Deux mille quatorze : la première trahison
Pour comprendre pourquoi les Ukrainiens regardent ce plan avec terreur, il faut revenir en arrière. Septembre deux mille quatorze. La Russie vient d’annexer la Crimée et d’envahir le Donbass. Les combats font rage. Les morts se comptent par milliers. Et l’Occident propose une solution : les accords de Minsk. Un cessez-le-feu. Un compromis. Une chance pour la paix. L’Ukraine accepte. Elle n’a pas vraiment le choix. Elle est seule, affaiblie, en plein chaos politique après la révolution de Maïdan. Les accords prévoient un cessez-le-feu, le retrait des armes lourdes, des élections locales dans les territoires séparatistes. En échange, l’Ukraine conserve sa souveraineté sur le Donbass. Sur le papier, c’est équilibré. Dans la réalité, c’est un piège. La Russie ne respecte aucun de ses engagements. Les armes lourdes restent. Les combats continuent. Les élections n’ont jamais lieu. Mais Moscou exige que l’Ukraine, elle, applique sa part du marché. Qu’elle accorde une autonomie spéciale aux régions séparatistes. Qu’elle amnistie les combattants pro-russes. Qu’elle modifie sa Constitution. L’Ukraine résiste. Elle refuse de légaliser sa propre partition. Et l’Occident ? L’Occident la presse d’accepter. Angela Merkel et François Hollande multiplient les pressions sur Kyiv. Appliquez Minsk. Faites des compromis. Soyez raisonnables.
Février deux mille quinze. Nouveau round de négociations. Minsk II. Cette fois, c’est encore pire. L’Ukraine doit accepter une « décentralisation » qui donnerait aux régions séparatistes un droit de veto sur la politique étrangère ukrainienne. En clair : Moscou pourrait bloquer toute tentative d’adhésion à l’OTAN ou à l’Union européenne en utilisant ses marionnettes du Donbass. C’est génial comme plan. Pour la Russie. Pour l’Ukraine, c’est un suicide politique. Mais l’Occident insiste. Merkel et Hollande garantissent que la Russie respectera ses engagements cette fois. Ils se portent garants. Ils promettent. L’Ukraine signe. Et devinez quoi ? La Russie ne respecte rien. Absolument rien. Les combats continuent. Les violations du cessez-le-feu se multiplient. Les armes lourdes ne sont jamais retirées. Et pendant sept ans, de deux mille quinze à deux mille vingt-deux, l’Ukraine est coincée dans ce piège. Elle ne peut pas récupérer ses territoires parce que l’Occident lui interdit d’utiliser la force. Elle ne peut pas avancer vers l’OTAN parce que Minsk n’est pas appliqué. Elle est paralysée. Prisonnière d’un accord mort-né que seule elle respecte. Et puis, février deux mille vingt-deux. La Russie envahit. Pas le Donbass cette fois. Toute l’Ukraine. Poutine déclare que les accords de Minsk n’ont jamais été qu’un moyen de gagner du temps pour préparer l’invasion. Merkel elle-même l’admettra plus tard : Minsk servait à donner à l’Ukraine le temps de se renforcer. Personne n’a jamais cru que ça marcherait.
Avril deux mille vingt-deux : la paix avortée d’Istanbul
Un mois après le début de l’invasion, alors que les chars russes reculent devant Kyiv, des négociations secrètes ont lieu à Istanbul. Vladimir Medinski, conseiller de Poutine, et Andriy Yermak, conseiller de Zelensky, se rencontrent. Ils discutent d’un accord de paix. Les grandes lignes ressemblent étrangement au plan Trump actuel : l’Ukraine renonce au Donbass et à la Crimée, elle s’engage à ne pas rejoindre l’OTAN, la Russie lève le siège de Kyiv. Mais deux points bloquent. Les garanties de sécurité pour l’Ukraine : qui les fournira ? Comment seront-elles appliquées ? Et la taille de l’armée ukrainienne : Moscou veut la limiter à cent mille hommes. Cent mille. Pour un pays de quarante millions d’habitants menacé par son voisin. C’est dérisoire. C’est une condamnation à l’impuissance. Les négociations achoppent. Et puis Boutcha. Les images des massacres. Les corps dans les rues. Les fosses communes. Les tortures. L’horreur. Boris Johnson, le Premier ministre britannique, débarque à Kyiv. Il dit à Zelensky de ne pas signer. Que l’Occident soutiendra l’Ukraine jusqu’au bout. Que la Russie peut être vaincue. Zelensky écoute. Il refuse l’accord. Le sommet prévu entre lui et Poutine n’a jamais lieu. La guerre continue.
Aujourd’hui, avec le recul, on peut se demander si c’était la bonne décision. L’Ukraine a tenu. Elle a résisté. Elle a même contre-attaqué, reprenant des territoires. Mais à quel prix ? Des centaines de milliers de morts. Des villes entières détruites. Une économie en ruines. Une génération traumatisée. Et maintenant, trois ans plus tard, on lui propose un accord encore pire que celui d’Istanbul. Parce que sur le terrain, la situation a changé. La Russie contrôle maintenant vingt pour cent du territoire ukrainien. Elle a fortifié ses positions. Elle a mobilisé son économie de guerre. Et l’Occident est fatigué. Les livraisons d’armes ralentissent. L’attention médiatique diminue. L’aide financière se tarit. Trump veut en finir. Peu importe les termes. Peu importe la justice. Il veut pouvoir dire qu’il a résolu le conflit. Qu’il a réussi là où Biden a échoué. Et tant pis si cette « paix » ne fait que préparer la prochaine guerre. Tant pis si elle récompense l’agresseur et punit la victime. Tant pis si elle détruit l’ordre international fondé sur le droit. Trump s’en fiche. Il veut son trophée. Et l’Ukraine est le prix à payer.
Minsk. Istanbul. Et maintenant Miami. Trois accords. Trois trahisons. Trois fois où on a demandé à l’Ukraine de renoncer à sa souveraineté pour acheter une paix qui n’en est pas une. Trois fois où on lui a promis des garanties qui ne valaient rien. Trois fois où on l’a sacrifiée sur l’autel du réalisme. Et à chaque fois, la Russie a profité du répit pour se préparer à la prochaine attaque. Minsk a donné à Poutine le temps de consolider ses positions dans le Donbass. Istanbul aurait gelé le conflit en position de faiblesse pour l’Ukraine. Et maintenant, Miami veut légaliser les conquêtes russes et affaiblir l’armée ukrainienne pour que la prochaine invasion soit encore plus facile. C’est un schéma. Un cycle. Une spirale mortelle. Et nous, l’Occident, nous sommes complices. Nous facilitons. Nous encourageons. Nous appelons ça de la diplomatie. Mais c’est juste de la lâcheté déguisée en pragmatisme.
Section 3 : Anatomie d'une capitulation
Les vingt-huit points de la honte
Décortiquons ce plan. Point par point. Parce que le diable est dans les détails. Et dans ce cas, le diable porte le nom de Donald Trump. Point un : « La souveraineté de l’Ukraine sera confirmée. » Magnifique. Sauf que les points suivants vident cette souveraineté de tout contenu. Point sept : l’Ukraine doit inscrire dans sa Constitution qu’elle ne rejoindra jamais l’OTAN. Une Constitution modifiée sous la contrainte. Une souveraineté amputée de son droit fondamental à choisir ses alliances. Point six : les forces armées ukrainiennes seront limitées à six cent mille militaires. Contre neuf cent mille actuellement. Une réduction de trente-trois pour cent. Pendant que la Russie, elle, peut maintenir une armée d’un million deux cent mille hommes. L’équilibre des forces basculera définitivement en faveur de Moscou. Point huit : l’OTAN ne stationnera pas de troupes en Ukraine. Donc aucune présence dissuasive. Aucune garantie concrète. Juste des promesses. Point vingt-et-un : la Crimée, Louhansk et Donetsk seront reconnus comme appartenant « de facto » à la Russie. Y compris par les États-Unis. Une légalisation de l’annexion. Une récompense pour l’agression. Et ce n’est pas tout : les forces ukrainiennes devront se retirer des parties de Donetsk qu’elles contrôlent encore pour créer une « zone tampon ». En clair : abandonner des positions défensives stratégiques. Offrir à la Russie un corridor pour sa prochaine offensive.
Mais attendez, il y a mieux. Point dix : « Les États-Unis recevront une compensation pour la garantie de sécurité. » Une compensation. L’Amérique se fait payer pour protéger l’Ukraine. Comme une compagnie d’assurance. Et si l’Ukraine « envahit la Russie » ou « lance un missile sur Moscou ou Saint-Pétersbourg sans raison valable », elle perd cette garantie. Sans raison valable. Qui décide de ce qui est valable ? Trump ? Poutine ? C’est absurde. C’est une clause qui permet à Washington de se désengager à tout moment. Point treize : la Russie sera réintégrée dans l’économie mondiale, les sanctions levées, le G8 reconstitué. Moscou récupère tout. Absolument tout. Comme si rien ne s’était passé. Comme si l’invasion, les massacres, les crimes de guerre n’avaient jamais eu lieu. Point quatorze : cent milliards de dollars d’actifs russes gelés seront investis dans la reconstruction de l’Ukraine, avec cinquante pour cent des bénéfices allant aux États-Unis. L’Europe ajoutera cent milliards. Donc l’Occident paie pour reconstruire ce que la Russie a détruit. Et l’Amérique empoche la moitié des profits. C’est du génie. Du génie cynique. Du génie immoral. Mais du génie quand même. Pour Trump. Pas pour l’Ukraine.
Les garanties qui n’en sont pas
Le point le plus pathétique de ce plan, c’est le point cinq : « L’Ukraine recevra des garanties de sécurité fiables. » Une seule ligne. Aucun détail. Aucune précision. Qui fournira ces garanties ? L’OTAN ? Non, puisque l’Ukraine ne peut pas y adhérer. Les États-Unis ? Peut-être, mais Trump peut les retirer à tout moment. L’Europe ? Avec quelle armée ? Quels moyens ? Quelle crédibilité ? Ces « garanties » sont du vent. De la poudre aux yeux. Une promesse creuse destinée à faire passer la pilule. Anne Applebaum, journaliste et historienne au Atlantic, l’a dit sans détour : ce plan « affaiblit l’Ukraine et divise l’Amérique de l’Europe, préparant le terrain pour une guerre plus large dans le futur. » Elle a raison. Ce n’est pas un plan de paix. C’est un plan de guerre différée. Une pause stratégique qui permettra à la Russie de se réarmer, de se réorganiser, de se préparer. Et dans cinq ans, dix ans, quand Poutine ou son successeur décidera que le moment est venu, l’Ukraine sera encore plus faible. Son armée réduite. Ses défenses démantelées. Ses alliés absents. Et personne ne viendra à son secours. Parce que nous aurons déjà trahi une fois. Pourquoi pas deux ?
Le point vingt-sept prévoit la création d’un « conseil de la paix » présidé par Trump pour surveiller l’application de l’accord. Trump. L’homme qui a passé son premier mandat à insulter les alliés américains et à courtiser Poutine. L’homme qui a tenté de faire chanter Zelensky en retenant l’aide militaire. L’homme qui a dit publiquement qu’il résoudrait le conflit « en vingt-quatre heures » en forçant l’Ukraine à capituler. C’est lui qui sera le garant de la paix. C’est lui qui décidera si les violations sont suffisamment graves pour justifier des sanctions. C’est comme nommer le renard gardien du poulailler. Non, pire. C’est comme nommer le renard juge dans un procès où il est accusé d’avoir mangé les poules. Le point vingt-six accorde une « amnistie totale » à toutes les parties pour leurs actions pendant la guerre. Aucune réclamation. Aucune plainte. Les crimes de guerre ? Oubliés. Les massacres ? Pardonnés. Les tortures ? Effacées. Boutcha, Marioupol, Izioum : tout ça n’aura jamais existé. Les bourreaux rentrent chez eux libres. Les victimes enterrent leurs morts en silence. Et on appelle ça la justice.
Il y a des moments où les mots manquent. Où la colère est telle qu’elle étouffe. Ce plan n’est pas seulement injuste. Il est obscène. Il est une insulte à chaque Ukrainien qui a résisté. À chaque soldat qui est mort en défendant sa ville. À chaque civil qui a survécu sous les bombes. À chaque mère qui a perdu son enfant. Ce plan leur dit : votre sacrifice ne valait rien. Votre courage était inutile. Votre résistance était vaine. Acceptez la défaite. Courbez l’échine. Et soyez reconnaissants qu’on vous laisse exister. C’est ça, le message. C’est ça, la « paix » qu’on vous offre. Et si vous refusez ? Si vous osez dire non ? Alors vous mourrez seuls. Parce que nous, l’Occident, nous en avons assez. Nous sommes fatigués de vous soutenir. Fatigués de payer. Fatigués de vous voir résister quand vous devriez capituler. Alors acceptez. Ou crevez.
