Kremlin : l’économie de guerre vacille, le souffle du boom militaire s’étouffe
Auteur: Maxime Marquette
Le mirage de la croissance sous perfusion militaire
Russie, 2025. Les chiffres défilent, froids, implacables. 4,1% de croissance en 2024, puis la chute, le ralentissement, la stupeur. Derrière les discours martelés, les promesses d’un Kremlin sûr de sa force, la réalité s’infiltre, sournoise, dans les interstices du quotidien. L’économie russe, dopée par des dépenses militaires record, vacille. Les usines tournent à plein régime, mais pour qui, pour quoi ? Les canons, les chars, les uniformes, les munitions, tout s’accumule, tout s’use, tout s’épuise. La croissance n’est plus qu’un feu de paille, une illusion entretenue par la guerre, par la peur, par l’urgence. Les économistes le murmurent, les ministres l’avouent à demi-mot : la Russie est au bord de la récession. Les chiffres officiels, eux, s’accrochent à la façade, mais la fissure s’élargit, chaque jour un peu plus.
Inflation galopante : le prix de la guerre payé par les plus faibles
Dans les marchés de Moscou, les prix s’envolent. 9,9% d’inflation en mai 2025, après avoir flirté avec les 10,2% en avril. Les pommes de terre, aliment de base, ont triplé de prix en un an. Le beurre, les fruits, les légumes, tout devient inaccessible. Les familles russes, déjà fragilisées, voient leur pouvoir d’achat s’effriter, se dissoudre, s’évaporer. Les salaires augmentent, oui, mais l’inflation les rattrape, les dépasse, les écrase. Les files d’attente s’allongent, les regards se durcissent. L’État promet, compense, distribue des primes, mais la réalité, elle, ne se laisse pas acheter. L’inflation, c’est la guerre qui s’invite à la table de chaque foyer, qui s’immisce dans chaque assiette, qui ronge chaque espoir.
Un chômage artificiellement bas, une société sous tension
2,2% de chômage en mai 2025. Un record, un exploit, une anomalie. Car derrière ce chiffre, il y a la conscription, la mobilisation, l’exil. Les jeunes hommes partent, pour le front ou pour l’étranger. Les usines d’armement recrutent à tour de bras, les industries civiles peinent à suivre. Le marché du travail se tend, se déforme, se fracture. Les salaires montent, mais la productivité stagne. Les compétences s’évaporent, les tensions sociales s’exacerbent. La Russie ne manque pas de travail, elle manque de travailleurs. Et ceux qui restent, ceux qui tiennent, ceux qui espèrent, voient chaque jour leur horizon se rétrécir.
Le déficit budgétaire explose, les recettes s’effondrent
Le déficit budgétaire russe atteint 1,7% du PIB en 2025, soit près de 45 milliards de dollars. Trois fois plus que prévu. Les recettes pétrolières et gazières, longtemps boucliers de l’économie, s’effritent, victimes de la chute des prix mondiaux et des sanctions. Le Kremlin multiplie les artifices : transferts réduits aux retraites, hausses d’accises, coupes dans les dépenses sociales. Mais la brèche s’élargit. Les dépenses militaires, elles, continuent de croître, engloutissant 7,2% du PIB, 37% du budget fédéral. Les comptes s’équilibrent sur le fil, au prix d’une austérité rampante, d’une précarité grandissante, d’une société sous tension permanente.
La militarisation de l’économie : un piège à double tranchant

La Russie s’est transformée, en trois ans, en une économie de guerre. Les industries lourdes prospèrent, les usines d’armement tournent sans relâche, les primes militaires explosent. Mais cette croissance est un mirage. Elle ne repose sur aucune richesse réelle, sur aucune innovation, sur aucun progrès. Elle enferme le pays dans une dépendance mortifère à la guerre, à la violence, à la peur. Les secteurs civils s’asphyxient, les investissements productifs s’effondrent, la diversification économique est sacrifiée sur l’autel de l’urgence militaire. Le Kremlin a choisi la fuite en avant, mais la route se rétrécit, le gouffre se rapproche.
