Chronique : Poutine ne conquiert plus, il détruit, 60% du gaz ukrainien anéanti
Auteur: Kevin Marcoux
Retour à cette nuit fatidique. Jeudi 3 octobre, 23h45, heure ukrainienne. Les sirènes hurlent à Kharkiv. À Poltava. Les gens se précipitent dans les abris. Ils ont l’habitude maintenant. Trois ans et demi de guerre les ont entraînés. Mais cette fois, c’est différent. Parce que les missiles ne visent pas les immeubles. Ils visent les installations de production de gaz. Trente-cinq missiles balistiques. Soixante drones Shahed. Tous concentrés sur deux régions. L’armée de l’air ukrainienne intercepte 303 drones et 17 missiles. C’est déjà impressionnant. Mais 18 missiles et des dizaines de drones passent. Et ceux qui passent frappent exactement ce que la Russie veut détruire. Les sites de production. Les stations de compression. Les installations de traitement. Bloomberg révèle le 9 octobre que Kiev a informé ses alliés que cette attaque a détruit environ 60% de la production gazière ukrainienne. Soixante pourcent. Sergii Koretskyi, PDG de Naftogaz, confirme qu’une « partie importante » des infrastructures a été endommagée, certaines destructions étant « critiques ». Le Monde précise que depuis 1991, le gaz formait l’un des liens les plus étroits entre Moscou et Kiev. Aujourd’hui, ces infrastructures font l’objet de destructions méthodiques.
Le cauchemar logistique : 2 milliards d’euros pour importer du gaz
Les conséquences sont immédiates. Catastrophiques. L’Ukraine produisait environ 14 à 15 milliards de mètres cubes de gaz par an avant la guerre. Assez pour couvrir environ 65% de ses besoins domestiques. Maintenant ? Avec 60% de la capacité détruite, la production tombe à 6 milliards de mètres cubes maximum. Ce n’est pas assez. Pas même proche. Zelensky l’admet publiquement : « Ils feront tout pour nous empêcher d’extraire notre gaz. La tâche est d’avoir l’argent pour importer du gaz afin que les gens aient du gaz. » Importer. Parce que produire n’est plus possible. Et importer coûte cher. Bloomberg estime que l’Ukraine devra dépenser 1,9 milliard d’euros — 2,2 milliards de dollars — pour acheter environ 4 milliards de mètres cubes de gaz d’ici mars 2026. Presque deux milliards. Pour un pays en guerre. Qui peine déjà à financer sa défense. Qui dépend de l’aide occidentale pour payer ses fonctionnaires. Et le pire ? Les réserves. Au 8 octobre, elles n’étaient remplies qu’à 27,5% de leur capacité. Vingt-sept pourcent. Alors que l’hiver approche. Alors que les températures commencent déjà à baisser. Alors que des millions de foyers dépendent de ce gaz pour se chauffer.
Le 5 octobre : ils frappent les installations de stockage
Mais la Russie n’en a pas fini. Dimanche 5 octobre, nouvelle attaque. Cette fois, elle cible les installations de stockage. Pas la production. Le stockage. Les énormes réservoirs souterrains où l’Ukraine accumule le gaz pour l’hiver. Naftogaz confirme : « La Russie a lancé une autre attaque massive sur l’infrastructure gazière ukrainienne. Les cibles étaient des installations civiles qui approvisionnent les Ukrainiens en gaz pendant la saison de chauffage. » Installations civiles. Pas militaires. Civiles. C’est un crime de guerre sous la Convention de Genève. Mais Poutine s’en fiche. Il veut détruire la capacité de survie ukrainienne. Et pour ça, il faut détruire le stockage. Parce que sans stockage, l’Ukraine ne peut pas accumuler de réserves. Et sans réserves, elle ne peut pas passer l’hiver. Elle doit importer en temps réel. Chaque jour. Chaque semaine. Au prix fort. Et si les importations sont perturbées — par une tempête, par un problème technique, par n’importe quoi — des millions de personnes se retrouvent sans chauffage. Immédiatement. C’est ça, la stratégie russe. Rendre l’Ukraine dépendante. Vulnérable. Incapable de tenir seule.
Octobre 2025 : chaque semaine une nouvelle vague de destruction
Et ça continue. Encore. Encore. Encore. Le 10 octobre, la Russie lance plus de 450 drones et 30 missiles contre les infrastructures énergétiques ukrainiennes. Quatre cent cinquante drones. En une seule nuit. CNN rapporte qu’au moins une personne est morte et que des parties de Kiev se sont retrouvées sans électricité. Zelensky qualifie l’assaut de « cynique et calculé », visant les infrastructures critiques nécessaires à la vie quotidienne. Le 21 octobre, nouvelle attaque. Cette fois sur la région de Tchernihiv. Reuters confirme que des centaines de milliers de personnes ont perdu l’électricité. Le capital régional — environ 280 000 habitants — plongé dans le noir. Complètement. Et les équipes de réparation ne peuvent pas intervenir. Pourquoi ? Parce que la Russie déploie des drones de surveillance au-dessus des installations endommagées. Pour empêcher les réparations. Le ministère ukrainien de l’Énergie le dit clairement : « Les équipes d’urgence dans la région de Tchernihiv ne peuvent pas commencer les efforts de restauration à cause des assauts continus par les drones russes. » C’est délibéré. C’est méthodique. C’est conçu pour prolonger la souffrance.
