Trump, rejet ou fascination : radiographie d’un président qui divise l’Amérique et le monde
Auteur: Jacques Pj Provost
Le retour fracassant de Donald Trump à la Maison-Blanche
Il y a des soirs où l’histoire bascule, où les certitudes s’effritent sous la pression d’un événement que personne n’osait vraiment imaginer, ou alors seulement dans les cauchemars les plus délirants des analystes politiques. Le 20 janvier 2025, Donald Trump a prêté serment pour un second mandat, déclenchant une onde de choc dont les répliques continuent de secouer l’Amérique et bien au-delà. Les rues de Washington bruissaient de rumeurs, de cris, de colères rentrées et d’acclamations fiévreuses. Certains scandaient son nom comme on invoque un totem, d’autres détournaient le regard, incrédules, accablés, presque résignés. Comment expliquer ce phénomène ? Comment comprendre cette polarisation extrême, ce mélange de rejet viscéral et d’adoration quasi mystique ? Il ne s’agit plus seulement de politique, mais d’un affrontement existentiel, d’un duel à mort entre deux visions du monde, deux Amériques qui ne se parlent plus, ne s’écoutent plus, se haïssent parfois, se méprisent souvent.
La fracture sondagière : chiffres, colère et désillusion
Les chiffres sont là, froids, implacables. Aucune émotion ne filtre dans les pourcentages, et pourtant, ils racontent tout. Depuis son retour à la présidence, Donald Trump n’a jamais réussi à franchir la barre symbolique des 50 % d’opinions favorables. Son taux d’approbation oscille entre 38 % et 45 %, selon les instituts, bien en dessous de la moyenne historique des présidents américains depuis la Seconde Guerre mondiale. Les sondages se succèdent, se ressemblent, se télescopent. Un jour, une légère remontée, le lendemain, une rechute brutale. Les jeunes, en particulier la génération Z, lui tournent massivement le dos, le jugeant déconnecté, autoritaire, incapable de saisir les enjeux climatiques ou sociaux qui les angoissent. Les Républicains purs et durs, eux, continuent de le soutenir, mais la ferveur s’effrite, rongée par les scandales, les polémiques, les décisions controversées. Et dans les États clés, ceux qui font et défont les élections, la défiance gagne du terrain, implacable, silencieuse, comme une érosion invisible mais fatale.
Un pays en apnée, entre adhésion et rejet
L’Amérique de 2025 ne ressemble plus à celle de 2016, ni même à celle de 2020. Les fractures se sont approfondies, les rancœurs se sont cristallisées. Dans les grandes villes, la majorité conspue Trump, l’accuse de diviser, de manipuler, de menacer les fondements mêmes de la démocratie. Dans les campagnes, dans les bastions conservateurs, il est vu comme un sauveur, un justicier, le dernier rempart contre le « système », contre les élites, contre l’invasion supposée des valeurs progressistes. Deux univers parallèles, deux réalités irréconciliables. Les réseaux sociaux, devenus des champs de bataille, amplifient ce clivage, nourrissent les fantasmes, attisent les haines. Les mots volent, les insultes pleuvent, les familles se déchirent autour de la table du dîner. L’Amérique suffoque, prise en otage par une guerre culturelle qui ne dit pas son nom, mais qui consume tout sur son passage.
L’opinion américaine : désamour, défiance et poches de résistance

Les sondages, miroirs déformants d’une société en crise
Les instituts de sondage s’épuisent à capturer l’instant, à mesurer la température d’un pays en ébullition. Mais les chiffres, aussi précis soient-ils, ne disent pas tout. Ils révèlent une désaffection profonde, un malaise qui va bien au-delà de la simple impopularité. Plus de la moitié des Américains désapprouvent l’action de Donald Trump, et ce rejet s’amplifie dans les grandes métropoles, chez les minorités, chez les jeunes. Les raisons sont multiples : gestion des crises, attaques contre les institutions, politique migratoire jugée inhumaine, retrait des accords climatiques, affrontements avec la presse, multiplication des décrets présidentiels. Mais il y a aussi, derrière la défiance, une lassitude, une fatigue démocratique, un sentiment de trahison. Beaucoup ne croient plus en la capacité du système à se réformer, à écouter, à réparer les injustices. Le cynisme gagne du terrain, la colère gronde, sourde, prête à exploser à la moindre étincelle.
La jeunesse américaine, moteur d’un rejet massif
Ce sont eux qui font vaciller l’édifice : la génération Z, les étudiants, les jeunes actifs, ceux qui n’ont connu que la crise, la précarité, l’urgence climatique. Pour eux, Donald Trump incarne tout ce qu’ils rejettent : l’autoritarisme, l’aveuglement, la nostalgie d’un passé idéalisé. Les chiffres sont sans appel : dans cette tranche d’âge, le taux d’approbation du président s’effondre, parfois sous les 30 %. Les manifestations se multiplient sur les campus, les pétitions circulent, les hashtags s’enflamment. Mais la colère ne suffit pas toujours à transformer la réalité. Beaucoup se sentent exclus du débat, marginalisés, dépossédés de leur avenir. Ils crient, ils protestent, mais le pouvoir, lui, reste sourd, retranché derrière ses murs, ses tweets, ses slogans. Une génération sacrifiée ? Peut-être. Mais aussi une force de résistance, un espoir ténu que tout n’est pas encore joué.
Les bastions trumpistes, entre fidélité et désillusion
Dans l’Amérique profonde, dans les comtés ruraux, dans les États du Sud et du Midwest, la ferveur trumpiste ne faiblit pas. Ici, Donald Trump reste un héros, un symbole de revanche contre l’establishment, contre les médias, contre les élites côtières. Mais même dans ces bastions, des fissures apparaissent. La crise économique, la montée des prix, les scandales à répétition, la gestion contestée des crises internationales érodent la confiance. Certains commencent à douter, à murmurer que le rêve s’est transformé en cauchemar. Mais la loyauté demeure, viscérale, presque irrationnelle. On s’accroche à Trump comme à une bouée de sauvetage, par peur du vide, par refus de l’inconnu. L’Amérique trumpiste vacille, mais elle ne rompt pas. Pas encore.
La scène internationale : fascination, rejet et inquiétude planétaire

