des mois de guerre d’attrition dans le Donbass, l’Ukraine lance une contre-offensive surprise dans la région de Kharkiv. En quelques jours, les forces ukrainiennes percent les lignes russes et avancent de plusieurs dizaines de kilomètres. Les Russes, pris au dépourvu, battent en retraite dans le désordre. Des villes entières sont libérées. Izioum, Koupiansk, Balakliia. Plus de 6 000 kilomètres carrés de territoire sont repris en moins de deux semaines. C’est la plus grande victoire ukrainienne depuis le début de la guerre. Une démonstration éclatante que l’armée ukrainienne n’est pas seulement capable de défendre, mais aussi d’attaquer et de vaincre. Le monde est stupéfait. Les experts militaires qui prédisaient une guerre d’usure interminable doivent réviser leurs analyses. L’Ukraine peut gagner. Non seulement défensivement, mais offensivement. Cette victoire a des conséquences stratégiques majeures. Elle force la Russie à mobiliser partiellement, appelant 300 000 réservistes sous les drapeaux. Elle provoque une fuite massive de Russes vers les pays voisins pour échapper à la conscription. Elle révèle les faiblesses structurelles de l’armée russe : manque de coordination, problèmes logistiques, moral en berne. Mais surtout, elle prouve que la Russie n’est pas invincible. Que ses soldats peuvent être battus. Que ses lignes peuvent être percées. Que sa machine de guerre peut être mise en déroute.
Novembre 2022. Encouragée par son succès à Kharkiv, l’Ukraine libère Kherson, la seule capitale régionale tombée aux mains des Russes. Les images de la libération font le tour du monde. Des civils en larmes embrassent les soldats ukrainiens. Des drapeaux ukrainiens flottent à nouveau sur les bâtiments officiels. C’est un moment de joie pure, d’espoir retrouvé. Mais cette joie est de courte durée. Car en se retirant de Kherson, les Russes ont fait sauter tous les ponts sur le Dniepr. Ils se sont retranchés sur la rive est du fleuve, derrière des fortifications qu’ils ont passé des mois à construire. Et là, ils attendent. Ils attendent que l’hiver arrive. Que la boue gèle. Que les conditions deviennent favorables à la défense. Ils attendent surtout que l’élan ukrainien s’épuise. Que les munitions occidentales se tarissent. Que la lassitude s’installe. Car c’est là la grande force de la Russie : sa capacité à absorber les coups, à encaisser les défaites tactiques, et à continuer quand même. Kharkiv ? Une défaite, certes. Mais pas décisive. Kherson ? Un revers, sans doute. Mais pas fatal. La guerre continue. Et dans une guerre longue, dans une guerre d’attrition, la Russie sait qu’elle a un avantage : elle peut se permettre de perdre plus d’hommes, plus de matériel, plus de temps que l’Ukraine. Elle peut se permettre d’être patiente. De laisser l’adversaire s’épuiser. De gagner par l’endurance plutôt que par la brillance tactique. C’est cette guerre-là qui commence maintenant. Et c’est une guerre que la Russie sait gagner.
2023 : l'année de l'attrition impitoyable
Bakhmout : le hachoir à viande
Janvier 2023. Alors que le monde espère une accalmie hivernale, les combats s’intensifient autour de Bakhmout, une ville minière de 70 000 habitants dans le Donbass. Pour les Russes, Bakhmout est un objectif symbolique. Sa capture prouverait que l’offensive russe n’est pas au point mort. Pour les Ukrainiens, c’est un verrou défensif crucial qui protège les grandes villes de Kramatorsk et Sloviansk. La bataille qui s’engage va durer neuf mois. Neuf mois d’enfer. Neuf mois de combats d’une intensité rarement vue depuis la Seconde Guerre mondiale. Les forces de Wagner, la milice privée dirigée par Evgueni Prigojine, mènent l’assaut. Leur tactique est d’une simplicité brutale : envoyer vague après vague d’assaillants, souvent des prisonniers recrutés dans les geôles russes, pour identifier les positions ukrainiennes et épuiser les défenseurs. C’est ce que Prigojine lui-même appelle le « Bakhmout Meat Grinder », le hachoir à viande de Bakhmout. Les pertes russes sont astronomiques. Selon les estimations occidentales, Wagner perd entre 20 000 et 30 000 hommes dans la bataille. Mais Prigojine s’en moque. Il a un réservoir apparemment inépuisable de chair à canon. Et surtout, sa tactique fonctionne. Mètre par mètre, rue par rue, immeuble par immeuble, Wagner avance. Les Ukrainiens résistent avec un courage extraordinaire. Ils transforment chaque bâtiment en forteresse. Ils contre-attaquent sans relâche. Mais ils sont submergés par le nombre. Et surtout, ils manquent de munitions. Les obus d’artillerie, cruciaux dans ce type de combat, commencent à manquer. L’Occident ne peut pas produire assez vite pour compenser la consommation.
Mai 2023. Après neuf mois de combats, Bakhmout tombe finalement aux mains des Russes. La ville n’est plus qu’un champ de ruines. Pas un bâtiment intact. Pas une rue sans cratères. C’est une victoire à la Pyrrhus pour Moscou. Le coût humain et matériel est démesuré pour un gain territorial minime. Mais c’est une victoire quand même. Et surtout, c’est une démonstration de la détermination russe. Peu importe les pertes. Peu importe le temps. Peu importe le coût. La Russie continuera jusqu’à la victoire. Cette bataille révèle aussi les limites de l’aide occidentale. Malgré les milliards de dollars d’assistance militaire, malgré les armes sophistiquées, l’Ukraine ne peut pas rivaliser avec la Russie dans une guerre d’attrition pure. Elle n’a pas les réserves humaines. Elle n’a pas la capacité de production industrielle. Elle n’a pas la profondeur stratégique. Dans une guerre longue, dans une guerre d’usure, les mathématiques jouent contre elle. Cette réalisation est terrifiante. Car elle signifie que même si l’Ukraine gagne des batailles, même si elle inflige des pertes énormes aux Russes, elle pourrait quand même perdre la guerre. Simplement parce qu’elle s’épuisera avant son adversaire. C’est exactement ce que Poutine parie. Il parie que l’Ukraine craquera avant la Russie. Que l’Occident se lassera avant Moscou. Que le temps joue pour lui. Et jusqu’à présent, rien ne prouve qu’il ait tort.
La contre-offensive de l’été : l’espoir brisé
Juin 2023. Après des mois de préparation, après avoir reçu des chars Leopard allemands, des Bradley américains, des munitions en quantité, l’Ukraine lance sa grande contre-offensive d’été. L’objectif est ambitieux : percer les lignes russes dans le sud, couper le corridor terrestre vers la Crimée, isoler les forces russes dans le Donbass. Si elle réussit, cette offensive pourrait changer le cours de la guerre. Les premiers jours sont encourageants. Les forces ukrainiennes avancent. Elles percent la première ligne de défense russe près de Robotyne. Les médias occidentaux s’enflamment. La percée tant attendue est en cours. Mais très vite, l’offensive s’enlise. Les Russes ont passé des mois à fortifier leurs positions. Ils ont construit des lignes de défense en profondeur. Des tranchées. Des champs de mines. Des obstacles antichars. Des positions d’artillerie. Et surtout, ils ont des drones. Des milliers de drones. Des petits drones commerciaux modifiés qui coûtent quelques centaines de dollars et qui peuvent détruire un char à plusieurs millions. Ces drones changent la donne. Ils rendent les mouvements de troupes extrêmement dangereux. Chaque véhicule qui avance est repéré, suivi, ciblé. Les pertes ukrainiennes s’accumulent. Les chars Leopard tant vantés brûlent comme les autres. Les Bradley sont détruits. L’avancée se mesure en mètres, pas en kilomètres. En septembre, il devient clair que la contre-offensive a échoué. Oh, l’Ukraine a gagné du terrain. Quelques villages. Quelques kilomètres carrés. Mais rien de décisif. Rien qui change fondamentalement la situation stratégique.
Cet échec a des conséquences profondes. Il prouve que même avec des armes occidentales, même avec un entraînement de l’OTAN, même avec un soutien logistique massif, l’Ukraine ne peut pas percer les défenses russes. Les fortifications, combinées à la supériorité aérienne russe et à la prolifération des drones, rendent les offensives de grande ampleur extrêmement coûteuses et peu efficaces. C’est un retour aux guerres de tranchées de 1914-1918. Une guerre où l’attaquant est systématiquement désavantagé. Où chaque mètre gagné coûte des dizaines de vies. Où les percées décisives sont impossibles. Cette réalisation est dévastatrice pour le moral ukrainien. Après l’euphorie des victoires de 2022, après l’espoir de la contre-offensive, la dure réalité s’impose : cette guerre va durer. Des années, peut-être. Et l’issue est incertaine. Pire, elle pourrait être défavorable. Car dans une guerre longue, dans une guerre d’attrition, la Russie a des avantages structurels que l’Ukraine ne peut pas compenser. Elle a plus d’hommes. Plus de ressources. Plus de profondeur stratégique. Et surtout, elle a une volonté politique qui ne faiblit pas. Poutine peut se permettre de perdre 1 000 soldats par jour. Il peut se permettre de voir son économie stagner. Il peut se permettre d’être isolé internationalement. Parce que pour lui, perdre cette guerre serait pire que tout cela. Ce serait la fin de son régime. Peut-être la fin de la Russie telle qu’il la conçoit. Alors il continuera. Quoi qu’il en coûte.
L’hiver du désespoir
Décembre 2023. L’hiver s’installe sur l’Ukraine. Un hiver particulièrement dur, comme pour ajouter à la misère de la guerre. Les combats continuent, mais à un rythme ralenti. Les deux armées sont épuisées. Les Ukrainiens manquent de munitions, d’hommes, de matériel. Les Russes ont subi des pertes énormes, mais ils continuent d’avancer. Lentement. Inexorablement. Quelques mètres par jour. Un village par semaine. Une position après l’autre. C’est une guerre d’usure dans sa forme la plus pure. Une guerre où la victoire ne se mesure plus en objectifs stratégiques atteints, mais en capacité à tenir un jour de plus que l’adversaire. Et dans cette guerre-là, la Russie a un avantage. Elle peut mobiliser plus d’hommes. Elle peut produire plus de munitions. Elle peut tenir plus longtemps. Les chiffres sont implacables. Selon les estimations du Center for Strategic and International Studies, la Russie a subi près d’un million de pertes depuis le début de la guerre. Tués et blessés confondus. Un chiffre astronomique. Mais elle continue. Elle mobilise de nouveaux soldats. Elle vide ses prisons. Elle recrute des mercenaires étrangers. Elle puise dans ses réserves de matériel soviétique. Et elle avance. Pendant ce temps, l’Ukraine a perdu environ 400 000 hommes. Proportionnellement à sa population, c’est catastrophique. Chaque perte est irremplaçable. Chaque soldat tué ou blessé affaiblit un peu plus une armée déjà étirée au maximum.
Mais au-delà des chiffres, c’est le moral qui commence à faiblir. En Ukraine, la lassitude s’installe. Après presque deux ans de guerre, après des centaines de milliers de morts, après la destruction de villes entières, les gens commencent à se demander si la victoire est possible. Si le sacrifice en vaut la peine. Si l’Occident va vraiment les soutenir jusqu’au bout. Ces doutes sont renforcés par les signaux venant de Washington et de Bruxelles. Aux États-Unis, le Congrès bloque l’aide militaire à l’Ukraine. Les Républicains, influencés par Trump, refusent de voter de nouveaux financements. En Europe, la fatigue de la guerre se fait sentir. Les opinions publiques, frappées par l’inflation et la crise énergétique, commencent à se demander combien de temps encore il faudra soutenir l’Ukraine. Certains politiciens parlent ouvertement de négociations. De compromis. De « paix réaliste ». Des mots qui, pour les Ukrainiens, sonnent comme une trahison. Car ils savent ce que signifierait un compromis avec la Russie. Ce serait abandonner des millions d’Ukrainiens sous occupation russe. Ce serait accepter l’annexion de territoires ukrainiens. Ce serait donner à Poutine une victoire partielle qui l’encouragerait à recommencer dans quelques années. Il n’y a pas de compromis acceptable avec un régime qui nie votre droit à exister. Mais cette vérité, l’Occident semble l’oublier. Ou préférer l’ignorer. Et c’est peut-être là la plus grande victoire de Poutine : avoir réussi à éroder la volonté occidentale de soutenir l’Ukraine jusqu’à la victoire.
2024-2025 : la guerre sans fin
L’offensive de Koursk : un coup d’audace désespéré
Août 2024. Dans un coup d’audace qui surprend le monde entier, l’Ukraine lance une offensive sur le territoire russe. Des milliers de soldats ukrainiens franchissent la frontière et s’emparent de territoires dans l’oblast de Koursk. En quelques jours, ils contrôlent plus de 1 300 kilomètres carrés de territoire russe. C’est la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale qu’une armée étrangère occupe une partie du territoire russe. L’humiliation pour Poutine est immense. Les objectifs ukrainiens sont multiples. D’abord, créer une monnaie d’échange pour de futures négociations. Ensuite, forcer les Russes à redéployer des troupes depuis le Donbass pour défendre leur propre territoire. Enfin, et peut-être surtout, prouver au monde que l’Ukraine est encore capable d’initiatives offensives. Que la guerre n’est pas perdue. Que la victoire est encore possible. L’opération est un succès tactique indéniable. Les Ukrainiens capturent des centaines de prisonniers russes. Ils détruisent des dépôts de munitions. Ils sèment la panique dans les régions frontalières russes. Mais stratégiquement, l’impact est limité. Les Russes ne retirent pas de troupes significatives du Donbass. Au contraire, ils intensifient leur pression dans l’est de l’Ukraine. Ils continuent d’avancer. Lentement, mais sûrement. Pokrovsk, un nœud logistique crucial, est menacé. Toretsk tombe. Vuhledar est capturée après 30 mois de résistance héroïque.
L’offensive de Koursk révèle un dilemme stratégique fondamental pour l’Ukraine. Elle peut lancer des opérations audacieuses, remporter des victoires tactiques, humilier les Russes. Mais elle ne peut pas changer fondamentalement le cours de la guerre. Car la Russie, malgré ses échecs, malgré ses pertes, malgré son incompétence souvent flagrante, continue d’avancer. Elle continue de mobiliser. Elle continue de produire. Elle continue de se battre. La Russie ne capitule pas. Elle encaisse les coups. Elle absorbe les défaites. Elle subit les humiliations. Mais elle ne s’arrête pas. C’est cette capacité à endurer, à persévérer, à continuer malgré tout, qui fait sa force. Une force que l’Occident, habitué aux guerres courtes et décisives, peine à comprendre. Une force que l’Ukraine, malgré son courage exceptionnel, ne peut pas égaler. Car l’Ukraine se bat pour sa survie. Chaque soldat perdu est irremplaçable. Chaque ville détruite est une tragédie nationale. Chaque jour de guerre rapproche le pays de l’épuisement. La Russie, elle, se bat pour l’orgueil de Poutine. Pour une vision impériale dépassée. Pour des objectifs qui n’ont aucun sens pour la majorité de sa population. Mais paradoxalement, cette absurdité même rend la guerre plus facile à soutenir pour le régime russe. Car il n’a pas à justifier les pertes. Il n’a pas à expliquer les échecs. Il peut simplement continuer, indéfiniment, jusqu’à ce que l’adversaire craque.
L’effritement du front : quand chaque village devient un Verdun
Automne 2024. Le front ukrainien commence à montrer des signes de fatigue. Pas un effondrement. Pas une déroute. Mais un effritement progressif, inexorable. Les Russes avancent. Pas vite. Pas spectaculairement. Mais ils avancent. Chaque jour, quelques mètres. Chaque semaine, un village. Chaque mois, quelques kilomètres carrés. Les chiffres sont éloquents. En 2024, la Russie a conquis environ 3 000 kilomètres carrés de territoire ukrainien. Ce n’est pas beaucoup. C’est même dérisoire comparé à la taille de l’Ukraine. Mais c’est trois fois plus qu’en 2023. Et surtout, c’est une tendance. Une dynamique. Un momentum qui joue en faveur de Moscou. Cette avancée se fait au prix de pertes effroyables. Selon les estimations ukrainiennes, la Russie perd en moyenne 1 000 soldats par jour. Tués ou blessés. Un chiffre qui donne le vertige. En un mois, c’est l’équivalent de toutes les pertes américaines en Irak et en Afghanistan réunies. En un an, c’est plus que toutes les pertes soviétiques en Afghanistan pendant dix ans de guerre. Mais la Russie continue. Elle mobilise de nouveaux soldats. Elle offre des primes de plus en plus élevées pour attirer des recrues. Elle vide ses prisons. Elle recrute des mercenaires nord-coréens. Elle puise dans ses dernières réserves de matériel soviétique. Et elle avance.
Cette guerre d’attrition révèle une vérité dérangeante : dans une guerre moderne de haute intensité, la technologie ne suffit pas. Les armes occidentales, aussi sophistiquées soient-elles, ne peuvent pas compenser un désavantage numérique massif. Les chars Leopard brûlent aussi facilement que les T-72. Les Bradley sont détruits par les mêmes drones que les BMP russes. Les missiles HIMARS, si efficaces au début de la guerre, sont maintenant contrés par les défenses aériennes russes. La guerre s’est adaptée. Elle est devenue une guerre de drones, de mines, de tranchées. Une guerre où la quantité compte plus que la qualité. Où l’endurance prime sur la sophistication. Où la volonté de continuer malgré les pertes est plus importante que la supériorité tactique. Et dans cette guerre-là, la Russie a un avantage. Elle peut se permettre de perdre plus. Elle peut se permettre de continuer plus longtemps. Elle peut se permettre d’être patiente. Car elle sait que le temps joue pour elle. Que chaque jour qui passe affaiblit un peu plus l’Ukraine. Que chaque mois qui passe érode un peu plus le soutien occidental. Que chaque année qui passe rapproche un peu plus la victoire russe. Pas une victoire éclatante. Pas une victoire rapide. Mais une victoire quand même. Une victoire par épuisement de l’adversaire.
Le spectre de la défaite : quand l’impensable devient possible
Janvier 2025. Trois ans après le début de l’invasion, la situation stratégique de l’Ukraine est préoccupante. Le front se stabilise, mais en faveur des Russes. Les pertes s’accumulent. Les munitions manquent. Les soldats sont épuisés. Et surtout, le soutien occidental vacille. Aux États-Unis, Donald Trump est de retour au pouvoir. Il a promis de mettre fin à la guerre « en 24 heures ». Ce qui, dans son langage, signifie forcer l’Ukraine à accepter un accord défavorable. En Europe, la lassitude de la guerre se fait de plus en plus sentir. Les opinions publiques, frappées par la crise économique, se demandent combien de temps encore il faudra soutenir l’Ukraine. Certains pays, comme la Hongrie, bloquent ouvertement l’aide européenne. D’autres, comme l’Allemagne, hésitent à fournir des armes offensives. Seuls quelques pays, comme la Pologne et les États baltes, maintiennent un soutien sans faille. Mais ils ne peuvent pas compenser à eux seuls le désengagement progressif des grandes puissances occidentales. Dans ce contexte, l’Ukraine se retrouve face à un choix impossible. Continuer la guerre avec des ressources décroissantes, au risque de l’épuisement total. Ou accepter des négociations qui signifieraient abandonner des territoires, trahir des millions d’Ukrainiens sous occupation russe, et donner à Poutine une victoire qui l’encouragerait à recommencer. Il n’y a pas de bon choix. Seulement des choix moins mauvais.
Cette situation tragique est le résultat direct de la sous-estimation occidentale de la détermination russe. Pendant trois ans, l’Occident a cru que les sanctions feraient plier Poutine. Que les pertes militaires le forceraient à négocier. Que l’isolement international le pousserait à reculer. Mais rien de tout cela ne s’est produit. Poutine n’a pas plié. Il n’a pas négocié. Il n’a pas reculé. Au contraire, il a doublé la mise. Il a mobilisé davantage. Il a intensifié les bombardements. Il a durci sa rhétorique. Car pour lui, cette guerre n’est pas une option. C’est une nécessité existentielle. Perdre signifierait la fin de son régime. Peut-être la fin de la Russie telle qu’il la conçoit. Alors il continuera. Quoi qu’il en coûte. Combien de temps encore. Cette détermination, cette obstination, cette capacité à endurer l’inacceptable, c’est ce qui fait la force de la Russie. Et c’est ce que l’Ukraine a appris, douloureusement, au cours de ces trois guerres. La Russie ne capitule jamais. La Russie n’abandonne jamais. Elle peut perdre des batailles. Elle peut subir des revers. Elle peut être humiliée. Mais elle ne s’arrête pas. Elle continue. Toujours. Jusqu’à la victoire ou jusqu’à l’effondrement total. Et entre les deux, il n’y a rien. Pas de compromis. Pas de demi-mesure. Pas de paix négociée. Seulement la guerre. Jusqu’au bout.
L'anatomie d'une résilience : comprendre la machine russe
L’héritage de la Grande Guerre patriotique
Pour comprendre pourquoi la Russie ne capitule jamais, il faut remonter à la Seconde Guerre mondiale. À ce que les Russes appellent la Grande Guerre patriotique. Entre 1941 et 1945, l’Union soviétique a perdu entre 27 et 30 millions de personnes. Soldats et civils confondus. C’est plus que tous les autres belligérants réunis. C’est une saignée démographique dont le pays ne s’est jamais vraiment remis. Mais c’est aussi une victoire. La victoire. Celle qui a défini l’identité russe moderne. Celle qui justifie tous les sacrifices. Celle qui prouve que la Russie peut encaisser des pertes inimaginables et quand même l’emporter. Cette mémoire de la Grande Guerre patriotique est omniprésente dans la société russe. Elle est enseignée à l’école. Célébrée chaque 9 mai lors de gigantesques défilés militaires. Instrumentalisée par le pouvoir pour justifier ses politiques. Elle crée un narratif puissant : la Russie est un pays qui ne se rend jamais. Qui accepte tous les sacrifices pour défendre sa souveraineté. Qui préfère mourir debout que vivre à genoux. Ce narratif n’est pas qu’une propagande. Il est profondément ancré dans la psyché collective russe. Il explique pourquoi la population russe, malgré les pertes en Ukraine, malgré les sanctions, malgré l’isolement, continue de soutenir la guerre. Ou du moins, de ne pas s’y opposer activement.