Section 4 : Zelensky face à l'impossible choix
Un président acculé
Le vingt-et-un novembre deux mille vingt-cinq, Volodymyr Zelensky se tient devant son palais présidentiel. Il fait froid. Le ciel est gris. Derrière lui, Kyiv survit dans le noir depuis des semaines. Les frappes russes ont détruit quatre-vingt-dix pour cent des infrastructures énergétiques du pays. Les gens vivent sans électricité, sans chauffage, sans eau chaude. L’hiver ukrainien est impitoyable. Les températures descendent à moins vingt. Et dans ce froid mordant, Zelensky doit annoncer à son peuple qu’on lui demande de choisir entre sa dignité et sa survie. Sa voix est calme. Trop calme. C’est la voix d’un homme qui a déjà pleuré toutes ses larmes. « Maintenant, la pression sur l’Ukraine est l’une des plus lourdes », dit-il. « Nous sommes face à un choix impossible. » Il ne ment pas. Il ne dramatise pas. Il énonce un fait. Son pays peut accepter le plan Trump et perdre son âme. Ou le refuser et perdre son dernier allié. Il peut trahir les morts ou condamner les vivants. Il peut renoncer aux territoires pour lesquels des centaines de milliers d’Ukrainiens sont morts. Ou il peut continuer à se battre seul, sans armes, sans munitions, sans espoir. « Nous ne pouvons pas accepter une paix sans liberté, dignité et justice », déclare-t-il. « Nous ne trahirons pas l’Ukraine. » Des mots magnifiques. Des mots courageux. Mais des mots qui sonnent comme un adieu.
Parce que la réalité, c’est que Zelensky n’a plus de marge de manœuvre. Trump lui a fixé un ultimatum : signer avant Thanksgiving ou perdre tout soutien américain. Pas seulement l’aide militaire. Non. Aussi le partage de renseignements. Les satellites. Les informations sur les mouvements de troupes russes. Les données qui permettent à l’armée ukrainienne de cibler ses frappes. Sans ça, l’Ukraine est aveugle. Elle ne peut plus se défendre efficacement. Elle devient une cible facile. Et Trump le sait. Il utilise cette dépendance comme un levier. Comme un moyen de pression. Comme une arme. Un responsable américain, interrogé par la presse, a confirmé : « Il a été fortement suggéré aux Ukrainiens que les États-Unis s’attendent à ce qu’ils acceptent un accord de paix. » Fortement suggéré. Quel euphémisme charmant. Quel langage diplomatique élégant pour dire : obéissez ou crevez. Zelensky a passé une heure au téléphone avec JD Vance, le vice-président américain. Vance, qui a toujours été hostile au soutien à l’Ukraine. Vance, qui a dit publiquement qu’il se fichait de ce qui arrivait à l’Ukraine. Vance, qui veut couper l’aide pour se concentrer sur la Chine. Après cet appel, Zelensky a publié une déclaration prudente : « Nous travaillons à rendre le chemin vers l’avant digne et vraiment efficace. » Digne. Ce mot qui revient sans cesse. Comme une prière. Comme un dernier rempart contre l’humiliation.
La corruption qui affaiblit de l’intérieur
Mais Zelensky n’est pas seulement sous pression de l’extérieur. Il est aussi attaqué de l’intérieur. En novembre deux mille vingt-cinq, un scandale de corruption éclate dans le secteur énergétique ukrainien. Des ministres sont impliqués. Des proches du président. Peut-être même son ancien partenaire en affaires. Les détails sont flous. Les accusations volent. Les démissions se multiplient. Et pendant ce temps, les Ukrainiens gèlent dans le noir. Ils voient leurs dirigeants s’enrichir pendant qu’eux survivent. Ils voient la corruption ronger l’État de l’intérieur pendant que la Russie le détruit de l’extérieur. La popularité de Zelensky chute. Les critiques se font plus virulentes. Certains l’accusent d’avoir trahi les idéaux de Maïdan. D’autres disent qu’il devrait négocier depuis longtemps. D’autres encore réclament sa démission. Le pays est divisé. Épuisé. À bout. « Même le métal le plus fort peut se briser », a dit Zelensky dans son discours. « N’oubliez pas ça. » C’était un avertissement. Une reconnaissance. Une admission que l’Ukraine, malgré son courage, malgré sa résistance, malgré son héroïsme, est au bord de la rupture. Que son peuple ne peut pas tenir indéfiniment. Qu’il y a une limite à ce qu’on peut endurer.
Le plan Trump prévoit que l’Ukraine organise des élections dans cent jours. Cent jours. En pleine guerre. Avec un cinquième du territoire occupé. Avec des millions de réfugiés. Avec une économie en ruines. C’est absurde. C’est impossible. Mais c’est aussi une menace à peine voilée. Si Zelensky refuse le plan, Trump peut dire : très bien, organisez des élections, voyons si les Ukrainiens vous soutiennent encore. Et si Zelensky perd ? Si un candidat pro-russe, ou simplement pro-paix à tout prix, remporte le scrutin ? Alors Trump aura son accord. Avec ou sans Zelensky. C’est une stratégie de contournement. Une façon de faire pression sur le président ukrainien en menaçant de s’adresser directement au peuple. Un peuple épuisé. Un peuple qui veut que la guerre s’arrête. Un peuple prêt à accepter n’importe quoi pour retrouver une vie normale. Zelensky le sait. Il sait que son temps est compté. Qu’il doit choisir maintenant. Qu’il n’y aura pas de seconde chance. Qu’il n’y aura pas de miracle. Qu’il est seul. Terriblement seul.
Je pense à Zelensky. À cet homme qui était comédien il y a six ans. Qui jouait un président dans une série télévisée. Qui est devenu président pour de vrai parce que les Ukrainiens voulaient quelqu’un de différent. Quelqu’un d’honnête. Quelqu’un qui les comprendrait. Et maintenant, il porte le poids du monde sur ses épaules. Il doit décider du destin de quarante millions de personnes. Il doit choisir entre la guerre et la capitulation. Entre l’honneur et la survie. Entre mourir debout et vivre à genoux. Quel choix impossible. Quelle responsabilité écrasante. Et nous, confortablement installés dans nos pays en paix, nous le jugeons. Nous critiquons ses décisions. Nous analysons ses erreurs. Nous débattons de ce qu’il devrait faire. Mais nous ne sommes pas à sa place. Nous ne portons pas son fardeau. Nous ne vivons pas son cauchemar. Alors peut-être devrions-nous avoir un peu d’humilité. Un peu de compassion. Un peu de respect pour un homme qui fait face à l’impossible avec une dignité que peu d’entre nous pourraient maintenir.
Section 5 : Moscou jubile en silence
Poutine obtient tout ce qu’il voulait
À Moscou, on ne célèbre pas ouvertement. Ce serait de mauvais goût. Mais dans les couloirs du Kremlin, les sourires sont difficiles à cacher. Vladimir Poutine a confirmé le vingt-deux novembre que la Russie avait reçu une copie du plan américain. Il a déclaré qu’il pourrait « poser les fondations d’un règlement de paix final ». Poser les fondations. Quelle formule prudente. Quelle retenue diplomatique. Mais derrière les mots mesurés, le message est clair : nous avons gagné. Pas militairement, pas complètement, mais stratégiquement. Nous avons obtenu ce que nous voulions. La reconnaissance internationale de nos conquêtes. L’affaiblissement de l’Ukraine. L’interdiction pour elle de rejoindre l’OTAN. La levée des sanctions. La réintégration dans l’économie mondiale. Le retour au G8. Tout. Absolument tout. Et en échange ? Quelques promesses vagues de ne pas envahir à nouveau. Des promesses que personne ne croit. Des promesses que Moscou a déjà violées une dizaine de fois. Mais peu importe. L’Occident veut y croire. L’Occident a besoin d’y croire. Alors Poutine joue le jeu. Il fait semblant de négocier. Il demande quelques ajustements. Il réclame des garanties supplémentaires sur la neutralité de l’Ukraine. Il veut que l’OTAN s’engage formellement à ne plus s’étendre vers l’est. Il veut que l’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne exclue tout composant militaire. Il négocie. Mais il sait qu’il a déjà gagné.
Une source proche du Kremlin, citée par les médias occidentaux, a révélé que Poutine « aimait » les grandes lignes du plan mais qu’il ne répondait pas à toutes les exigences russes. Bien sûr. Il faut toujours demander plus. C’est la règle de la négociation. Vous obtenez quatre-vingts pour cent de ce que vous voulez, vous réclamez les vingt pour cent restants. Et si vous les obtenez, tant mieux. Sinon, vous acceptez quand même parce que quatre-vingts pour cent, c’est déjà une victoire écrasante. La Russie a envahi l’Ukraine en février deux mille vingt-deux avec des objectifs clairs : empêcher l’adhésion à l’OTAN, annexer des territoires, installer un gouvernement fantoche à Kyiv. Elle a échoué sur le troisième point. Zelensky est toujours là. Mais sur les deux premiers ? Victoire totale. L’Ukraine ne rejoindra jamais l’OTAN. C’est inscrit dans le plan. Et les territoires ? La Crimée, Donetsk, Louhansk : reconnus comme russes. Kherson et Zaporijjia : gelés le long de la ligne de front actuelle, ce qui signifie que la Russie garde ce qu’elle contrôle. Mission accomplie. Objectifs atteints. La guerre était rentable.
Le précédent qui tue
Mais la vraie victoire de Poutine n’est pas territoriale. Elle est conceptuelle. Il a prouvé que l’agression paie. Que la force prime le droit. Que les frontières internationales ne sont que des suggestions. Que les traités ne valent rien. Que l’Occident ne défendra pas ses valeurs quand ça coûte trop cher. C’est un précédent. Un précédent terrifiant. Kaja Kallas, la cheffe de la diplomatie européenne, l’a dit : « Si vous cédez simplement à l’agression, vous invitez plus d’agression. » Elle a raison. Mais elle prêche dans le désert. Parce que l’Occident a déjà décidé de céder. Déjà décidé d’accepter. Déjà décidé que la paix, même injuste, même précaire, même temporaire, vaut mieux que la guerre. Et d’autres pays regardent. D’autres dirigeants prennent des notes. Xi Jinping observe comment l’Occident abandonne l’Ukraine et se demande s’il pourrait faire la même chose avec Taïwan. Erdogan regarde et se demande s’il pourrait annexer des morceaux de Syrie ou de Grèce sans conséquence. Kim Jong-un calcule s’il pourrait envahir la Corée du Sud pendant que l’Amérique est distraite. Le monde entier apprend la leçon : l’ordre international fondé sur des règles est mort. Nous sommes revenus à la loi de la jungle. Le fort mange le faible. Et personne ne viendra à votre secours.
La Russie ne s’arrêtera pas à l’Ukraine. Pourquoi le ferait-elle ? Elle a prouvé que ça marche. Que l’Occident recule. Que l’OTAN est un tigre de papier. Que les garanties de sécurité ne valent rien. Alors dans cinq ans, dix ans, quand l’Ukraine sera affaiblie, désarmée, isolée, Poutine ou son successeur reviendra. Peut-être pour prendre Odessa. Peut-être pour couper l’Ukraine de la mer Noire. Peut-être pour installer finalement ce gouvernement fantoche. Et l’Occident ? L’Occident dira : nous avons déjà fait un accord. Nous ne pouvons pas recommencer. C’est trop cher. C’est trop compliqué. L’Ukraine doit faire des compromis. Encore. Toujours. Jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien à compromettre. Jusqu’à ce que l’Ukraine disparaisse. Pas d’un coup. Pas dans une grande bataille finale. Mais lentement. Par morceaux. Par accords successifs. Par trahisons répétées. C’est ça, la stratégie russe. Et ça marche. Ça marche parce que nous la laissons marcher. Parce que nous sommes complices. Parce que nous préférons la facilité à la justice. Le confort à la vérité. La paix à n’importe quel prix plutôt que la guerre pour défendre nos valeurs.
