L’Ukraine libère Mali Shcherbaky et avance de 3,5 km sur le front de Zaporijjia : la percée
Auteur: Maxime Marquette
Une victoire qui surgit du silence médiatique
Mali Shcherbaky. Un nom que personne ne connaissait hier. Un point minuscule sur les cartes militaires que seuls les analystes obsessionnels scrutaient. Et pourtant… ce petit village du front de Zaporijjia vient de basculer. Les forces ukrainiennes l’ont libéré. Pas dans un fracas médiatique. Pas avec des annonces tonitruantes. Presque en silence. Comme si la guerre avait appris la discrétion après trois ans de bruit assourdissant. Mais ne vous y trompez pas — cette libération compte. Elle compte même énormément. Parce qu’elle s’accompagne d’une avancée de 3,5 kilomètres sur un front qui semblait figé dans le béton depuis des mois. Trois virgule cinq kilomètres. Ça paraît dérisoire ? C’est pourtant colossal quand chaque mètre carré de terre ukrainienne a été arrosé de sang, de sueur, d’explosifs. Quand chaque centimètre gagné représente des semaines de préparation tactique, des sacrifices humains, une détermination qui refuse de plier.
Le front de Zaporijjia sort de sa torpeur
Depuis l’été 2023 et l’échec relatif de la grande contre-offensive ukrainienne, le front de Zaporijjia était devenu le parent pauvre de l’attention médiatique. Tout le monde regardait vers Bakhmout, vers Avdiivka, vers les batailles spectaculaires du Donbass. Pendant ce temps, à Zaporijjia, les soldats creusaient. S’enterraient. Attendaient. Les lignes de fortification russes — ces fameuses défenses en profondeur avec champs de mines, dragons teeth en béton, tranchées interconnectées — semblaient infranchissables. Les analystes parlaient d’un statu quo durable. D’une guerre de position qui pourrait durer des années. Et puis soudain… ça bouge. L’Ukraine avance. Pas de manière spectaculaire. Pas avec des percées fulgurantes comme dans les films. Mais elle avance. Méthodiquement. Patiemment. Comme un boxeur qui teste les défenses de l’adversaire pendant des rounds avant de trouver l’ouverture. Et Mali Shcherbaky, c’est peut-être cette ouverture.
Pourquoi cette avancée change la donne stratégique
Trois virgule cinq kilomètres sur le front de Zaporijjia, ce n’est pas juste une question de territoire. C’est une question de trajectoire. Parce que Zaporijjia est la clé de voûte de toute la stratégie ukrainienne de reconquête. Si Kiev parvient à percer ici, à atteindre la mer d’Azov distante d’une cinquantaine de kilomètres, alors toute la défense russe dans le sud s’effondre. La Crimée se retrouve coupée du reste des territoires occupés. Les lignes d’approvisionnement russes vers l’ouest — vers Kherson, vers Marioupol — sont sectionnées. C’est le scénario cauchemar pour Moscou. Celui qui transformerait une guerre d’usure en débâcle stratégique. Bien sûr, l’Ukraine est encore loin de cette percée décisive. Mais chaque kilomètre gagné rapproche cette possibilité. Chaque village libéré démontre que les défenses russes ne sont pas imprenables. Que la détermination ukrainienne peut encore produire des victoires concrètes. Et ça, dans une guerre qui semblait gelée, c’est presque révolutionnaire.
Mali Shcherbaky : anatomie d'une libération

Un village stratégique malgré sa taille modeste
Mali Shcherbaky n’est pas une métropole. Avant la guerre, quelques centaines d’habitants y vivaient. Des fermes. Des champs de tournesol à perte de vue. Une école. Une route secondaire. Rien qui justifierait normalement qu’on s’y attarde. Sauf que dans la logique militaire, chaque élévation compte. Chaque croisement de routes devient stratégique. Mali Shcherbaky se situe sur une légère hauteur qui domine les plaines environnantes. Contrôler ce village signifie contrôler les lignes de vue sur plusieurs kilomètres. Pouvoir observer les mouvements ennemis. Diriger l’artillerie avec précision. Installer des positions défensives difficiles à déloger. Les Russes le savaient. Ils avaient fortifié le village. Transformé chaque bâtiment en point de résistance. Miné les abords. Creusé des tranchées en zigzag. Fait de ce petit village une forteresse miniature. Et pourtant, les Ukrainiens sont passés. Comment ? Ça, c’est toute la question.