Mais cette mémoire de la Grande Guerre patriotique a aussi un côté sombre. Elle crée une culture du sacrifice qui déshumanise les soldats. Qui les transforme en chair à canon. Qui considère leurs vies comme un prix acceptable à payer pour la grandeur de la nation. Cette culture explique pourquoi l’armée russe peut envoyer des vagues d’assaut suicidaires sans que cela ne provoque de révolte. Pourquoi elle peut perdre 1 000 hommes par jour sans que le régime ne vacille. Pourquoi elle peut continuer une guerre absurde, coûteuse, meurtrière, sans que la population ne se soulève. Car dans l’imaginaire russe, le sacrifice individuel n’a pas d’importance face à l’intérêt collectif. La vie d’un soldat ne compte pas face à la survie de la nation. Les pertes, aussi énormes soient-elles, sont acceptables si elles servent un objectif supérieur. Cette mentalité, incompréhensible pour un Occidental, est la clé de la résilience russe. C’est ce qui permet à Poutine de continuer la guerre malgré les pertes. C’est ce qui lui donne confiance dans sa capacité à l’emporter dans une guerre d’attrition. Car il sait que la société russe peut encaisser des pertes que la société ukrainienne, et encore moins les sociétés occidentales, ne pourraient jamais accepter.
L’économie de guerre : quand la survie devient priorité absolue
En février 2022, l’Occident pensait que les sanctions économiques feraient rapidement plier la Russie. Le rouble s’effondrerait. L’économie entrerait en récession. Les oligarques se révolteraient. Poutine serait forcé de négocier. Trois ans plus tard, force est de constater que ce scénario ne s’est pas réalisé. Oh, l’économie russe souffre, c’est indéniable. La croissance est anémique. L’inflation est élevée. Les investissements étrangers ont disparu. Mais elle tient. Elle s’adapte. Elle survit. Comment ? D’abord, en se réorientant vers l’Asie. La Chine, l’Inde, les pays du Golfe ont largement compensé la perte des marchés occidentaux. Les exportations de pétrole et de gaz continuent, même si c’est à des prix réduits et par des routes détournées. Ensuite, en mobilisant l’économie pour l’effort de guerre. Les usines tournent à plein régime pour produire des munitions, des chars, des drones. Le chômage a pratiquement disparu. Les salaires dans l’industrie de défense ont explosé. L’État russe dépense désormais près de 40% de son budget pour la défense et la sécurité. C’est insoutenable à long terme, mais à court terme, ça fonctionne. Ça maintient l’économie à flot. Ça donne du travail à des millions de Russes. Ça crée une dépendance à la guerre qui rend la paix presque impossible.
Cette transformation de l’économie russe en économie de guerre révèle une capacité d’adaptation impressionnante. Face aux sanctions, la Russie a développé des circuits parallèles. Elle importe des composants électroniques via des pays tiers. Elle contourne les embargos en utilisant des sociétés écrans. Elle maintient ses exportations d’énergie en vendant à des intermédiaires qui revendent ensuite à l’Europe. C’est moins efficace qu’avant. C’est plus coûteux. Mais ça marche. Et surtout, ça prouve que les sanctions seules ne peuvent pas arrêter la Russie. Elles peuvent la ralentir. Elles peuvent la gêner. Mais elles ne peuvent pas la forcer à capituler. Car la Russie est prête à accepter un niveau de privation économique que les sociétés occidentales ne pourraient jamais tolérer. Elle est prête à voir son niveau de vie baisser. Elle est prête à renoncer aux produits occidentaux. Elle est prête à vivre dans une économie de pénurie. Tant que le régime tient. Tant que la guerre continue. Tant que la victoire reste possible. Cette résilience économique, combinée à la résilience militaire et à la résilience sociale, crée un système qui peut absorber des chocs qui briseraient n’importe quel autre pays. Un système qui peut continuer à faire la guerre, année après année, malgré les pertes, malgré les coûts, malgré l’absurdité. Un système qui ne capitule jamais.
La répression comme ciment social
Comment Poutine maintient-il le soutien, ou du moins l’absence d’opposition, à une guerre qui a déjà coûté la vie à des centaines de milliers de Russes ? La réponse tient en un mot : répression. Depuis le début de l’invasion, le régime russe a systématiquement étouffé toute dissidence. Les médias indépendants ont été fermés. Les journalistes critiques ont été emprisonnés ou forcés à l’exil. Les opposants politiques ont été arrêtés. Les manifestations ont été brutalement réprimées. Même appeler la guerre une « guerre » plutôt qu’une « opération militaire spéciale » est devenu un crime passible de prison. Cette répression crée un climat de peur qui paralyse la société. Les gens ont peur de parler. Peur de manifester. Peur même de penser différemment. Cette peur est renforcée par des exemples spectaculaires. Alexeï Navalny, le principal opposant à Poutine, est mort dans une prison arctique dans des circonstances suspectes. D’autres opposants ont été empoisonnés, assassinés, ou condamnés à de longues peines de prison. Le message est clair : s’opposer au régime, c’est risquer sa vie. Cette répression ne se limite pas aux opposants politiques. Elle touche aussi les simples citoyens qui osent critiquer la guerre. Des enseignants ont été licenciés pour avoir exprimé des doutes. Des étudiants ont été expulsés de leurs universités. Des employés ont été renvoyés. La délation est encouragée. Les voisins espionnent les voisins. Les collègues dénoncent les collègues. C’est un retour aux pires heures du stalinisme.
Mais la répression seule ne suffit pas à expliquer l’absence de révolte. Il y a aussi une forme de résignation. Une acceptation fataliste que c’est comme ça, que ça a toujours été comme ça, que ça sera toujours comme ça. Cette résignation est le produit de décennies d’autoritarisme. De l’ère soviétique à l’ère Poutine, les Russes ont appris à ne pas attendre grand-chose de leur gouvernement. À ne pas croire aux promesses de changement. À survivre plutôt qu’à prospérer. Cette mentalité de survie crée une population passive, qui ne se révolte pas parce qu’elle ne croit pas que la révolte puisse changer quoi que ce soit. Et puis, il y a la propagande. Omniprésente, sophistiquée, efficace. Elle martèle jour après jour que la Russie est attaquée par l’Occident. Que l’Ukraine est dirigée par des nazis. Que la guerre est une nécessité pour protéger la Russie. Cette propagande ne convainc pas tout le monde. Beaucoup de Russes, surtout dans les grandes villes, voient clair dans le jeu. Mais elle crée suffisamment de confusion, suffisamment de doute, pour empêcher l’émergence d’une opposition massive. Et surtout, elle donne une justification à ceux qui veulent croire. À ceux qui ont besoin de croire que leurs fils, leurs maris, leurs frères ne meurent pas pour rien. Que leur sacrifice a un sens. Que la Russie se bat pour sa survie. Cette combinaison de répression, de résignation et de propagande crée un système stable. Pas populaire. Pas légitime. Mais stable. Un système qui peut continuer à faire la guerre indéfiniment, tant que Poutine reste au pouvoir. Et Poutine, lui, ne partira pas. Pas volontairement. Pas tant que la guerre continue. Car pour lui, perdre la guerre signifierait perdre le pouvoir. Et perdre le pouvoir signifierait probablement perdre la vie. Alors il continuera. Jusqu’au bout.
Les fantômes de l'histoire : quand le passé éclaire le présent
Napoléon et le piège russe
1812. Napoléon Bonaparte, à la tête de la Grande Armée, la plus puissante force militaire jamais assemblée en Europe, envahit la Russie. Il dispose de 600 000 hommes, de l’artillerie la plus moderne, des meilleurs généraux. Il a conquis presque toute l’Europe. La Russie devrait être une formalité. Mais les Russes ne jouent pas selon les règles habituelles de la guerre. Ils refusent la bataille décisive que Napoléon recherche. Ils reculent. Ils brûlent tout sur leur passage. Ils pratiquent la politique de la terre brûlée. Napoléon avance. Il prend Smolensk. Il gagne la bataille de la Moskova. Il entre dans Moscou. Mais Moscou brûle. Il n’y a rien à piller. Rien à réquisitionner. Juste des ruines fumantes. Et l’hiver approche. Napoléon attend que le tsar Alexandre Ier demande la paix. Mais la paix ne vient pas. Le tsar ne négocie pas. Il attend. Il laisse l’hiver faire le travail. En octobre, Napoléon comprend qu’il doit se retirer. C’est le début du cauchemar. La retraite de Russie devient l’une des plus grandes catastrophes militaires de l’histoire. Le froid. La faim. Les attaques incessantes des cosaques. Les maladies. Sur les 600 000 hommes qui sont entrés en Russie, moins de 100 000 en reviendront. La Grande Armée est anéantie. L’invincibilité de Napoléon est brisée. Et tout ça parce que les Russes ont refusé de se battre selon les règles. Parce qu’ils ont préféré sacrifier leur propre territoire plutôt que de perdre la guerre.
Cette campagne de 1812 a créé un mythe fondateur dans l’imaginaire russe. Le mythe de la Russie invincible. Du pays qui ne peut pas être conquis. Qui absorbe les envahisseurs et les détruit. Ce mythe n’est pas totalement faux. Il repose sur des réalités géographiques et climatiques. La Russie est immense. Ses distances sont un piège pour tout envahisseur. Ses hivers sont meurtriers. Mais il repose aussi sur une volonté politique. Sur la capacité du pouvoir russe à mobiliser toutes les ressources du pays. À accepter des sacrifices énormes. À continuer même quand tout semble perdu. Cette leçon de 1812 n’a jamais été oubliée. Elle a été enseignée à chaque génération de Russes. Elle fait partie de l’identité nationale. Et elle explique, en partie, pourquoi la Russie moderne se comporte comme elle le fait en Ukraine. Elle croit qu’elle peut gagner par l’endurance. Qu’elle peut absorber les coups et continuer. Que l’adversaire finira par se lasser, par manquer de ressources, par abandonner. Comme Napoléon. Cette croyance n’est pas irrationnelle. Elle est fondée sur l’expérience historique. Sur la mémoire collective. Sur une compréhension profonde de ce qui fait la force de la Russie : non pas la supériorité militaire, mais la capacité à endurer plus longtemps que l’adversaire.
Hitler et l’opération Barbarossa : l’histoire se répète
22 juin 1941. Adolf Hitler lance l’opération Barbarossa, l’invasion de l’Union soviétique. C’est la plus grande opération militaire de l’histoire. Plus de 3 millions de soldats allemands, soutenus par des alliés finlandais, roumains, hongrois, italiens, franchissent la frontière soviétique. Hitler est convaincu que l’URSS s’effondrera en quelques semaines. Que l’Armée rouge, décapitée par les purges staliniennes, ne résistera pas. Que le régime communiste, haï par sa propre population, tombera comme un château de cartes. Les premières semaines semblent lui donner raison. La Wehrmacht avance à une vitesse fulgurante. Elle encercle et détruit des armées entières. Elle capture des millions de prisonniers. Elle s’empare de territoires immenses. En septembre, Leningrad est assiégée. En octobre, les avant-gardes allemandes arrivent aux portes de Moscou. La victoire semble à portée de main. Mais Moscou ne tombe pas. L’Armée rouge, malgré des pertes catastrophiques, continue de se battre. Staline refuse de quitter la capitale. Il mobilise toutes les ressources du pays. Les usines sont déplacées à l’est, hors de portée des Allemands. La production de guerre s’intensifie. Et surtout, l’hiver arrive. Le terrible hiver russe qui avait déjà brisé Napoléon. Les soldats allemands, équipés pour une guerre courte, gèlent dans leurs uniformes d’été. Les moteurs des chars refusent de démarrer. Les armes se grippent. Et les Soviétiques contre-attaquent.
La bataille de Moscou, en décembre 1941, marque le tournant de la guerre à l’Est. Pour la première fois, la Wehrmacht est repoussée. Hitler comprend alors qu’il ne gagnera pas rapidement. Que la guerre sera longue. Que l’URSS ne s’effondrera pas. Mais il est trop tard pour reculer. Il s’enfonce dans une guerre d’attrition qu’il ne peut pas gagner. Car l’Union soviétique, malgré ses pertes énormes, malgré la destruction de ses territoires occidentaux, continue de produire. Elle sort des chars, des avions, des canons en quantités qui dépassent tout ce que l’Allemagne peut produire. Elle mobilise des millions d’hommes. Elle accepte des pertes qui auraient brisé n’importe quel autre pays. Entre 1941 et 1945, l’URSS perd entre 27 et 30 millions de personnes. Mais elle gagne la guerre. Elle repousse les Allemands. Elle libère son territoire. Elle marche sur Berlin. Et elle prouve, une fois de plus, que la Russie ne peut pas être vaincue par la force brute. Qu’elle peut absorber des pertes inimaginables et quand même l’emporter. Cette leçon de la Seconde Guerre mondiale est encore plus présente dans la mémoire russe que celle de 1812. Car elle est plus récente. Plus documentée. Plus célébrée. Chaque famille russe a perdu quelqu’un pendant la Grande Guerre patriotique. Chaque ville a son monument aux morts. Chaque 9 mai, le pays entier commémore la victoire. Cette mémoire collective crée une résilience qui défie l’entendement occidental. Elle explique pourquoi les Russes peuvent accepter les pertes actuelles en Ukraine. Pourquoi ils peuvent continuer à soutenir, ou du moins à ne pas s’opposer à, une guerre qui semble absurde vue de l’extérieur. Car pour eux, ce n’est pas absurde. C’est la continuation d’une longue histoire de résistance aux envahisseurs. Une histoire où la Russie finit toujours par gagner. Peu importe le coût.
Les leçons que l’Occident refuse d’apprendre
Napoléon a échoué en Russie. Hitler a échoué en Russie. Et pourtant, l’Occident semble incapable de tirer les leçons de ces échecs historiques. En 2022, quand l’invasion russe a commencé, les experts occidentaux prédisaient une victoire rapide de la Russie, suivie d’un effondrement économique sous les sanctions. Aucune de ces prédictions ne s’est réalisée. La Russie n’a pas gagné rapidement. Mais elle n’a pas non plus perdu. Elle a adapté sa stratégie. Elle a transformé la guerre éclair en guerre d’attrition. Et dans une guerre d’attrition, elle a des avantages structurels que l’Occident refuse de reconnaître. Le premier avantage, c’est la géographie. La Russie est immense. Elle a de la profondeur stratégique. Elle peut reculer sans que cela ne menace son existence. L’Ukraine, elle, n’a pas cette profondeur. Chaque kilomètre perdu est un coup dur. Chaque ville abandonnée est une tragédie. Le deuxième avantage, c’est la démographie. La Russie a une population trois fois plus grande que l’Ukraine. Elle peut mobiliser plus d’hommes. Elle peut accepter plus de pertes. Le troisième avantage, c’est l’économie. Malgré les sanctions, la Russie continue de vendre son pétrole et son gaz. Elle continue de générer des revenus. Elle continue de financer sa machine de guerre. Le quatrième avantage, et peut-être le plus important, c’est la volonté politique. Poutine est prêt à tout sacrifier pour gagner cette guerre. L’économie. Le niveau de vie. Les relations internationales. Même des centaines de milliers de vies russes. Car pour lui, perdre serait pire que tout cela.
L’Occident, lui, n’a pas cette détermination. Il soutient l’Ukraine, certes. Mais jusqu’à quel point ? Jusqu’à quand ? Les opinions publiques occidentales sont fatiguées de la guerre. Elles veulent que ça s’arrête. Elles ne comprennent pas pourquoi il faut continuer à envoyer des milliards à l’Ukraine alors qu’il y a des problèmes à résoudre chez eux. Cette lassitude est exactement ce sur quoi Poutine compte. Il parie que l’Occident se lassera avant la Russie. Que le soutien à l’Ukraine s’érodera. Que les livraisons d’armes diminueront. Que les sanctions seront progressivement levées. Et jusqu’à présent, rien ne prouve qu’il ait tort. Car l’Occident ne comprend pas la nature de cet adversaire. Il pense en termes de coûts et de bénéfices. De calculs rationnels. De compromis raisonnables. Mais la Russie ne fonctionne pas comme ça. Elle ne calcule pas les coûts. Elle ne cherche pas le compromis. Elle veut la victoire. Totale. Absolue. Peu importe le prix. Cette incompréhension fondamentale explique pourquoi l’Occident a sous-estimé la Russie à chaque étape de cette guerre. Pourquoi il a cru que les sanctions feraient plier Poutine. Pourquoi il a pensé que les pertes militaires forceraient Moscou à négocier. Pourquoi il continue de croire qu’un compromis est possible. Mais il n’y a pas de compromis possible avec un adversaire qui refuse de perdre. Il n’y a que la victoire ou la défaite. Et entre les deux, il y a cette guerre interminable qui épuise l’Ukraine, qui lasse l’Occident, et qui rapproche chaque jour un peu plus la Russie de son objectif : prouver, une fois de plus, qu’elle ne capitule jamais.
Conclusion : face à l'abîme, le choix impossible
La vérité que personne ne veut entendre
Trois ans. Trois guerres. Des centaines de milliers de morts. Des millions de déplacés. Des villes entières réduites en cendres. Et pour quoi ? Pour prouver ce que l’histoire avait déjà démontré à maintes reprises : la Russie ne capitule jamais. Cette vérité, aussi douloureuse soit-elle, s’impose désormais avec une clarté aveuglante. L’Ukraine a combattu avec un courage exceptionnel. Elle a infligé des pertes énormes à l’armée russe. Elle a résisté là où tout le monde la croyait perdue. Elle a prouvé au monde que la liberté vaut la peine de se battre. Mais elle se heurte maintenant à une réalité implacable : dans une guerre d’attrition contre la Russie, les mathématiques jouent contre elle. La Russie peut mobiliser plus d’hommes. Elle peut produire plus de munitions. Elle peut tenir plus longtemps. Et surtout, elle est prête à accepter des pertes que l’Ukraine, malgré toute sa détermination, ne peut pas se permettre. Cette asymétrie dans l’acceptation de la souffrance, dans la tolérance aux pertes, dans la capacité à endurer l’inacceptable, constitue l’avantage stratégique décisif de Moscou. Un avantage que ni les armes occidentales, ni l’héroïsme ukrainien, ni les sanctions économiques ne peuvent compenser. Car au final, cette guerre n’est pas une question de technologie ou de tactique. C’est une question de volonté. De qui craquera en premier. De qui abandonnera en premier. Et dans ce jeu macabre, la Russie a un avantage historique, culturel, politique qui la rend presque imbattable.
Reconnaître cette vérité ne signifie pas accepter la défaite. Cela ne signifie pas abandonner l’Ukraine. Cela ne signifie pas que la Russie a raison ou que son agression est justifiée. Cela signifie simplement regarder la réalité en face. Comprendre la nature de l’adversaire. Adapter la stratégie en conséquence. Car continuer à croire que la Russie va s’effondrer, que Poutine va être renversé, que les sanctions vont faire leur effet, c’est se bercer d’illusions dangereuses. C’est condamner l’Ukraine à une guerre qu’elle ne peut pas gagner seule. C’est prolonger inutilement la souffrance. La seule façon pour l’Ukraine de l’emporter, c’est que l’Occident s’engage totalement. Pas avec des livraisons d’armes au compte-gouttes. Pas avec des sanctions qui laissent des échappatoires. Pas avec des déclarations de soutien qui ne se traduisent pas en actes. Mais avec un engagement total, massif, durable. Un engagement qui dit à Poutine : vous ne gagnerez pas parce que nous ne vous laisserons pas gagner. Un engagement qui transforme cette guerre d’attrition en une guerre que la Russie ne peut pas gagner. Mais cet engagement, l’Occident est-il prêt à le prendre ? La réponse, malheureusement, semble être non. Et c’est là que réside la tragédie. Non pas dans la détermination russe, qui était prévisible. Mais dans l’indécision occidentale, qui condamne l’Ukraine à un combat inégal.
Je termine cet article avec un sentiment de rage impuissante. Rage contre Poutine et sa guerre criminelle. Rage contre l’Occident et son soutien tiède. Rage contre cette situation absurde où un pays entier est sacrifié sur l’autel de l’orgueil d’un homme. Mais surtout, rage contre cette vérité que je viens d’exposer : la Russie ne capitule jamais. Car cette vérité condamne l’Ukraine à souffrir encore. Longtemps. Peut-être indéfiniment. À moins que quelque chose ne change. À moins que l’Occident ne se réveille. À moins qu’un miracle ne se produise. Mais les miracles sont rares en géopolitique. Et l’histoire, elle, se répète. Encore et encore. Avec une régularité tragique.
L’Ukraine face à son destin
Aujourd’hui, l’Ukraine se trouve à un carrefour. Elle peut continuer à se battre, espérant que l’aide occidentale finira par faire la différence. Que la Russie finira par s’épuiser. Que Poutine finira par tomber. Mais cet espoir ressemble de plus en plus à une illusion. Car la Russie ne montre aucun signe d’épuisement. Au contraire, elle s’adapte. Elle mobilise. Elle produit. Elle continue. Avec cette patience minérale qui a brisé Napoléon et Hitler. Avec cette détermination qui défie toute logique occidentale. Avec cette capacité à endurer qui fait sa force depuis des siècles. L’alternative, c’est de négocier. D’accepter un compromis territorial. De sacrifier le Donbass et la Crimée pour sauver le reste du pays. Mais ce compromis serait une trahison pour les millions d’Ukrainiens qui vivent sous occupation russe. Ce serait une victoire pour Poutine qui l’encouragerait à recommencer. Ce serait un précédent dangereux qui montrerait au monde que l’agression paie. Alors l’Ukraine est coincée. Entre une guerre qu’elle ne peut pas gagner seule et une paix qu’elle ne peut pas accepter. Entre l’épuisement et la trahison. Entre la survie et l’honneur. C’est un choix impossible. Un choix que personne ne devrait avoir à faire. Mais c’est le choix que la réalité impose. La réalité d’un adversaire qui ne capitule jamais. Qui n’abandonne jamais. Qui continue, quoi qu’il en coûte, jusqu’à la victoire ou jusqu’à l’effondrement total.
Cette leçon, l’Ukraine l’a apprise au prix de centaines de milliers de vies. Au prix de la destruction de son territoire. Au prix d’une souffrance indicible. C’est une leçon que le monde entier devrait méditer. Car la Russie de Poutine n’est pas une anomalie. Ce n’est pas un accident de l’histoire. C’est la continuation d’une tradition séculaire. Une tradition de résistance aux envahisseurs. De sacrifice pour la patrie. D’endurance face à l’adversité. Cette tradition a permis à la Russie de survivre à Napoléon. De vaincre Hitler. De résister à l’Occident pendant la Guerre froide. Et elle lui permet aujourd’hui de continuer sa guerre en Ukraine malgré les pertes, malgré les sanctions, malgré l’isolement. Comprendre cette tradition ne signifie pas l’accepter. Cela ne signifie pas renoncer à soutenir l’Ukraine. Cela signifie simplement être lucide sur la nature du défi. Sur l’ampleur de l’engagement nécessaire. Sur la durée probable du conflit. Car tant que Poutine sera au pouvoir, tant que le régime russe tiendra, tant que la société russe acceptera les sacrifices, cette guerre continuera. Elle continuera jusqu’à ce que l’un des deux camps s’effondre. Jusqu’à ce que l’Ukraine soit épuisée ou que la Russie soit vaincue. Et entre ces deux issues, il n’y a pas de juste milieu. Pas de compromis honorable. Pas de paix négociée qui satisferait les deux parties. Seulement la guerre. Jusqu’au bout. Jusqu’à ce que l’un des deux adversaires ne puisse plus continuer. C’est la logique implacable de la guerre d’attrition. C’est la réalité que trois guerres ont révélée. C’est la vérité que l’Ukraine a apprise dans le sang et les larmes : face à la Russie, il n’y a pas de victoire facile. Il n’y a que l’endurance. Et dans ce domaine, la Russie est imbattable.