Poutine a gagné. Pas sur le champ de bataille. Là, il perd. Ses pertes sont colossales. Son armée est épuisée. Son économie souffre. Mais il a gagné la guerre psychologique. Il a brisé la volonté de l’Occident. Il a prouvé que nous n’avons pas le courage de nos convictions. Que nos valeurs sont négociables. Que nos promesses sont creuses. Et maintenant, il va récolter les fruits de sa victoire. Il va récupérer ses territoires conquis. Il va voir les sanctions levées. Il va être réintégré dans la communauté internationale. Il va être traité comme un partenaire respectable. Comme si rien ne s’était passé. Comme si les morts ne comptaient pas. Comme si la justice n’avait aucune importance. Et nous, nous allons applaudir. Nous allons célébrer la paix. Nous allons nous féliciter d’avoir évité une escalade. Nous allons oublier. Parce que c’est ce que nous faisons toujours. Nous oublions. Jusqu’à la prochaine fois.
Section 6 : Les affaires avant tout
Le business caché derrière la diplomatie
Parlons d’argent. Parce que c’est toujours une question d’argent. Le plan Trump n’est pas seulement un accord diplomatique. C’est un accord commercial. Un deal. Et comme tous les deals de Trump, quelqu’un va s’enrichir. La question est : qui ? Le point quatorze du plan est révélateur : cent milliards de dollars d’actifs russes gelés seront investis dans des projets de reconstruction en Ukraine, avec cinquante pour cent des bénéfices allant aux États-Unis. Cinquante pour cent. La moitié. Pour quoi faire ? Pour avoir négocié ? Pour avoir forcé l’Ukraine à capituler ? C’est du racket déguisé en aide. Et ce n’est que le début. Le plan prévoit aussi que les États-Unis et la Russie « concluront un accord de coopération économique à long terme pour le développement mutuel dans les domaines de l’énergie, des ressources naturelles, des infrastructures, de l’intelligence artificielle, des centres de données, des projets d’extraction de métaux rares dans l’Arctique et d’autres opportunités corporatives mutuellement bénéfiques ». Mutuellement bénéfiques. Pour qui ? Pour Trump et ses amis. Pour les oligarques russes. Pour les investisseurs américains qui attendent dans l’ombre. Pas pour l’Ukraine. Pas pour les Ukrainiens. Eux, ils paient le prix. Eux, ils perdent leurs territoires, leur sécurité, leur avenir. Mais les affaires, elles, continuent.
En mars deux mille vingt-cinq, le Financial Times a révélé l’existence de négociations secrètes impliquant Mattias Warnig, un homme d’affaires allemand et ancien espion russe proche de Poutine, actuellement sous sanctions américaines. Warnig cherchait un canal de communication avec l’administration Trump à travers des investisseurs américains intéressés par la réouverture du gazoduc Nord Stream 2, partiellement détruit par des saboteurs ukrainiens au début de la guerre. Un Américain familier avec le plan a déclaré au Financial Times que les investisseurs américains se voyaient essentiellement offrir « de l’argent pour rien ». De l’argent pour rien. Une opportunité en or. Investir dans un projet déjà construit, déjà financé, et empocher les profits. Tout ce qu’il faut, c’est convaincre Trump de forcer l’Ukraine à accepter un accord qui permettra la réouverture du gazoduc. Simple. Efficace. Rentable. Et peu importe que ce gazoduc rende l’Europe encore plus dépendante du gaz russe. Peu importe que ça donne à Poutine un levier économique sur le continent. Peu importe les implications géopolitiques. Les affaires sont les affaires. Et Trump est un homme d’affaires avant tout.
Les investisseurs dans l’ombre
Qui sont ces investisseurs ? Quelles compagnies américaines sont impliquées dans ces négociations ? Quels oligarques russes vont bénéficier de la levée des sanctions ? Quels membres de la famille Trump ou de son cercle proche ont des intérêts financiers dans ces deals ? Nous ne savons pas. Les détails restent secrets. Les négociations se font dans l’ombre. Loin des regards. Loin du contrôle démocratique. Anne Applebaum pose les bonnes questions dans son article du Atlantic : « Les citoyens américains devraient demander les détails de toutes les négociations commerciales en cours. Ce plan a été proposé en notre nom, dans le cadre de la politique étrangère américaine. Mais il ne servirait pas nos intérêts économiques ou sécuritaires. Alors les intérêts de qui sert-il ? Quelles compagnies américaines et quels oligarques en bénéficieraient ? Les membres de la famille Trump et ses soutiens politiques sont-ils parmi eux ? Les arrangements proposés devraient être de notoriété publique avant qu’un quelconque accord ne soit signé. » Elle a raison. Absolument raison. Mais elle ne recevra pas de réponse. Parce que la transparence n’est pas dans l’intérêt de ceux qui négocient. Parce que si les Américains savaient que leur président sacrifie l’Ukraine pour enrichir ses amis, ils seraient furieux. Alors on garde le secret. On parle de paix. De stabilité. D’intérêts nationaux. Mais derrière les mots nobles, il y a des contrats. Des investissements. Des profits.
Le plan prévoit la création d’un « fonds de développement pour l’Ukraine » financé par la Banque mondiale. Un fonds qui servira à reconstruire les infrastructures gazières, à réhabiliter les zones touchées par la guerre, à développer de nouvelles infrastructures, à reprendre l’extraction de minéraux et de ressources naturelles. Qui contrôlera ce fonds ? Qui décidera des contrats ? Qui empochera les commissions ? Le plan ne le dit pas. Mais on peut deviner. Les compagnies américaines auront la priorité. Les oligarques russes récupéreront leurs actifs. Les Européens paieront la facture. Et les Ukrainiens ? Les Ukrainiens fourniront la main-d’œuvre bon marché. Ils travailleront à reconstruire leur pays détruit pendant que d’autres empochent les profits. C’est du néocolonialisme. C’est de l’exploitation. C’est du pillage déguisé en aide. Et on appelle ça un plan de paix. On appelle ça de la reconstruction. On appelle ça du développement. Mais c’est juste du business. Du business cynique. Du business immoral. Du business qui se fait sur le dos des victimes.
Suivez l’argent. C’est toujours la même règle. Quand vous ne comprenez pas une décision politique, suivez l’argent. Quand vous ne comprenez pas pourquoi un président trahit ses alliés, suivez l’argent. Quand vous ne comprenez pas pourquoi la justice est sacrifiée, suivez l’argent. Et là, l’argent mène à Trump. À ses amis. À ses partenaires commerciaux. À ses soutiens. Ce plan n’est pas conçu pour apporter la paix. Il est conçu pour générer des profits. Pour ouvrir des marchés. Pour créer des opportunités d’investissement. L’Ukraine n’est qu’un prétexte. Un terrain de jeu. Un marché à conquérir. Et les Ukrainiens ? Ils sont juste dans le chemin. Des obstacles à éliminer. Des voix à faire taire. Des résistances à briser. Parce que les affaires ne peuvent pas attendre. Parce que l’argent n’a pas de morale. Parce que le profit ne connaît pas la compassion.
Section 7 : La Crimée, le poison qui ne passe pas
Deux mille quatorze : le début de tout
Revenons à la Crimée. Parce que c’est là que tout a commencé. Février deux mille quatorze. Des hommes armés sans insignes, les fameux « petits hommes verts », apparaissent dans la péninsule. Ils prennent le contrôle des bâtiments gouvernementaux. Ils organisent un référendum bidon. Et en quelques semaines, la Russie annexe la Crimée. L’Occident proteste. Des sanctions sont imposées. Mais rien de sérieux. Rien qui fait vraiment mal. Poutine teste. Il pousse. Il voit jusqu’où il peut aller. Et il découvre qu’il peut aller loin. Très loin. Parce que l’Occident ne fera rien. Oh, il parlera. Il condamnera. Il sanctionnera mollement. Mais il n’agira pas. Il n’interviendra pas militairement. Il ne défendra pas l’intégrité territoriale de l’Ukraine. Parce que l’Ukraine n’est pas membre de l’OTAN. Parce que l’Ukraine n’est pas assez importante. Parce que personne ne veut mourir pour la Crimée. Alors Poutine prend. Et il garde. Et maintenant, onze ans plus tard, le plan Trump propose de reconnaître officiellement cette annexion. De légaliser le vol. De récompenser l’agresseur. La Crimée était ukrainienne depuis mille neuf cent cinquante-quatre, quand Khrouchtchev l’avait transférée de la Russie à l’Ukraine. Soixante ans d’histoire effacés. Soixante ans de liens culturels, économiques, humains niés. Parce que Poutine le veut. Parce que Trump l’accepte. Parce que l’Europe se tait.
La Crimée n’est pas qu’un territoire. C’est un symbole. C’est la preuve que les frontières peuvent être changées par la force. Que les traités internationaux ne valent rien. Que la Charte des Nations unies, qui interdit l’acquisition de territoires par la guerre, est lettre morte. Reconnaître l’annexion de la Crimée, c’est détruire l’ordre international construit après la Seconde Guerre mondiale. C’est revenir au dix-neuvième siècle, quand les empires se partageaient le monde. C’est ouvrir la boîte de Pandore. Parce que si la Russie peut annexer la Crimée sans conséquence, pourquoi la Chine ne pourrait-elle pas annexer Taïwan ? Pourquoi la Turquie ne pourrait-elle pas annexer des morceaux de Syrie ? Pourquoi n’importe quel pays fort ne pourrait-il pas annexer ses voisins faibles ? Le plan Trump ne propose pas seulement de reconnaître la Crimée comme russe. Il propose de reconnaître que la force prime le droit. Que la puissance militaire est le seul arbitre des conflits. Que la justice internationale est une illusion. Et une fois que vous acceptez ça, une fois que vous franchissez cette ligne, il n’y a plus de retour en arrière. Plus de règles. Plus de limites. Plus de morale. Juste la loi du plus fort.
Le port de Sébastopol et la flotte russe
Pourquoi Poutine tient-il tant à la Crimée ? Pas pour les plages. Pas pour le tourisme. Pour Sébastopol. Pour le port. Pour la base navale de la flotte de la mer Noire. C’est le seul port russe en eau chaude accessible toute l’année. C’est la clé de la projection de puissance russe en Méditerranée, au Moyen-Orient, en Afrique. Sans Sébastopol, la Russie est enfermée. Prisonnière de ses mers gelées. Dépendante du bon vouloir de la Turquie pour accéder aux mers chaudes. Avec Sébastopol, elle est une puissance navale. Elle peut intervenir en Syrie. Elle peut menacer l’OTAN depuis le sud. Elle peut contrôler les routes commerciales. Voilà pourquoi Poutine a pris la Crimée. Voilà pourquoi il ne la rendra jamais. Et voilà pourquoi le plan Trump accepte de la lui laisser. Parce que forcer la Russie à rendre la Crimée signifierait la guerre. Une vraie guerre. Pas un conflit régional. Une guerre entre puissances nucléaires. Et personne ne veut ça. Alors on sacrifie la Crimée. On sacrifie le droit international. On sacrifie l’Ukraine. Pour éviter l’escalade. Pour préserver la paix. Mais quelle paix ? Une paix fondée sur l’injustice. Une paix qui prépare la prochaine guerre. Une paix qui dit aux agresseurs : allez-y, prenez ce que vous voulez, nous fermerons les yeux.
La Crimée me hante. Parce que c’est là que nous avons perdu notre âme. C’est là que nous avons accepté l’inacceptable. C’est là que nous avons trahi nos principes. Février deux mille quatorze. J’étais jeune. J’étais naïf. Je croyais encore que l’Occident défendrait ses valeurs. Que l’ordre international comptait. Que les frontières étaient sacrées. Et puis j’ai vu. J’ai vu comment nous avons réagi. Ou plutôt, comment nous n’avons pas réagi. Quelques sanctions. Quelques discours. Quelques condamnations. Et puis rien. La vie a continué. Les affaires ont continué. Les relations diplomatiques ont continué. Comme si rien ne s’était passé. Comme si un pays n’avait pas été dépecé. Comme si le droit international n’avait pas été violé. Et maintenant, onze ans plus tard, nous nous apprêtons à légaliser ce vol. À le reconnaître officiellement. À dire : d’accord, vous avez gagné, gardez-la. C’est une capitulation morale. C’est une trahison de tout ce que nous prétendons défendre. Et ça me rend malade.