Un président sous surveillance, une Amérique isolée
Le retour de Donald Trump à la présidence a provoqué une onde de choc bien au-delà des frontières américaines. Dans la plupart des grandes puissances, l’inquiétude domine. Les sondages du Pew Research Center sont sans appel : à peine 34 % des personnes interrogées dans 24 pays accordent leur confiance à Trump pour « faire ce qu’il faut » sur la scène internationale. Plus de 62 % n’ont aucune confiance, et ce rejet est particulièrement marqué en Europe, au Mexique, au Canada, en Allemagne, en Espagne, en Suède. Le prestige des États-Unis s’effrite, la crédibilité de leur parole s’amenuise. L’Amérique n’est plus ce phare qui éclaire le monde, mais un acteur imprévisible, parfois dangereux, souvent incompris. Les alliés traditionnels s’interrogent, les adversaires jubilent, les indécis hésitent. Le monde retient son souffle, inquiet des conséquences d’une présidence qui défie les normes, bouscule les alliances, fragilise les équilibres.
Des poches d’enthousiasme, mais une défiance généralisée
Il serait faux de croire que Donald Trump est unanimement détesté à l’international. Certains pays, notamment en Afrique (Nigeria, Kenya), en Inde, en Hongrie, en Israël, affichent des taux de confiance élevés, parfois supérieurs à 60 %. L’image d’un leader fort, capable de défier l’ordre établi, séduit dans des sociétés en quête de modèles alternatifs, de ruptures, de promesses de grandeur. Mais ces poches d’enthousiasme ne masquent pas la défiance généralisée. Dans la plupart des pays occidentaux, la figure de Trump inquiète, irrite, exaspère. On redoute son imprévisibilité, ses coups de menton, sa tentation isolationniste, sa volonté de remettre en cause les accords multilatéraux. Le monde oscille entre fascination et rejet, entre admiration pour la force brute et peur de l’instabilité.
L’Amérique, géant aux pieds d’argile sur la scène mondiale
Les conséquences du retour de Trump ne se limitent pas à la perception : elles sont concrètes, tangibles, parfois brutales. Retrait des accords climatiques, gel des aides au développement, remise en cause des alliances traditionnelles, pressions sur l’OTAN, menaces de sanctions commerciales, soutien ambigu à certains régimes autoritaires : l’Amérique se replie, se durcit, se méfie du monde. Les partenaires s’adaptent, cherchent de nouveaux équilibres, se rapprochent parfois de la Chine ou de la Russie. L’ordre international vacille, les certitudes s’effondrent. L’Amérique, longtemps perçue comme le garant d’un certain ordre mondial, apparaît désormais comme un facteur d’incertitude, un géant aux pieds d’argile, capable du meilleur comme du pire.
Le choc des politiques : décisions radicales, conséquences planétaires