La machine de propagande : comment Moscou façonne la réalité
Le contrôle total de l’information
Dès les premiers jours de l’invasion, le Kremlin a verrouillé l’espace informationnel russe avec une efficacité glaçante. Les derniers médias indépendants ont été fermés. Echo de Moscou, la radio libérale qui existait depuis 1990, a été liquidée. Novaïa Gazeta, le journal d’investigation qui avait révélé tant de scandales, a été contraint de suspendre sa publication. TV Rain, la seule chaîne de télévision indépendante, a dû s’exiler. En quelques semaines, le paysage médiatique russe a été nettoyé de toute voix dissidente. Il ne reste plus que les médias d’État et les chaînes pro-Kremlin. Tous répètent la même ligne. Tous diffusent la même propagande. Tous martèlent les mêmes mensonges. Cette uniformisation de l’information crée une bulle hermétique où la réalité est ce que le Kremlin décide qu’elle soit. Dans cette bulle, l’Ukraine est dirigée par des nazis. L’Occident veut détruire la Russie. La guerre est une nécessité pour protéger le pays. Les pertes russes sont minimes. Les victoires sont constantes. La victoire finale est inévitable. Ces mensonges sont répétés si souvent, avec tant d’assurance, qu’ils finissent par créer une réalité alternative. Une réalité où la Russie est la victime, pas l’agresseur. Où Poutine est un héros, pas un criminel de guerre. Où la guerre est juste, pas criminelle. Cette réalité alternative ne convainc pas tout le monde, bien sûr. Beaucoup de Russes, surtout dans les grandes villes, ont accès à des sources d’information alternatives via Internet. Ils savent que la propagande ment. Mais ils sont minoritaires. Et surtout, ils sont silencieux. Car parler, c’est risquer la prison.
Le contrôle de l’information ne se limite pas aux médias traditionnels. Il s’étend aussi à Internet. Les réseaux sociaux occidentaux comme Facebook, Instagram et Twitter ont été bloqués. Les VPN sont de plus en plus difficiles à utiliser. Les sites d’information étrangers sont censurés. Google News a été retiré. YouTube est menacé de blocage. Le Kremlin construit progressivement un Internet russe isolé du reste du monde. Un Internet où seule la vérité officielle est accessible. Cette stratégie s’inspire du modèle chinois. Elle vise à créer un espace informationnel totalement contrôlé où la population n’a accès qu’aux informations que le pouvoir veut qu’elle voie. C’est un projet totalitaire dans sa conception. Et il fonctionne. De plus en plus de Russes, surtout dans les régions rurales et les petites villes, n’ont accès qu’à la propagande d’État. Ils ne savent pas ce qui se passe réellement en Ukraine. Ils ne connaissent pas l’ampleur des pertes russes. Ils ne voient pas les crimes de guerre commis par leur armée. Ils vivent dans une matrice d’illusions soigneusement construite. Et cette matrice les maintient passifs. Dociles. Obéissants. C’est le contrôle parfait. Pas par la force, mais par l’ignorance. Pas par la répression, mais par la manipulation. Un contrôle qui permet à Poutine de continuer sa guerre sans avoir à craindre une révolte populaire. Car comment se révolter contre une guerre dont on ne connaît pas la véritable nature ?
Les narratifs qui justifient l’injustifiable
La propagande russe ne se contente pas de mentir sur les faits. Elle construit des narratifs puissants qui donnent un sens à la guerre. Le premier narratif, c’est celui de la menace existentielle. Selon ce récit, l’OTAN encercle la Russie. L’Occident veut la détruire. L’Ukraine n’est qu’un pion dans ce grand jeu. Si la Russie ne frappe pas maintenant, elle sera attaquée demain. C’est une guerre préventive. Une guerre de survie. Ce narratif résonne dans une société qui a été conditionnée pendant des décennies à voir l’Occident comme un ennemi. Qui se souvient de la Guerre froide. Qui croit que l’effondrement de l’URSS était une humiliation orchestrée par Washington. Pour beaucoup de Russes, surtout les plus âgés, ce narratif a du sens. Il correspond à leur vision du monde. Il justifie la guerre. Le deuxième narratif, c’est celui de la dénazification. Selon ce récit, l’Ukraine est dirigée par des néo-nazis qui oppriment la population russophone. La Russie intervient pour libérer ces populations. C’est une guerre humanitaire. Une guerre juste. Ce narratif est particulièrement cynique car il instrumentalise la mémoire de la Seconde Guerre mondiale. Il compare Zelensky à Hitler. Il présente les soldats russes comme les héritiers de ceux qui ont vaincu le nazisme. C’est un mensonge grotesque, mais il fonctionne. Car dans l’imaginaire russe, rien n’est pire que le nazisme. Accuser l’Ukraine de nazisme, c’est la déshumaniser. C’est rendre acceptable n’importe quelle violence contre elle.
Le troisième narratif, c’est celui de l’unité slave. Selon ce récit, les Russes et les Ukrainiens sont un seul peuple. L’Ukraine n’est pas vraiment un pays indépendant. C’est une partie de la Russie qui a été artificiellement séparée. La guerre n’est donc pas une agression, mais une réunification. Une correction d’une erreur historique. Ce narratif nie l’existence même de l’identité ukrainienne. Il efface des siècles d’histoire. Il justifie l’impérialisme russe. Mais il est profondément ancré dans la mentalité russe. Beaucoup de Russes croient sincèrement que les Ukrainiens sont des « petits Russes » égarés qui reviendront tôt ou tard dans le giron de la mère patrie. Cette croyance rend la guerre plus acceptable. Car ce n’est pas vraiment une guerre contre un pays étranger. C’est une guerre civile. Une querelle de famille. Ces trois narratifs se renforcent mutuellement. Ils créent une justification totale de la guerre. Une justification qui permet aux Russes de continuer à soutenir, ou du moins à ne pas s’opposer à, une agression criminelle. C’est le pouvoir de la propagande. Elle ne change pas les faits. Mais elle change la perception des faits. Elle transforme l’agression en défense. Le crime en justice. La guerre en libération. Et dans ce monde inversé, la Russie n’est pas le méchant. Elle est le héros. Elle ne détruit pas l’Ukraine. Elle la sauve. Cette inversion de la réalité est ce qui permet à la guerre de continuer. Car tant que les Russes croient qu’ils se battent pour une cause juste, ils accepteront les sacrifices. Ils toléreront les pertes. Ils soutiendront Poutine. Et la guerre continuera.
Le prix du mensonge
Mais cette propagande a un coût. Un coût que la Russie paiera pendant des générations. D’abord, elle coupe la Russie du reste du monde. Elle crée une société fermée, isolée, repliée sur elle-même. Une société qui ne peut plus dialoguer avec l’extérieur car elle ne partage plus la même réalité. Cette isolation intellectuelle et culturelle appauvrira la Russie. Elle la privera des échanges, des idées, des innovations qui viennent de l’interaction avec le monde. Ensuite, elle détruit la confiance. Dans une société où tout le monde ment, où les médias mentent, où le gouvernement ment, où même les statistiques officielles mentent, plus personne ne croit plus personne. Cette absence de confiance mine le tissu social. Elle rend impossible toute coopération, toute solidarité, tout projet collectif. Enfin, et c’est peut-être le plus grave, elle crée une génération de Russes qui ont grandi dans le mensonge. Qui ne savent pas distinguer le vrai du faux. Qui croient que toute information est manipulation. Que toute vérité est relative. Cette génération sera perdue. Elle ne pourra jamais construire une société démocratique. Car la démocratie repose sur la vérité. Sur la possibilité d’un débat honnête basé sur des faits partagés. Sans vérité, il n’y a pas de démocratie possible. Seulement l’autoritarisme. Seulement la manipulation. Seulement le mensonge perpétuel. C’est l’héritage que Poutine laissera à la Russie. Pas la grandeur. Pas la puissance. Mais le mensonge. Un mensonge si profond, si total, qu’il faudra des décennies pour s’en remettre. Si jamais la Russie s’en remet.
L'Occident face à son impuissance
Les sanctions qui n’ont pas fonctionné
Février 2022. L’Occident réagit à l’invasion russe avec ce qu’il présente comme « les sanctions les plus sévères de l’histoire ». Les banques russes sont exclues du système SWIFT. Les avoirs de la banque centrale russe sont gelés. Les oligarques sont sanctionnés. Les exportations de technologies sont interdites. Les importations de pétrole et de gaz sont progressivement réduites. C’est un arsenal impressionnant. Un choc économique qui devrait faire plier la Russie en quelques mois. Mais trois ans plus tard, force est de constater que ces sanctions n’ont pas atteint leur objectif. Oh, elles ont fait mal à l’économie russe, c’est indéniable. La croissance est anémique. L’inflation est élevée. Les investissements étrangers ont disparu. Mais l’économie russe n’s’est pas effondrée. Elle a tenu. Elle s’est adaptée. Elle a trouvé des moyens de contourner les sanctions. Comment ? D’abord, en se réorientant vers l’Asie. La Chine est devenue le principal partenaire commercial de la Russie. Elle achète le pétrole et le gaz que l’Europe refuse. Elle vend les produits que l’Occident ne vend plus. L’Inde a également augmenté massivement ses importations de pétrole russe. Elle le raffine et le revend… à l’Europe. Un contournement cynique mais efficace des sanctions. Ensuite, en développant des circuits parallèles. Des sociétés écrans dans des pays tiers importent des composants électroniques et les réexportent vers la Russie. Des banques dans des paradis fiscaux facilitent les transactions. Des navires changent de pavillon pour échapper aux contrôles. C’est moins efficace qu’avant. C’est plus coûteux. Mais ça marche.
Le problème fondamental des sanctions, c’est qu’elles ne sont efficaces que si tout le monde les applique. Or, une grande partie du monde refuse de sanctionner la Russie. La Chine, bien sûr. Mais aussi l’Inde, le Brésil, l’Afrique du Sud, la plupart des pays africains, beaucoup de pays asiatiques et latino-américains. Ces pays représentent la majorité de la population mondiale. Ils continuent de commercer avec la Russie. Ils refusent de choisir entre Moscou et Washington. Ils voient dans cette guerre une opportunité de s’affirmer face à l’Occident. Cette fragmentation du monde en blocs rivaux limite drastiquement l’efficacité des sanctions. Elle permet à la Russie de survivre économiquement. De continuer à financer sa machine de guerre. De tenir aussi longtemps que nécessaire. L’autre problème, c’est que les sanctions ont un coût pour ceux qui les imposent. L’Europe a dû renoncer au gaz russe bon marché. Elle a dû trouver des alternatives plus coûteuses. Cela a contribué à l’inflation. À la crise énergétique. Au mécontentement populaire. Ce coût crée une pression pour lever les sanctions. Pour revenir au business as usual. Pour oublier l’Ukraine. Cette pression est exactement ce sur quoi Poutine compte. Il parie que l’Occident se lassera des sanctions avant que la Russie ne s’effondre. Et jusqu’à présent, il semble avoir raison. Les sanctions n’ont pas arrêté la guerre. Elles l’ont rendue plus coûteuse pour la Russie. Mais pas assez pour la forcer à capituler. Car la Russie est prête à payer un prix que l’Occident ne peut pas imaginer. Elle est prête à voir son économie stagner. Son niveau de vie baisser. Ses relations internationales se détériorer. Tant qu’elle peut continuer la guerre. Tant qu’elle peut éviter la défaite. Tant qu’elle peut prouver qu’elle ne capitule jamais.
L’aide militaire insuffisante
L’Occident a fourni à l’Ukraine des dizaines de milliards de dollars d’aide militaire. Des chars, des missiles, des systèmes de défense aérienne, des munitions. C’est une aide massive, sans précédent en temps de paix. Elle a permis à l’Ukraine de tenir. De résister. De contre-attaquer. Sans cette aide, Kiev serait probablement tombée en 2022. Mais cette aide a toujours été trop peu, trop tard. Chaque système d’armes a été livré après des mois de débats. Chaque escalade a été soigneusement calibrée pour ne pas « provoquer » la Russie. Les chars Leopard ? Il a fallu un an pour que l’Allemagne accepte de les livrer. Les F-16 ? Deux ans de discussions avant que les premiers avions n’arrivent. Les missiles à longue portée ? Toujours interdits de frapper le territoire russe, sauf dans des zones limitées. Cette prudence excessive a donné à la Russie le temps de s’adapter. De construire des fortifications. De renforcer ses défenses aériennes. De mobiliser plus d’hommes. Chaque arme miracle annoncée par l’Occident a fini par être neutralisée par les contre-mesures russes. Les HIMARS, si efficaces au début, sont maintenant contrés par les brouilleurs électroniques. Les chars Leopard brûlent aussi facilement que les T-72. Les F-16 n’ont pas changé la donne dans les airs. Cette escalade progressive, cette livraison au compte-gouttes, a transformé l’aide occidentale en un exercice de gestion de crise plutôt qu’en une stratégie de victoire. L’objectif n’est plus d’aider l’Ukraine à gagner. C’est de l’aider à ne pas perdre. De maintenir le statu quo. De prolonger la guerre sans la résoudre.
Le problème, c’est que dans une guerre d’attrition, le statu quo favorise la Russie. Car la Russie peut mobiliser plus d’hommes. Elle peut produire plus de munitions. Elle peut tenir plus longtemps. L’Ukraine, elle, s’épuise. Ses réserves d’hommes diminuent. Ses stocks de munitions s’amenuisent. Sa capacité à continuer la guerre s’érode. Pour vraiment aider l’Ukraine, l’Occident devrait faire plus. Beaucoup plus. Il devrait fournir assez d’armes pour que l’Ukraine puisse lancer des offensives décisives. Assez de munitions pour qu’elle ne soit jamais à court. Assez de systèmes de défense aérienne pour qu’elle puisse protéger ses villes. Assez de missiles à longue portée pour qu’elle puisse frapper les bases russes. Assez d’avions pour qu’elle puisse contester la supériorité aérienne russe. Mais cela, l’Occident refuse de le faire. Par peur de l’escalation. Par peur de la réaction russe. Par peur de la guerre nucléaire. Cette peur est compréhensible. Mais elle condamne l’Ukraine à une guerre qu’elle ne peut pas gagner. L’aide occidentale maintient l’Ukraine en vie, mais ne lui donne pas les moyens de vaincre. C’est une stratégie qui prolonge la souffrance sans offrir d’issue. Qui sacrifie des milliers de vies ukrainiennes pour éviter une confrontation directe avec la Russie. Qui préserve la paix en Europe au prix de la guerre en Ukraine. C’est une stratégie moralement indéfendable. Mais c’est la stratégie que l’Occident a choisie. Et c’est cette stratégie qui explique pourquoi, trois ans après le début de l’invasion, la guerre continue. Sans fin en vue. Sans victoire possible. Juste l’attrition. L’épuisement. La souffrance.
La fatigue de la guerre
Trois ans, c’est long. Trop long pour maintenir l’attention du public. Trop long pour maintenir l’indignation. Trop long pour maintenir le soutien politique. En 2022, l’Ukraine était partout. Dans les médias. Dans les discours politiques. Dans les conversations. Le monde entier soutenait l’Ukraine. Les drapeaux ukrainiens flottaient dans les villes occidentales. Les concerts de soutien se multipliaient. L’aide affluait. Mais en 2025, l’Ukraine a disparu des premières pages. Elle n’est plus l’actualité brûlante. Elle est devenue une guerre lointaine. Un conflit qui dure. Une tragédie qui s’éternise. Les gens se sont habitués. Ils ont d’autres préoccupations. L’inflation. Le chômage. Le changement climatique. Les élections. La guerre en Ukraine est devenue un bruit de fond. Quelque chose dont on parle de temps en temps, quand il y a une escalade. Mais qui n’occupe plus le devant de la scène. Cette lassitude se traduit dans les sondages. Le soutien à l’aide militaire diminue. De plus en plus de gens pensent qu’il faut négocier. Qu’il faut trouver un compromis. Qu’on ne peut pas continuer à envoyer des milliards à l’Ukraine alors qu’il y a des problèmes à résoudre chez nous. Cette évolution de l’opinion publique se reflète dans les décisions politiques. Aux États-Unis, le Congrès bloque l’aide à l’Ukraine pendant des mois. En Europe, certains pays commencent à traîner des pieds. La Hongrie bloque systématiquement toute décision. La Slovaquie élit un gouvernement pro-russe. Même en Allemagne et en France, des voix s’élèvent pour demander des négociations.
Cette fatigue de la guerre est exactement ce sur quoi Poutine compte. Il sait qu’il ne peut pas vaincre l’Ukraine militairement tant que l’Occident la soutient. Mais il sait aussi que ce soutien n’est pas éternel. Qu’il s’érode avec le temps. Que les opinions publiques se lassent. Que les gouvernements changent. Que les priorités évoluent. Alors il attend. Il continue la guerre. Il accepte les pertes. Il encaisse les coups. Mais il ne capitule pas. Car il sait que le temps joue pour lui. Que chaque jour qui passe affaiblit un peu plus le soutien occidental à l’Ukraine. Que chaque mois qui passe rapproche un peu plus le moment où l’Occident dira : « Ça suffit. Il faut arrêter. Il faut négocier. » Et ce jour-là, Poutine aura gagné. Pas une victoire totale. Pas une victoire éclatante. Mais une victoire quand même. Car il aura prouvé que la Russie peut défier l’Occident et s’en sortir. Qu’elle peut envahir un pays, commettre des crimes de guerre, subir des sanctions, et quand même obtenir un résultat acceptable. Cette leçon sera dangereuse. Elle encouragera d’autres autocrates à tenter leur chance. Elle montrera que l’ordre international basé sur les règles n’est qu’une façade. Que la force prime sur le droit. Que l’agression paie, si on est prêt à être patient. C’est l’héritage que cette guerre laissera. Pas seulement la destruction de l’Ukraine. Mais la destruction de l’idée même qu’il existe des règles internationales qui protègent les faibles contre les forts. Et cette destruction, c’est l’Occident qui en sera responsable. Pas par ce qu’il a fait. Mais par ce qu’il n’a pas fait. Par son refus de s’engager totalement. Par sa peur de l’escalation. Par sa lassitude face à une guerre qui dure trop longtemps.
Le coût humain : au-delà des statistiques
Les soldats sacrifiés
1,4 million de victimes. Un chiffre si énorme qu’il en devient abstrait. Mais derrière ce chiffre, il y a des hommes. Des jeunes hommes, pour la plupart. Vingt ans. Vingt-cinq ans. Trente ans. Des hommes qui avaient une vie. Des projets. Des rêves. Des familles. Et qui sont morts dans la boue du Donbass. Ou qui sont revenus mutilés. Amputés. Traumatisés. Brisés. Du côté ukrainien, ce sont des héros. Des défenseurs de la patrie. Des hommes qui se sont battus pour la liberté de leur pays. Leur sacrifice est honoré. Leurs noms sont gravés sur des monuments. Leurs familles reçoivent des pensions. Mais cela ne les ramènera pas. Cela ne consolera pas leurs mères. Cela ne remplira pas le vide qu’ils ont laissé. Du côté russe, ce sont des oubliés. Des chair à canon. Des numéros dans des statistiques que le Kremlin refuse de publier. Leurs corps ne sont souvent même pas rapatriés. Ils sont enterrés dans des fosses communes en Ukraine. Ou laissés à pourrir sur le champ de bataille. Leurs familles reçoivent une compensation dérisoire. Quelques milliers de dollars. Le prix d’une vie russe selon Poutine. Ces soldats russes ne sont pas tous des monstres. Beaucoup ont été mobilisés de force. Arrachés à leurs familles. Envoyés au front sans entraînement adéquat. Sans équipement suffisant. Certains ne voulaient pas se battre. Ils ont déserté. Ou se sont rendus. Ou se sont mutilés pour échapper au combat. Mais la plupart n’ont pas eu le choix. Ils ont obéi. Ils se sont battus. Et ils sont morts. Pour rien. Pour l’orgueil d’un homme. Pour une guerre absurde. Pour un objectif qu’ils ne comprenaient même pas.
Les témoignages de soldats russes capturés révèlent une réalité glaçante. Beaucoup ne savaient même pas pourquoi ils se battaient. On leur avait dit qu’ils allaient libérer l’Ukraine des nazis. Qu’ils seraient accueillis en libérateurs. Mais ils ont découvert un peuple qui les haïssait. Qui les combattait avec acharnement. Qui préférait mourir plutôt que de se rendre. Cette découverte a brisé beaucoup d’entre eux. Ils ont réalisé qu’ils n’étaient pas des héros. Qu’ils étaient des envahisseurs. Des agresseurs. Des criminels. Certains ont refusé de continuer. Ils ont été exécutés par leurs propres officiers. D’autres ont continué, par peur ou par résignation. Ils ont commis des atrocités. Pas par conviction, mais par obéissance. Par peur de désobéir. Par déshumanisation progressive de l’ennemi. Cette guerre a créé une génération de traumatisés. Des deux côtés. Des hommes qui ont vu l’horreur. Qui ont tué. Qui ont vu leurs camarades mourir. Qui ne seront plus jamais les mêmes. Ces hommes sont les vraies victimes de cette guerre. Pas Poutine, qui est confortablement installé au Kremlin. Pas les oligarques, qui continuent de s’enrichir. Pas les généraux, qui donnent des ordres depuis des bunkers sécurisés. Mais les soldats. Les fantassins. Ceux qui meurent dans la boue. Ceux qui perdent leurs jambes sur des mines. Ceux qui reviennent chez eux avec des cauchemars qui ne les quitteront jamais. Eux, personne ne les compte vraiment. Personne ne pleure vraiment pour eux. Ils sont juste des chiffres. Des statistiques. Des pertes acceptables dans le grand jeu géopolitique.
Les civils pris au piège
Si les soldats sont les victimes directes de la guerre, les civils en sont les victimes collatérales. Mais « collatéral » est un euphémisme cruel. Car dans cette guerre, les civils ne sont pas des dommages accidentels. Ils sont des cibles. Délibérément. Systématiquement. Les bombardements russes visent les infrastructures civiles. Les hôpitaux. Les écoles. Les immeubles résidentiels. Les centres commerciaux. Les théâtres. Rien n’est épargné. L’objectif est clair : briser le moral de la population ukrainienne. La terroriser. La forcer à capituler. Cette stratégie de terreur n’est pas nouvelle. Elle a été utilisée en Tchétchénie. En Syrie. Maintenant en Ukraine. C’est la marque de fabrique de l’armée russe moderne. Une armée qui ne peut pas gagner sur le champ de bataille contre un adversaire déterminé. Alors elle s’en prend aux civils. Elle détruit les villes. Elle massacre les populations. Elle espère que la souffrance sera telle que le gouvernement sera forcé de négocier. Mais en Ukraine, cette stratégie a échoué. Les bombardements n’ont pas brisé le moral ukrainien. Au contraire, ils l’ont renforcé. Chaque atrocité commise par les Russes soude un peu plus la nation ukrainienne dans sa résistance. Chaque civil tué devient un martyr. Chaque ville détruite devient un symbole. Chaque crime de guerre renforce la détermination à ne jamais capituler.