Les tactiques employées par les forces ukrainiennes
La libération de Mali Shcherbaky n’est probablement pas le fruit d’un assaut frontal spectaculaire. Les Ukrainiens ont appris — durement — que foncer tête baissée sur des positions fortifiées russes ne mène qu’au massacre. Ils ont développé une approche plus sophistiquée. D’abord, saturer la zone avec l’artillerie — les systèmes occidentaux comme les Caesar français ou les M777 américains permettent des frappes précises qui dégradent les défenses sans exposer l’infanterie. Ensuite, utiliser les drones — des essaims de petits engins qui repèrent les positions ennemies, guident les tirs, harcèlent les défenseurs jour et nuit. Puis, infiltrer des petites unités d’élite — des soldats aguerris qui connaissent chaque repli de terrain, qui avancent de nuit, qui contournent plutôt que d’affronter. Enfin, exploiter la fatigue russe. Parce que tenir une position sous bombardement constant, sous surveillance drone permanente, sans ravitaillement régulier, ça épuise même les troupes les plus motivées. Et les troupes russes sur ce secteur ne sont probablement pas les plus motivées. Alors elles reculent. Ou se rendent. Ou fuient.
Le coût humain d’une victoire mesurée
Mais ne romantisons pas. Chaque mètre gagné a coûté. Des vies ukrainiennes sacrifiées. Des soldats qui ne reverront jamais leur famille. Des blessés qui passeront le reste de leur existence avec des cicatrices — physiques et psychologiques. L’Ukraine ne publie pas ses pertes. Secret militaire. Mais on peut imaginer. Pour prendre un village fortifié, même avec les meilleures tactiques, il faut accepter des pertes. L’artillerie russe riposte. Les mines explosent sous les pieds des soldats qui avancent. Les tireurs d’élite cachés dans les ruines font leur travail mortel. Chaque maison libérée est peut-être un tombeau pour ceux qui l’ont prise. C’est la réalité brute de la guerre moderne. Elle ne ressemble pas aux jeux vidéo. Elle ressemble à de la boue, du sang, des cris, du silence après. Et quand on annonce fièrement « Mali Shcherbaky libéré », il faudrait aussi lire entre les lignes : « Au prix de combien de vies ? » La question reste souvent sans réponse. Par nécessité. Par décence peut-être.
L'avancée de 3,5 kilomètres : plus qu'un chiffre

Comprendre la difficulté de gagner du terrain
Trois virgule cinq kilomètres. Pour quelqu’un qui conduit sur une autoroute, c’est deux minutes. Pour un randonneur, c’est une demi-heure de marche tranquille. Pour un soldat ukrainien sur le front de Zaporijjia en octobre 2025… c’est une éternité. Parce que chaque mètre de ce terrain a été disputé. Chaque parcelle de terre cache probablement des mines antipersonnel ou antichar. Chaque bosquet pourrait abriter une position de mitrailleuse. Chaque ligne de tranchée doit être nettoyée méthodiquement. Les Russes ont eu des mois pour préparer ces défenses. Ils ont étudié le terrain. Identifié les axes d’approche naturels. Miné ces axes. Créé des kill zones où l’artillerie pré-enregistrée peut frapper instantanément. Avancer dans cet environnement exige une combinaison de courage, de compétence technique, de coordination parfaite entre infanterie, artillerie, blindés, drones, génie. Une seule erreur et des dizaines d’hommes meurent. Alors oui, 3,5 kilomètres… c’est colossal.
La signification tactique de cette progression
Ces 3,5 kilomètres ne sont pas juste de l’espace gagné. Ce sont des positions conquises. Des hauteurs contrôlées. Des routes sécurisées. Chaque kilomètre d’avancée élargit la zone que l’artillerie ukrainienne peut couvrir. Repousse la portée de l’artillerie russe. Crée de la profondeur défensive pour les lignes ukrainiennes. Et surtout — et c’est peut-être le plus important — démontre que le front peut bouger. Qu’il n’est pas figé pour l’éternité. Cette progression psychologique compte autant que la progression physique. Les soldats ukrainiens voient qu’avancer est possible. Les commandants peuvent planifier la prochaine phase. Les politiciens peuvent montrer à leurs alliés occidentaux que l’aide militaire produit des résultats concrets. Et inversement, les soldats russes commencent à douter. Si on a perdu Mali Shcherbaky, qu’est-ce qui nous garantit qu’on tiendra le prochain village ? Le doute est un poison lent dans une armée. Il érode la volonté de se battre.