Section 8 : Le Donbass, tombeau des illusions
Donetsk et Louhansk : les territoires sacrifiés
Le plan Trump exige que l’Ukraine cède non seulement les parties de Donetsk et Louhansk occupées par la Russie, mais aussi celles qu’elle contrôle encore. C’est énorme. C’est sans précédent. Imaginez : des soldats ukrainiens ont défendu ces positions pendant des années. Ils ont creusé des tranchées. Ils ont construit des fortifications. Ils ont repoussé des assauts. Ils ont enterré leurs camarades. Et maintenant, on leur dit : abandonnez tout. Retirez-vous. Laissez ces territoires à l’ennemi. Pour créer une « zone tampon ». Une zone tampon qui servira de tremplin pour la prochaine offensive russe. Parce que c’est ça, la réalité militaire. Quand vous abandonnez des positions défensives fortifiées, vous offrez à l’ennemi un avantage stratégique considérable. Les Russes n’auront plus à attaquer des lignes préparées. Ils pourront avancer en terrain ouvert. Ils pourront menacer directement le cœur de l’Ukraine. Dnipro, Kharkiv, Poltava : toutes ces villes deviendront vulnérables. Le plan ne crée pas une zone tampon. Il crée une autoroute pour l’invasion. Il facilite la prochaine guerre. Il la rend inévitable.
Le Donbass n’est pas qu’un territoire. C’est le cœur industriel de l’Ukraine. Les mines de charbon. Les aciéries. Les usines. C’est là que bat l’économie ukrainienne. Ou plutôt, c’est là qu’elle battait. Parce que maintenant, tout est détruit. Marioupol, la grande ville portuaire, n’est plus qu’un champ de ruines. Quatre-vingt-dix pour cent des bâtiments détruits. Des dizaines de milliers de civils tués. Un siège de trois mois qui restera dans l’histoire comme l’un des plus brutaux du vingt-et-unième siècle. Bakhmout, la ville que les Russes ont prise après des mois de combats acharnés, n’existe plus. Rasée. Pulvérisée. Effacée de la carte. Et pour quoi ? Pour que Poutine puisse dire qu’il a gagné. Pour qu’il puisse planter son drapeau sur des décombres. Pour qu’il puisse prétendre que le sacrifice de dizaines de milliers de soldats russes valait la peine. Le Donbass est un cimetière. Un cimetière de villes. Un cimetière d’espoirs. Un cimetière d’illusions. Et maintenant, on demande à l’Ukraine de reconnaître que ce cimetière appartient à la Russie. Que les morts sont morts pour rien. Que la résistance était vaine. Que la capitulation était inévitable.
Les populations prises en otage
Mais le Donbass, ce n’est pas que des territoires. Ce sont des gens. Des millions de gens. Des Ukrainiens qui vivent sous occupation russe depuis deux mille quatorze. Des Ukrainiens qui ont été arrêtés, torturés, déportés. Des Ukrainiens dont les enfants sont envoyés dans des camps de rééducation en Russie. Des Ukrainiens qui ont vu leurs maisons détruites, leurs familles séparées, leurs vies brisées. Le plan Trump prévoit une « amnistie totale » pour toutes les parties. Aucune réclamation. Aucune plainte. Les crimes de guerre ? Oubliés. Les tortures ? Pardonnées. Les déportations d’enfants ? Effacées. C’est une insulte. C’est un crachat au visage des victimes. C’est dire aux bourreaux : continuez, vous ne serez jamais punis. C’est dire aux victimes : votre souffrance ne compte pas. Votre justice n’existe pas. Votre douleur est le prix de la paix. Et ce prix, nous sommes prêts à le payer. Pas nous, bien sûr. Vous. Vous, les Ukrainiens. Vous, les victimes. Vous paierez. Nous, nous signerons des accords. Nous, nous nous féliciterons. Nous, nous passerons à autre chose. Mais vous, vous vivrez avec les conséquences. Vous vivrez sous occupation. Vous vivrez avec vos traumatismes. Vous vivrez avec l’injustice.
Le point vingt-quatre du plan prévoit la création d’un « comité humanitaire » pour régler les questions d’échange de prisonniers, de restitution des corps, de retour des otages et détenus civils, et un programme de réunification familiale. C’est bien. C’est nécessaire. Mais c’est insuffisant. Parce que ce comité n’aura aucun pouvoir. Aucun moyen de contraindre la Russie à coopérer. Aucune capacité à punir les violations. Ce sera un comité de façade. Un comité pour donner l’illusion qu’on se soucie des victimes. Mais dans la réalité, les prisonniers ukrainiens resteront en Russie. Les enfants déportés ne reviendront pas. Les familles séparées ne seront pas réunifiées. Parce que la Russie utilisera ces otages comme monnaie d’échange. Comme levier de pression. Comme moyen de contrôle. Et l’Occident fermera les yeux. Parce que rouvrir le dossier des crimes de guerre, c’est rouvrir le conflit. C’est remettre en question l’accord. C’est risquer de tout faire échouer. Alors on préférera oublier. On préférera passer l’éponge. On préférera sacrifier la justice sur l’autel de la stabilité. Encore une fois. Toujours.
Je pense aux gens du Donbass. À ceux qui ont fui. À ceux qui sont restés. À ceux qui ont résisté. À ceux qui ont collaboré. À ceux qui ont survécu. À ceux qui sont morts. Je pense à leurs histoires. À leurs choix impossibles. À leurs sacrifices. Et je me demande : comment peut-on les abandonner ? Comment peut-on leur dire : désolé, vous n’êtes plus ukrainiens, vous êtes russes maintenant, acceptez-le ? Comment peut-on effacer leur identité d’un trait de plume ? Comment peut-on nier leur volonté ? Parce que oui, certains dans le Donbass sont pro-russes. Certains ont soutenu les séparatistes. Certains ont accueilli l’invasion. Mais d’autres non. D’autres ont résisté. D’autres ont fui. D’autres ont perdu tout ce qu’ils avaient pour rester ukrainiens. Et maintenant, on les trahit. On les abandonne. On les livre à leurs bourreaux. Et on appelle ça la paix. Quelle obscénité.
Section 9 : L'OTAN, le fantôme qui terrorise Moscou
L’obsession russe
Pour comprendre ce plan, il faut comprendre l’obsession de Poutine avec l’OTAN. Pour lui, l’expansion de l’Alliance atlantique vers l’est est une menace existentielle. Une humiliation. Une trahison. Il répète depuis des années que l’Occident a promis à Gorbatchev en mille neuf cent quatre-vingt-dix que l’OTAN ne s’étendrait pas « d’un pouce vers l’est ». C’est faux. Aucun traité n’a jamais été signé. Aucun engagement formel n’a jamais été pris. Mais Poutine s’accroche à ce mythe. Il en a fait le cœur de sa rhétorique. L’OTAN nous encercle. L’OTAN nous menace. L’OTAN veut nous détruire. Et donc, l’Ukraine ne doit jamais rejoindre l’OTAN. Jamais. C’est sa ligne rouge. Sa condition non négociable. Et le plan Trump accepte. Le point sept exige que l’Ukraine inscrive dans sa Constitution qu’elle ne rejoindra jamais l’Alliance. Et que l’OTAN, de son côté, inscrive dans ses statuts qu’elle n’acceptera jamais l’Ukraine. C’est une double garantie. Une double condamnation. L’Ukraine est enfermée. Prisonnière d’un statut de neutralité imposé. Incapable de choisir ses alliances. Incapable de garantir sa sécurité. Vulnérable. À jamais.
Mais pourquoi Poutine a-t-il si peur de l’OTAN ? Parce qu’il sait que l’OTAN fonctionne. Que l’article cinq du traité de Washington est crédible. Qu’une attaque contre un membre de l’Alliance est une attaque contre tous. Et que la Russie ne peut pas se permettre d’affronter l’OTAN. Elle peut envahir l’Ukraine. Elle peut menacer la Géorgie. Elle peut intimider la Moldavie. Mais elle ne peut pas toucher à la Pologne. Elle ne peut pas toucher aux pays baltes. Elle ne peut pas toucher à la Roumanie. Parce que ces pays sont protégés. Parce que l’OTAN les défendrait. Parce que la guerre avec l’OTAN signifierait la fin de la Russie. Alors Poutine veut créer une zone tampon. Une zone de pays non alignés. De pays vulnérables. De pays qu’il peut envahir sans déclencher une guerre mondiale. L’Ukraine. La Géorgie. La Moldavie. L’Arménie. L’Azerbaïdjan. Tous ces pays doivent rester hors de l’OTAN. Tous ces pays doivent rester dans la sphère d’influence russe. Tous ces pays doivent accepter leur statut de vassaux. Et le plan Trump valide cette vision. Il accepte que l’Europe soit divisée en deux. Les pays protégés et les pays sacrifiés. Les pays qui comptent et les pays qui ne comptent pas. Les pays qui ont le droit de choisir leurs alliances et les pays qui doivent obéir à Moscou.
La neutralité comme piège
Le plan Trump présente la neutralité de l’Ukraine comme une solution. Comme un compromis raisonnable. L’Ukraine ne rejoint pas l’OTAN, la Russie ne l’envahit plus. Tout le monde est content. Sauf que ça ne marche pas comme ça. La neutralité ne protège pas. L’histoire le prouve. La Belgique était neutre en mille neuf cent quatorze. L’Allemagne l’a envahie quand même. La Pologne avait un pacte de non-agression avec l’Allemagne en mille neuf cent trente-neuf. Hitler l’a envahie quand même. L’Ukraine avait le mémorandum de Budapest en mille neuf cent quatre-vingt-quatorze. La Russie, les États-Unis et le Royaume-Uni garantissaient son intégrité territoriale en échange de l’abandon de son arsenal nucléaire. Et puis la Russie a annexé la Crimée. Et puis la Russie a envahi le Donbass. Et puis la Russie a lancé une invasion totale. Les garanties ne valaient rien. Les promesses étaient creuses. La neutralité était un piège. Et maintenant, on propose la même chose. De nouvelles garanties. De nouvelles promesses. Une nouvelle neutralité. Comme si cette fois, ce serait différent. Comme si cette fois, ça marcherait. Comme si cette fois, la Russie respecterait ses engagements. C’est de la folie. C’est de l’aveuglement volontaire. C’est refuser de voir la réalité en face.
La seule chose qui protège vraiment, c’est la force. C’est la dissuasion. C’est la capacité à se défendre. Et pour un pays comme l’Ukraine, face à un voisin comme la Russie, ça signifie l’OTAN. Ça signifie l’article cinq. Ça signifie la garantie que si Moscou attaque, elle affrontera toute l’Alliance. Sans ça, l’Ukraine est seule. Vulnérable. Condamnée. Le plan Trump le sait. Poutine le sait. Tout le monde le sait. Mais on fait semblant. On parle de garanties de sécurité. On parle de neutralité. On parle de compromis. Mais dans la réalité, on condamne l’Ukraine à vivre sous la menace permanente d’une nouvelle invasion. On la condamne à dépendre du bon vouloir de Moscou. On la condamne à accepter son statut de pays de seconde zone. De pays sacrifié. De pays oublié. Et on appelle ça la paix. On appelle ça la stabilité. On appelle ça le réalisme. Mais c’est juste de la lâcheté. De la lâcheté déguisée en sagesse.
L’OTAN. Ce mot qui fait trembler Poutine. Ce mot qui obsède Moscou. Ce mot qui justifie l’invasion. Mais pourquoi ? Pourquoi l’OTAN fait-elle si peur à la Russie ? Pas parce qu’elle menace d’envahir. L’OTAN n’a jamais attaqué la Russie. Jamais. Pas une fois en soixante-quinze ans d’existence. Non, l’OTAN fait peur parce qu’elle empêche la Russie d’envahir ses voisins. Parce qu’elle protège les pays qui la rejoignent. Parce qu’elle crée une zone de sécurité, de démocratie, de prospérité. Et ça, Poutine ne peut pas le tolérer. Parce que si l’Ukraine rejoint l’OTAN et prospère, si elle devient une démocratie stable et riche, alors les Russes se demanderont : pourquoi pas nous ? Pourquoi vivons-nous sous une dictature ? Pourquoi sommes-nous pauvres ? Pourquoi acceptons-nous ça ? L’Ukraine libre est une menace pour Poutine. Pas militairement. Idéologiquement. Elle prouve qu’une alternative existe. Qu’un autre chemin est possible. Et ça, c’est intolérable pour un dictateur.