Mais cette résistance a un prix terrible. Des dizaines de milliers de civils ukrainiens ont été tués. Des centaines de milliers ont été blessés. Des millions ont été déplacés. Certains ont fui vers l’Europe. D’autres sont restés, vivant dans des caves, sans électricité, sans chauffage, sous les bombardements constants. Ces gens vivent un cauchemar quotidien. Ils ne savent pas si le prochain missile frappera leur immeuble. Si leurs enfants reviendront de l’école. Si demain ils auront encore de l’eau, de la nourriture, un toit. Cette incertitude permanente, cette peur constante, c’est une forme de torture psychologique. Elle brise les gens. Elle détruit les familles. Elle laisse des cicatrices qui ne guériront jamais. Et puis il y a ceux qui vivent sous occupation russe. Des millions d’Ukrainiens dans les territoires occupés. Ils subissent la répression. Les arrestations arbitraires. Les disparitions. Les tortures. Ils sont forcés d’accepter des passeports russes. D’envoyer leurs enfants dans des écoles russes. De regarder la télévision russe. De nier leur identité ukrainienne. Ceux qui résistent disparaissent. Ceux qui parlent sont emprisonnés. Ceux qui protestent sont tués. C’est une occupation brutale qui vise à effacer l’identité ukrainienne. À russifier de force ces territoires. À faire disparaître l’Ukraine, non seulement de la carte, mais aussi de la mémoire. Ces civils, personne ne parle vraiment d’eux. Ils sont oubliés dans les négociations. Ignorés dans les discussions sur la paix. Sacrifiés sur l’autel du réalisme géopolitique. Car tout compromis territorial signifierait les abandonner. Les laisser sous occupation russe. Les condamner à vivre sous un régime qui nie leur existence même. C’est inacceptable. Mais c’est pourtant ce que certains proposent. Au nom de la paix. Au nom du réalisme. Au nom de la fin de la guerre.
Les enfants volés
Parmi toutes les horreurs de cette guerre, il en est une particulièrement révoltante : le vol d’enfants ukrainiens. Depuis le début de l’invasion, les autorités russes ont déporté des milliers d’enfants ukrainiens vers la Russie. Des orphelins, principalement. Mais aussi des enfants séparés de leurs parents pendant les évacuations. Ces enfants sont placés dans des familles russes. Ils reçoivent de nouveaux noms. De nouvelles identités. Ils sont élevés comme des Russes. On leur apprend à oublier leur langue. Leur culture. Leur pays. C’est un génocide culturel. Une tentative d’effacer l’identité ukrainienne en s’attaquant à la génération future. La Cour pénale internationale a émis un mandat d’arrêt contre Poutine pour ce crime. C’est la première fois qu’un chef d’État en exercice d’une puissance nucléaire est inculpé de crimes de guerre. Mais ce mandat ne changera rien. Poutine ne sera jamais jugé. Il ne rendra jamais ces enfants. Car pour lui, ce n’est pas un crime. C’est une politique. Une politique visant à russifier l’Ukraine. À faire disparaître l’identité ukrainienne. À absorber l’Ukraine dans la Russie. Ces enfants volés sont les victimes les plus innocentes de cette guerre. Ils n’ont rien fait. Ils n’ont rien choisi. Ils ont juste eu le malheur de naître ukrainiens au mauvais moment. Et maintenant, ils grandissent en Russie. Coupés de leurs racines. Privés de leur identité. Transformés en Russes malgré eux. Certains ne sauront jamais qu’ils sont ukrainiens. D’autres le découvriront un jour et devront vivre avec ce traumatisme. C’est un crime qui ne sera jamais réparé. Même si l’Ukraine gagne la guerre. Même si ces enfants sont retrouvés et rapatriés. Ils auront perdu des années de leur vie. Ils auront été privés de leur famille. De leur langue. De leur culture. Cette perte est irréversible. Et elle pèsera sur eux toute leur vie.
L'avenir incertain : scénarios pour demain
Le scénario de l’effondrement ukrainien
C’est le scénario que personne ne veut envisager, mais qui devient de plus en plus plausible. L’Ukraine, épuisée par trois ans de guerre, à court d’hommes et de munitions, abandonnée progressivement par l’Occident, finit par craquer. Le front s’effondre. Les villes tombent les unes après les autres. Pokrovsk. Kramatorsk. Sloviansk. Peut-être même Kharkiv. Le gouvernement Zelensky est forcé de négocier dans des conditions désastreuses. Il doit accepter l’annexion du Donbass et de la Crimée. Peut-être même d’autres territoires. Il doit renoncer à l’adhésion à l’OTAN. Peut-être même accepter un statut de neutralité qui ferait de l’Ukraine un État tampon entre la Russie et l’Occident. C’est une défaite totale. Une capitulation déguisée. Mais c’est peut-être la seule façon d’arrêter la guerre. De sauver ce qui peut encore l’être. Ce scénario serait une catastrophe pour l’Ukraine. Des millions d’Ukrainiens resteraient sous occupation russe. Le pays serait amputé de territoires riches et stratégiques. Son économie serait dévastée. Sa population traumatisée. Mais ce serait aussi une catastrophe pour l’Occident. Car cela prouverait que l’agression paie. Que la force prime sur le droit. Que les autocrates peuvent défier l’ordre international et s’en sortir. Les conséquences seraient immenses. La Chine serait encouragée à envahir Taïwan. D’autres pays autoritaires tenteraient leur chance contre leurs voisins. L’ordre international basé sur les règles s’effondrerait. Ce serait le retour à la loi de la jungle. Au règne de la force brute. C’est le scénario cauchemar. Mais c’est aussi, malheureusement, le scénario le plus probable si les tendances actuelles se poursuivent.
Dans ce scénario, la Russie aurait gagné. Pas une victoire totale. Pas la conquête de toute l’Ukraine. Mais une victoire quand même. Elle aurait prouvé qu’elle peut défier l’Occident. Qu’elle peut absorber des pertes énormes. Qu’elle peut endurer des sanctions sévères. Et quand même obtenir un résultat acceptable. Cette victoire renforcerait Poutine. Elle justifierait sa guerre. Elle prouverait que sa stratégie était la bonne. Que la patience et l’endurance finissent par payer. Que la Russie ne capitule jamais. Cette leçon serait dangereuse. Elle encouragerait Poutine à aller plus loin. Peut-être vers les États baltes. Peut-être vers la Moldavie. Peut-être vers d’autres anciennes républiques soviétiques. Car si l’Occident n’a pas défendu l’Ukraine jusqu’au bout, pourquoi défendrait-il ces pays ? Cette dynamique pourrait mener à une série de conflits en Europe de l’Est. À une déstabilisation de toute la région. À une nouvelle Guerre froide, mais cette fois sans les garde-fous qui avaient empêché l’escalation nucléaire. C’est un avenir terrifiant. Mais c’est un avenir possible. Si l’Occident continue sur sa trajectoire actuelle. Si le soutien à l’Ukraine continue de s’éroder. Si la lassitude de la guerre l’emporte sur la détermination à défendre les principes. Alors ce scénario deviendra réalité. Et nous le regretterons tous. Amèrement.
Le scénario du gel du conflit
C’est le scénario que beaucoup considèrent comme le plus réaliste. La guerre ne se termine pas vraiment. Elle se fige. Comme en Corée en 1953. Comme au Donbass entre 2014 et 2022. Une ligne de cessez-le-feu est établie. Elle correspond grosso modo à la ligne de front actuelle. La Russie garde ce qu’elle a conquis. L’Ukraine garde ce qu’elle a défendu. Aucun des deux camps ne reconnaît cette ligne comme une frontière définitive. Mais aucun des deux n’a la force de la changer. Alors la guerre continue, mais à basse intensité. Des tirs sporadiques. Des bombardements occasionnels. Des escarmouches le long de la ligne de contact. Mais plus d’offensives majeures. Plus de batailles décisives. Juste une guerre gelée qui peut durer des décennies. Ce scénario a l’avantage d’arrêter les combats de haute intensité. De réduire les pertes. De permettre à l’Ukraine de commencer à se reconstruire. Mais il a aussi des inconvénients majeurs. D’abord, il laisse des millions d’Ukrainiens sous occupation russe. Ensuite, il ne résout rien. La question territoriale reste ouverte. La menace russe demeure. L’Ukraine ne peut pas rejoindre l’OTAN tant que le conflit n’est pas résolu. Elle reste dans un état de guerre permanent. Enfin, il donne à la Russie le temps de se réarmer. De se préparer pour une nouvelle offensive. De recommencer quand les conditions seront favorables. C’est ce qui s’est passé entre 2014 et 2022. Rien ne garantit que ça ne se reproduira pas.
Pour l’Occident, ce scénario serait confortable. Il permettrait de dire qu’on a soutenu l’Ukraine. Qu’on a empêché une victoire russe totale. Qu’on a défendu les principes. Mais sans avoir à s’engager dans une confrontation directe avec la Russie. Sans avoir à risquer une escalation nucléaire. C’est un compromis. Un entre-deux. Ni victoire ni défaite. Juste un statu quo insatisfaisant mais gérable. Mais pour l’Ukraine, ce scénario serait une tragédie. Car il signifierait abandonner des millions de citoyens. Renoncer à des territoires. Accepter une partition de fait du pays. Vivre sous la menace permanente d’une nouvelle agression russe. C’est inacceptable pour Kiev. Mais c’est peut-être inévitable. Car l’Ukraine n’a pas la force de reprendre les territoires occupés. Et l’Occident n’a pas la volonté de l’aider à le faire. Alors le conflit se figera. Comme tant d’autres conflits gelés dans l’espace post-soviétique. Transnistrie. Abkhazie. Ossétie du Sud. Haut-Karabakh. Maintenant l’Ukraine. Des conflits qui ne sont ni résolus ni actifs. Qui pourrissent pendant des décennies. Qui empoisonnent les relations internationales. Qui maintiennent des populations entières dans un état de guerre permanent. C’est un avenir triste. Mais c’est peut-être le seul avenir réaliste. Si rien ne change. Si l’Occident ne s’engage pas davantage. Si la Russie ne s’effondre pas. Alors l’Ukraine rejoindra la longue liste des conflits gelés. Et la guerre continuera. Indéfiniment. À basse intensité. Mais continuera quand même.
Le scénario de la victoire ukrainienne
C’est le scénario que tout le monde espère, mais que peu croient encore possible. L’Ukraine, soutenue massivement par l’Occident, lance une offensive décisive. Elle perce les lignes russes. Elle libère le Donbass. Elle reprend la Crimée. Elle chasse les Russes de son territoire. C’est une victoire totale. Une victoire qui restaure l’intégrité territoriale de l’Ukraine. Qui prouve que l’agression ne paie pas. Qui renforce l’ordre international. Ce scénario nécessiterait un changement radical de la stratégie occidentale. Il faudrait fournir à l’Ukraine tout ce dont elle a besoin. Des centaines de chars. Des milliers de missiles. Des centaines d’avions. Des munitions en quantité illimitée. Des systèmes de défense aérienne pour protéger les villes. Des missiles à longue portée pour frapper les bases russes. Il faudrait aussi lever toutes les restrictions sur l’utilisation de ces armes. Permettre à l’Ukraine de frapper en profondeur en Russie. De détruire les dépôts de munitions. Les bases aériennes. Les centres de commandement. Il faudrait enfin maintenir et renforcer les sanctions contre la Russie. Couper complètement ses exportations d’énergie. Geler tous ses avoirs à l’étranger. Isoler totalement son économie. Si tout cela était fait, l’Ukraine pourrait gagner. Elle pourrait lancer des offensives qui briseraient les défenses russes. Elle pourrait reprendre ses territoires. Elle pourrait forcer la Russie à se retirer. Mais cela nécessiterait un engagement occidental que nous n’avons pas vu jusqu’à présent. Un engagement total. Sans réserve. Sans peur de l’escalation.
Le problème, c’est que cet engagement semble de moins en moins probable. L’Occident est fatigué de la guerre. Il a peur de l’escalation nucléaire. Il veut que ça s’arrête. Alors il ne donnera pas à l’Ukraine les moyens de gagner. Il lui donnera juste assez pour ne pas perdre. Et dans ces conditions, la victoire ukrainienne est impossible. À moins d’un effondrement interne de la Russie. À moins d’un coup d’État contre Poutine. À moins d’une révolte populaire. Mais ces scénarios semblent peu probables. Le régime russe est stable. La répression est efficace. La population est passive. Alors la victoire ukrainienne reste un rêve. Un espoir. Mais pas une perspective réaliste. C’est tragique. Car l’Ukraine mérite de gagner. Elle se bat pour sa liberté. Pour sa souveraineté. Pour son droit à exister. Elle a prouvé son courage. Sa détermination. Sa résilience. Mais le courage ne suffit pas. La détermination ne suffit pas. La résilience ne suffit pas. Dans une guerre moderne, il faut des armes. Des munitions. Du soutien. Et si ce soutien n’est pas au rendez-vous, même le pays le plus courageux finira par perdre. C’est la dure réalité de la guerre. Une réalité que l’Ukraine découvre douloureusement. Une réalité que l’Occident préfère ignorer. Mais une réalité quand même. Implacable. Incontournable. Tragique.
Les leçons pour l'avenir
Ce que l’Europe doit apprendre
Cette guerre a révélé les faiblesses de l’Europe. Sa dépendance énergétique à la Russie. Son manque de capacités militaires. Son incapacité à agir de manière unie et décisive. Ces faiblesses doivent être corrigées. Urgemment. Car la menace russe ne disparaîtra pas avec la fin de cette guerre. Elle persistera. Peut-être pendant des décennies. L’Europe doit d’abord se réarmer. Massivement. Elle doit augmenter ses budgets de défense. Reconstituer ses stocks de munitions. Moderniser ses armées. Développer sa propre industrie de défense. Elle ne peut plus compter uniquement sur les États-Unis pour sa sécurité. Car les États-Unis se désengagent. Ils se tournent vers l’Asie. Vers la Chine. L’Europe doit apprendre à se défendre seule. Ensuite, l’Europe doit diversifier ses sources d’énergie. Elle ne peut plus dépendre du gaz russe. Elle doit développer les énergies renouvelables. Construire des terminaux de gaz naturel liquéfié. Développer le nucléaire. Cette transition sera coûteuse. Mais elle est nécessaire. Car l’énergie est une arme. Et la Russie l’a utilisée comme telle. Enfin, l’Europe doit renforcer son unité. Elle ne peut plus se permettre d’avoir des pays comme la Hongrie qui bloquent systématiquement toute décision. Elle doit réformer ses institutions. Passer au vote à la majorité qualifiée sur les questions de politique étrangère. Créer une véritable défense européenne. Parler d’une seule voix sur la scène internationale. Ces réformes sont difficiles. Elles nécessitent des abandons de souveraineté. Mais elles sont indispensables. Car dans le monde qui vient, seuls les blocs unis et puissants compteront. Les nations isolées seront des proies faciles.
Mais au-delà de ces mesures pratiques, l’Europe doit aussi réapprendre à se défendre. Moralement. Intellectuellement. Elle doit retrouver la conviction que ses valeurs valent la peine d’être défendues. Que la démocratie, les droits de l’homme, l’État de droit ne sont pas des luxes qu’on peut abandonner quand ça devient difficile. Mais des principes fondamentaux qu’il faut protéger. Coûte que coûte. Cette guerre a montré que l’Europe avait perdu cette conviction. Elle a hésité. Elle a tergiversé. Elle a eu peur. Elle a préféré le confort à la confrontation. La paix à tout prix à la défense des principes. Cette attitude doit changer. Car le monde est dangereux. Les autocrates sont agressifs. Et la faiblesse invite l’agression. L’Europe doit redevenir forte. Pas pour attaquer. Mais pour dissuader. Pour montrer qu’elle ne se laissera pas intimider. Qu’elle défendra ses alliés. Qu’elle punira les agresseurs. Cette force ne se mesure pas seulement en chars et en missiles. Elle se mesure aussi en volonté. En détermination. En capacité à tenir bon face à l’adversité. C’est cette force-là que l’Europe a perdue. Et c’est cette force-là qu’elle doit retrouver. Si elle veut survivre dans le monde qui vient. Un monde où la Russie ne sera pas le seul défi. Où la Chine sera encore plus menaçante. Où les États-Unis seront moins fiables. Un monde où l’Europe devra compter sur elle-même. Et sur elle seule.
Ce que l’OTAN doit repenser
L’OTAN a été créée pour défendre l’Europe contre la menace soviétique. Après la chute de l’URSS, elle a cherché un nouveau rôle. Elle s’est élargie vers l’est. Elle est intervenue dans les Balkans. En Afghanistan. En Libye. Mais elle n’a jamais vraiment eu à affronter une menace existentielle depuis la fin de la Guerre froide. Jusqu’à maintenant. La guerre en Ukraine a rappelé à l’OTAN sa raison d’être originelle : défendre l’Europe contre la Russie. Mais elle a aussi révélé ses limites. L’OTAN n’est pas intervenue directement en Ukraine. Elle a fourni des armes. Du renseignement. De l’entraînement. Mais pas de troupes. Pas de zone d’exclusion aérienne. Pas de frappes contre les bases russes. Pourquoi ? Par peur de l’escalation. Par peur d’une confrontation directe avec une puissance nucléaire. Cette peur est compréhensible. Mais elle pose une question fondamentale : à quoi sert l’OTAN si elle ne peut pas défendre ses alliés contre une agression russe ? L’article 5 du traité de l’OTAN stipule qu’une attaque contre un membre est une attaque contre tous. Mais qu’en est-il des pays qui ne sont pas membres ? Comme l’Ukraine ? Comme la Géorgie ? Comme la Moldavie ? L’OTAN les laissera-t-elle tomber ? Et si oui, quel message cela envoie-t-il à la Russie ? Que tant qu’elle n’attaque pas un membre de l’OTAN, elle peut faire ce qu’elle veut ? Cette ambiguïté est dangereuse. Elle encourage l’agression. Elle crée des zones grises où la Russie peut agir en toute impunité.
L’OTAN doit clarifier sa position. Elle doit décider si elle est prête à défendre l’ordre international ou si elle se limite à la défense de ses membres. Si c’est la première option, elle doit être prête à intervenir contre les agressions, même contre des pays non-membres. Si c’est la seconde, elle doit être honnête et dire clairement que les pays hors OTAN sont livrés à eux-mêmes. Cette clarification est nécessaire. Car l’ambiguïté actuelle crée de faux espoirs. Elle fait croire aux pays comme l’Ukraine qu’ils seront soutenus. Alors qu’en réalité, ce soutien a des limites. Des limites qui apparaissent quand la situation devient vraiment difficile. L’OTAN doit aussi repenser sa stratégie de dissuasion. La dissuasion nucléaire ne suffit plus. Car la Russie a montré qu’elle peut mener des guerres conventionnelles sans que l’OTAN n’intervienne. Elle a compris que la peur de l’escalation nucléaire paralyse l’Occident. Qu’elle peut exploiter cette peur pour obtenir ce qu’elle veut. L’OTAN doit développer une dissuasion conventionnelle crédible. Elle doit montrer qu’elle peut et qu’elle va défendre ses alliés avec des moyens conventionnels. Qu’elle n’a pas besoin de recourir au nucléaire pour arrêter une agression russe. Cela nécessite des investissements massifs. En hommes. En matériel. En capacités de déploiement rapide. Mais c’est nécessaire. Car sans dissuasion crédible, l’OTAN n’est qu’un tigre de papier. Une alliance qui fait peur sur le papier, mais qui ne peut rien faire dans la réalité. Et la Russie l’a bien compris.
Ce que le monde doit retenir
Cette guerre n’est pas qu’un conflit régional. C’est un test pour l’ordre international. Un test que l’Occident est en train d’échouer. Car il a montré qu’il n’est pas prêt à défendre les principes qu’il proclame. Qu’il préfère le confort à la confrontation. Que sa rhétorique sur les droits de l’homme et l’État de droit n’est que cela : de la rhétorique. Quand il s’agit de passer à l’action, de prendre des risques, de faire des sacrifices, l’Occident recule. Cette faiblesse a été notée. Par la Chine, qui observe attentivement comment l’Occident réagit à l’agression russe. Si l’Occident laisse la Russie s’en tirer, la Chine en tirera des conclusions. Elle se dira qu’elle peut envahir Taïwan sans trop de conséquences. Que l’Occident protestera, sanctionnera, mais ne fera rien de décisif. Cette perception est dangereuse. Elle augmente le risque d’une guerre dans le Pacifique. Une guerre qui serait bien plus dévastatrice que celle en Ukraine. Par les autres autocrates du monde, qui voient dans la guerre en Ukraine une opportunité. Si la Russie peut s’en sortir, pourquoi pas eux ? Pourquoi ne pas envahir ce voisin gênant ? Pourquoi ne pas régler ce vieux contentieux territorial par la force ? L’ordre international basé sur les règles s’effondre. Il est remplacé par la loi du plus fort. Par le règne de la force brute. C’est un retour au XIXe siècle. À l’époque des empires. À l’époque où les grandes puissances se partageaient le monde sans se soucier des petits pays. Cette régression est tragique. Car l’ordre international d’après 1945 avait apporté une paix relative. Il avait empêché les guerres de conquête. Il avait protégé les petits pays contre les grands. Maintenant, cet ordre s’effondre. Et personne ne sait ce qui le remplacera.
La leçon de cette guerre est claire : la force compte. Les principes ne suffisent pas. Les déclarations ne suffisent pas. Les sanctions ne suffisent pas. Seule la force compte. La volonté d’utiliser cette force. La détermination à défendre ses intérêts et ses alliés. Coûte que coûte. C’est une leçon dure. Une leçon que l’Occident ne voulait pas apprendre. Il préférait croire que le monde était devenu civilisé. Que les guerres de conquête appartenaient au passé. Que le commerce et l’interdépendance économique empêcheraient les conflits. Mais cette croyance était naïve. Le monde n’a pas changé. Les autocrates n’ont pas changé. Ils comprennent toujours le langage de la force. Et seulement le langage de la force. L’Occident doit réapprendre ce langage. Il doit redevenir fort. Militairement. Économiquement. Politiquement. Il doit montrer qu’il est prêt à défendre ses valeurs. Pas seulement avec des mots. Mais avec des actes. Avec des armes. Avec des soldats si nécessaire. Cette transformation sera difficile. Elle nécessitera des sacrifices. Des investissements. Des changements de mentalité. Mais elle est nécessaire. Car l’alternative, c’est un monde où les autocrates font la loi. Où les petits pays sont à la merci des grands. Où la force prime sur le droit. C’est un monde dangereux. Un monde instable. Un monde où personne n’est en sécurité. Pas même les grandes puissances. Car dans un monde sans règles, tout est possible. Y compris le pire.