Les implications pour la suite des opérations
Si l’Ukraine maintient ce rythme — un village par ci, quelques kilomètres par là —, alors d’ici six mois, la carte pourrait avoir significativement changé. Bien sûr, c’est un grand si. La Russie va probablement réagir. Renforcer ce secteur. Lancer des contre-attaques. Pilonner les positions ukrainiennes fraîchement conquises. L’hiver approche, ce qui compliquera les opérations offensives. La boue transforme les champs en bourbiers impraticables. Le froid gèle les équipements. Mais l’Ukraine a démontré sa capacité à combattre en hiver. Elle connaît ce terrain mieux que quiconque. Et elle a maintenant l’initiative locale sur ce secteur. Ce qui signifie qu’elle peut choisir où et quand frapper. Forcer la Russie à réagir plutôt qu’à agir. Dans une guerre d’usure, celui qui dicte le tempo a un avantage énorme. Mali Shcherbaky pourrait n’être que le début d’une série de petites victoires qui, cumulées, produisent un effet stratégique majeur.
Le front de Zaporijjia : enjeu stratégique majeur

La géographie comme destin militaire
Zaporijjia n’est pas un front parmi d’autres. C’est le front. Celui qui déterminera probablement l’issue territoriale de cette guerre. Pourquoi ? La géographie. Le front de Zaporijjia est le point le plus étroit entre les lignes ukrainiennes et la mer d’Azov. Environ cinquante kilomètres séparent les positions ukrainiennes actuelles de la côte. Cinquante kilomètres de terrain plat, difficile à défendre une fois percé. Si l’Ukraine parvient à traverser cette distance — un énorme si —, alors elle coupe physiquement la Crimée du reste des territoires occupés par la Russie. Toutes les forces russes à l’ouest de cette percée se retrouvent isolées. Leurs lignes d’approvisionnement terrestres coupées. Elles ne peuvent plus être ravitaillées que par le pont de Crimée — lui-même vulnérable aux frappes ukrainiennes — ou par voie maritime. C’est un cauchemar logistique qui pourrait forcer une retraite massive. La reconquête de Kherson. De Marioupol peut-être. Une cascade de victoires stratégiques déclenchée par une seule percée.
Les défenses russes en profondeur
Mais les Russes ne sont pas idiots. Ils connaissent cette vulnérabilité. Depuis l’été 2022, ils ont construit des lignes de défense qui feraient pâlir les ingénieurs de la ligne Maginot. Des champs de mines s’étendant sur des kilomètres. Des obstacles antichar en béton disposés en rangées successives. Des tranchées interconnectées permettant aux défenseurs de se replier d’une ligne à l’autre sans exposition. Des positions d’artillerie pré-enregistrées couvrant chaque mètre carré d’espace. Des bunkers en béton armé résistant aux frappes aériennes. Et surtout… de la profondeur. Pas une seule ligne de défense mais trois, quatre, parfois cinq lignes successives. L’idée étant qu’une attaque ukrainienne s’épuiserait progressivement en perçant chaque ligne, perdant des hommes et du matériel, jusqu’à ce qu’elle n’ait plus la force de continuer. Cette stratégie a fonctionné en 2023. Elle a stoppé net la contre-offensive ukrainienne. Mais en 2025, quelque chose semble différent. Les Ukrainiens ont appris. Adapté leurs tactiques. Trouvé des failles.
L’objectif ultime : couper la Crimée
Tout ramène à la Crimée. Cette péninsule annexée en 2014. Le joyau stratégique que Poutine ne renoncera jamais à abandonner volontairement. Pour la Russie, la Crimée n’est pas négociable. C’est le symbole de la renaissance impériale russe. La base navale de Sébastopol. L’accès à la mer Noire. L’orgueil national. Pour l’Ukraine, c’est du territoire volé. Une plaie ouverte. Une injustice criante. Et stratégiquement, tant que la Russie contrôle la Crimée, elle peut menacer tout le sud de l’Ukraine. Lancer des frappes de missiles. Bloquer les ports. Projeter sa puissance militaire. Reconquérir la Crimée directement semble quasi impossible — les défenses y sont massives, la population majoritairement russophone, le coût humain serait astronomique. Mais isoler la Crimée ? La couper du reste de la Russie ? Ça, c’est envisageable. Et ça commence par une percée à Zaporijjia. Mali Shcherbaky est un grain de sable. Mais parfois, les avalanches commencent par un grain de sable.