Climat, solidarité, diplomatie : l’Amérique se retire
L’une des premières décisions du nouveau mandat de Trump a été de retirer les États-Unis de l’Accord de Paris sur le climat, de geler les financements dédiés à la lutte contre le réchauffement, de suspendre la participation au Fonds pour les pertes et dommages climatiques. Les ONG, les experts, les pays du Sud ont dénoncé une « action cruelle », un coup porté à la solidarité internationale, une trahison des engagements pris. Mais Trump assume, revendique, martèle que l’Amérique doit d’abord penser à elle-même, que les « autres » doivent payer leur part. Le message est clair, brutal, sans nuance. Le monde s’adapte, mais la colère monte, la défiance s’installe, la coopération s’effrite. Le climat, enjeu planétaire, devient l’otage d’un bras de fer idéologique.
Crises internationales : l’imprévisibilité comme doctrine
Sur le front des crises internationales, la doctrine Trump est celle de l’imprévisibilité. Ukraine, Iran, Israël, Chine : chaque dossier est abordé comme un rapport de force, sans souci de cohérence, sans vision à long terme. Les alliés s’inquiètent, les adversaires testent les limites, les diplomates s’arrachent les cheveux. Les Américains eux-mêmes sont divisés : une minorité approuve la fermeté, la majorité s’inquiète des conséquences, du risque d’escalade, de l’isolement croissant. Les sondages montrent que la politique étrangère de Trump n’est soutenue que par un tiers des Américains, et à peine plus dans son propre camp. L’Amérique, autrefois moteur du multilatéralisme, devient un électron libre, imprévisible, parfois dangereux.
Économie, immigration, société : la guerre de tous contre tous
Sur le plan intérieur, la présidence Trump est marquée par une radicalisation des politiques économiques, une offensive contre l’immigration, une remise en cause des droits sociaux. Les marchés s’inquiètent, les inégalités se creusent, la société se tend. Les expulsions d’immigrés se multiplient, les arrestations explosent, les débats s’enveniment. Les Américains sont fatigués, inquiets, parfois résignés. L’idée d’un « rêve américain » partagé s’efface, remplacée par la peur, la méfiance, le repli. L’Amérique se referme, se déchire, perd confiance en elle-même.
Les perceptions croisées : admiration, rejet, indifférence

Trump, héros ou repoussoir : le grand écart mondial
Le paradoxe Trump, c’est qu’il fascine autant qu’il révulse. En Israël, il est célébré comme un allié indéfectible, un protecteur, un garant de la sécurité nationale. En Hongrie, en Inde, il incarne la réussite, la force, la capacité à défier les puissances établies. Mais dans la plupart des autres pays, il est vu comme un danger, un perturbateur, un homme qui menace la stabilité mondiale. Les opinions publiques oscillent entre admiration pour la force et rejet de l’arrogance, entre envie d’ordre et peur de la brutalité. Trump n’est jamais neutre, jamais tiède : il suscite des passions, des haines, des fidélités irrationnelles. Il est le symptôme d’un monde qui doute, qui cherche des repères, qui hésite entre le repli et l’ouverture.
Le soft power américain en chute libre
L’un des effets les plus spectaculaires du retour de Trump, c’est la chute du soft power américain. Les séries, la musique, la technologie, la culture américaine continuent de séduire, mais l’image politique du pays s’effondre. Les étudiants étrangers hésitent à venir, les touristes se font plus rares, les artistes dénoncent, les intellectuels s’inquiètent. L’Amérique n’est plus ce modèle envié, admiré, copié. Elle devient un objet de perplexité, parfois de moquerie, souvent de crainte. Les alliances se distendent, les coopérations se raréfient, les échanges se compliquent. L’Amérique se referme, et le monde s’en détourne, lentement, inexorablement.
Des fractures idéologiques irréconciliables
La figure de Trump cristallise les fractures idéologiques du monde contemporain. Les droites populistes l’érigent en modèle, les gauches le dénoncent comme un danger. Les débats s’enveniment, les camps se radicalisent, les compromis deviennent impossibles. L’Amérique n’est plus le centre du monde, mais un champ de bataille idéologique, un laboratoire des passions tristes. Les opinions publiques se polarisent, les sociétés se fragmentent, les démocraties vacillent. Trump n’est pas seulement un président : il est devenu un mythe, un repoussoir, un symbole de tout ce qui divise, inquiète, fascine.
Conclusion : l’Amérique face à elle-même, le monde en attente

Le temps des incertitudes, l’urgence de repenser le contrat démocratique
Il n’y aura pas de conclusion définitive à l’ère Trump. Trop de questions restent en suspens, trop de blessures sont encore à vif. L’Amérique vacille, mais elle tient, portée par une histoire faite de crises et de renaissances. Le monde observe, inquiet, parfois fasciné, souvent perplexe. Trump, adulé par certains, rejeté par beaucoup, incarne la complexité d’une époque où les repères s’effondrent, où les certitudes s’effritent, où tout semble possible, même le pire. Mais au-delà des polémiques, des sondages, des passions, il reste une évidence : la démocratie américaine est à l’épreuve, et avec elle, l’idée même de démocratie. Le défi n’est pas seulement de résister à Trump, mais de réinventer un contrat social, de retrouver le sens du commun, de dépasser les fractures. L’Amérique a toujours su se réinventer. Le fera-t-elle encore ? Le monde retient son souffle, dans l’attente d’un signe, d’un sursaut, d’un espoir.