La dimension nucléaire : l'épée de Damoclès
Le chantage nucléaire permanent
Depuis le début de l’invasion, Poutine brandit la menace nucléaire. Régulièrement. Systématiquement. Chaque fois que l’Occident envisage d’augmenter son soutien à l’Ukraine, Moscou rappelle qu’elle possède l’arme nucléaire. Que toute intervention directe de l’OTAN pourrait mener à une guerre nucléaire. Que la Russie est prête à utiliser toutes les armes à sa disposition pour défendre ses intérêts vitaux. Ce chantage fonctionne. Il paralyse l’Occident. Il crée une peur qui empêche toute action décisive. Chaque fois qu’une nouvelle arme est envisagée pour l’Ukraine, le débat tourne autour de la réaction russe. Est-ce que ça va provoquer Poutine ? Est-ce que ça va mener à une escalade ? Est-ce que ça va déclencher une guerre nucléaire ? Cette peur est compréhensible. Une guerre nucléaire serait la fin de la civilisation. Des centaines de millions de morts. Des villes entières rayées de la carte. Un hiver nucléaire qui tuerait des milliards de personnes. C’est un scénario apocalyptique que personne ne veut voir se réaliser. Mais cette peur est aussi exploitée. Par Poutine. Par le Kremlin. Par toute la machine de propagande russe. Ils savent que l’Occident a peur. Alors ils jouent sur cette peur. Ils la cultivent. Ils l’amplifient. Chaque déclaration russe sur le nucléaire est calculée pour maximiser l’effet de terreur. Pour paralyser l’Occident. Pour l’empêcher d’agir. Et ça marche. L’Occident hésite. Il tergiverse. Il refuse de fournir certaines armes. Il impose des restrictions sur l’utilisation d’autres. Tout ça par peur de l’escalade nucléaire.
Mais cette peur est-elle justifiée ? Poutine utiliserait-il vraiment l’arme nucléaire ? La réponse est probablement non. Car utiliser l’arme nucléaire serait suicidaire pour la Russie. Cela déclencherait une riposte occidentale qui détruirait la Russie. Cela isolerait totalement Moscou, même de ses alliés comme la Chine. Cela transformerait Poutine en paria absolu. Même en Russie, l’utilisation de l’arme nucléaire serait difficile à justifier. Car contre qui ? Contre l’Ukraine ? Mais l’Ukraine n’a pas d’armes nucléaires. Elle ne menace pas l’existence de la Russie. Utiliser l’arme nucléaire contre elle serait un crime monstrueux qui n’aurait aucune justification stratégique. Contre l’OTAN ? Mais l’OTAN n’a pas attaqué la Russie. Elle s’est contentée de fournir des armes à l’Ukraine. Utiliser l’arme nucléaire contre l’OTAN déclencherait une guerre nucléaire totale. Une guerre que personne ne peut gagner. Alors non, Poutine n’utilisera probablement pas l’arme nucléaire. Mais il continuera à brandir cette menace. Car elle fonctionne. Elle paralyse l’Occident. Elle lui donne un avantage stratégique. C’est du chantage pur et simple. Mais c’est un chantage efficace. Car l’Occident préfère céder plutôt que de prendre le risque, même minime, d’une guerre nucléaire. Et tant que cette peur existera, Poutine continuera à l’exploiter. Il continuera à menacer. À intimider. À paralyser. Car c’est son arme la plus efficace. Pas les missiles nucléaires eux-mêmes. Mais la peur qu’ils inspirent.
La doctrine nucléaire russe : floue et menaçante
La Russie a une doctrine nucléaire officielle. Elle stipule que l’arme nucléaire ne peut être utilisée qu’en cas de menace existentielle pour l’État russe. Ou en réponse à une attaque nucléaire. C’est une doctrine défensive. Rassurante. Mais elle est aussi délibérément floue. Qu’est-ce qu’une « menace existentielle » ? Qui décide ? Quand ? Dans quelles circonstances ? Ces questions n’ont pas de réponse claire. Et c’est voulu. Car cette ambiguïté donne à Moscou une marge de manœuvre. Elle lui permet de menacer d’utiliser l’arme nucléaire dans des situations qui ne sont pas vraiment existentielles. Comme la guerre en Ukraine. Poutine a plusieurs fois laissé entendre que la défaite en Ukraine pourrait constituer une menace existentielle pour la Russie. Que si l’OTAN intervenait directement, cela pourrait justifier l’utilisation de l’arme nucléaire. Ces déclarations sont calculées. Elles visent à créer l’incertitude. À faire croire que Poutine pourrait vraiment franchir le pas. Que la ligne rouge n’est pas si loin. Que le risque est réel. Cette stratégie d’ambiguïté délibérée est efficace. Elle crée une zone grise où personne ne sait vraiment où se situe la limite. Où commence la menace existentielle ? Quand Poutine déciderait-il d’utiliser l’arme nucléaire ? Personne ne le sait. Peut-être même pas Poutine lui-même. Cette incertitude paralyse l’Occident. Car personne ne veut être celui qui franchira la ligne rouge. Qui provoquera l’impensable. Qui déclenchera l’apocalypse nucléaire.
Mais cette stratégie a aussi des limites. Car plus Poutine menace, moins ses menaces sont crédibles. C’est l’histoire du garçon qui criait au loup. Au début, tout le monde a peur. Mais après la dixième, la vingtième menace, les gens commencent à se dire que c’est du bluff. Que Poutine ne franchira jamais le pas. Qu’il utilise la menace nucléaire comme un outil de négociation, pas comme une véritable option militaire. Cette érosion de la crédibilité est dangereuse. Car elle pourrait pousser l’Occident à prendre plus de risques. À fournir des armes plus puissantes. À lever les restrictions. Et si Poutine se sent acculé, s’il pense que sa crédibilité est en jeu, il pourrait être tenté de prouver qu’il ne bluffe pas. De franchir le pas. D’utiliser une arme nucléaire tactique. Pas pour détruire une ville. Mais pour envoyer un message. Pour montrer qu’il est sérieux. Pour forcer l’Occident à reculer. Ce serait une escalade catastrophique. Mais ce n’est pas impossible. C’est le danger du chantage nucléaire. Il crée une dynamique où chaque camp teste les limites de l’autre. Où personne ne sait vraiment où se situe la ligne rouge. Où une erreur de calcul pourrait mener à la catastrophe. C’est un jeu dangereux. Un jeu que le monde n’avait plus joué depuis la Guerre froide. Et c’est un jeu où tout le monde peut perdre. Y compris ceux qui pensent gagner.
Vivre avec la bombe : le nouveau normal
Cette guerre a ramené la menace nucléaire au premier plan. Pendant des décennies, après la fin de la Guerre froide, le monde avait presque oublié cette menace. Les arsenaux nucléaires existaient toujours. Mais ils semblaient relever du passé. D’une époque révolue. La guerre nucléaire semblait impensable. Impossible. Maintenant, elle est de nouveau possible. Pas probable. Mais possible. Et cette possibilité change tout. Elle crée une anxiété permanente. Une peur diffuse. Un sentiment que le monde est au bord du gouffre. Cette peur affecte les décisions politiques. Elle pousse à la prudence. À l’hésitation. À l’inaction. Car personne ne veut être responsable d’avoir déclenché une guerre nucléaire. Même si cette guerre n’aurait probablement jamais lieu. Même si la menace est largement exagérée. La simple possibilité suffit à paralyser. Cette paralysie est ce que Poutine recherche. C’est son objectif stratégique. Pas d’utiliser l’arme nucléaire. Mais de faire croire qu’il pourrait l’utiliser. De créer suffisamment de peur pour que l’Occident n’ose pas agir. Et ça marche. L’Occident est paralysé. Il fournit juste assez d’aide pour que l’Ukraine ne perde pas. Mais pas assez pour qu’elle gagne. Car gagner nécessiterait de prendre des risques. De franchir des lignes rouges. De défier les menaces russes. Et ça, l’Occident n’ose pas le faire. Par peur de l’escalade. Par peur du nucléaire. Par peur de l’apocalypse.
Mais cette peur a un coût. Elle prolonge la guerre. Elle augmente les souffrances. Elle tue plus de gens. Car une guerre courte et décisive aurait fait moins de victimes qu’une guerre longue et d’attrition. Si l’Occident avait fourni dès le début toutes les armes nécessaires, si il avait levé toutes les restrictions, si il avait montré une détermination sans faille, peut-être que la guerre serait déjà finie. Peut-être que l’Ukraine aurait gagné. Peut-être que des centaines de milliers de vies auraient été sauvées. Mais l’Occident a eu peur. Il a hésité. Il a tergiversé. Et maintenant, la guerre dure. Elle s’enlise. Elle devient interminable. La peur du nucléaire tue plus que le nucléaire lui-même. C’est le paradoxe tragique de cette situation. En voulant éviter l’apocalypse, on prolonge l’agonie. En refusant de prendre des risques, on garantit la souffrance. En cherchant la sécurité absolue, on crée l’insécurité permanente. C’est une leçon que le monde devra apprendre. Vivre avec la menace nucléaire ne signifie pas se paralyser. Cela signifie gérer le risque. Calculer. Prendre des décisions difficiles. Accepter qu’il n’y a pas de sécurité absolue. Que tout choix comporte des risques. Mais que l’inaction aussi est un choix. Un choix qui a des conséquences. Des conséquences souvent pires que l’action elle-même. C’est une leçon dure. Mais c’est une leçon nécessaire. Si le monde veut survivre dans l’ère nucléaire. Une ère qui n’est pas terminée. Qui ne le sera jamais. Et avec laquelle nous devrons apprendre à vivre. Que nous le voulions ou non.
La guerre de l'information : la bataille des récits
Les réseaux sociaux comme champ de bataille
Cette guerre ne se déroule pas seulement sur le terrain. Elle se déroule aussi en ligne. Sur les réseaux sociaux. Sur Twitter, Facebook, Telegram, TikTok. C’est là que se joue la bataille des récits. Que chaque camp essaie de convaincre le monde de la justesse de sa cause. L’Ukraine a été brillante dans cette guerre de l’information. Dès le premier jour, Zelensky a utilisé les réseaux sociaux pour communiquer directement avec le monde. Ses vidéos, tournées dans les rues de Kiev, ont fait le tour de la planète. Elles ont montré un leader courageux, déterminé, qui refuse de fuir. Qui reste avec son peuple. Qui se bat. Cette image a été puissante. Elle a galvanisé le soutien occidental. Elle a fait de Zelensky un héros. Un symbole de la résistance. L’Ukraine a aussi été efficace pour documenter les crimes de guerre russes. Chaque atrocité est filmée. Photographiée. Partagée en ligne. Boutcha. Marioupol. Les bombardements d’hôpitaux. Les exécutions de civils. Tout est documenté. Tout est montré au monde. Cette stratégie a été efficace pour maintenir l’indignation internationale. Pour rappeler constamment au monde pourquoi l’Ukraine se bat. Pourquoi elle mérite d’être soutenue. La Russie, elle, a perdu la guerre de l’information. Ses mensonges sont trop grossiers. Ses démentis trop peu crédibles. Ses tentatives de justifier l’invasion trop absurdes. Le monde ne croit plus la propagande russe. Même ses alliés sont gênés. Même la Chine évite de reprendre les narratifs russes. Cette défaite informationnelle est importante. Car elle isole la Russie. Elle la prive de soutien international. Elle renforce la légitimité ukrainienne.
Mais cette guerre de l’information a aussi ses limites. Car elle ne change pas les faits sur le terrain. Elle ne gagne pas les batailles. Elle ne reprend pas les territoires. Elle peut influencer l’opinion publique. Mobiliser le soutien. Maintenir l’indignation. Mais elle ne peut pas remplacer les armes. Les munitions. Les soldats. Et surtout, elle s’essouffle avec le temps. Les images d’horreur finissent par ne plus choquer. Les appels à l’aide finissent par ne plus émouvoir. Les gens se lassent. Ils passent à autre chose. C’est ce qui se passe maintenant. L’Ukraine a gagné la bataille des récits en 2022. Mais en 2025, cette victoire s’érode. Les gens sont fatigués de voir les mêmes images. D’entendre les mêmes appels. De lire les mêmes histoires. Ils veulent que ça s’arrête. Peu importe comment. Cette lassitude est dangereuse pour l’Ukraine. Car elle érode le soutien occidental. Elle crée une pression pour négocier. Pour trouver un compromis. Pour en finir. La guerre de l’information ne peut pas être gagnée indéfiniment. Elle nécessite un renouvellement constant. De nouvelles histoires. De nouveaux angles. De nouvelles émotions. Mais il y a une limite à ce qu’on peut raconter. Une limite à ce que les gens peuvent absorber. Et quand cette limite est atteinte, le récit perd son pouvoir. Il devient du bruit de fond. Quelque chose qu’on ignore. Qu’on zappe. Qu’on oublie. C’est ce qui arrive maintenant à l’Ukraine. Son récit, aussi juste soit-il, perd de sa force. Et avec lui, le soutien occidental s’érode. Lentement. Inexorablement. Tragiquement.
La désinformation russe : semer le doute
Si l’Ukraine a gagné la bataille des récits, la Russie a gagné la bataille du doute. Elle n’a pas réussi à convaincre le monde que son invasion était justifiée. Mais elle a réussi à semer le doute. À créer de la confusion. À faire croire que la vérité est relative. Que chaque camp a sa version. Que personne ne peut vraiment savoir ce qui se passe. Cette stratégie de désinformation est sophistiquée. Elle ne consiste pas à imposer un récit alternatif. Mais à détruire la possibilité même d’un récit cohérent. À noyer la vérité dans un flot de mensonges, de demi-vérités, de théories du complot. Les médias russes et les trolls en ligne inondent les réseaux sociaux de fausses informations. Les massacres de Boutcha ? Une mise en scène. Les bombardements d’hôpitaux ? Des bases militaires déguisées. Les crimes de guerre ? De la propagande ukrainienne. Chaque atrocité est niée. Chaque preuve est contestée. Chaque témoignage est discrédité. Cette avalanche de mensonges ne convainc pas tout le monde. Mais elle crée suffisamment de confusion pour que certains se demandent : et si ? Et si les Ukrainiens mentaient aussi ? Et si la vérité était quelque part entre les deux ? Et si on ne pouvait vraiment faire confiance à personne ? Ce doute est exactement ce que la Russie recherche. Car le doute paralyse. Il empêche l’action. Il justifie l’inaction. Si on ne sait pas vraiment qui a raison, pourquoi prendre parti ? Pourquoi risquer une escalation ? Pourquoi s’impliquer ?
Cette stratégie de désinformation a été particulièrement efficace dans certains pays. En Afrique. En Asie. En Amérique latine. Là où les médias occidentaux ont moins d’influence. Où les narratifs russes trouvent un écho. Où l’anti-occidentalisme est fort. Dans ces pays, beaucoup de gens croient que l’Ukraine est manipulée par l’Occident. Que la guerre est en réalité un conflit entre la Russie et l’OTAN. Que l’Ukraine n’est qu’un pion. Cette perception affaiblit le soutien international à l’Ukraine. Elle permet à la Russie de maintenir des relations commerciales. D’échapper à l’isolement total. De survivre économiquement. Mais même en Occident, la désinformation russe a des effets. Elle alimente les mouvements pro-russes. Les partis d’extrême droite et d’extrême gauche qui s’opposent au soutien à l’Ukraine. Les théoriciens du complot qui voient dans cette guerre une manipulation des élites. Ces groupes sont minoritaires. Mais ils sont bruyants. Et ils créent une pression politique. Ils forcent les gouvernements à justifier constamment leur soutien à l’Ukraine. À défendre leurs décisions. À répondre aux accusations. C’est l’objectif de la désinformation russe. Pas de convaincre la majorité. Mais de créer suffisamment de bruit pour affaiblir le consensus. Pour diviser l’opinion. Pour compliquer la prise de décision. Et dans ce domaine, la Russie a réussi. Elle n’a pas gagné la guerre de l’information. Mais elle a empêché l’Ukraine de la gagner complètement. Et dans une guerre d’attrition, c’est suffisant. Car tant que le doute existe, tant que la confusion persiste, tant que les gens ne sont pas sûrs, le soutien à l’Ukraine restera fragile. Conditionnel. Révocable. Et c’est exactement ce que Poutine veut.
La vérité comme première victime
On dit que la vérité est la première victime de la guerre. Cette guerre le prouve une fois de plus. Des deux côtés, la vérité est manipulée. Déformée. Instrumentalisée. La Russie ment systématiquement. Sur ses pertes. Sur ses objectifs. Sur ses crimes. Mais l’Ukraine aussi embellit la réalité. Elle exagère ses succès. Elle minimise ses pertes. Elle cache ses échecs. C’est compréhensible. Dans une guerre, le moral est crucial. Il faut maintenir l’espoir. Montrer que la victoire est possible. Cacher les faiblesses. Mais cette manipulation de la vérité a un coût. Elle érode la confiance. Quand les gens découvrent qu’on leur a menti, même pour de bonnes raisons, ils deviennent cyniques. Ils ne croient plus rien. Ils se disent que tout le monde ment. Que la vérité n’existe pas. Que chacun raconte sa version. Cette perte de confiance est dangereuse. Car la démocratie repose sur la vérité. Sur la possibilité d’un débat honnête basé sur des faits partagés. Sans vérité, il n’y a pas de débat possible. Seulement des affrontements de narratifs. Des guerres de propagande. Des batailles de désinformation. C’est ce qui se passe maintenant. La guerre en Ukraine n’est plus seulement une guerre militaire. C’est aussi une guerre de l’information. Une guerre où chaque camp essaie d’imposer sa version de la réalité. Où la vérité objective n’existe plus. Où tout est relatif. Où chacun choisit les faits qui l’arrangent et ignore les autres.
Cette situation est tragique. Car elle rend impossible toute résolution pacifique du conflit. Comment négocier quand on ne partage même pas une compréhension commune des faits ? Comment trouver un compromis quand chaque camp vit dans une réalité différente ? Comment construire la paix quand la vérité elle-même est contestée ? Ces questions n’ont pas de réponse facile. Mais elles devront être affrontées. Tôt ou tard. Car cette guerre finira. D’une manière ou d’une autre. Et quand elle finira, il faudra reconstruire. Pas seulement les villes. Pas seulement l’économie. Mais aussi la vérité. Il faudra établir ce qui s’est vraiment passé. Qui a fait quoi. Qui est responsable de quels crimes. Cette recherche de la vérité sera difficile. Elle sera contestée. Elle sera politisée. Mais elle sera nécessaire. Car sans vérité, il n’y a pas de justice possible. Sans justice, il n’y a pas de réconciliation possible. Sans réconciliation, il n’y a pas de paix durable possible. La vérité est la première victime de la guerre. Mais elle doit aussi être la première à être ressuscitée quand la guerre se termine. C’est un défi immense. Peut-être impossible. Mais c’est un défi qu’il faudra relever. Si on veut que cette guerre ait un sens. Si on veut que les sacrifices n’aient pas été vains. Si on veut construire un avenir meilleur. Un avenir où la vérité compte. Où les faits importent. Où le mensonge ne paie pas. C’est un rêve, peut-être. Mais c’est un rêve pour lequel il vaut la peine de se battre. Même quand tout semble perdu. Même quand la vérité semble morte. Car elle ne l’est jamais vraiment. Elle est juste enterrée. En attente. Prête à ressurgir. Quand le moment sera venu.
L'héritage de la guerre : les cicatrices qui ne guériront jamais
Une génération traumatisée
Cette guerre aura des conséquences qui dureront des générations. Les cicatrices physiques guériront. Les villes seront reconstruites. L’économie se rétablira. Mais les cicatrices psychologiques, elles, ne guériront jamais vraiment. Des millions d’Ukrainiens ont vécu l’horreur. Ils ont vu leurs proches mourir. Leurs maisons détruites. Leurs villes bombardées. Ils ont fui sous les bombes. Ils ont vécu dans des caves. Ils ont eu faim. Ils ont eu froid. Ils ont eu peur. Cette peur ne les quittera jamais. Elle restera gravée en eux. Elle les hantera dans leurs cauchemars. Elle ressurgira au moindre bruit fort. Au moindre avion qui passe. À la moindre sirène. C’est le syndrome de stress post-traumatique. Une maladie invisible mais dévastatrice. Qui touche des millions de personnes. Soldats et civils. Adultes et enfants. Personne n’est épargné. Les enfants ukrainiens ont grandi dans la guerre. Certains ne connaissent que ça. Ils sont nés en 2022. Ils n’ont jamais connu la paix. D’autres étaient jeunes quand la guerre a commencé. Ils ont passé leurs années de formation dans la peur. Dans l’incertitude. Dans la violence. Cette enfance volée aura des conséquences. Ces enfants seront marqués à vie. Ils auront des difficultés à faire confiance. À se projeter dans l’avenir. À construire des relations stables. Certains développeront des troubles mentaux. De l’anxiété. De la dépression. Des comportements violents. C’est une génération perdue. Une génération sacrifiée sur l’autel de l’ambition d’un homme.
Les soldats, eux, reviendront changés. Ceux qui reviendront. Car beaucoup ne reviendront pas. Ils resteront dans la terre ukrainienne. Dans des tombes anonymes. Dans des fosses communes. Mais ceux qui reviendront ne seront plus les mêmes. Ils auront vu l’horreur. Ils auront tué. Ils auront vu leurs camarades mourir. Ils porteront ces images en eux pour toujours. Certains s’adapteront. Ils réussiront à réintégrer la société civile. À retrouver une vie normale. Mais beaucoup n’y arriveront pas. Ils resteront prisonniers de la guerre. Même quand elle sera finie. Ils auront des flashbacks. Des cauchemars. Des crises d’angoisse. Ils ne pourront pas supporter les foules. Le bruit. Les feux d’artifice. Tout ce qui leur rappellera la guerre. Certains se tourneront vers l’alcool. Vers les drogues. Vers la violence. Certains se suicideront. C’est le prix caché de la guerre. Celui qu’on ne compte pas dans les statistiques. Celui dont personne ne parle. Mais qui est peut-être le plus lourd. Cette guerre créera des millions de traumatisés. Des gens brisés. Des vies détruites. Des familles déchirées. Et ce traumatisme se transmettra. Aux enfants. Aux petits-enfants. Car le traumatisme ne s’arrête pas avec la génération qui l’a vécu. Il se transmet. Il se perpétue. Il crée des cycles de violence. De souffrance. De dysfonctionnement. C’est l’héritage le plus sombre de cette guerre. Un héritage qui pèsera sur l’Ukraine pendant des décennies. Peut-être des siècles. Et dont personne ne pourra jamais vraiment guérir.