La réaction russe prévisible

Contre-attaques et renforcement imminent
Moscou ne va pas rester les bras croisés. La perte de Mali Shcherbaky et le recul de 3,5 kilomètres vont déclencher une réponse. D’abord, des contre-attaques locales. L’armée russe va tenter de reprendre le village, de restaurer les lignes précédentes. Elle va concentrer de l’artillerie sur ce secteur. Pilonner les positions ukrainiennes fraîchement conquises. Rendre la vie impossible aux soldats qui viennent de prendre ces positions. Ensuite, des renforts. Des unités seront probablement redéployées d’autres secteurs du front — peut-être du Donbass, peut-être de la région de Kharkiv. Des réserves mobilisées seront envoyées combler les trous. La Russie dispose encore de ressources humaines considérables. Elle peut remplacer les pertes. Elle peut saturer le front de soldats. Pas nécessairement bien entraînés. Pas nécessairement bien équipés. Mais en nombre. Et parfois, dans une guerre d’usure, le nombre compte plus que la qualité.
La propagande du Kremlin face à ce revers
À Moscou, les télévisions d’État ne parleront probablement pas de Mali Shcherbaky. Ou alors en minimisant. « Des ajustements tactiques mineurs. » « Un regroupement stratégique de nos forces. » La machine de propagande russe excelle dans l’art de transformer les défaites en non-événements. Les citoyens russes qui s’informent uniquement via les médias officiels ne sauront peut-être même pas que leur armée a reculé. Ceux qui suivent les canaux Telegram militaires — de plus en plus nombreux — seront mieux informés. Et peut-être inquiets. Parce que chaque recul s’ajoute aux précédents. Parce que la « opération militaire spéciale » qui devait durer quelques jours entre maintenant dans sa quatrième année. Parce que les promesses de victoire imminente sonnent de plus en plus creuses. Le Kremlin peut contrôler l’information. Mais il ne peut pas indéfiniment dissimuler une guerre qui s’enlise. Tôt ou tard, la réalité filtre. Et avec elle, les questions gênantes.
Les limites de la capacité militaire russe
Parce qu’il faut le dire : la Russie s’épuise. Trois ans de guerre ont vidé les arsenaux. Les stocks de missiles de précision diminuent. Les munitions guidées se font rares. La production industrielle militaire tourne à plein régime mais peine à compenser les pertes. Les tanks modernes manquent — on ressort des T-62 des années 1960 des hangars poussiéreux. Les soldats professionnels sont morts ou blessés en grand nombre — on les remplace par des mobilisés mal formés. L’économie russe tient sous perfusion de revenus pétroliers, mais les sanctions mordent progressivement. Les technologies occidentales nécessaires pour l’industrie de défense deviennent inaccessibles. La Russie peut encore combattre longtemps. Mais elle ne peut plus combattre avec la même intensité. Chaque offensive coûte cher. Chaque défense qui cède révèle les faiblesses. Et l’Ukraine le sait. Elle frappe là où ça fait mal. Elle teste. Elle pousse. Elle cherche le point de rupture.
L'impact psychologique sur les belligérants

Le moral ukrainien face aux victoires tangibles
Pour les Ukrainiens — soldats et civils —, chaque village libéré est une injection d’espoir. Après des mois de guerre de position qui semblait ne mener nulle part, voir la carte changer redonne du sens au combat. Les soldats dans les tranchées savent que leurs sacrifices produisent des résultats. Les civils qui ont fui peuvent imaginer — peut-être naïvement — qu’un jour ils rentreront chez eux. Les politiciens peuvent justifier auprès de leurs alliés occidentaux la poursuite de l’aide militaire. Regardez, on avance. On libère. On gagne. Lentement, certes. Mais on gagne. Ce narratif de victoire progressive est essentiel pour maintenir la cohésion nationale dans une guerre d’usure. Parce que sans victoires visibles, le découragement s’installe. Les gens commencent à se demander : à quoi bon continuer ? Pourquoi ne pas négocier ? Mali Shcherbaky et ses 3,5 kilomètres sont une réponse concrète à ces questions. Continuons parce que ça fonctionne. Lentement. Douloureusement. Mais ça fonctionne.