Section 10 : L'armée ukrainienne, désarmée par décret
Six cent mille soldats : une condamnation à l’impuissance
Le point six du plan Trump est peut-être le plus vicieux. Il exige que l’Ukraine réduise son armée à six cent mille militaires. Contre neuf cent mille actuellement. Une réduction de trente-trois pour cent. Pourquoi ? Pour rassurer la Russie. Pour montrer que l’Ukraine ne représente pas une menace. Pour créer un « équilibre » entre les deux pays. Sauf qu’il n’y a pas d’équilibre. La Russie a une armée d’un million deux cent mille hommes. Plus des réserves de deux millions. Plus une industrie de défense massive. Plus des armes nucléaires. L’Ukraine, avec six cent mille soldats, ne pourra jamais se défendre efficacement contre une nouvelle invasion russe. Elle sera en position de faiblesse permanente. Elle devra compter sur ses alliés. Mais quels alliés ? Les États-Unis qui l’ont forcée à accepter ce plan ? L’Europe qui n’a pas su la protéger ? Les garanties de sécurité dont personne ne connaît le contenu ? C’est une blague. Une blague cruelle. Une blague qui condamne l’Ukraine à l’impuissance. À la vulnérabilité. À la dépendance. Et c’est exactement ce que Poutine veut. Une Ukraine faible. Une Ukraine incapable de résister. Une Ukraine mûre pour la prochaine invasion.
Mais ce n’est pas tout. Le plan interdit aussi à l’Ukraine de posséder certaines armes. Les missiles longue portée. Les systèmes de défense aérienne avancés. Les armes offensives capables de frapper le territoire russe. En clair : l’Ukraine peut se défendre, mais pas trop. Elle peut résister, mais pas gagner. Elle peut survivre, mais pas prospérer. C’est une armée castrée. Une armée symbolique. Une armée qui existe pour donner l’illusion de la souveraineté, mais qui n’a pas les moyens de la défendre réellement. Et pendant ce temps, la Russie, elle, peut garder toutes ses armes. Tous ses missiles. Tous ses bombardiers. Toutes ses capacités offensives. Parce que la Russie est une grande puissance. Parce que la Russie a des armes nucléaires. Parce que la Russie fait peur. Alors on la ménage. On accepte ses exigences. On sacrifie l’Ukraine pour l’apaiser. Encore. Toujours. Sans fin.
Le désarmement progressif
Le plan ne dit pas comment cette réduction sera mise en œuvre. Qui sera démobilisé ? Les soldats les plus expérimentés ? Les plus jeunes ? Les unités d’élite ? Les conscrits ? Et sur quelle période ? Six mois ? Un an ? Cinq ans ? Aucune précision. Aucun détail. Juste une exigence brutale : réduisez votre armée. Affaiblissez-vous. Rendez-vous vulnérables. Et faites-le rapidement. Parce que le temps presse. Parce que Trump veut son accord. Parce que Poutine attend. Imaginez ce que ça signifie concrètement. Des centaines de milliers de soldats qui ont combattu pendant des années, qui ont survécu à l’enfer, qui ont vu leurs camarades mourir, qui ont défendu leur pays avec courage… renvoyés chez eux. Démobilisés. Remerciés. Comme si leur sacrifice ne comptait plus. Comme si leur expérience ne valait rien. Comme si on pouvait se passer d’eux. Et ces soldats, que vont-ils devenir ? Ils rentreront dans un pays détruit. Dans une économie en ruines. Sans emploi. Sans perspective. Avec leurs traumatismes. Avec leurs blessures. Avec leurs souvenirs. Et ils se demanderont : pour quoi avons-nous combattu ? Pour quoi sommes-nous morts ? Pour finir par capituler ? Pour finir par accepter les exigences de l’ennemi ? Pour finir par trahir tout ce pour quoi nous nous sommes battus ?
Et l’armée ukrainienne elle-même, comment va-t-elle réagir ? Les généraux accepteront-ils de démanteler leurs unités ? Les soldats accepteront-ils d’être démobilisés ? Ou y aura-t-il une révolte ? Un refus ? Une mutinerie ? Parce que demander à une armée de se désarmer alors qu’elle est encore en guerre, c’est demander l’impossible. C’est demander aux soldats de renoncer à leur mission. De trahir leur serment. D’abandonner leurs camarades. Certains accepteront. Par fatigue. Par résignation. Par désespoir. Mais d’autres refuseront. Et alors quoi ? Une guerre civile en Ukraine ? Un coup d’État militaire ? Un éclatement du pays entre ceux qui acceptent le plan et ceux qui le rejettent ? C’est un scénario cauchemardesque. Mais c’est un scénario possible. Parce que ce plan ne crée pas la paix. Il crée le chaos. Il crée l’instabilité. Il crée les conditions d’une nouvelle catastrophe. Et tout ça pour quoi ? Pour satisfaire l’ego de Trump. Pour enrichir ses amis. Pour apaiser Poutine. Pour éviter de prendre nos responsabilités. Pour fuir nos engagements. Pour trahir nos valeurs.
Six cent mille soldats. Ce chiffre me hante. Parce que derrière ce chiffre, il y a des vies. Des hommes et des femmes qui ont tout donné. Qui ont sacrifié leur jeunesse. Qui ont risqué leur vie. Qui ont perdu leurs amis. Et maintenant, on leur dit : c’est fini, rentrez chez vous, vous n’êtes plus nécessaires. Comme si on pouvait éteindre une guerre comme on éteint une lumière. Comme si on pouvait démobiliser une armée comme on ferme une usine. Comme si les soldats étaient des pions qu’on déplace sur un échiquier. Mais ce ne sont pas des pions. Ce sont des êtres humains. Avec des espoirs. Des peurs. Des rêves. Des traumatismes. Et on les abandonne. On les jette. On les oublie. Parce qu’ils ne servent plus. Parce que la guerre est finie. Parce qu’on a signé un accord. Mais pour eux, la guerre ne sera jamais finie. Elle continuera dans leurs têtes. Dans leurs cauchemars. Dans leurs souvenirs. Pour toujours.
Section 11 : Les leçons ignorées de l'histoire
Munich mille neuf cent trente-huit : le précédent maudit
Septembre mille neuf cent trente-huit. Neville Chamberlain descend de l’avion à Londres en agitant un bout de papier. « La paix pour notre temps », proclame-t-il. Il vient de signer les accords de Munich avec Hitler. La Tchécoslovaquie cède les Sudètes à l’Allemagne. En échange, Hitler promet de ne plus avoir de revendications territoriales en Europe. Chamberlain est acclamé. On le félicite. On le remercie d’avoir évité la guerre. Et puis, six mois plus tard, Hitler envahit le reste de la Tchécoslovaquie. Et un an plus tard, il déclenche la Seconde Guerre mondiale. Munich est devenu le symbole de l’apaisement raté. Le symbole de la lâcheté qui mène à la catastrophe. Le symbole de la trahison qui ne sauve personne. Et pourtant, nous recommençons. Nous répétons exactement les mêmes erreurs. Nous sacrifions un petit pays pour apaiser un dictateur. Nous acceptons ses exigences territoriales. Nous croyons ses promesses. Nous nous félicitons d’avoir évité l’escalade. Et nous refusons de voir que nous ne faisons que reporter le conflit. Que nous ne faisons que le rendre plus grave. Que nous ne faisons que préparer la prochaine catastrophe. L’histoire ne se répète pas. Mais elle rime. Et là, elle rime terriblement.
La différence, c’est que nous connaissons l’histoire. Nous savons ce qui s’est passé après Munich. Nous savons que l’apaisement ne marche pas. Nous savons que céder à un agresseur ne fait que l’encourager. Nous savons que sacrifier les petits pays ne protège pas les grands. Nous savons tout ça. Et pourtant, nous le faisons quand même. Pourquoi ? Parce que c’est plus facile. Parce que c’est moins cher. Parce que nous sommes fatigués. Parce que nous ne voulons pas nous battre. Parce que nous préférons croire aux mensonges rassurants plutôt qu’affronter la vérité dérangeante. Chamberlain avait une excuse : il ne savait pas. Il croyait sincèrement qu’Hitler respecterait ses engagements. Il croyait sincèrement que Munich apporterait la paix. Il se trompait, mais il était de bonne foi. Nous, nous n’avons pas cette excuse. Nous savons. Nous savons que Poutine ne respectera pas ses engagements. Nous savons que ce plan ne apportera pas la paix. Nous savons que nous préparons la prochaine guerre. Mais nous le faisons quand même. Parce que nous sommes lâches. Parce que nous sommes cyniques. Parce que nous nous en fichons. Tant que ce n’est pas nous qui payons le prix. Tant que ce sont les Ukrainiens qui souffrent. Tant que ce sont eux qui meurent.
Yalta mille neuf cent quarante-cinq : le partage du monde
Février mille neuf cent quarante-cinq. Roosevelt, Churchill et Staline se rencontrent à Yalta, en Crimée. Ils se partagent l’Europe. L’Ouest pour les Américains et les Britanniques. L’Est pour les Soviétiques. Les petits pays n’ont pas leur mot à dire. Leur destin est décidé par les grands. La Pologne, la Hongrie, la Roumanie, la Bulgarie, la Tchécoslovaquie : tous livrés à Staline. Tous condamnés à quarante-cinq ans de dictature communiste. Tous sacrifiés sur l’autel de la realpolitik. Et pourquoi ? Pour maintenir l’alliance avec l’Union soviétique. Pour éviter un conflit avec Moscou. Pour préserver la paix. Mais quelle paix ? Une paix qui a condamné des centaines de millions de personnes à vivre sous la tyrannie. Une paix qui a divisé l’Europe en deux. Une paix qui a créé la Guerre froide. Une paix qui a duré jusqu’en mille neuf cent quatre-vingt-neuf. Quarante-quatre ans. Quarante-quatre ans de souffrance. Quarante-quatre ans d’oppression. Quarante-quatre ans de mensonges. Tout ça parce que les grands ont décidé de sacrifier les petits. Tout ça parce que Roosevelt et Churchill ont cru qu’ils pouvaient faire confiance à Staline. Tout ça parce qu’ils ont choisi la facilité plutôt que la justice.
Et maintenant, nous refaisons Yalta. Trump et Poutine se partagent l’Europe. L’Ouest pour l’OTAN. L’Est pour la Russie. L’Ukraine n’a pas son mot à dire. Son destin est décidé à Miami. Par un promoteur immobilier et un gestionnaire de fonds. Sans consultation. Sans négociation. Sans respect. Juste un deal. Un arrangement entre hommes d’affaires. Et l’Europe ? L’Europe découvre le plan dans les journaux. L’Europe est priée d’accepter. L’Europe est priée de payer. L’Europe est priée de se taire. Parce que les grands ont décidé. Parce que l’Amérique et la Russie se sont mises d’accord. Parce que le reste du monde n’a qu’à suivre. C’est du néocolonialisme. C’est du mépris. C’est de l’arrogance. Et c’est exactement ce qui s’est passé à Yalta. Les mêmes mécanismes. Les mêmes logiques. Les mêmes trahisons. Sauf que cette fois, nous ne pouvons pas dire que nous ne savions pas. Cette fois, nous ne pouvons pas dire que nous n’avions pas le choix. Cette fois, nous sommes pleinement responsables. Pleinement coupables. Pleinement complices.
Munich. Yalta. Ces noms résonnent comme des avertissements. Comme des rappels de nos échecs passés. Comme des leçons que nous refusons d’apprendre. Parce que apprendre signifierait changer. Signifierait avoir du courage. Signifierait défendre nos valeurs même quand c’est difficile. Même quand c’est coûteux. Même quand c’est dangereux. Mais nous ne voulons pas. Nous préférons répéter les mêmes erreurs. Nous préférons croire que cette fois, ce sera différent. Que cette fois, ça marchera. Que cette fois, l’agresseur respectera ses promesses. Nous sommes comme des joueurs compulsifs qui continuent à miser en croyant que la prochaine fois sera la bonne. Sauf que nous ne misons pas notre argent. Nous misons la vie des Ukrainiens. Nous misons l’avenir de l’Europe. Nous misons la stabilité du monde. Et nous allons perdre. Encore.