La haine qui ne s’éteindra pas
Avant cette guerre, les Ukrainiens et les Russes étaient des peuples frères. Ils partageaient une histoire commune. Une langue similaire. Des liens familiaux. Beaucoup d’Ukrainiens avaient de la famille en Russie. Beaucoup de Russes avaient de la famille en Ukraine. Les mariages mixtes étaient courants. Les échanges culturels intenses. C’était une relation complexe, certes. Avec des tensions. Des ressentiments. Des incompréhensions. Mais c’était une relation. Cette guerre a tout détruit. Elle a créé une haine qui ne s’éteindra pas. Les Ukrainiens haïssent maintenant les Russes. Pas seulement Poutine. Pas seulement l’armée russe. Mais les Russes en général. Car ils ont soutenu cette guerre. Ou du moins, ils ne s’y sont pas opposés. Ils ont voté pour Poutine. Ils ont applaudi ses discours. Ils ont célébré les victoires russes. Même ceux qui n’ont rien fait, qui sont restés silencieux, sont coupables aux yeux des Ukrainiens. Car le silence est une forme de complicité. Cette haine est compréhensible. Quand on a vu sa ville bombardée. Ses proches tués. Sa vie détruite. Il est difficile de ne pas haïr ceux qui ont fait ça. Ou qui ont laissé faire. Mais cette haine est aussi dangereuse. Car elle empoisonnera les relations entre les deux peuples pour des générations. Elle créera un fossé infranchissable. Une blessure qui ne guérira jamais. Les Ukrainiens ne pardonneront jamais. Ils n’oublieront jamais. Et ils transmettront cette haine à leurs enfants. Qui la transmettront à leurs propres enfants. Et ainsi de suite.
Cette haine aura des conséquences concrètes. Les liens familiaux sont rompus. Les Ukrainiens qui avaient de la famille en Russie ont coupé les ponts. Ils ne parlent plus à leurs cousins russes. À leurs oncles. À leurs tantes. Même s’ils n’ont rien fait personnellement. Même s’ils s’opposent à la guerre. Car pour les Ukrainiens, être russe est devenu synonyme d’être complice. La langue russe, autrefois largement parlée en Ukraine, est maintenant rejetée. Les Ukrainiens refusent de la parler. Ils passent à l’ukrainien. Même ceux qui ne le parlaient pas couramment avant. C’est un acte de résistance. Une affirmation d’identité. Mais c’est aussi un rejet. Un refus de tout ce qui est russe. La culture russe, autrefois appréciée en Ukraine, est maintenant bannie. Les livres russes sont retirés des bibliothèques. Les films russes sont interdits. La musique russe n’est plus diffusée. C’est une rupture totale. Un divorce culturel. Une séparation qui sera difficile, voire impossible, à inverser. Cette haine est l’héritage le plus toxique de cette guerre. Elle empoisonnera les relations entre les deux peuples pour des générations. Elle créera des cycles de violence. De vengeance. De ressentiment. Elle rendra impossible toute réconciliation. Toute coexistence pacifique. Toute normalisation des relations. C’est une tragédie. Car ces deux peuples étaient proches. Ils auraient pu vivre en paix. Construire ensemble. Prospérer ensemble. Mais cette guerre a tout détruit. Et ce qui a été détruit ne pourra jamais être reconstruit. Pas vraiment. Pas complètement. Les cicatrices resteront. Pour toujours.
Le coût économique : des décennies de reconstruction
Au-delà du coût humain, cette guerre a un coût économique colossal. L’Ukraine a été dévastée. Ses infrastructures détruites. Ses villes rasées. Son économie anéantie. Les estimations du coût de la reconstruction varient. Mais elles tournent toutes autour de plusieurs centaines de milliards de dollars. Peut-être un trillion. C’est une somme astronomique. Plusieurs fois le PIB ukrainien d’avant-guerre. Il faudra des décennies pour reconstruire. Pour réparer les routes. Les ponts. Les écoles. Les hôpitaux. Les immeubles résidentiels. Les usines. Tout ce qui a été détruit. Et pendant ce temps, l’Ukraine restera pauvre. Dépendante de l’aide internationale. Incapable de se développer normalement. Cette pauvreté aura des conséquences. Elle poussera les jeunes à émigrer. À chercher une vie meilleure ailleurs. En Europe. En Amérique. Partout sauf en Ukraine. Cette fuite des cerveaux affaiblira encore plus le pays. Elle le privera de ses forces vives. De ceux qui auraient pu le reconstruire. Le moderniser. Le faire prospérer. L’Ukraine risque de devenir un pays vidé de sa substance. Peuplé principalement de personnes âgées. Avec une économie stagnante. Un avenir incertain. C’est un scénario tragique. Mais c’est un scénario réaliste. Si l’aide internationale n’est pas massive. Si la reconstruction n’est pas rapide. Si l’espoir ne revient pas.
La Russie aussi paiera un prix économique. Les sanctions ont fait mal. Elles continueront de faire mal. L’économie russe est coupée des marchés occidentaux. Elle ne peut plus importer de technologies avancées. Elle ne peut plus exporter facilement. Elle est isolée. Cette isolation aura des conséquences à long terme. Elle ralentira le développement. Elle maintiendra la Russie dans un état de retard technologique. Elle la rendra dépendante de la Chine. Cette dépendance sera coûteuse. Car la Chine ne fait pas de cadeaux. Elle profitera de la faiblesse russe pour obtenir des conditions avantageuses. Pour s’approprier des ressources. Pour étendre son influence. La Russie, qui se voulait une grande puissance indépendante, deviendra un satellite de la Chine. Un fournisseur de matières premières. Un marché captif. C’est une humiliation. Mais c’est le prix de la guerre. Le prix de l’isolement. Le prix de l’agression. Cette guerre appauvrira les deux pays. Elle les privera de décennies de développement. Elle les maintiendra dans un état de sous-développement relatif. Pendant que le reste du monde avancera, l’Ukraine et la Russie stagneront. Prisonnières de leur conflit. Prisonnières de leur histoire. Prisonnières de leurs choix. C’est un gâchis immense. Un gaspillage de ressources. De talents. D’opportunités. Mais c’est la réalité. La dure réalité de la guerre. Une réalité que les deux pays devront affronter. Pendant des décennies. Peut-être des générations. Sans espoir de s’en sortir vraiment. Car les cicatrices économiques, comme les cicatrices psychologiques, ne guérissent jamais complètement. Elles restent. Elles marquent. Elles limitent. Pour toujours.
La communauté internationale : spectateurs impuissants
L’ONU paralysée
L’Organisation des Nations Unies a été créée pour empêcher les guerres d’agression. Pour protéger les petits pays contre les grands. Pour maintenir la paix et la sécurité internationales. Mais face à la guerre en Ukraine, l’ONU s’est révélée totalement impuissante. Le Conseil de sécurité, censé être le garant de la paix mondiale, est paralysé. Car la Russie y dispose d’un droit de veto. Elle peut bloquer toute résolution qui la condamne. Toute sanction qui la vise. Toute action qui pourrait l’arrêter. C’est un paradoxe absurde. L’agresseur peut empêcher l’organisation internationale de le sanctionner. Le criminel peut bloquer sa propre condamnation. Le pyromane peut empêcher les pompiers d’intervenir. Cette situation révèle l’obsolescence du système onusien. Un système conçu en 1945 pour un monde qui n’existe plus. Un système qui donne un pouvoir démesuré aux cinq membres permanents du Conseil de sécurité. Un système qui ne peut pas fonctionner quand l’un de ces membres est l’agresseur. L’Assemblée générale de l’ONU a bien adopté des résolutions condamnant l’agression russe. Mais ces résolutions n’ont aucune force contraignante. Elles sont symboliques. Elles expriment l’indignation de la communauté internationale. Mais elles ne changent rien sur le terrain. Elles ne protègent pas l’Ukraine. Elles ne punissent pas la Russie. Elles ne font que constater l’impuissance de l’ONU. Cette impuissance est tragique. Car elle montre que le système international ne fonctionne plus. Qu’il ne peut plus protéger les pays contre l’agression. Qu’il est devenu obsolète. Inutile. Dépassé.
Cette crise de l’ONU n’est pas nouvelle. Elle a été révélée lors de la guerre en Syrie. Lors de l’annexion de la Crimée. Lors de nombreux autres conflits. Mais la guerre en Ukraine la rend encore plus évidente. Plus criante. Plus inacceptable. Car c’est une guerre en Europe. Une guerre qui menace la paix mondiale. Une guerre qui pourrait dégénérer en conflit nucléaire. Et l’ONU ne peut rien faire. Elle est réduite à un rôle de spectateur. À publier des rapports. À exprimer des préoccupations. À appeler au dialogue. Mais sans pouvoir d’action. Sans capacité d’intervention. Sans moyens de contrainte. Cette impuissance pose une question fondamentale : à quoi sert l’ONU si elle ne peut pas empêcher les guerres d’agression ? Si elle ne peut pas protéger les pays faibles contre les pays forts ? Si elle ne peut pas faire respecter le droit international ? La réponse est douloureuse : l’ONU ne sert plus à grand-chose. Elle est devenue une coquille vide. Une institution qui survit par inertie. Qui organise des conférences. Qui publie des rapports. Qui emploie des milliers de fonctionnaires. Mais qui n’a plus d’impact réel sur le cours des événements. Cette réalité est déprimante. Car elle signifie que le monde n’a plus d’arbitre. Plus de garant de la paix. Plus d’institution capable d’empêcher les guerres. Nous sommes revenus à un monde où seule la force compte. Où les grands font ce qu’ils veulent. Où les petits subissent. C’est un monde dangereux. Un monde instable. Un monde où tout peut arriver. Y compris le pire.
Les organisations régionales dépassées
Si l’ONU est impuissante, les organisations régionales ne font guère mieux. L’OSCE, l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, était censée prévenir les conflits en Europe. Elle avait des observateurs dans le Donbass depuis 2014. Ils documentaient les violations du cessez-le-feu. Ils essayaient de maintenir un dialogue. Mais ils n’ont rien pu empêcher. Quand l’invasion a commencé, ils ont dû évacuer. Leur mission a été suspendue. Ils sont devenus inutiles. Le Conseil de l’Europe a exclu la Russie. C’est un geste symbolique. Mais il ne change rien. La Russie s’en moque. Elle n’a jamais vraiment respecté les valeurs du Conseil de l’Europe de toute façon. Son exclusion ne la punit pas. Elle la libère juste de l’obligation de faire semblant. L’Union européenne a été plus active. Elle a imposé des sanctions. Elle a fourni de l’aide à l’Ukraine. Elle a accueilli des millions de réfugiés. Mais elle reste divisée. Certains pays, comme la Pologne et les États baltes, veulent aller plus loin. D’autres, comme la Hongrie, bloquent. Cette division affaiblit l’UE. Elle l’empêche d’agir de manière décisive. Elle la réduit au plus petit dénominateur commun. À des compromis mous qui ne satisfont personne et n’impressionnent pas la Russie. Ces organisations régionales révèlent leurs limites. Elles ont été conçues pour gérer des crises mineures. Des différends diplomatiques. Des violations limitées. Mais face à une guerre d’agression majeure, elles sont dépassées. Elles n’ont ni les moyens ni la volonté d’agir efficacement.
Cette impuissance des organisations internationales et régionales a des conséquences graves. Elle montre que le système multilatéral ne fonctionne plus. Que les institutions créées après 1945 sont obsolètes. Qu’elles ne peuvent plus gérer les crises du XXIe siècle. Cette réalisation est dangereuse. Car elle encourage les pays à agir unilatéralement. À ignorer les institutions internationales. À faire ce qu’ils veulent sans se soucier des règles. Si les institutions ne peuvent pas les arrêter, pourquoi se gêner ? Cette logique mène au chaos. À un monde sans règles. Sans arbitre. Sans garde-fous. Un monde où chaque pays fait ce qu’il veut. Où la force prime sur le droit. Où l’agression paie. C’est le monde vers lequel nous nous dirigeons. Un monde post-multilatéral. Un monde où les institutions internationales existent encore, mais n’ont plus d’importance. Où les vraies décisions se prennent ailleurs. Dans des négociations bilatérales. Dans des rapports de force. Dans des confrontations directes. C’est un monde dangereux. Un monde instable. Un monde où les petits pays n’ont aucune protection. Où seuls les forts survivent. Où la guerre redevient un outil normal de la politique. C’est un retour au XIXe siècle. À l’époque des empires. À l’époque où la guerre était glorifiée. Où la conquête était légitime. Où les faibles étaient écrasés sans remords. Nous pensions avoir dépassé cette époque. Nous avions tort. Elle revient. Et nous ne savons pas comment l’arrêter.
Le Sud global : entre neutralité et opportunisme
Une des grandes surprises de cette guerre a été la réaction du Sud global. L’Occident s’attendait à ce que le monde entier condamne l’agression russe. Qu’il se range du côté de l’Ukraine. Qu’il soutienne les sanctions contre la Russie. Mais ce n’est pas ce qui s’est passé. La plupart des pays d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine ont choisi la neutralité. Ils ont refusé de condamner la Russie. Ils ont refusé d’imposer des sanctions. Ils ont continué à commercer avec Moscou. Certains ont même augmenté leurs échanges. Cette neutralité a plusieurs explications. D’abord, beaucoup de ces pays ont des liens historiques avec la Russie. Ou plutôt avec l’Union soviétique. Pendant la Guerre froide, l’URSS soutenait les mouvements de libération nationale. Elle fournissait des armes. Des conseillers. De l’aide économique. Cette mémoire reste vivace. Beaucoup de dirigeants africains et asiatiques ont été formés en URSS. Ils gardent une certaine sympathie pour la Russie. Ensuite, il y a l’anti-occidentalisme. Beaucoup de pays du Sud global en veulent à l’Occident. Pour le colonialisme. Pour l’impérialisme. Pour les interventions militaires. Pour les leçons de morale. Ils voient dans la guerre en Ukraine une occasion de défier l’Occident. De montrer qu’ils ne sont pas ses vassaux. Qu’ils peuvent avoir leur propre politique. Enfin, il y a l’opportunisme. La guerre en Ukraine crée des opportunités économiques. La Russie vend son pétrole à prix réduit. L’Inde et la Chine en profitent. Elles achètent massivement. Elles raffinent. Elles revendent. Elles font des profits. Pourquoi refuseraient-elles ?
Cette neutralité du Sud global affaiblit considérablement l’effort occidental pour isoler la Russie. Elle permet à Moscou de survivre économiquement. De contourner les sanctions. De maintenir ses exportations. Elle montre aussi que le monde est divisé. Qu’il n’y a plus de consensus international. Que l’Occident ne peut plus imposer sa vision. Cette division est inquiétante. Car elle rend impossible toute action collective. Si la moitié du monde refuse de sanctionner l’agresseur, les sanctions ne peuvent pas être efficaces. Si la moitié du monde refuse de condamner l’agression, la condamnation perd son poids moral. Si la moitié du monde continue à commercer avec l’agresseur, l’isolement est impossible. Le Sud global a choisi son camp : le sien. Il refuse de choisir entre l’Occident et la Russie. Il veut profiter des deux. Commercer avec les deux. Jouer les deux l’un contre l’autre. Cette stratégie est rationnelle du point de vue de ces pays. Pourquoi se priver d’opportunités économiques pour défendre des principes abstraits ? Pourquoi risquer la colère de la Russie pour plaire à l’Occident ? Mais cette stratégie a un coût. Elle affaiblit l’ordre international. Elle encourage l’agression. Elle montre que le crime paie. Que l’agresseur peut trouver des alliés. Que l’isolement n’est plus possible. Cette leçon sera retenue. Par la Chine. Par d’autres pays autoritaires. Par tous ceux qui ont des ambitions territoriales. Ils se diront que l’agression est possible. Que le monde ne s’unira pas contre eux. Que certains pays les soutiendront. Ou du moins resteront neutres. Et cette perception augmentera le risque de nouvelles guerres. De nouveaux conflits. De nouvelles agressions. C’est l’héritage toxique de la neutralité du Sud global. Un héritage dont nous paierons tous le prix. Tôt ou tard.
Épilogue : vivre avec l'inacceptable
Quand la guerre devient normale
Trois ans. Mille jours. Des centaines de milliers de morts. Et la guerre continue. Elle est devenue normale. Partie du paysage. Quelque chose dont on parle de temps en temps, mais qui ne choque plus vraiment. Les images de destructions ne font plus la une. Les appels à l’aide de Zelensky ne font plus vibrer les foules. Les statistiques de pertes sont devenues des chiffres abstraits. La guerre s’est banalisée. Elle est devenue un bruit de fond. Quelque chose qu’on a appris à vivre avec. Cette normalisation est terrifiante. Car elle signifie que nous avons accepté l’inacceptable. Nous avons accepté qu’une guerre d’agression puisse durer indéfiniment en Europe. Nous avons accepté que des villes soient bombardées quotidiennement. Nous avons accepté que des civils meurent par milliers. Nous avons accepté que des crimes de guerre soient commis en toute impunité. Cette acceptation est une défaite morale. Une capitulation de notre humanité. Une trahison de nos valeurs. Mais c’est aussi une réalité. Car on ne peut pas maintenir l’indignation indéfiniment. On ne peut pas rester mobilisé éternellement. On ne peut pas vivre dans l’urgence permanente. Alors on s’habitue. On normalise. On accepte. C’est un mécanisme de défense psychologique. Mais c’est aussi une tragédie. Car cette normalisation permet à la guerre de continuer. Si personne ne s’indigne plus, si personne ne proteste plus, si personne ne fait pression plus, pourquoi les gouvernements changeraient-ils leur politique ? Pourquoi augmenteraient-ils leur aide ? Pourquoi prendraient-ils des risques ?
Cette normalisation de la guerre en Ukraine est un avertissement. Elle montre que nous pouvons nous habituer à n’importe quoi. Même à l’horreur. Même à l’injustice. Même au crime. Si cette guerre peut devenir normale, qu’est-ce qui ne peut pas le devenir ? Une guerre en Asie ? Une guerre au Moyen-Orient ? Une guerre en Afrique ? Nous nous habituerons. Nous normaliserons. Nous accepterons. C’est la pente glissante vers un monde où la guerre redevient banale. Où elle n’est plus l’exception mais la règle. Où elle fait partie du paysage international. Comme au XIXe siècle. Comme avant 1945. Nous sommes en train de désapprendre les leçons de l’histoire. Nous oublions pourquoi l’ONU a été créée. Pourquoi l’ordre international basé sur les règles a été établi. Pourquoi nous avons dit « plus jamais ça » après 1945. Nous oublions que la guerre n’est pas normale. Qu’elle n’est pas acceptable. Qu’elle doit être combattue. Toujours. Partout. Sans exception. Cette amnésie collective est dangereuse. Car elle ouvre la porte à de nouvelles guerres. À de nouvelles agressions. À de nouvelles horreurs. Si nous acceptons celle-ci, pourquoi pas la prochaine ? Et celle d’après ? Où s’arrête-t-on ? La réponse est : nulle part. On ne s’arrête pas. On continue. On normalise. On accepte. Jusqu’à ce que le monde entier soit en feu. Jusqu’à ce qu’il soit trop tard. Jusqu’à ce que nous réalisions, trop tard, que nous aurions dû agir. Que nous aurions dû résister. Que nous aurions dû refuser d’accepter l’inacceptable. Mais à ce moment-là, il sera trop tard. Le mal sera fait. Et nous ne pourrons que le regretter. Amèrement.
L’espoir malgré tout
Mais malgré tout ce désespoir, malgré toute cette noirceur, il reste un espoir. Ténu. Fragile. Mais réel. L’espoir que l’Ukraine tiendra. Qu’elle ne capitulera pas. Qu’elle continuera à se battre. Aussi longtemps qu’il le faudra. Car les Ukrainiens ont prouvé quelque chose d’extraordinaire. Ils ont prouvé que la liberté vaut la peine de se battre. Que la souveraineté n’est pas négociable. Que l’identité nationale n’est pas une abstraction. Ils ont montré au monde ce que signifie vraiment la résistance. Pas dans les livres d’histoire. Pas dans les films. Mais dans la réalité. Dans la boue. Dans le sang. Dans la souffrance. Cette résistance est héroïque. Elle mérite d’être soutenue. Elle mérite d’être célébrée. Elle mérite de gagner. Mais elle ne peut pas gagner seule. Elle a besoin de nous. De l’Occident. Du monde libre. Elle a besoin que nous ne l’abandonnions pas. Que nous ne nous lassions pas. Que nous continuions à la soutenir. Aussi longtemps qu’il le faudra. Cet espoir repose aussi sur la possibilité d’un changement en Russie. Poutine ne sera pas éternel. Son régime n’est pas invincible. Un jour, il tombera. Par un coup d’État. Par une révolution. Par sa mort naturelle. Et quand il tombera, peut-être que la Russie changera. Peut-être qu’elle deviendra démocratique. Peut-être qu’elle reconnaîtra ses crimes. Peut-être qu’elle fera la paix avec l’Ukraine. C’est un espoir lointain. Peut-être naïf. Mais c’est un espoir quand même.
Cet espoir repose enfin sur nous. Sur notre capacité à ne pas oublier. À ne pas normaliser. À ne pas accepter. Sur notre capacité à maintenir l’indignation. À exiger des comptes. À soutenir l’Ukraine. Non pas par intérêt. Non pas par calcul. Mais par principe. Parce que c’est juste. Parce que c’est nécessaire. Parce que si nous abandonnons l’Ukraine, nous abandonnons une partie de nous-mêmes. Nous abandonnons nos valeurs. Nos principes. Notre humanité. L’espoir, c’est de refuser d’accepter l’inacceptable. De continuer à se battre. Même quand tout semble perdu. Même quand la victoire semble impossible. Même quand la lassitude nous gagne. Car c’est dans ces moments-là que l’espoir est le plus nécessaire. C’est dans ces moments-là que l’abandon est le plus tentant. C’est dans ces moments-là que nous devons tenir bon. Pour l’Ukraine. Pour nous-mêmes. Pour l’avenir. Car si nous abandonnons maintenant, nous enverrons un message terrible au monde. Nous dirons que l’agression paie. Que la force prime sur le droit. Que les autocrates peuvent faire ce qu’ils veulent. Et ce message encouragera de nouvelles guerres. De nouvelles agressions. De nouvelles horreurs. Mais si nous tenons bon, si nous continuons à soutenir l’Ukraine, si nous refusons d’accepter la défaite, nous enverrons un message différent. Nous dirons que la liberté vaut la peine de se battre. Que les principes comptent. Que le droit finira par l’emporter. Ce message donnera de l’espoir. Aux Ukrainiens. Aux autres peuples opprimés. À tous ceux qui croient encore en un monde meilleur. C’est pour cet espoir que nous devons continuer. Malgré tout. Malgré la fatigue. Malgré le désespoir. Malgré l’impression que rien ne change. Car tout peut changer. En un instant. L’histoire l’a prouvé maintes fois. Les empires tombent. Les tyrans meurent. Les peuples se libèrent. Cela prend du temps. Parfois des décennies. Mais cela arrive. Toujours. Et quand cela arrivera, nous voudrons pouvoir nous regarder dans le miroir. Et nous dire que nous étions du bon côté de l’histoire. Que nous n’avons pas abandonné. Que nous avons tenu bon. Jusqu’au bout.