L’érosion lente du moral russe
Côté russe, c’est l’inverse. Chaque recul, même mineur, sape un peu plus la confiance. Les soldats sur le front de Zaporijjia voient leurs camarades mourir pour défendre des positions qui finissent par tomber quand même. Ils entendent la propagande officielle clamer la victoire pendant qu’ils reculent dans la boue. Ce décalage entre discours et réalité crée un cynisme profond. On se bat… mais pour quoi exactement ? Pour annexer des terres qu’on ne peut même pas tenir ? Pour une « victoire » qui n’arrive jamais ? Ce moral dégradé se traduit par des désertions croissantes, des refus d’obéir aux ordres, une combativité diminuée. Un soldat démotivé ne défend pas une position avec acharnement. Il se replie au premier danger sérieux. Il se rend si l’occasion se présente. Et cette dégradation progressive du moral devient auto-entretenue. Plus le moral baisse, moins on se bat efficacement. Moins on se bat efficacement, plus on perd du terrain. Plus on perd du terrain, plus le moral s’effondre.
Les répercussions sur le soutien international
Chaque victoire ukrainienne renforce les arguments de ceux qui, en Occident, plaident pour un soutien continu. Les faucons américains peuvent pointer Mali Shcherbaky et dire : voyez, l’aide militaire fonctionne, continuons. Les Européens hésitants peuvent justifier de nouveaux envois d’armes. Inversement, chaque échec ukrainien donnait des arguments aux partisans d’un compromis négocié. Si l’Ukraine ne peut pas gagner militairement, pourquoi prolonger la guerre ? Cette dynamique fait de chaque kilomètre gagné ou perdu un enjeu qui dépasse le militaire pur. C’est une bataille pour l’opinion publique occidentale. Pour les budgets parlementaires. Pour la volonté politique de continuer. Mali Shcherbaky n’est pas juste un village. C’est un argument. Une preuve. Une justification. Et dans une guerre moderne où l’aide internationale est cruciale, ces arguments comptent autant que les tanks.
Les défis logistiques de l'avancée ukrainienne

Sécuriser et consolider le territoire libéré
Prendre un village, c’est une chose. Le tenir, c’en est une autre. Mali Shcherbaky et les 3,5 kilomètres gagnés doivent maintenant être sécurisés. Cela signifie déminer. Chaque mètre carré doit être inspecté. Les mines antipersonnel, antichar, les pièges explosifs laissés par les Russes en retraite — tout doit être neutralisé. C’est un travail long, dangereux, méticuleux. Des spécialistes du génie avancent centimètre par centimètre avec leurs détecteurs. Parfois, ils meurent. Une mine manquée. Un piège particulièrement ingénieux. Ensuite, il faut fortifier. Transformer ces positions conquises en positions défendables. Creuser des tranchées. Installer des points d’observation. Amener de l’artillerie. Établir des lignes d’approvisionnement sécurisées. Parce que les contre-attaques russes vont venir. Et si les positions ne sont pas consolidées, tout le terrain gagné sera reperdu en quelques jours. C’est le jeu cruel de la guerre de position moderne.
Les lignes d’approvisionnement sous pression constante
Chaque kilomètre d’avancée allonge les lignes logistiques ukrainiennes. Les munitions doivent être acheminées plus loin. La nourriture, l’eau, le carburant pour les véhicules. Les pièces de rechange pour les équipements qui tombent en panne. Les évacuations médicales doivent pouvoir ramener rapidement les blessés vers les hôpitaux de campagne. Tout cela sur des routes probablement endommagées, sous la menace constante de l’artillerie russe, avec le risque de drones kamikazes qui ciblent les convois. La logistique militaire est un cauchemar permanent. Un cauchemar que l’armée ukrainienne gère remarquablement bien depuis trois ans — mais qui ne devient pas plus facile avec le temps. Au contraire. Plus on avance, plus les lignes s’étirent, plus les vulnérabilités augmentent. La Russie le sait. Elle cible systématiquement les dépôts logistiques, les ponts, les nœuds de communication. Interrompre l’approvisionnement ukrainien, c’est condamner l’offensive même sans bataille directe.
