Comment l’Empire du Milieu a pris le contrôle total des énergies renouvelables
Auteur: Jacques Pj Provost
Des chiffres qui donnent le vertige
En 2024, la Chine a installé 277 GW de solaire et 80 GW d’éolien supplémentaires, soit un total de 357 GW de nouvelles capacités renouvelables en une seule année. À elle seule, la Chine installe désormais deux fois plus de capacités renouvelables que le reste du monde réuni. Sa capacité solaire atteint 887 GW et l’éolien culmine à 521 GW, des chiffres qui dépassent largement les objectifs initiaux fixés pour 2030. Le pays a même franchi un cap historique en 2025 : la capacité combinée solaire et éolienne (1 482 GW) dépasse désormais celle des centrales thermiques (1 451 GW), marquant un tournant majeur dans son histoire énergétique.
Des investissements massifs et une stratégie d’État
Cette montée en puissance n’est pas le fruit du hasard. De 2011 à 2022, la Chine a investi plus de 50 milliards de dollars dans les énergies renouvelables. En 2023, les investissements dans les secteurs des énergies propres ont bondi de 40 % pour atteindre la somme vertigineuse de 890 milliards de dollars, soit l’équivalent du PIB de la Suisse. Ces fonds ont permis de multiplier les projets à grande échelle, des fermes solaires du désert aux parcs éoliens offshore, et de soutenir un écosystème industriel unique au monde.
Domination industrielle : la Chine, usine du monde vert

Le photovoltaïque, un monopole chinois
La domination de la Chine ne s’arrête pas à l’installation de capacités. Sur le marché du photovoltaïque, la suprématie est totale : 94 % des cellules et onduleurs de panneaux solaires installés en Europe proviennent de Chine. Le pays contrôle également plus de 80 % de la production mondiale de wafers solaires et plus de 60 % de la capacité de fabrication de batteries lithium-ion. Ce monopole industriel place la souveraineté énergétique de l’Europe et des États-Unis sous intense pression.
Un écart technologique qui se creuse
Face à la Chine, les autres puissances majeures peinent à suivre. Les États-Unis, par exemple, affichent une capacité solaire installée de seulement 130 GW, soit près de sept fois moins que la Chine. Dans l’éolien, l’écart est tout aussi saisissant : la capacité chinoise de 521 GW surpasse de plus de quatre fois celle des Américains. Cette avance technologique et industrielle résulte d’une stratégie nationale déployée sur plusieurs décennies, combinant recherche intensive, production massive et déploiement accéléré des infrastructures.
Un moteur économique et climatique

L’énergie propre, pilier de la croissance chinoise
Les énergies renouvelables ne sont et un enjeu environnemental pour la Chine, elles sont devenues le principal moteur de sa croissance économique. En 2023, les secteurs des énergies propres ont contribué à hauteur de 1 600 milliards de dollars à l’économie nationale, représentant 40 % de l’expansion du PIB. Sans cette croissance, la Chine n’aurait pas atteint son objectif de 5 % de croissance annuelle.
Des objectifs climatiques ambitieux
La Chine s’est engagée à atteindre le pic de ses émissions de CO2 d’ici 2030 et la neutralité carbone en 2060. Pour y parvenir, elle vise à ce que 50 % de sa production d’électricité proviennent de sources renouvelables dès 2025, contre 29 % en 2020. La production d’électricité issue des renouvelables devrait atteindre 3 300 TWh d’ici la fin de l’année, un volume colossal qui repositionne le pays comme acteur clé de la lutte contre le changement climatique.
Les défis à relever malgré la suprématie

Le charbon, un héritage difficile à effacer
Malgré ses avancées spectaculaires, la Chine reste encore fortement dépendante du charbon, qui représente environ 60 % de l’électricité produite dans le pays. Toutefois, la part du charbon diminue rapidement : elle était de 80 % en 2011. La réduction de cette dépendance reste un défi majeur pour atteindre les objectifs climatiques fixés.
Vers une souveraineté énergétique mondiale ?
La domination chinoise dans les technologies vertes soulève des questions de souveraineté pour l’Europe et les États-Unis, qui cherchent désormais à rééquilibrer la chaîne d’approvisionnement mondiale. Pékin, de son côté, continue d’accélérer, avec 180 GW de solaire et 159 GW d’éolien déjà en construction, soit presque deux fois plus que le reste du monde réuni.
Conclusion : la Chine, maître du jeu énergétique mondial

La transition énergétique mondiale porte aujourd’hui l’empreinte indélébile de la Chine. Par sa capacité à investir massivement, à innover et à industrialiser à une échelle inégalée, l’empire du Milieu a pris une avance décisive dans la course aux énergies renouvelables. Si des défis subsistent, notamment la sortie du charbon, la Chine a déjà redéfini les contours de la puissance énergétique du XXIe siècle. Pour le reste du monde, l’heure est à la riposte… ou à l’adaptation face à un géant qui n’a pas fini de surprendre.