La population paie le prix fort : pauvreté, exil, désespoir
Les Russes s’appauvrissent. L’inflation grignote les salaires, les prix explosent, les aides sociales s’amenuisent. Près d’un million de personnes ont quitté le pays depuis 2022, fuyant la conscription, la répression, la misère. Ceux qui restent s’accrochent, survivent, espèrent. Mais l’espoir s’amenuise, la colère monte, la résignation s’installe. Les files d’attente devant les magasins, les coupures d’électricité, les pénuries de médicaments, tout cela n’est plus l’exception, mais la norme. La guerre, ce n’est pas seulement des bombes et des chars, c’est aussi la faim, la peur, l’angoisse du lendemain.
Je me souviens d’un temps où la Russie fascinait, inquiétait, intriguait. Aujourd’hui, elle me fait peur. Pas la peur de l’ennemi, de l’autre, mais la peur de ce que l’on devient quand on s’enferme, quand on s’aveugle, quand on refuse de voir. Je me demande ce que ressentent ces familles, ces enfants, ces vieux qui n’ont rien demandé, qui subissent, qui encaissent. Je me sens impuissant, inutile, coupable parfois de regarder sans agir. Mais que faire ? Écrire, témoigner, crier, peut-être. Mais est-ce suffisant ? Je doute. Je doute, mais j’écris.
Les fissures du modèle : ralentissement, incertitude, défiance
La croissance ralentit. 1,4% au premier trimestre 2025, le niveau le plus bas depuis deux ans. Les prévisions s’assombrissent, les experts parlent de stagnation, voire de contraction. La Banque centrale relève ses taux, tente de freiner l’inflation, mais la confiance s’effrite. Les entreprises hésitent, les investisseurs fuient, les ménages économisent. L’incertitude règne, la défiance s’installe. Le Kremlin martèle ses certitudes, mais la rue gronde, les réseaux sociaux s’enflamment, les voix dissidentes se multiplient. Le modèle de l’économie de guerre montre ses limites, ses failles, ses dangers.
Le camouflage budgétaire : une opacité inquiétante
Près de 30% du budget fédéral russe est désormais classifié, dissimulé, opaque. Les dépenses militaires sont ventilées dans des rubriques obscures : politique sociale, logement, sécurité intérieure. Les compensations pour les soldats morts ou blessés, les primes de recrutement, le soutien aux industries de défense, tout cela échappe au contrôle, à la transparence, à la démocratie. Le Kremlin jongle avec les chiffres, maquille la réalité, entretient l’illusion. Mais l’opacité nourrit la suspicion, la défiance, la colère. Les Russes ne sont pas dupes. Ils voient, ils sentent, ils comprennent que quelque chose ne tourne plus rond.
La dépendance énergétique : un talon d’Achille exposé

Le pétrole, le gaz, longtemps sources de puissance, deviennent des faiblesses. Les recettes s’effondrent, les prix chutent, les sanctions étranglent. Le budget ne tient plus, les marges de manœuvre s’amenuisent. Le Kremlin tente de diversifier, de compenser, d’innover, mais le temps manque, les ressources s’épuisent, la pression monte. La Russie découvre, trop tard, qu’on ne bâtit pas une puissance durable sur la seule rente énergétique. La guerre a révélé, accéléré, amplifié cette fragilité. Le réveil sera brutal, inévitable, douloureux.
Parfois, j’ai l’impression d’assister à une pièce dont je connais déjà la fin. Les acteurs s’agitent, crient, gesticulent, mais le décor s’effondre, lentement, inexorablement. Je voudrais croire à un sursaut, à une prise de conscience, à un réveil. Mais la peur, la résignation, la fatigue semblent avoir tout englouti. Je me demande si, un jour, la Russie retrouvera le goût de la vie, de la liberté, de l’espoir. Je l’espère. Je l’espère vraiment.
La fuite en avant militaire : jusqu’où ?