Section 12 : La prochaine guerre se prépare aujourd'hui
Le réarmement russe pendant la « paix »
Imaginons que ce plan soit signé. Que l’Ukraine accepte. Que la guerre s’arrête. Que pensez-vous qu’il va se passer ? La Russie va-t-elle démobiliser ? Va-t-elle réduire son armée ? Va-t-elle convertir son industrie de guerre en industrie civile ? Non. Elle va faire exactement le contraire. Elle va profiter de la paix pour se réarmer. Pour reconstituer ses stocks. Pour réparer ses équipements. Pour entraîner de nouvelles recrues. Pour développer de nouvelles armes. Pour préparer la prochaine offensive. C’est exactement ce qui s’est passé après Minsk. Les accords prévoyaient un cessez-le-feu. La Russie a utilisé ce cessez-le-feu pour fortifier ses positions dans le Donbass. Pour y envoyer des armes. Pour y déployer des troupes. Pour transformer la région en forteresse. Et quand elle a été prête, elle a attaqué. Février deux mille vingt-deux. L’invasion totale. Minsk n’était qu’une pause. Une respiration. Un moment pour se préparer. Et ce plan Trump sera pareil. Une pause. Une respiration. Un moment pour que la Russie se prépare à la prochaine guerre. Dans cinq ans. Dans dix ans. Quand l’Ukraine sera affaiblie. Quand son armée sera réduite. Quand ses défenses seront démantelées. Quand l’Occident aura oublié. Alors Poutine ou son successeur frappera à nouveau.
Et cette fois, ce sera pire. Parce que l’Ukraine sera plus faible. Parce qu’elle aura perdu ses positions défensives. Parce qu’elle aura abandonné ses territoires stratégiques. Parce qu’elle n’aura plus que six cent mille soldats. Parce qu’elle n’aura plus d’armes longue portée. Parce qu’elle sera seule. L’Occident dira : nous avons déjà fait un accord. Nous ne pouvons pas recommencer. C’est trop. L’Ukraine doit accepter. Encore. Et l’Ukraine tombera. Peut-être pas d’un coup. Peut-être pas complètement. Mais elle tombera. Morceau par morceau. Invasion par invasion. Accord par accord. Jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien. Jusqu’à ce que l’Ukraine disparaisse. Pas physiquement. Mais politiquement. Culturellement. Spirituellement. Elle deviendra une province russe. Un territoire occupé. Un peuple soumis. Et nous, l’Occident, nous aurons regardé. Nous aurons laissé faire. Nous aurons facilité. Nous aurons été complices. Et nous nous demanderons : comment en sommes-nous arrivés là ? Comment avons-nous pu laisser ça se produire ? Et la réponse sera simple : parce que nous avons choisi la facilité. Parce que nous avons choisi le confort. Parce que nous avons choisi de ne rien faire.
L’effet domino en Europe de l’Est
Mais l’Ukraine ne sera pas la seule victime. Si ce plan est signé, si l’agression russe est récompensée, d’autres pays seront menacés. La Moldavie d’abord. Petit pays coincé entre l’Ukraine et la Roumanie. Avec une région séparatiste pro-russe, la Transnistrie. Poutine rêve de l’annexer. De créer un corridor terrestre vers cette enclave. Et avec l’Ukraine affaiblie, rien ne l’en empêchera. La Moldavie tombera. Puis ce sera le tour de la Géorgie. Déjà amputée de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud depuis deux mille huit. Déjà sous pression russe. Déjà menacée. Si l’Ukraine tombe, la Géorgie suivra. Et puis ? Les pays baltes ? La Pologne ? La Roumanie ? Non, pas eux. Ils sont membres de l’OTAN. Ils sont protégés. Mais pour combien de temps ? Si Trump accepte de sacrifier l’Ukraine, pourquoi ne sacrifierait-il pas les Baltes ? Si l’article cinq peut être ignoré pour l’Ukraine, pourquoi serait-il respecté pour l’Estonie ? Si les garanties de sécurité ne valent rien, pourquoi l’OTAN vaudrait-elle quelque chose ? Le doute s’installe. La confiance s’érode. L’Alliance se fissure. Et Poutine observe. Il teste. Il pousse. Il voit jusqu’où il peut aller. Et il découvre qu’il peut aller très loin. Parce que l’Occident ne fera rien. Parce que l’Occident est divisé. Parce que l’Occident est faible.
Et ce n’est pas seulement l’Europe de l’Est qui est menacée. C’est l’ordre mondial entier. Si la Russie peut annexer des territoires sans conséquence, pourquoi la Chine ne pourrait-elle pas faire de même avec Taïwan ? Pourquoi la Turquie ne pourrait-elle pas annexer des morceaux de Syrie ou de Grèce ? Pourquoi l’Iran ne pourrait-il pas envahir l’Irak ? Pourquoi le Pakistan ne pourrait-il pas prendre le Cachemire ? Pourquoi n’importe quel pays fort ne pourrait-il pas dévorer ses voisins faibles ? Le plan Trump ne crée pas seulement un précédent pour l’Europe. Il crée un précédent pour le monde entier. Il dit : les frontières ne comptent pas. Les traités ne valent rien. La force prime le droit. Et si vous êtes assez fort, vous pouvez prendre ce que vous voulez. C’est un retour au dix-neuvième siècle. Au temps des empires. Au temps où les grands se partageaient le monde et où les petits n’avaient qu’à obéir. Sauf que nous sommes au vingt-et-unième siècle. Nous avons des armes nucléaires. Nous avons des technologies destructrices. Nous avons les moyens de nous anéantir mutuellement. Et si nous revenons à la loi de la jungle, si nous abandonnons les règles, si nous laissons la force décider, alors nous courons vers la catastrophe. Vers la guerre mondiale. Vers l’apocalypse.
La prochaine guerre. Elle se prépare maintenant. Dans les bureaux de Miami où Trump et ses conseillers négocient avec les émissaires russes. Dans les salles du Kremlin où Poutine planifie sa prochaine offensive. Dans les chancelleries européennes où les dirigeants se résignent à l’inévitable. Elle se prépare dans notre silence. Dans notre lâcheté. Dans notre refus d’agir. Nous la voyons venir. Nous savons qu’elle arrive. Mais nous ne faisons rien. Nous signons des accords. Nous prononçons des discours. Nous nous félicitons. Et nous attendons. Nous attendons que l’orage éclate. Que le sang coule. Que les morts s’accumulent. Et alors, peut-être, nous réagirons. Peut-être nous nous réveillerons. Peut-être nous nous souviendrons de nos valeurs. Mais il sera trop tard. Comme toujours. Comme à Munich. Comme à Yalta. Comme à chaque fois que nous avons choisi la facilité plutôt que le courage. L’histoire nous jugera. Et son verdict sera impitoyable.
Section 13 : Les voix qui s'élèvent contre la trahison
Les experts sonnent l’alarme
Anne Applebaum, historienne et journaliste au Atlantic, n’a pas mâché ses mots. Dans son article publié le vingt-deux novembre, elle qualifie le plan de « proposition qui affaiblit l’Ukraine et divise l’Amérique de l’Europe, préparant le terrain pour une guerre plus large dans le futur ». Elle ajoute : « Ce n’est pas un plan de paix. C’est une proposition qui bénéficie à des investisseurs russes et américains non nommés, au détriment de tous les autres. » Elle pose les questions que personne ne veut entendre : qui va s’enrichir avec ce plan ? Quels sont les intérêts financiers en jeu ? Pourquoi les détails des négociations commerciales restent-ils secrets ? Et elle conclut : « Si ce plan est accepté, il mènera à ce que la Russie devienne le prédateur apex en Europe. » Le prédateur apex. L’expression est forte. Mais elle est juste. Parce que c’est exactement ce qui va se passer. La Russie va dominer. Va terroriser. Va dévorer. Et personne ne pourra l’arrêter. Parce que nous aurons accepté. Parce que nous aurons validé. Parce que nous aurons légitimé.
Jean de Gliniasty, ancien ambassadeur de France en Russie et directeur de recherche à l’IRIS, analyse le plan avec une lucidité désabusée. Il note que le document reprend les principales rubriques de l’accord avorté d’Istanbul en avril deux mille vingt-deux : « Renonciation par Kiev au Donbass et à la Crimée, non-entrée dans l’OTAN, levée des sanctions, langue russe… » Il souligne que « les Européens se résignent à une éventuelle paix plus favorable aux intérêts russes car ils savent que Kiev ne peut plus gagner la guerre et qu’eux-mêmes ne pourront pas se substituer à l’aide américaine à long terme ». La résignation. Le mot clé. L’Europe ne se bat plus. Elle se résigne. Elle accepte. Elle capitule. Sans même avoir combattu. Et Gliniasty conclut avec une ironie amère : « Finalement, en cas de succès de l’initiative de Donald Trump, ils seront indirectement bénéficiaires de l’amélioration globale de la situation politique, militaire et économique sur le continent. » Bénéficiaires. De quoi ? D’une paix injuste ? D’une capitulation honteuse ? D’une trahison historique ? C’est comme dire aux victimes d’un vol qu’elles bénéficieront de la fin de l’agression. Techniquement vrai. Moralement obscène.
Les voix ukrainiennes étouffées
Et les Ukrainiens ? Que disent-ils ? Leurs voix sont étouffées. Ignorées. Méprisées. Parce qu’ils ne comptent pas. Parce que leur avis n’a pas d’importance. Parce que les grands ont décidé. Mais si on les écoute, si on prend la peine de les entendre, on découvre une colère immense. Une rage contenue. Un sentiment de trahison profond. Sur les réseaux sociaux ukrainiens, les réactions sont unanimes : ce plan est une capitulation. Une insulte. Un crachat au visage de tous ceux qui ont résisté. Des analystes ukrainiens le qualifient d' »absurde ». Des politiciens le rejettent catégoriquement. Des soldats disent qu’ils ne déposeront jamais les armes. Des civils jurent qu’ils ne vivront jamais sous occupation russe. Mais qui les écoute ? Qui se soucie de leur opinion ? Personne. Parce qu’ils sont petits. Parce qu’ils sont faibles. Parce qu’ils dépendent de nous. Alors nous décidons pour eux. Nous leur imposons notre volonté. Nous les forçons à accepter. Et nous appelons ça de la diplomatie. Nous appelons ça du réalisme. Nous appelons ça de la paix. Mais eux, ils appellent ça de la trahison. Et ils ont raison.
Même Nigel Farage, le leader de Reform UK et allié de Trump, a exprimé son opposition au plan. « Demander à l’Ukraine de réduire de moitié la taille de son armée est inacceptable », a-t-il déclaré sur X. « J’attends de voir une contre-proposition du gouvernement de Zelensky. » Quand même Farage, connu pour ses positions pro-russes, trouve le plan inacceptable, c’est que quelque chose ne va vraiment pas. C’est que la ligne rouge a été franchie. C’est que même les plus cyniques, même les plus pragmatiques, même les plus réalistes trouvent ça trop. Trop injuste. Trop déséquilibré. Trop dangereux. Et pourtant, Trump insiste. Il maintient son ultimatum. Il menace. Il fait pression. Parce qu’il veut son accord. Parce qu’il veut sa victoire. Parce qu’il veut pouvoir dire qu’il a résolu le conflit. Peu importe le prix. Peu importe les conséquences. Peu importe la justice. Il veut son trophée. Et l’Ukraine est le prix à payer.
Les voix qui s’élèvent. Trop peu. Trop tard. Trop faibles. Elles crient dans le désert. Elles alertent. Elles avertissent. Elles supplient. Mais personne n’écoute. Parce que la décision est déjà prise. Parce que le plan est déjà écrit. Parce que l’accord est déjà négocié. Il ne reste plus qu’à forcer l’Ukraine à signer. À briser sa résistance. À écraser sa volonté. Et alors, les voix se tairont. Les experts se résigneront. Les Ukrainiens pleureront. Et nous, nous passerons à autre chose. Nous oublierons. Nous nous dirons que nous avons fait ce que nous pouvions. Que nous n’avions pas le choix. Que c’était inévitable. Mais ce sera un mensonge. Nous avions le choix. Nous avons toujours le choix. Nous choisissons la lâcheté. Nous choisissons la facilité. Nous choisissons la trahison. Et nous devrons vivre avec.
Section 14 : L'hiver qui tue
La guerre contre les civils
Pendant que Trump et Poutine négocient, pendant que les diplomates discutent, pendant que les experts analysent, les Ukrainiens meurent. Pas sur le champ de bataille. Pas sous les bombes. Mais de froid. Dans le noir. Dans leurs appartements glacés. Parce que la Russie a détruit quatre-vingt-dix pour cent des infrastructures énergétiques du pays. Les centrales électriques. Les transformateurs. Les lignes à haute tension. Tout. Systématiquement. Méthodiquement. Cruellement. C’est une guerre contre les civils. Une guerre contre la population. Une tentative de briser la volonté de résistance en rendant la vie impossible. Et ça marche. Les gens tiennent. Ils survivent. Mais ils sont à bout. L’hiver ukrainien est impitoyable. Les températures descendent à moins vingt degrés. Sans chauffage, les appartements deviennent des congélateurs. Les gens dorment habillés. Ils se regroupent dans une seule pièce. Ils brûlent ce qu’ils peuvent pour se réchauffer. Les meubles. Les livres. Tout. Et ils attendent. Ils attendent que l’électricité revienne. Ils attendent que la guerre finisse. Ils attendent que quelqu’un les sauve. Mais personne ne vient. Parce que l’Occident est occupé à négocier leur capitulation.