Le choix qui nous définira
Cette guerre est un test. Un test pour l’Occident. Un test pour nos valeurs. Un test pour notre détermination. Allons-nous défendre ce en quoi nous prétendons croire ? Ou allons-nous abandonner quand ça devient difficile ? Allons-nous soutenir l’Ukraine jusqu’à la victoire ? Ou allons-nous la laisser tomber quand notre intérêt nous le dictera ? Ce choix nous définira. Il dira qui nous sommes vraiment. Pas ce que nous prétendons être. Mais ce que nous sommes. Dans les actes. Dans les faits. Dans les moments difficiles. Jusqu’à présent, nous avons échoué ce test. Nous avons fourni de l’aide, certes. Mais pas assez. Nous avons imposé des sanctions, certes. Mais pas assez sévères. Nous avons condamné l’agression, certes. Mais sans conséquences réelles. Nous avons fait le minimum. Juste assez pour nous donner bonne conscience. Mais pas assez pour faire la différence. Cette demi-mesure est une forme de lâcheté. Une trahison déguisée. Une capitulation progressive. Et l’Ukraine le paie de son sang. Mais il n’est pas trop tard. Nous pouvons encore changer. Nous pouvons encore faire le bon choix. Nous pouvons encore soutenir l’Ukraine comme elle le mérite. Massivement. Sans réserve. Sans peur de l’escalation. Car la vraie escalation, c’est de laisser la Russie gagner. C’est d’envoyer le message que l’agression paie. C’est d’encourager de nouvelles guerres. De nouveaux conflits. De nouvelles horreurs. Voilà la vraie escalation. Pas celle que nous craignons. Mais celle que nous créons par notre inaction.
Le choix est simple. Difficile, mais simple. Soit nous soutenons l’Ukraine jusqu’à la victoire. Soit nous l’abandonnons à son sort. Il n’y a pas de demi-mesure. Pas de compromis. Pas de juste milieu. Car dans une guerre existentielle, il n’y a que la victoire ou la défaite. Et si l’Ukraine perd, nous perdons tous. Nous perdons nos valeurs. Nos principes. Notre crédibilité. Nous perdons le droit de nous dire démocrates. Défenseurs des droits de l’homme. Gardiens de l’ordre international. Car tout cela n’aura été que des mots. Des mots vides. Des mots sans substance. Des mots qui ne signifient rien quand il faut passer à l’action. Ce choix nous définira pour les générations à venir. Nos enfants nous demanderont : qu’avez-vous fait quand l’Ukraine se battait pour sa survie ? Qu’avez-vous fait quand la Russie commettait des crimes de guerre ? Qu’avez-vous fait quand l’ordre international s’effondrait ? Et nous devrons répondre. Nous devrons leur dire la vérité. Que nous avons fait le minimum. Que nous avons eu peur. Que nous avons préféré notre confort à la justice. Ou nous pourrons leur dire que nous avons fait ce qu’il fallait. Que nous avons soutenu l’Ukraine. Que nous n’avons pas abandonné. Que nous étions du bon côté de l’histoire. Ce choix nous appartient. À nous. Maintenant. Aujourd’hui. Demain il sera peut-être trop tard. Demain l’Ukraine aura peut-être perdu. Demain nous regretterons peut-être de ne pas avoir agi. Mais aujourd’hui, nous pouvons encore agir. Nous pouvons encore faire la différence. Nous pouvons encore choisir d’être du bon côté de l’histoire. La question est : le ferons-nous ? Aurons-nous le courage ? La détermination ? La volonté ? Ou continuerons-nous à hésiter ? À tergiverser ? À faire semblant ? L’histoire nous jugera. Et son jugement sera sans appel. Car l’histoire ne pardonne pas la lâcheté. Elle ne pardonne pas l’indifférence. Elle ne pardonne pas l’abandon. Elle se souvient. Toujours. Et elle nous tiendra responsables. De nos choix. De nos actions. De nos inactions. Alors choisissons bien. Car ce choix nous définira. Pour toujours.
Les alliés de l'ombre : qui soutient vraiment la Russie
La Chine : l’allié ambigu
La Chine est le grand gagnant géopolitique de cette guerre. Elle n’a pas eu à tirer un coup de feu. Elle n’a pas eu à prendre de risques. Elle s’est contentée d’observer. Et de profiter. D’abord, elle profite économiquement. Elle achète le pétrole et le gaz russes à prix réduit. Elle vend à la Russie les produits que l’Occident ne vend plus. Elle est devenue le principal partenaire commercial de Moscou. Cette dépendance russe vis-à-vis de la Chine donne à Pékin un pouvoir immense. Un pouvoir qu’elle n’hésitera pas à utiliser quand le moment sera venu. Ensuite, elle profite stratégiquement. La guerre en Ukraine occupe l’Occident. Elle mobilise ses ressources. Elle concentre son attention. Pendant ce temps, la Chine peut avancer ses pions ailleurs. En Asie. En Afrique. En Amérique latine. Elle peut étendre son influence sans que l’Occident ne réagisse vraiment. Car l’Occident est occupé ailleurs. Enfin, elle profite politiquement. La guerre en Ukraine divise l’Occident. Elle crée des tensions entre les États-Unis et l’Europe. Elle affaiblit l’OTAN. Elle montre les limites de la puissance occidentale. Tout cela sert les intérêts chinois. Car la Chine veut un monde multipolaire. Un monde où l’Occident n’est plus dominant. Un monde où elle peut imposer ses règles. Cette guerre l’en rapproche. Mais la Chine joue un jeu subtil. Elle ne soutient pas ouvertement la Russie. Elle ne fournit pas d’armes. Elle ne contourne pas ouvertement les sanctions. Elle maintient une façade de neutralité. Elle se présente comme un médiateur potentiel. Comme un acteur responsable. Comme une puissance qui cherche la paix. C’est du théâtre. De la propagande. Mais c’est efficace. Car cela lui permet de maintenir ses relations avec l’Occident tout en soutenant discrètement la Russie.
Cette ambiguïté chinoise est calculée. Pékin sait que soutenir trop ouvertement la Russie lui coûterait cher. Les sanctions occidentales pourraient s’étendre à la Chine. Les entreprises chinoises pourraient être exclues des marchés occidentaux. L’économie chinoise, qui dépend encore largement des exportations vers l’Occident, en souffrirait. Alors la Chine marche sur une corde raide. Elle soutient la Russie juste assez pour l’empêcher de s’effondrer. Mais pas assez pour provoquer l’Occident. Elle achète son pétrole. Mais elle ne lui fournit pas d’armes. Elle bloque les résolutions de l’ONU. Mais elle ne veto pas ouvertement. Elle critique les sanctions. Mais elle ne les contourne pas trop ouvertement. C’est un équilibre délicat. Mais jusqu’à présent, il fonctionne. La Chine profite de la guerre sans en payer le prix. Elle renforce sa position sans prendre de risques. C’est la stratégie parfaite. Du moins à court terme. Car à long terme, cette ambiguïté pourrait lui coûter cher. Si la Russie perd, la Chine aura soutenu le mauvais camp. Si la Russie gagne, l’Occident se méfiera encore plus de la Chine. Dans les deux cas, la Chine pourrait se retrouver isolée. Mais pour l’instant, elle joue son jeu. Et elle le joue bien. Mieux que la Russie. Mieux que l’Occident. Car elle a compris quelque chose que les autres n’ont pas compris : dans cette guerre, le vrai gagnant n’est pas celui qui se bat. C’est celui qui observe. Qui attend. Qui profite. Et c’est exactement ce que fait la Chine. Patiemment. Méthodiquement. Impitoyablement.
L’Iran et la Corée du Nord : les fournisseurs d’armes
Si la Chine soutient la Russie discrètement, l’Iran et la Corée du Nord le font ouvertement. Ces deux pays parias, isolés par les sanctions occidentales, ont trouvé en la Russie un allié précieux. Et ils le soutiennent activement. L’Iran fournit des drones. Des milliers de drones Shahed qui terrorisent les villes ukrainiennes. Ces drones sont bon marché. Simples. Mais efficaces. Ils peuvent frapper des cibles à des centaines de kilomètres. Ils sont difficiles à intercepter. Et surtout, ils sont produits en masse. L’Iran en a fourni des milliers à la Russie. Et il continue d’en fournir. En échange, la Russie partage sa technologie militaire. Elle aide l’Iran à développer son programme de missiles. Peut-être même son programme nucléaire. C’est un échange gagnant-gagnant. Pour eux. Mais catastrophique pour la sécurité mondiale. La Corée du Nord, elle, fournit des munitions. Des millions d’obus d’artillerie. Des roquettes. Des missiles. Tout ce dont la Russie a besoin pour continuer sa guerre d’attrition. Ces munitions sont de qualité médiocre. Beaucoup n’explosent pas. Certaines explosent prématurément. Mais elles sont nombreuses. Et dans une guerre d’attrition, la quantité compte plus que la qualité. En échange, la Russie fournit à la Corée du Nord de la nourriture. De l’énergie. De la technologie. Et surtout, un soutien diplomatique. Elle bloque les sanctions de l’ONU. Elle protège Pyongyang sur la scène internationale. C’est un partenariat cynique. Mais efficace.
Ce soutien iranien et nord-coréen est crucial pour la Russie. Sans lui, Moscou aurait du mal à maintenir son effort de guerre. Ses stocks de munitions seraient épuisés. Ses capacités de frappe à distance seraient limitées. Elle serait forcée de négocier. Mais grâce à l’Iran et à la Corée du Nord, elle peut continuer. Indéfiniment. Cette réalité est inquiétante. Car elle montre que les sanctions ne suffisent pas. Que l’isolement n’est pas total. Que la Russie peut trouver des alliés. Des alliés qui sont prêts à la soutenir. Non pas par conviction. Mais par intérêt. Par opportunisme. Par calcul. Cette alliance des parias est dangereuse. Car elle crée un bloc hostile à l’Occident. Un bloc qui partage des technologies. Des armes. Des stratégies. Un bloc qui peut défier l’ordre international. Qui peut mener des guerres. Qui peut commettre des crimes. Sans craindre vraiment les conséquences. Car ils sont déjà isolés. Déjà sanctionnés. Déjà parias. Ils n’ont plus rien à perdre. Et tout à gagner. Cette dynamique est préoccupante. Car elle pourrait s’étendre. D’autres pays parias pourraient rejoindre ce bloc. La Syrie. Le Venezuela. Le Myanmar. Tous ces pays qui sont en conflit avec l’Occident. Qui subissent des sanctions. Qui cherchent des alliés. Ils pourraient former une coalition. Une alliance anti-occidentale. Un bloc qui pourrait défier sérieusement l’ordre international. C’est un scénario cauchemar. Mais c’est un scénario possible. Si l’Occident ne réagit pas. Si il laisse cette alliance se consolider. Si il ne trouve pas de moyens de la briser. Alors le monde deviendra encore plus dangereux. Encore plus instable. Encore plus imprévisible.
Les profiteurs silencieux
Au-delà de ces alliés déclarés, la Russie bénéficie du soutien tacite de nombreux autres pays. Des pays qui ne la soutiennent pas ouvertement. Qui ne lui fournissent pas d’armes. Mais qui l’aident quand même. En contournant les sanctions. En servant d’intermédiaires. En fermant les yeux. Ces pays sont nombreux. En Asie centrale. Au Moyen-Orient. En Afrique. Ils profitent de la guerre. Ils achètent du pétrole russe bon marché. Ils le revendent plus cher. Ils importent des produits occidentaux. Ils les réexportent vers la Russie. Ils facilitent les transactions financières. Ils hébergent des sociétés écrans. Tout cela en toute discrétion. Sans faire de vagues. Sans attirer l’attention. Ces profiteurs silencieux sont essentiels pour la survie économique de la Russie. Sans eux, les sanctions seraient beaucoup plus efficaces. L’économie russe s’effondrerait. Moscou serait forcé de négocier. Mais grâce à eux, la Russie peut survivre. Elle peut contourner les sanctions. Elle peut maintenir son commerce. Elle peut financer sa guerre. L’Occident sait que ces pays existent. Il sait qu’ils aident la Russie. Mais il ne fait pas grand-chose pour les arrêter. Car ces pays sont souvent des alliés. Ou des partenaires commerciaux. Ou des pays dont on a besoin pour d’autres raisons. Alors on ferme les yeux. On fait semblant de ne pas voir. On espère que ça ne fera pas trop de différence. Mais ça fait une différence. Une grande différence. Car ces fuites dans le système de sanctions permettent à la Russie de tenir. De continuer. De ne pas capituler.
Cette réalité révèle les limites des sanctions. Elles ne peuvent être efficaces que si tout le monde les applique. Mais tout le monde ne les applique pas. Certains par conviction. D’autres par intérêt. D’autres encore par opportunisme. Et ces exceptions, ces fuites, ces contournements, suffisent à maintenir la Russie à flot. Les sanctions sont une passoire. Elles gênent la Russie. Elles la ralentissent. Mais elles ne l’arrêtent pas. Car il y a toujours quelqu’un pour profiter. Toujours quelqu’un pour contourner. Toujours quelqu’un pour fermer les yeux. Cette réalité est déprimante. Car elle signifie que les sanctions seules ne suffiront jamais. Qu’elles doivent être accompagnées d’autres mesures. Plus directes. Plus efficaces. Plus contraignantes. Mais l’Occident hésite à prendre ces mesures. Par peur de l’escalation. Par peur de perdre des alliés. Par peur de nuire à ses propres intérêts. Alors il se contente des sanctions. Qui ne fonctionnent pas vraiment. Qui donnent l’illusion d’agir. Mais qui ne changent pas fondamentalement la situation. C’est une stratégie confortable. Mais inefficace. Une stratégie qui permet à la guerre de continuer. Indéfiniment. Sans issue. Sans victoire. Sans défaite. Juste l’attrition. L’épuisement. La souffrance. Pour l’Ukraine. Pour la Russie. Pour le monde entier. Car cette guerre nous affecte tous. D’une manière ou d’une autre. Directement ou indirectement. Et tant qu’elle continuera, nous en paierons tous le prix. Économiquement. Politiquement. Moralement. C’est le coût de notre inaction. Le coût de notre lâcheté. Le coût de notre refus d’agir vraiment. De faire ce qu’il faut. De prendre les mesures nécessaires. Pour arrêter cette guerre. Pour vaincre l’agression. Pour défendre nos valeurs. Nous préférons les demi-mesures. Les compromis. Les solutions faciles. Mais ces solutions ne fonctionnent pas. Elles ne font que prolonger la souffrance. Et nous en sommes responsables. Tous.
La reconstruction : un défi titanesque
Des villes à rebâtir
Quand cette guerre finira, et elle finira un jour, l’Ukraine devra se reconstruire. Ce sera un défi titanesque. Des villes entières ont été détruites. Marioupol n’est plus qu’un champ de ruines. Bakhmout a été rasée. Avdiivka n’existe plus. Des dizaines d’autres villes ont subi des destructions massives. Il faudra tout reconstruire. Les immeubles résidentiels. Les écoles. Les hôpitaux. Les routes. Les ponts. Les usines. Les infrastructures. Tout. Les estimations du coût de cette reconstruction varient. Mais elles tournent toutes autour de plusieurs centaines de milliards de dollars. Peut-être un trillion. C’est une somme colossale. Plusieurs fois le PIB ukrainien d’avant-guerre. D’où viendra cet argent ? L’Occident a promis de soutenir la reconstruction. Mais tiendra-t-il ses promesses ? L’histoire suggère que non. Après chaque guerre, les promesses d’aide sont généreuses. Mais elles se réduisent avec le temps. Les priorités changent. Les budgets se resserrent. L’attention se déplace ailleurs. Et les pays dévastés se retrouvent seuls. Avec leurs ruines. Leurs dettes. Leurs espoirs brisés. L’Ukraine risque de connaître le même sort. Les promesses seront faites. Mais l’argent ne viendra pas. Ou pas assez. Ou trop lentement. Et la reconstruction s’éternisera. Pendant des décennies. Peut-être des générations. Pendant ce temps, l’Ukraine restera pauvre. Dépendante. Fragile. Incapable de se développer normalement. Incapable d’offrir un avenir à sa jeunesse. Qui continuera d’émigrer. De fuir. De chercher une vie meilleure ailleurs.
Mais la reconstruction ne sera pas qu’un défi financier. Ce sera aussi un défi politique. Car il faudra décider comment reconstruire. Selon quels plans ? Avec quelles priorités ? Qui décidera ? Le gouvernement ukrainien ? Les donateurs internationaux ? Les entreprises privées ? Ces questions créeront des tensions. Des conflits. Des accusations de corruption. Car la reconstruction est une opportunité. Une opportunité de s’enrichir. De détourner des fonds. De favoriser ses amis. Et dans un pays dévasté par la guerre, où les institutions sont affaiblies, où les contrôles sont limités, la tentation sera grande. Certains en profiteront. Ils s’enrichiront sur le dos de la misère. Ils construiront des fortunes pendant que d’autres souffrent. Cette corruption minera la reconstruction. Elle ralentira les progrès. Elle créera du ressentiment. Elle alimentera l’instabilité. La reconstruction sera un test pour l’Ukraine. Un test de sa capacité à rester unie. À lutter contre la corruption. À construire un État fonctionnel. Si elle réussit ce test, elle pourra devenir un pays prospère. Démocratique. Européen. Si elle échoue, elle risque de sombrer dans le chaos. Dans la corruption. Dans l’instabilité. Et tout ce pour quoi elle s’est battue aura été vain. C’est un enjeu immense. Peut-être plus important que la guerre elle-même. Car gagner la guerre mais perdre la paix serait une tragédie. Une tragédie qui rendrait tous les sacrifices inutiles. Tous les morts vains. Toute la souffrance absurde. L’Ukraine doit gagner la guerre. Mais elle doit aussi gagner la paix. Et ce sera peut-être encore plus difficile.
Réconcilier l’irréconciliable
La reconstruction ne sera pas que matérielle. Elle devra aussi être humaine. Sociale. Psychologique. Il faudra guérir les blessures. Panser les plaies. Réconcilier les divisions. Ce sera peut-être le défi le plus difficile. Car cette guerre a créé des fractures profondes. Entre ceux qui sont restés et ceux qui sont partis. Entre ceux qui ont combattu et ceux qui ne l’ont pas fait. Entre ceux qui ont souffert et ceux qui ont été épargnés. Ces fractures créeront du ressentiment. De la jalousie. De l’incompréhension. Ceux qui sont restés reprocheront à ceux qui sont partis d’avoir fui. D’avoir abandonné le pays. D’avoir cherché la sécurité pendant que d’autres se battaient. Ceux qui sont partis se défendront. Ils diront qu’ils n’avaient pas le choix. Qu’ils devaient protéger leurs familles. Qu’ils ont contribué autrement. En envoyant de l’argent. En faisant connaître la cause ukrainienne. En maintenant l’économie à flot. Mais ces justifications ne suffiront pas. Le ressentiment restera. Les soldats qui reviendront du front se sentiront incompris. Abandonnés. Ils auront risqué leur vie. Vu leurs camarades mourir. Subi des traumatismes. Et ils verront des gens qui n’ont rien fait vivre normalement. Travailler. Gagner de l’argent. Profiter de la paix. Cette injustice perçue créera de l’amertume. De la colère. Peut-être de la violence. Il faudra gérer ces tensions. Créer des espaces de dialogue. De réconciliation. De guérison collective. Ce sera difficile. Peut-être impossible. Mais ce sera nécessaire. Car sans réconciliation, l’Ukraine restera divisée. Fragile. Vulnérable.
Il faudra aussi réconcilier les Ukrainiens avec les Russes. Pas maintenant. Pas dans un avenir proche. Mais un jour. Car ces deux peuples sont condamnés à être voisins. À partager une frontière. À coexister. Cette coexistence sera difficile. Peut-être impossible pendant des générations. La haine est trop profonde. Les blessures trop fraîches. Les crimes trop horribles. Mais un jour, il faudra essayer. Il faudra créer des ponts. Rétablir le dialogue. Chercher la compréhension. Pas le pardon. Le pardon est peut-être impossible. Mais au moins la compréhension. La reconnaissance de ce qui s’est passé. L’acceptation de la responsabilité. La volonté de ne pas répéter les erreurs. Ce processus prendra du temps. Des décennies. Peut-être des siècles. Mais il devra commencer un jour. Car la haine ne peut pas durer éternellement. Elle finit par s’épuiser. Par se transformer. Par laisser place à autre chose. Pas à l’amour. Pas à l’amitié. Mais peut-être à l’indifférence. À l’acceptation. À la coexistence pacifique. C’est le mieux qu’on puisse espérer. Et ce sera déjà beaucoup. Car l’alternative, c’est la haine perpétuelle. Les cycles de violence. Les guerres sans fin. Et personne ne veut ça. Ni les Ukrainiens. Ni les Russes. Ni le monde. Alors un jour, il faudra essayer. Essayer de réconcilier l’irréconciliable. Essayer de guérir ce qui semble inguérissable. Essayer de construire la paix sur les ruines de la guerre. Ce sera difficile. Peut-être impossible. Mais ce sera nécessaire. Car l’alternative est trop terrible pour être envisagée.
Construire un avenir meilleur
Malgré toute cette noirceur, malgré toute cette destruction, il y a une opportunité. Une opportunité de construire quelque chose de meilleur. De ne pas simplement reconstruire ce qui était. Mais de construire quelque chose de nouveau. De meilleur. De plus juste. L’Ukraine d’avant-guerre n’était pas parfaite. Elle était corrompue. Oligarchique. Dysfonctionnelle. La guerre a détruit beaucoup de choses. Mais elle a aussi créé une opportunité. Une opportunité de repartir de zéro. De construire de nouvelles institutions. De nouvelles structures. De nouvelles façons de faire. Cette opportunité ne doit pas être gaspillée. La reconstruction doit être l’occasion de moderniser l’Ukraine. De la démocratiser vraiment. De lutter contre la corruption. De créer une économie dynamique. De construire un État de droit. De garantir les droits de tous. C’est ambitieux. Peut-être trop. Mais c’est nécessaire. Car si l’Ukraine se contente de reconstruire ce qui était, elle reproduira les mêmes problèmes. Les mêmes dysfonctionnements. Les mêmes injustices. Et tout ce pour quoi elle s’est battue aura été vain. La reconstruction doit être transformatrice. Elle doit créer une nouvelle Ukraine. Une Ukraine européenne. Démocratique. Prospère. Juste. C’est le rêve. C’est l’espoir. C’est ce pour quoi tant de gens se sont battus. Sont morts. Ont souffert. Cet espoir ne doit pas être trahi. Il doit être réalisé. Coûte que coûte. Malgré les difficultés. Malgré les obstacles. Malgré les tentations de revenir aux vieilles habitudes.