La question des réserves et de la rotation
Les soldats ukrainiens qui viennent de libérer Mali Shcherbaky sont épuisés. Des semaines, peut-être des mois de combats intenses. Le stress. Le manque de sommeil. La tension permanente. On ne peut pas les laisser indéfiniment en première ligne. Il faut les relever. Les remplacer par des unités fraîches. Mais l’Ukraine a-t-elle suffisamment de réserves pour permettre cette rotation ? C’est une question cruciale. Mobiliser davantage signifie retirer encore plus d’hommes de l’économie civile déjà en difficulté. Former de nouvelles recrues prend du temps — des semaines, des mois pour atteindre un niveau de compétence acceptable. Et pendant ce temps, qui tient le front ? Les mêmes soldats fatigués. Qui deviennent moins efficaces. Plus susceptibles de commettre des erreurs. Le risque d’effondrement moral et physique augmente. C’est un équilibre impossible : avancer exige des hommes frais, mais les hommes frais manquent. Alors on pousse ceux qu’on a au-delà de leurs limites. Et on prie pour que ça tienne.
Conclusion

Ce qu’il faut retenir de cette percée modeste mais cruciale
La libération de Mali Shcherbaky et l’avancée de 3,5 kilomètres sur le front de Zaporijjia ne sont pas spectaculaires. Ce n’est pas la reconquête de Kherson. Ce n’est pas la percée jusqu’à la mer d’Azov. C’est beaucoup moins que ce que l’Ukraine espérait. Et pourtant… c’est infiniment plus que ce que beaucoup croyaient encore possible. Après des mois de lignes figées, après l’échec relatif des offensives de 2023, après toutes ces analyses pessimistes sur l’impossibilité de percer les défenses russes, l’Ukraine démontre qu’elle peut encore avancer. Pas de manière fulgurante. Pas avec des gains territoriaux massifs. Mais régulièrement. Méthodiquement. En adaptant ses tactiques. En exploitant les faiblesses russes. En refusant d’accepter le statu quo comme permanent. Cette victoire modeste est un message. Aux soldats ukrainiens : continuez, ça fonctionne. Aux Russes : vos défenses ne sont pas imprenables. Aux alliés occidentaux : l’aide militaire produit des résultats. Au monde : l’Ukraine n’a pas renoncé.
Ce qui change dès maintenant dans la dynamique du front sud
Le front de Zaporijjia n’est plus statique. Il bouge. Peut-être lentement. Peut-être de manière presque imperceptible au jour le jour. Mais il bouge dans la bonne direction pour Kiev. Cela transforme immédiatement les calculs militaires des deux camps. L’Ukraine va probablement chercher à exploiter ce succès. Identifier d’autres points faibles dans les défenses russes. Lancer de nouvelles opérations limitées pour grignoter du terrain. La Russie va devoir renforcer ce secteur, ce qui affaiblira nécessairement d’autres parties du front. Un jeu d’échecs stratégique où chaque mouvement crée des opportunités et des vulnérabilités ailleurs. Pour les analystes qui scrutent cette guerre depuis trois ans, l’enseignement est clair : ne jamais considérer les lignes comme définitives. Ce qui semble figé aujourd’hui peut basculer demain. La guerre reste fluide. Imprévisible. Et potentiellement réversible dans un sens comme dans l’autre. Mali Shcherbaky le prouve.
Ce que je recommande de surveiller dans les semaines décisives
Les prochaines semaines nous diront si Mali Shcherbaky était un coup isolé ou le début d’une nouvelle dynamique offensive. Surveillez les communiqués militaires ukrainiens — annoncent-ils d’autres libérations dans la région ? Observez les mouvements de troupes russes — déploient-ils massivement des renforts vers Zaporijjia ? Suivez les livraisons d’armes occidentales — l’Ukraine reçoit-elle les munitions et équipements nécessaires pour soutenir une offensive prolongée ? Écoutez les déclarations politiques — Zelenskyy parle-t-il de victoires à venir ou tempère-t-il les attentes ? Regardez les réactions russes — intensifient-ils les bombardements sur les villes ukrainiennes en représailles ? Et surtout, gardez un œil sur la météo. L’automne ukrainien transforme les champs en bourbiers. L’hiver fige tout. Si l’Ukraine veut capitaliser sur ce succès, elle a une fenêtre de quelques semaines avant que la nature impose sa propre pause. Ce qui se passe maintenant, dans ces jours cruciaux, pourrait déterminer la physionomie du front pour les mois à venir. Mali Shcherbaky n’est peut-être qu’un début. Ou peut-être un feu de paille. Seul le temps le dira. Mais une chose est certaine : l’Ukraine refuse toujours de perdre. Et ça, après trois ans de guerre totale, c’est déjà une victoire en soi.