Les hôpitaux fonctionnent avec des générateurs. Quand ils ont du carburant. Quand les générateurs ne tombent pas en panne. Les opérations sont reportées. Les malades chroniques ne peuvent plus être soignés. Les personnes âgées meurent de froid dans leurs appartements. Les enfants tombent malades. Et les statistiques s’accumulent. Combien de morts ? Combien de victimes de cette guerre silencieuse ? Personne ne sait. Personne ne compte. Parce que ce ne sont pas des morts spectaculaires. Ce ne sont pas des massacres. Ce ne sont pas des bombardements. Ce sont juste des gens qui s’éteignent doucement. Dans le froid. Dans le noir. Dans l’oubli. Et le plan Trump ne dit rien sur ça. Il ne prévoit rien pour reconstruire les infrastructures énergétiques. Il ne garantit rien pour protéger les civils. Il parle de territoires. De soldats. D’armements. Mais pas des gens. Pas de ceux qui souffrent. Pas de ceux qui meurent. Parce qu’ils ne comptent pas. Parce qu’ils ne sont pas importants. Parce qu’ils ne sont que des dommages collatéraux dans un jeu géopolitique qui les dépasse.
La fatigue qui ronge
Zelensky l’a dit : « Même le métal le plus fort peut se briser. » C’était un avertissement. Une reconnaissance. Une admission que l’Ukraine, malgré son courage, malgré sa résistance, malgré son héroïsme, est au bord de la rupture. Presque quatre ans de guerre. Quatre ans de bombardements. Quatre ans de morts. Quatre ans de destructions. Quatre ans de sacrifices. C’est long. C’est épuisant. C’est insoutenable. Les gens veulent que ça s’arrête. Ils veulent retrouver une vie normale. Ils veulent dormir sans sirènes. Ils veulent allumer la lumière sans se demander si l’électricité va tenir. Ils veulent chauffer leur appartement. Ils veulent que leurs enfants aillent à l’école. Ils veulent vivre. Juste vivre. Et si pour ça, il faut accepter un accord injuste, si pour ça, il faut renoncer à des territoires, si pour ça, il faut capituler… beaucoup sont prêts. Pas tous. Pas la majorité peut-être. Mais assez pour que ça compte. Assez pour que ça pèse. Assez pour que Zelensky soit sous pression. Pas seulement de Trump. Pas seulement de Poutine. Mais de son propre peuple. Un peuple épuisé. Un peuple à bout. Un peuple qui veut que ça finisse.
Et c’est ça, le génie diabolique de la stratégie russe. Poutine ne cherche pas à gagner militairement. Il cherche à briser la volonté. À épuiser. À user. À rendre la vie tellement insupportable que les gens accepteront n’importe quoi pour que ça s’arrête. Et ça marche. Lentement. Progressivement. Inexorablement. La résistance s’effrite. La détermination faiblit. L’espoir s’éteint. Et quand l’Ukraine sera suffisamment affaiblie, suffisamment épuisée, suffisamment désespérée, alors elle acceptera. Elle signera. Elle capitulera. Pas parce qu’elle aura perdu militairement. Mais parce qu’elle n’aura plus la force de continuer. Parce que son peuple n’en pourra plus. Parce que la survie primera sur la dignité. Et Poutine aura gagné. Sans avoir vaincu. Juste en ayant tenu. Juste en ayant duré. Juste en ayant été plus patient, plus cruel, plus impitoyable que nous. Parce que nous, l’Occident, nous avons des limites. Nous avons une conscience. Nous avons de la compassion. Et ça, c’est notre faiblesse. Parce que Poutine, lui, n’en a pas. Il peut faire souffrir son peuple indéfiniment. Il peut sacrifier des centaines de milliers de soldats. Il peut détruire des villes entières. Sans remords. Sans hésitation. Sans limite. Et face à ça, notre compassion ne fait pas le poids.
L’hiver. Ce mot qui résonne comme une condamnation. Comme une sentence. Comme un compte à rebours. Chaque jour qui passe, chaque degré qui descend, chaque heure sans électricité rapproche l’Ukraine de la capitulation. Pas parce qu’elle est vaincue. Mais parce qu’elle est épuisée. Et nous, nous regardons. Nous savons. Nous voyons. Mais nous ne faisons rien. Nous pourrions envoyer des générateurs. Des systèmes de chauffage. De l’aide humanitaire. Nous pourrions reconstruire les infrastructures. Nous pourrions protéger les civils. Mais nous ne le faisons pas. Pas assez. Pas suffisamment. Pas à la hauteur de leurs besoins. Parce que c’est cher. Parce que c’est compliqué. Parce que nous sommes fatigués. Alors nous laissons l’hiver faire le travail. Nous laissons le froid briser ce que les bombes n’ont pas réussi à détruire. Nous laissons la souffrance accomplir ce que la force n’a pas pu achever. Et nous appelons ça de la neutralité. Nous appelons ça du réalisme. Mais c’est juste de la cruauté. De la cruauté par omission. De la cruauté par indifférence. De la cruauté par lâcheté.
Section 15 : Ce que nous perdons en trahissant l'Ukraine
La mort du droit international
Si ce plan est signé, si l’Ukraine est forcée d’accepter, nous ne perdrons pas seulement un pays. Nous perdrons un principe. Le principe que les frontières sont inviolables. Que l’agression ne paie pas. Que la force ne prime pas le droit. Ce principe est au cœur de l’ordre international construit après la Seconde Guerre mondiale. C’est lui qui a permis soixante-dix ans de paix relative en Europe. C’est lui qui a empêché les grandes puissances de se déchirer. C’est lui qui a protégé les petits pays des appétits des grands. Et nous nous apprêtons à le sacrifier. À le jeter. À le détruire. Pour quoi ? Pour un accord qui ne tiendra pas. Pour une paix qui ne durera pas. Pour un répit qui ne servira qu’à préparer la prochaine guerre. C’est une folie. Une folie suicidaire. Parce que sans ce principe, sans cette règle, sans cette limite, c’est le chaos. C’est la loi de la jungle. C’est le retour à un monde où seule la force compte. Et dans ce monde-là, personne n’est en sécurité. Pas même les grands. Pas même les forts. Parce que la force est relative. Parce qu’il y a toujours plus fort. Parce que la spirale de la violence n’a pas de fin.
La Charte des Nations unies interdit l’acquisition de territoires par la guerre. C’est l’article deux, paragraphe quatre. C’est la base. Le fondement. La pierre angulaire de tout l’édifice. Et nous nous apprêtons à violer cet article. À le bafouer. À le rendre caduc. En reconnaissant l’annexion de la Crimée. En acceptant les conquêtes russes dans le Donbass. En légalisant le vol. Et une fois que nous aurons franchi cette ligne, une fois que nous aurons accepté que les frontières peuvent être changées par la force, alors toutes les frontières deviennent négociables. Toutes les conquêtes deviennent possibles. Tous les conflits deviennent légitimes. Parce que si la Russie peut le faire, pourquoi pas les autres ? Pourquoi la Chine ne pourrait-elle pas annexer Taïwan ? Pourquoi l’Inde ne pourrait-elle pas prendre le Cachemire ? Pourquoi le Maroc ne pourrait-il pas annexer le Sahara occidental ? Pourquoi n’importe quel pays ne pourrait-il pas envahir son voisin ? Il n’y a plus de règles. Plus de limites. Plus de morale. Juste la force. Et que le plus fort gagne.
La fin de la crédibilité occidentale
Nous avons promis. Nous avons juré. Nous avons garanti. En mille neuf cent quatre-vingt-quatorze, avec le mémorandum de Budapest, nous avons promis à l’Ukraine que si elle abandonnait ses armes nucléaires, nous protégerions son intégrité territoriale. L’Ukraine a accepté. Elle a renoncé au troisième arsenal nucléaire mondial. Elle s’est désarmée. Elle nous a fait confiance. Et nous l’avons trahie. En deux mille quatorze, quand la Russie a annexé la Crimée, nous n’avons rien fait. En deux mille vingt-deux, quand la Russie a envahi, nous avons envoyé des armes, mais pas assez. Pas suffisamment. Pas à temps. Et maintenant, en deux mille vingt-cinq, nous la forçons à capituler. À accepter la perte de ses territoires. À renoncer à sa souveraineté. À vivre sous la menace permanente. Nos promesses ne valaient rien. Nos garanties étaient creuses. Notre parole était vide. Et le monde entier le voit. Le monde entier prend note. Le monde entier apprend la leçon : ne faites jamais confiance à l’Occident. Ne croyez jamais ses promesses. Ne comptez jamais sur son soutien. Parce qu’il vous abandonnera. Parce qu’il vous trahira. Parce qu’il vous sacrifiera dès que ça deviendra trop cher, trop compliqué, trop dangereux.
Cette perte de crédibilité aura des conséquences. Des conséquences énormes. Des conséquences durables. Qui voudra s’allier avec nous désormais ? Qui voudra nous faire confiance ? Qui voudra compter sur notre protection ? Personne. Les pays qui dépendent de nous chercheront d’autres protecteurs. Ou ils développeront leurs propres armes nucléaires. Parce que c’est la seule garantie qui compte. La seule dissuasion qui fonctionne. Si l’Ukraine avait gardé ses armes nucléaires, la Russie ne l’aurait jamais envahie. C’est une certitude. Une évidence. Une leçon que tous les petits pays vont retenir. Et nous aurons créé un monde plus dangereux. Un monde avec plus d’armes nucléaires. Plus de prolifération. Plus de risques. Tout ça parce que nous avons trahi l’Ukraine. Tout ça parce que nous n’avons pas tenu nos promesses. Tout ça parce que nous avons choisi la facilité plutôt que l’honneur.
Notre crédibilité. Notre parole. Notre honneur. Tout ça, nous le jetons. Nous le sacrifions. Nous le détruisons. Pour quoi ? Pour un accord qui ne marchera pas. Pour une paix qui ne durera pas. Pour éviter une confrontation qui arrivera quand même. C’est stupide. C’est court-termiste. C’est suicidaire. Mais nous le faisons quand même. Parce que nous ne pensons qu’au présent. Parce que nous ne voyons pas plus loin que le bout de notre nez. Parce que nous refusons d’assumer les conséquences de nos actes. Et dans dix ans, dans vingt ans, quand le monde sera en flammes, quand les guerres se multiplieront, quand les armes nucléaires proliféreront, nous nous demanderons : comment en sommes-nous arrivés là ? Et la réponse sera simple : nous avons trahi l’Ukraine. Nous avons détruit l’ordre international. Nous avons choisi la lâcheté. Et nous avons payé le prix. Nous payons toujours le prix de nos lâchetés. Toujours.
Section 16 : Les alternatives que nous refusons de voir
Soutenir l’Ukraine jusqu’à la victoire
Il existe une alternative. Une alternative simple. Une alternative juste. Soutenir l’Ukraine jusqu’à ce qu’elle gagne. Lui donner les armes dont elle a besoin. Les munitions. Les systèmes de défense aérienne. Les missiles longue portée. Les avions de combat. Tout. Sans restriction. Sans hésitation. Sans limite. Et laisser l’Ukraine se battre. Parce qu’elle peut gagner. Elle l’a prouvé. Elle a repoussé l’offensive russe sur Kyiv. Elle a repris Kharkiv. Elle a libéré Kherson. Elle a tenu Marioupol pendant des mois contre des forces supérieures. Elle a montré qu’elle pouvait résister. Qu’elle pouvait contre-attaquer. Qu’elle pouvait vaincre. Tout ce qu’il lui manque, c’est le soutien. Le soutien total. Le soutien sans faille. Le soutien que nous refusons de lui donner. Parce que nous avons peur. Peur de l’escalade. Peur de la confrontation. Peur de Poutine. Mais cette peur est irrationnelle. Poutine ne veut pas la guerre avec l’OTAN. Il sait qu’il perdrait. Il bluffe. Il menace. Il agite le spectre nucléaire. Mais il ne passera pas à l’acte. Parce qu’il n’est pas suicidaire. Parce qu’il veut survivre. Parce qu’il veut garder le pouvoir. Et une guerre nucléaire signifierait sa fin. Alors il bluffe. Et nous tombons dans le panneau. Nous reculons. Nous limitons notre soutien. Nous laissons l’Ukraine se battre avec une main attachée dans le dos. Et nous nous étonnons qu’elle ne gagne pas.