Le Kremlin persiste, signe, accélère. Le budget militaire atteint 163,8 milliards d’euros en 2025, une hausse de 3,4% malgré la crise. Les primes d’engagement doublent, les recrutements s’intensifient, les industries de défense absorbent toujours plus de ressources. Mais à quel prix ? La société s’épuise, l’économie s’asphyxie, la contestation gronde. La fuite en avant militaire n’est plus une stratégie, c’est une impasse. Le Kremlin le sait, mais il ne peut plus reculer. Prisonnier de ses choix, de ses peurs, de ses mensonges.
Les signaux d’alerte se multiplient
Les experts tirent la sonnette d’alarme. Les indicateurs virent au rouge : inflation persistante, déficit budgétaire galopant, croissance en berne, fuite des capitaux, exil des talents. Les sanctions occidentales, longtemps contournées, commencent à mordre, à gripper la machine. Les alliés se font rares, les partenaires se méfient, les marchés se ferment. La Russie s’isole, se replie, se referme. Mais l’histoire l’a montré : aucune forteresse n’est imprenable, aucun régime n’est éternel. Les fissures s’élargissent, les failles se multiplient, le système vacille.
La société russe à l’épreuve : résilience ou résignation ?

Face à la crise, les Russes s’adaptent, résistent, inventent. Mais jusqu’à quand ? La résilience a ses limites, la résignation ses dangers. Les solidarités se reforment, les réseaux d’entraide se multiplient, mais la fatigue, la lassitude, la colère s’installent. Les jeunes rêvent d’ailleurs, les vieux regrettent le passé, les familles survivent. La société russe est à l’épreuve, tiraillée entre l’espoir et la peur, la résistance et la soumission. L’avenir est incertain, fragile, ouvert.
Je me sens parfois étranger à cette douleur, à cette violence, à cette résilience. J’observe, j’analyse, je décrypte, mais je ne vis pas ce qu’ils vivent. Je me demande si j’aurais leur courage, leur patience, leur force. Je doute. Mais je les admire, je les respecte, je les envie parfois. Car dans l’adversité, ils trouvent une forme de dignité, de beauté, de grandeur. Et cela, personne ne pourra leur enlever.
Conclusion – L’économie de guerre, un colosse aux pieds d’argile

Le réveil brutal d’une puissance fatiguée
La Russie croyait pouvoir défier le monde, imposer sa loi, bâtir une puissance sur la guerre, la peur, la force. Mais l’économie de guerre, si puissante en apparence, révèle aujourd’hui ses failles, ses limites, ses dangers. Le boom militaire s’étouffe, la croissance s’effondre, la société s’épuise. Les fissures s’élargissent, les failles se multiplient, le système vacille. Le Kremlin vacille, hésite, recule, mais il est peut-être déjà trop tard. L’histoire retiendra peut-être que la plus grande faiblesse d’une puissance, c’est de croire qu’elle n’en a aucune.
Un avenir incertain, une société en suspens
L’avenir de la Russie est suspendu à un fil. La guerre, l’inflation, la pauvreté, l’exil, tout cela pèse, tout cela compte, tout cela marque. Mais rien n’est écrit, rien n’est figé. La société russe, dans sa douleur, dans sa résilience, dans sa dignité, peut encore surprendre, inventer, renaître. L’économie de guerre n’est pas une fatalité, la peur n’est pas une loi, la résignation n’est pas une solution. Il reste l’espoir, la volonté, la vie. Et cela, personne ne pourra l’effacer.
En terminant cet article, je me sens à la fois vidé et habité. J’ai tenté de comprendre, d’expliquer, de ressentir. J’ai douté, j’ai hésité, j’ai parfois failli renoncer. Mais au fond, ce qui me frappe, c’est la force de la vie, la ténacité de l’espoir, la beauté de la résistance. La Russie vacille, mais elle ne tombe pas. Elle souffre, mais elle vit. Elle doute, mais elle avance. Et c’est peut-être là, dans ce doute, dans cette fragilité, que réside sa plus grande force.