Mais cet avenir meilleur ne se construira pas tout seul. Il nécessitera des efforts. Des sacrifices. De la détermination. Il nécessitera que les Ukrainiens restent unis. Qu’ils résistent à la corruption. Qu’ils construisent des institutions fortes. Qu’ils défendent la démocratie. Qu’ils protègent les droits de tous. Ce sera difficile. Car la tentation sera grande de revenir aux vieilles méthodes. De favoriser ses amis. De détourner des fonds. De concentrer le pouvoir. Mais cette tentation doit être résistée. Car céder à cette tentation, ce serait trahir tous ceux qui se sont battus. Tous ceux qui sont morts. Tous ceux qui ont souffert. L’Ukraine a une chance unique. Une chance de se réinventer. De devenir le pays qu’elle a toujours voulu être. Un pays libre. Démocratique. Prospère. Européen. Cette chance ne se représentera peut-être pas. Elle doit être saisie. Maintenant. Pendant la reconstruction. Avant que les vieilles habitudes ne reviennent. Avant que la corruption ne se réinstalle. Avant que les oligarques ne reprennent le pouvoir. C’est maintenant ou jamais. Et l’Ukraine doit choisir. Elle doit choisir l’avenir. Pas le passé. Elle doit choisir la transformation. Pas la restauration. Elle doit choisir d’être courageuse. Pas prudente. Car la prudence, dans ce cas, serait une forme de lâcheté. Une trahison de tous les sacrifices. Une capitulation face aux vieilles forces. L’Ukraine doit être courageuse. Elle doit oser. Elle doit rêver. Et elle doit réaliser ce rêve. Pour elle. Pour ses enfants. Pour tous ceux qui ont cru en elle. Qui se sont battus pour elle. Qui sont morts pour elle. C’est leur héritage. Et il ne doit pas être gaspillé.
La mémoire collective : comment cette guerre sera racontée
Les récits qui survivront
Chaque guerre crée ses propres mythes. Ses propres héros. Ses propres récits. Cette guerre ne fera pas exception. Dans les années et les décennies à venir, des histoires seront racontées. Des livres seront écrits. Des films seront tournés. Des monuments seront érigés. Et progressivement, une mémoire collective se formera. Une mémoire qui ne sera pas nécessairement fidèle à la réalité. Qui simplifiera. Qui héroïsera. Qui oubliera certains aspects. Qui en exagérera d’autres. C’est inévitable. C’est ainsi que fonctionne la mémoire collective. Elle ne retient pas tout. Elle sélectionne. Elle transforme. Elle crée des récits qui ont du sens. Qui inspirent. Qui unissent. En Ukraine, le récit sera celui de la résistance héroïque. De David contre Goliath. Du petit pays qui a tenu tête au géant russe. Zelensky sera le héros. Le leader courageux qui est resté à Kiev. Qui a refusé de fuir. Qui a galvanisé son peuple. Les soldats seront célébrés. Leurs sacrifices honorés. Leurs noms gravés sur des monuments. Les civils qui ont résisté seront également commémorés. Ceux qui ont fabriqué des cocktails Molotov. Ceux qui ont aidé l’armée. Ceux qui ont refusé de collaborer. Ce récit sera puissant. Il créera une identité nationale forte. Il unira les Ukrainiens. Il leur donnera de la fierté. Mais il oubliera aussi certaines choses. Les erreurs. Les échecs. Les divisions. Les compromis. Tout ce qui ne cadre pas avec le récit héroïque sera minimisé. Oublié. Effacé. C’est normal. C’est humain. Mais c’est aussi dangereux. Car oublier les erreurs, c’est risquer de les répéter.
En Russie, le récit sera différent. Très différent. Le régime de Poutine, s’il survit, racontera une histoire de victoire. Même si la Russie ne gagne pas vraiment. Même si elle doit se retirer. Même si elle subit des pertes énormes. Le récit sera celui de la résistance à l’Occident. De la défense de la patrie. De la lutte contre le nazisme. Les soldats russes seront présentés comme des héros. Leurs sacrifices comme nécessaires. Leurs crimes comme des inventions de la propagande occidentale. Ce récit sera martelé. Répété. Enseigné dans les écoles. Diffusé à la télévision. Gravé dans les monuments. Et progressivement, il deviendra la vérité officielle. La seule vérité acceptable. Ceux qui la contesteront seront punis. Emprisonnés. Réduits au silence. Cette falsification de l’histoire est déjà en cours. Elle continuera après la guerre. Elle créera une Russie encore plus coupée de la réalité. Encore plus enfermée dans ses mensonges. Encore plus dangereuse. Ces deux récits, ukrainien et russe, seront incompatibles. Ils raconteront deux guerres différentes. Deux réalités différentes. Deux vérités différentes. Et cette incompatibilité rendra la réconciliation encore plus difficile. Car comment se réconcilier quand on ne partage même pas une compréhension commune de ce qui s’est passé ? Comment construire la paix quand chaque camp vit dans sa propre réalité ? Ces questions n’ont pas de réponse facile. Mais elles devront être affrontées. Un jour. Quand la guerre sera finie. Quand il faudra construire l’avenir. Et cet avenir sera d’autant plus difficile à construire que les récits seront divergents. Que les mémoires seront incompatibles. Que les vérités seront irréconciliables.
Le devoir de mémoire
Face à ces récits simplificateurs, face à ces mémoires sélectives, il y a un devoir. Un devoir de mémoire. Un devoir de vérité. Un devoir de ne pas oublier. De ne pas simplifier. De ne pas héroïser à outrance. De raconter toute l’histoire. Pas seulement les parties glorieuses. Mais aussi les parties sombres. Les erreurs. Les échecs. Les crimes. Les compromis. Tout. Car c’est seulement en connaissant toute la vérité qu’on peut vraiment comprendre. Qu’on peut vraiment apprendre. Qu’on peut vraiment éviter de répéter les mêmes erreurs. Ce devoir de mémoire incombe à tous. Aux historiens, qui devront documenter. Analyser. Expliquer. Aux journalistes, qui devront enquêter. Révéler. Témoigner. Aux artistes, qui devront créer. Représenter. Transmettre. Aux enseignants, qui devront enseigner. Éduquer. Former les nouvelles générations. Et à chacun de nous, qui devrons nous souvenir. Témoigner. Transmettre. Ce devoir de mémoire est particulièrement important pour les crimes de guerre. Pour les atrocités. Pour les massacres. Car ces crimes ne doivent jamais être oubliés. Jamais être minimisés. Jamais être excusés. Ils doivent être documentés. Jugés. Punis. Et surtout, ils doivent être enseignés. Aux générations futures. Pour qu’elles sachent. Pour qu’elles comprennent. Pour qu’elles ne laissent jamais ça se reproduire. Boutcha. Marioupol. Irpin. Ces noms doivent rester dans la mémoire collective. Comme Auschwitz. Comme Srebrenica. Comme tous les lieux où l’humanité a montré son visage le plus sombre.
Mais le devoir de mémoire ne concerne pas que les crimes. Il concerne aussi les victimes. Toutes les victimes. Les soldats, bien sûr. Mais aussi les civils. Les enfants. Les personnes âgées. Tous ceux qui ont souffert. Tous ceux qui sont morts. Tous ceux dont les vies ont été brisées. Ces victimes ne doivent pas être oubliées. Elles ne doivent pas devenir de simples statistiques. Des chiffres abstraits. Elles étaient des personnes. Avec des noms. Des visages. Des histoires. Des rêves. Et ces histoires doivent être racontées. Préservées. Transmises. C’est le minimum qu’on leur doit. Le minimum de respect. Le minimum de dignité. Le devoir de mémoire est un combat. Un combat contre l’oubli. Contre la simplification. Contre la falsification. C’est un combat qui ne finit jamais. Qui doit être mené génération après génération. Car la mémoire est fragile. Elle s’érode avec le temps. Elle se déforme. Elle se perd. Si on ne fait pas l’effort de la préserver, elle disparaît. Et avec elle, les leçons de l’histoire. Les avertissements du passé. Les garde-fous contre la répétition. C’est pourquoi ce combat est si important. C’est pourquoi nous devons tous y participer. Chacun à notre niveau. Chacun avec nos moyens. Mais tous ensemble. Pour que cette guerre ne soit pas oubliée. Pour que ses leçons soient retenues. Pour que ses victimes soient honorées. Pour que ses crimes soient punis. Pour que l’histoire soit racontée. Vraiment. Complètement. Honnêtement. C’est notre devoir. À tous. Et nous ne devons pas y faillir.
Les leçons pour les générations futures
Que retiendront les générations futures de cette guerre ? Que leur enseignerons-nous ? Quelles leçons voulons-nous qu’elles apprennent ? Ces questions sont cruciales. Car la manière dont nous racontons cette guerre aujourd’hui déterminera comment elle sera comprise demain. Et comment elle sera comprise déterminera si ses leçons seront retenues. Ou oubliées. La première leçon, c’est que la guerre n’est jamais loin. Qu’elle peut revenir. Même en Europe. Même au XXIe siècle. Même quand on pense qu’elle appartient au passé. Cette leçon est dure. Mais elle est nécessaire. Car pendant des décennies, nous avons cru que la guerre en Europe était impossible. Que nous avions dépassé ça. Que l’intégration économique, les institutions internationales, la démocratie nous protégeaient. Mais cette guerre a prouvé que nous avions tort. Que la guerre est toujours possible. Qu’elle peut éclater soudainement. Qu’elle peut durer longtemps. Qu’elle peut être dévastatrice. Cette réalisation doit être enseignée. Pour que les générations futures ne commettent pas la même erreur. Pour qu’elles restent vigilantes. Pour qu’elles se préparent. Pour qu’elles ne soient pas prises au dépourvu. La deuxième leçon, c’est que la liberté a un prix. Qu’elle doit être défendue. Qu’elle ne va pas de soi. L’Ukraine l’a appris à ses dépens. Elle a dû se battre pour sa liberté. Sacrifier des centaines de milliers de vies. Détruire son pays. Tout ça pour rester libre. Pour ne pas être absorbée par la Russie. Pour garder son identité. Cette leçon doit être enseignée. Pour que les générations futures comprennent la valeur de la liberté. Pour qu’elles ne la tiennent pas pour acquise. Pour qu’elles soient prêtes à la défendre. Si nécessaire.
La troisième leçon, c’est que les autocrates sont dangereux. Qu’ils ne respectent pas les règles. Qu’ils sont prêts à tout pour atteindre leurs objectifs. Poutine l’a prouvé. Il a envahi un pays souverain. Il a commis des crimes de guerre. Il a menacé d’utiliser l’arme nucléaire. Tout ça pour satisfaire son ego. Pour réaliser sa vision impériale. Pour restaurer la grandeur de la Russie. Cette leçon doit être enseignée. Pour que les générations futures se méfient des autocrates. Pour qu’elles ne les laissent pas prendre le pouvoir. Pour qu’elles défendent la démocratie. Toujours. Partout. Sans compromis. La quatrième leçon, c’est que l’inaction a un coût. Que ne rien faire, c’est aussi faire un choix. Un choix qui a des conséquences. L’Occident a hésité. Il a tergiversé. Il a fourni de l’aide, mais pas assez. Il a imposé des sanctions, mais pas assez sévères. Et cette hésitation a prolongé la guerre. A augmenté les souffrances. A coûté des vies. Cette leçon doit être enseignée. Pour que les générations futures comprennent que face à l’agression, il faut agir. Rapidement. Massivement. Sans hésitation. Car l’hésitation tue. Ces leçons sont cruciales. Elles doivent être enseignées. Répétées. Intégrées. Pour que cette guerre ne soit pas vaine. Pour que ses sacrifices aient un sens. Pour que ses victimes ne soient pas mortes pour rien. Pour que l’histoire ne se répète pas. C’est notre responsabilité. À nous, qui vivons cette guerre. Qui la voyons. Qui la comprenons. De la raconter aux générations futures. Honnêtement. Complètement. Sans fard. Pour qu’elles sachent. Pour qu’elles comprennent. Pour qu’elles fassent mieux que nous. C’est tout ce qu’on peut espérer. Tout ce qu’on peut faire. Mais c’est déjà beaucoup. Car transmettre, c’est espérer. C’est croire en l’avenir. C’est refuser de baisser les bras. Malgré tout. Malgré la noirceur. Malgré le désespoir. C’est continuer à croire que demain peut être meilleur. Que les erreurs d’aujourd’hui ne seront pas répétées demain. Que l’humanité peut apprendre. Peut progresser. Peut s’améliorer. C’est un acte de foi. Peut-être naïf. Mais nécessaire. Car sans cet espoir, sans cette foi, il ne reste rien. Que le désespoir. Et le désespoir ne construit rien. Il ne fait que détruire. Alors nous devons espérer. Nous devons croire. Nous devons transmettre. Pour les générations futures. Pour l’avenir. Pour l’humanité.
Conclusion finale : la leçon que personne ne voulait apprendre
Le constat implacable
Nous voici au terme de ce long voyage à travers l’horreur. Au terme de cette exploration de la guerre la plus importante en Europe depuis 1945. Et le constat est implacable. Brutal. Douloureux. Après trois guerres, après des centaines de milliers de morts, après des années de souffrance, l’Ukraine a appris une leçon que personne ne voulait apprendre. Une leçon que l’histoire avait pourtant enseignée maintes fois. Une leçon que Napoléon avait apprise en 1812. Que Hitler avait apprise en 1945. Que tous les envahisseurs de la Russie ont apprise à leurs dépens. La Russie ne capitule jamais. La Russie n’abandonne jamais. Cette vérité, aussi douloureuse soit-elle, s’impose désormais avec une clarté aveuglante. La Russie peut perdre des batailles. Elle peut subir des revers. Elle peut être humiliée. Mais elle ne s’arrête pas. Elle continue. Toujours. Jusqu’à la victoire ou jusqu’à l’effondrement total. Et entre les deux, il n’y a rien. Pas de compromis. Pas de demi-mesure. Pas de paix négociée. Seulement la guerre. Jusqu’au bout. Cette réalité change tout. Elle rend caduques toutes les stratégies occidentales basées sur l’idée que la Russie finira par se lasser. Qu’elle finira par calculer que le coût est trop élevé. Qu’elle finira par négocier. Car la Russie ne calcule pas comme nous. Elle ne pense pas comme nous. Elle n’a pas les mêmes valeurs. Les mêmes priorités. Les mêmes limites. Pour elle, perdre cette guerre serait pire que tout. Pire que les pertes humaines. Pire que l’effondrement économique. Pire que l’isolement international. Alors elle continuera. Quoi qu’il en coûte. Aussi longtemps qu’il le faudra.
Cette réalité est terrifiante. Car elle signifie que cette guerre pourrait durer encore longtemps. Des années. Peut-être des décennies. Elle signifie que les pertes continueront de s’accumuler. Que les souffrances continueront. Que l’Ukraine continuera de saigner. Elle signifie aussi que l’Occident devra faire un choix. Un choix qu’il a jusqu’à présent refusé de faire. Soit il s’engage totalement. Il fournit à l’Ukraine tout ce dont elle a besoin pour gagner. Il prend le risque de l’escalation. Il accepte les coûts économiques. Il maintient son soutien aussi longtemps qu’il le faudra. Soit il abandonne. Il laisse l’Ukraine à son sort. Il accepte une défaite ukrainienne. Il laisse la Russie gagner. Il n’y a pas de demi-mesure. Pas de compromis. Pas de juste milieu. Car dans une guerre d’attrition contre un adversaire qui ne capitule jamais, seul l’engagement total peut faire la différence. Tout le reste n’est que du temps perdu. Des vies gaspillées. Des souffrances prolongées. L’Occident le comprendra-t-il ? Fera-t-il le bon choix ? Ou continuera-t-il à hésiter ? À tergiverser ? À fournir juste assez d’aide pour que l’Ukraine ne perde pas, mais pas assez pour qu’elle gagne ? La réponse à ces questions déterminera l’issue de cette guerre. Et peut-être l’avenir du monde. Car si la Russie gagne, si elle prouve qu’on peut envahir un pays, commettre des crimes de guerre, défier l’Occident, et s’en sortir, alors d’autres suivront. La Chine. L’Iran. D’autres autocrates. Et le monde deviendra encore plus dangereux. Encore plus instable. Encore plus violent.
L’appel final
Alors que faire ? Que peut-on faire face à cette réalité implacable ? Face à un adversaire qui ne capitule jamais ? Face à une guerre qui semble sans fin ? La réponse est simple. Difficile, mais simple. Il faut tenir bon. Il faut continuer. Il faut soutenir l’Ukraine. Jusqu’au bout. Aussi longtemps qu’il le faudra. Car abandonner maintenant, ce serait trahir tous ceux qui se sont battus. Tous ceux qui sont morts. Tous ceux qui ont souffert. Ce serait dire que leur sacrifice était vain. Que leur courage était inutile. Que leur souffrance ne comptait pas. Ce serait aussi envoyer un message terrible au monde. Que l’agression paie. Que la force prime sur le droit. Que les autocrates peuvent faire ce qu’ils veulent. Ce message encouragerait de nouvelles guerres. De nouvelles agressions. De nouvelles horreurs. Alors nous devons tenir bon. Nous devons continuer à soutenir l’Ukraine. Non pas par charité. Non pas par pitié. Mais par principe. Parce que c’est juste. Parce que c’est nécessaire. Parce que notre avenir en dépend. Car si nous abandonnons l’Ukraine, nous abandonnons une partie de nous-mêmes. Nous abandonnons nos valeurs. Nos principes. Notre humanité. Nous devenons complices de l’agression. Complices des crimes. Complices de l’injustice. Et cette complicité nous hantera. Pour toujours. Alors nous devons agir. Maintenant. Aujourd’hui. Demain il sera peut-être trop tard. Demain l’Ukraine aura peut-être perdu. Demain nous regretterons peut-être de ne pas avoir fait plus. Mais aujourd’hui, nous pouvons encore agir. Nous pouvons encore faire la différence. Nous pouvons encore choisir d’être du bon côté de l’histoire.
Cet appel s’adresse à tous. Aux gouvernements, qui doivent augmenter leur aide. Qui doivent lever les restrictions. Qui doivent s’engager totalement. Aux citoyens, qui doivent faire pression sur leurs gouvernements. Qui doivent maintenir l’attention sur l’Ukraine. Qui doivent refuser d’oublier. Aux médias, qui doivent continuer à couvrir cette guerre. À documenter les crimes. À témoigner de la souffrance. Aux entreprises, qui doivent respecter les sanctions. Qui doivent refuser de commercer avec la Russie. Qui doivent choisir le camp de la justice. À chacun de nous, qui devons nous souvenir. Qui devons témoigner. Qui devons transmettre. Car cette guerre nous concerne tous. Directement ou indirectement. Elle affecte notre sécurité. Notre économie. Nos valeurs. Notre avenir. Nous ne pouvons pas l’ignorer. Nous ne pouvons pas faire semblant qu’elle n’existe pas. Nous ne pouvons pas attendre que quelqu’un d’autre agisse. Nous devons tous agir. Chacun à notre niveau. Chacun avec nos moyens. Mais tous ensemble. Car c’est ensemble que nous sommes forts. C’est ensemble que nous pouvons faire la différence. C’est ensemble que nous pouvons soutenir l’Ukraine. C’est ensemble que nous pouvons défendre nos valeurs. C’est ensemble que nous pouvons construire un avenir meilleur. Un avenir où l’agression ne paie pas. Où la force ne prime pas sur le droit. Où les autocrates ne peuvent pas faire ce qu’ils veulent. Cet avenir est possible. Mais il ne se construira pas tout seul. Il nécessite notre engagement. Notre détermination. Notre courage. Aurons-nous ce courage ? Ferons-nous ce qu’il faut ? Ou continuerons-nous à hésiter ? À tergiverser ? À faire semblant ? L’histoire nous jugera. Et son jugement sera sans appel. Alors choisissons bien. Car ce choix nous définira. Pour toujours. Et il définira aussi l’avenir. L’avenir de l’Ukraine. L’avenir de l’Europe. L’avenir du monde. C’est une responsabilité immense. Mais c’est notre responsabilité. À tous. Et nous ne pouvons pas y échapper. Nous ne pouvons pas la fuir. Nous devons l’assumer. Maintenant. Aujourd’hui. Pour l’Ukraine. Pour nous-mêmes. Pour l’avenir. Pour l’humanité.
Je termine cet article avec un mélange d’espoir et de désespoir. Espoir, car l’Ukraine tient toujours. Car elle n’a pas capitulé. Car elle continue à se battre. Désespoir, car je sais que cette guerre va continuer. Longtemps. Trop longtemps. Car je sais que la Russie ne capitulera pas. Qu’elle continuera. Jusqu’au bout. Et je sais que l’Occident hésitera. Qu’il tergiversera. Qu’il ne fera pas ce qu’il faut. Pas vraiment. Pas complètement. Alors la guerre continuera. Les morts s’accumuleront. Les souffrances se multiplieront. Et nous regarderons. Impuissants. Ou plutôt, refusant d’utiliser notre puissance. Car nous avons le pouvoir d’arrêter cette guerre. Nous avons les moyens. Les ressources. La force. Mais nous n’avons pas la volonté. Et sans volonté, tout le reste ne sert à rien. C’est ça, la vraie tragédie. Pas que la Russie ne capitule jamais. Mais que nous refusions de l’y forcer. Que nous préférions le confort à la confrontation. La paix à tout prix à la défense des principes. Cette lâcheté nous hantera. Pour toujours. Et elle devrait. Car nous aurions pu faire mieux. Nous aurions dû faire mieux. Mais nous ne l’avons pas fait. Et l’Ukraine en paie le prix. Dans le sang. Dans les larmes. Dans la souffrance. C’est notre honte. À tous. Et nous devrons vivre avec. Pour toujours.
Sources
Sources primaires
Amnesty International France, « En Ukraine, la guerre russe a débuté en 2014, et non en 2022 », publié le 22 février 2024. Le Grand Continent, « Guerre en Ukraine: 2022-2025, une chronologie du front », publié le 24 février 2025. Courrier International, « Guerre en Ukraine : une étude estime à 1,4 million le nombre de soldats tués ou blessés », publié le 4 juin 2025. Center for Strategic and International Studies (CSIS), rapport sur les pertes militaires en Ukraine, juin 2025.
Sources secondaires
The New York Times, analyses sur les pertes russes et ukrainiennes, 2024-2025. BBC News, « Comment la Russie a subi des pertes record en 2024 », 2024. The Economist, « Putin’s sickening statistic: 1m Russian casualties in Ukraine », 2025. Ukrinform, rapports quotidiens sur les pertes russes, 2024-2025. Institut français des relations internationales (IFRI), études sur la culture stratégique russe, 2024. Revue Conflits, « La guerre russe. Constantes et nouveautés », 2024.
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