Combien coûterait un soutien total à l’Ukraine ? Moins que ce que nous dépensons en défense chaque année. Beaucoup moins. Les États-Unis dépensent huit cents milliards de dollars par an pour leur armée. L’Europe, trois cents milliards. Ensemble, plus d’un trillion. Et nous ne pouvons pas trouver cent milliards pour sauver l’Ukraine ? Pour défendre nos valeurs ? Pour protéger l’ordre international ? C’est ridicule. C’est une question de volonté. Pas de moyens. Nous avons les moyens. Nous avons les armes. Nous avons les ressources. Ce qui nous manque, c’est le courage. La détermination. La vision. Nous préférons économiser quelques milliards maintenant et payer des centaines de milliards plus tard quand la guerre s’étendra. Quand d’autres pays seront envahis. Quand nous devrons intervenir directement. Parce que c’est ça, la réalité. Si nous abandonnons l’Ukraine, nous ne éviterons pas la guerre. Nous la reportons. Et quand elle arrivera, elle sera pire. Plus grande. Plus coûteuse. Plus meurtrière. Parce que Poutine ne s’arrêtera pas. Parce que d’autres suivront son exemple. Parce que le chaos se répandra. Et alors, nous regretterons. Nous regretterons de ne pas avoir agi quand c’était encore possible. Quand c’était encore facile. Quand c’était encore l’Ukraine qui se battait à notre place.
Créer de vraies garanties de sécurité
Si nous ne voulons pas que l’Ukraine rejoigne l’OTAN, si nous ne voulons pas nous engager militairement, alors créons de vraies garanties de sécurité. Pas des promesses vagues. Pas des déclarations creuses. Des garanties concrètes. Juridiquement contraignantes. Avec des mécanismes d’application. Par exemple : un traité de défense mutuelle entre l’Ukraine et les États-Unis. Ou entre l’Ukraine et l’Union européenne. Un traité qui stipule clairement que toute agression contre l’Ukraine sera considérée comme une agression contre nous. Avec une obligation d’intervenir militairement. Avec des forces prépositionnées sur le territoire ukrainien. Avec des exercices conjoints réguliers. Avec une intégration des systèmes de défense. Ça, ce serait une vraie garantie. Ça, ce serait crédible. Ça, ce serait dissuasif. Parce que Poutine saurait qu’attaquer l’Ukraine signifierait la guerre avec l’Occident. Et il ne le ferait pas. Mais nous ne voulons pas. Nous ne voulons pas nous engager. Nous ne voulons pas prendre de risques. Nous voulons les bénéfices sans les coûts. La sécurité sans les responsabilités. La paix sans les sacrifices. Et ça ne marche pas comme ça. Ça n’a jamais marché comme ça. Ça ne marchera jamais comme ça.
Ou alors, si nous ne voulons vraiment pas nous engager militairement, donnons à l’Ukraine les moyens de se défendre elle-même. Autorisons-la à frapper le territoire russe. Donnons-lui des missiles longue portée. Des avions de combat. Des systèmes de défense aérienne avancés. Tout ce dont elle a besoin pour dissuader une nouvelle agression. Pour rendre le coût d’une invasion tellement élevé que Poutine n’osera pas. C’est ça, la vraie dissuasion. Pas des promesses. Pas des garanties sur papier. Mais la capacité réelle de se défendre. La capacité de faire mal. La capacité de rendre toute agression trop coûteuse pour être tentée. Mais là encore, nous refusons. Nous limitons. Nous restreignons. Nous interdisons à l’Ukraine de frapper les bases russes d’où partent les missiles qui détruisent ses villes. Nous lui interdisons de détruire les dépôts de munitions qui alimentent l’offensive. Nous lui interdisons de couper les lignes de ravitaillement. Nous lui demandons de se battre avec une main attachée dans le dos. Et nous nous étonnons qu’elle ne gagne pas. C’est de la folie. C’est de l’hypocrisie. C’est de la cruauté.
Les alternatives existent. Elles ont toujours existé. Mais nous refusons de les voir. Nous refusons de les considérer. Nous refusons de les mettre en œuvre. Parce qu’elles demandent du courage. Parce qu’elles demandent des sacrifices. Parce qu’elles demandent de l’engagement. Et nous n’en avons pas. Nous préférons la facilité. Nous préférons le compromis. Nous préférons la trahison. Parce que c’est moins cher. Parce que c’est moins risqué. Parce que c’est moins compliqué. Mais ce n’est pas moins cher. Ce n’est pas moins risqué. Ce n’est pas moins compliqué. C’est juste différé. Le coût viendra plus tard. Le risque se matérialisera plus tard. La complication explosera plus tard. Mais elle viendra. Inévitablement. Inexorablement. Et alors, nous paierons. Nous paierons beaucoup plus cher que si nous avions agi maintenant. Nous payons toujours nos lâchetés. Toujours.
Conclusion : Le choix qui nous définira
L’heure de vérité
Nous sommes à un tournant. À un moment décisif. À un point de non-retour. Ce que nous décidons maintenant définira qui nous sommes. Définira ce que nous représentons. Définira l’héritage que nous laisserons. Si nous acceptons ce plan, si nous forçons l’Ukraine à capituler, si nous récompensons l’agression russe, alors nous aurons montré au monde que nos valeurs ne sont que des mots. Que nos principes ne sont que de la rhétorique. Que notre morale n’est qu’une façade. Nous aurons prouvé que nous sommes prêts à sacrifier les faibles pour apaiser les forts. Que nous sommes prêts à trahir nos alliés pour éviter les confrontations. Que nous sommes prêts à détruire l’ordre international pour préserver notre confort. Et cette révélation aura des conséquences. Des conséquences que nous ne pouvons même pas imaginer. Parce que le monde nous regarde. Le monde nous juge. Le monde prend note. Et le monde agira en conséquence. Les alliances se défairont. Les traités seront violés. Les guerres se multiplieront. Parce que nous aurons montré que ça marche. Que l’agression paie. Que la force prime le droit. Que les règles ne comptent pas.
Mais il n’est pas trop tard. Nous pouvons encore choisir différemment. Nous pouvons encore dire non. Non à ce plan injuste. Non à cette capitulation honteuse. Non à cette trahison historique. Nous pouvons encore soutenir l’Ukraine. Encore lui donner les moyens de se défendre. Encore tenir nos promesses. Encore défendre nos valeurs. Encore protéger l’ordre international. Encore être à la hauteur de nos principes. Ça demandera du courage. Ça demandera des sacrifices. Ça demandera de l’engagement. Mais c’est possible. C’est faisable. C’est nécessaire. Parce que l’alternative est inacceptable. L’alternative est la capitulation. L’alternative est la honte. L’alternative est un monde où la force fait loi. Où les grands dévorent les petits. Où personne n’est en sécurité. Où la guerre est permanente. Est-ce vraiment le monde que nous voulons ? Est-ce vraiment l’héritage que nous voulons laisser ? Est-ce vraiment ainsi que nous voulons être jugés par l’histoire ?
Le verdict de l’histoire
L’histoire nous jugera. Elle nous jugera sévèrement. Parce que nous savions. Nous savions ce qui s’était passé à Munich. Nous savions ce qui s’était passé à Yalta. Nous savions ce qui s’était passé avec Minsk. Nous connaissions les leçons. Nous comprenions les dangers. Nous voyions les conséquences. Et pourtant, nous avons choisi de répéter les mêmes erreurs. De commettre les mêmes fautes. De trahir les mêmes valeurs. Nous n’avons pas l’excuse de l’ignorance. Nous n’avons pas l’excuse de la naïveté. Nous n’avons pas l’excuse de la surprise. Nous savions. Et nous avons choisi quand même. Nous avons choisi la lâcheté. Nous avons choisi la facilité. Nous avons choisi la trahison. Et pour ça, l’histoire ne nous pardonnera pas. Nos enfants ne nous pardonneront pas. Nos petits-enfants ne nous pardonneront pas. Ils nous demanderont : comment avez-vous pu ? Comment avez-vous pu abandonner l’Ukraine ? Comment avez-vous pu trahir vos valeurs ? Comment avez-vous pu détruire l’ordre international ? Et nous n’aurons pas de réponse. Pas de justification. Pas d’excuse. Juste la honte. La honte d’avoir su et de n’avoir rien fait. La honte d’avoir pu agir et d’avoir choisi de ne pas le faire. La honte d’avoir été à la hauteur de nos peurs plutôt qu’à la hauteur de nos principes.
Ce que Trump et Moscou appellent paix, Kyiv le sait : c’est la prochaine guerre. C’est une pause. Un répit. Un moment pour que la Russie se prépare. Pour qu’elle se réarme. Pour qu’elle planifie. Et dans cinq ans, dans dix ans, elle reviendra. Plus forte. Plus déterminée. Plus impitoyable. Et l’Ukraine sera plus faible. Plus isolée. Plus vulnérable. Et elle tombera. Pas d’un coup. Pas dans une grande bataille. Mais lentement. Progressivement. Inexorablement. Invasion après invasion. Accord après accord. Trahison après trahison. Jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien. Jusqu’à ce que l’Ukraine disparaisse. Et nous, nous aurons regardé. Nous aurons laissé faire. Nous aurons été complices. Et nous vivrons avec ça. Avec cette honte. Avec cette culpabilité. Avec ce poids. Pour toujours. Parce que certaines trahisons ne se pardonnent pas. Certaines lâchetés ne s’oublient pas. Certains choix nous définissent pour toujours. Et celui-ci nous définira. Il dira au monde qui nous sommes vraiment. Pas ce que nous prétendons être. Pas ce que nous aimons croire. Mais ce que nous sommes vraiment. Des lâches. Des traîtres. Des complices. Et l’histoire le retiendra.
Je termine cet article avec un sentiment de rage. Une rage impuissante. Une rage désespérée. Parce que je sais que mes mots ne changeront rien. Que personne n’écoutera. Que la décision est déjà prise. Que l’Ukraine sera trahie. Que la paix sera signée. Que la guerre reviendra. Et que nous aurons été complices. Tous. Vous qui lisez ces lignes. Moi qui les écris. Nous tous qui savons et qui ne faisons rien. Nous tous qui voyons et qui détournons le regard. Nous tous qui comprenons et qui choisissons l’indifférence. Nous sommes tous coupables. Tous responsables. Tous complices. Et nous devrons vivre avec. Avec le souvenir des Ukrainiens que nous avons abandonnés. Avec le poids des morts que nous aurions pu éviter. Avec la honte d’avoir trahi nos valeurs. Avec la certitude que nous aurions pu faire autrement. Que nous aurions dû faire autrement. Mais que nous ne l’avons pas fait. Parce que nous sommes lâches. Parce que nous sommes faibles. Parce que nous sommes humains. Trop humains.
Sources
Sources primaires
Le Monde avec AFP, « Guerre en Ukraine : ce que l’on sait des 28 mesures du plan de Donald Trump », publié le 21 novembre 2025, modifié le 21 novembre 2025. Financial Times, « Trump’s 28-point peace plan for Ukraine », publié le 20 novembre 2025. Axios, « Trump Ukraine peace plan: 28 points », publié le 20 novembre 2025. The Guardian, Luke Harding, Pjotr Sauer et Andrew Roth, « Zelenskyy says Ukraine has impossible choice as Trump pushes plan to end war », publié le 21 novembre 2025. BBC News, « Zelenskyy says Ukraine territory ‘most difficult’ issue, as US peace talks continue », publié le 21 novembre 2025.
Sources secondaires
The Atlantic, Anne Applebaum, « The Murky Plan That Ensures a Future War », publié le 22 novembre 2025. IRIS, Jean de Gliniasty, « Paix ou renoncement ? Le plan Trump et l’impasse ukrainienne », publié le 26 novembre 2025. France 24, « How key players reacted to US plan to end war in Ukraine », publié le 21 novembre 2025. Le Figaro, « Guerre en Ukraine : dans un nouveau plan de paix, Trump demanderait à l’Ukraine de céder des territoires à la Russie », publié le 19 novembre 2025. Radio France, France Culture, « Plan Trump pour la paix en Ukraine : une trahison pour Kiev », publié en novembre 2025. Toute l’Europe, « Guerre en Ukraine : les États-Unis proposent un plan de paix en 28 points, l’UE s’inquiète », publié en novembre 2025.
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