22 octobre : 140 000 personnes sans électricité à Tchernihiv
Le 22 octobre, l’attaque massive continue. Le Kyiv Independent rapporte qu’une attaque russe massive a frappé les infrastructures énergétiques et portuaires de l’Ukraine. Des coupures d’urgence ont été mises en œuvre dans la plupart des régions du pays pendant que les travailleurs de l’énergie luttaient pour réparer les dommages — souvent sous les bombardements. Artem Nekrasov, vice-ministre ukrainien de l’Énergie, dit que les situations les plus critiques se trouvent dans les oblasts de Tchernihiv et Soumy — qui bordent le Belarus et la Russie — ainsi qu’à Odessa et Kharkiv. Environ 140 000 consommateurs sont restés sans électricité à Tchernihiv pendant l’après-midi. Cent quarante mille. Sans lumière. Sans chauffage. Sans eau chaude. Et les températures commencent à baisser. Les nuits descendent déjà en dessous de 5°C. Dans quelques semaines, elles seront négatives. Et ces 140 000 personnes devront survivre dans le noir. Dans le froid. Pendant que Moscou continue de frapper. Pendant que les drones survolent les installations endommagées pour empêcher toute réparation. Pendant que Poutine exécute sa stratégie de destruction totale.
Les nouveaux drones russes : plus rapides, plus précis, plus mortels
Et la Russie améliore ses armes. The Economist révèle que Moscou déploie maintenant des drones Shahed de nouvelle génération. Plus rapides — dépassant 300 km/h. Plus résistants au brouillage électronique. Capables de plonger presque verticalement, imitant des trajectoires de missiles. Ces nouveaux modèles sont beaucoup plus difficiles à intercepter. L’année dernière, une attaque de 150 drones était considérée comme massive. Maintenant, l’Ukraine repousse régulièrement jusqu’à 700 drones en une seule vague. Sept cents. Et malgré l’amélioration des défenses ukrainiennes, l’échelle de ces assauts rend l’interception complète extrêmement difficile. Newsweek confirme que la Russie produit désormais près de 3 000 drones Shahed par mois. Trois mille. Chaque mois. C’est une production industrielle de masse. Et chaque drone coûte environ 20 000 dollars à fabriquer. Contre 1 million de dollars pour un missile intercepteur Patriot. Donc mathématiquement, la Russie peut saturer les défenses ukrainiennes indéfiniment. Envoyer 700 drones. L’Ukraine en abat 600. Mais 100 passent. Et ces 100 détruisent des transformateurs, des centrales, des lignes haute tension. Et ça recommence la nuit suivante.
La stratégie génocidaire : couper l'Ukraine en deux par la destruction
Euromaidan Press l’a dit sans détour : Poutine est passé d’une stratégie de conquête à une stratégie de destruction. Il ne peut pas vaincre l’Ukraine militairement. Donc il essaie de la briser économiquement. Socialement. Psychologiquement. En détruisant tout ce qui rend la vie possible. Le Grand Continent analyse cette transformation stratégique. Poutine ne cherche plus à « libérer » l’Ukraine — son prétexte initial. Il cherche à la diviser. À la couper en deux. À créer une Ukraine occidentale vivable et une Ukraine orientale invivable. Parce que si l’est du pays — Kharkiv, Poltava, Dnipro, Zaporizhzhia — devient inhabitable à cause des destructions, les populations fuiront vers l’ouest. Et une Ukraine vidée de sa moitié orientale devient ingouvernable. Incapable de se défendre. Forcée d’accepter n’importe quelle partition dictée par Moscou. The Economist confirme : « Les tactiques ont changé ; les frappes sont maintenant plus précises et systématiques. » Plus précises. Parce qu’elles visent exactement les points critiques. Les centrales thermiques qui alimentent les industries. Les installations gazières qui chauffent les foyers. Les transformateurs qui distribuent l’électricité. Chaque frappe est calculée pour maximiser l’impact humanitaire.
Tchernihiv : quatre morts dont un enfant de 10 ans
Le coût humain est terrifiant. Al Jazeera rapporte que le 21 octobre, une frappe de drone russe sur la ville de Novhorod-Siverskyi — dans l’oblast de Tchernihiv — a causé quatre morts civils. Dont un enfant de 10 ans. Dix ans. Et dix autres personnes blessées. Le service d’urgence d’État le confirme : « Aujourd’hui, l’ennemi a ciblé Novhorod-Siverskyi avec des drones d’attaque. Les rapports préliminaires indiquent que quatre personnes sont mortes, dont un enfant de 10 ans parmi les dix blessés. » Ce n’était pas une frappe militaire. C’était une ville civile. À 32 kilomètres de la frontière. Loin de toute zone de combat. Mais Poutine frappe quand même. Parce que son objectif n’est pas militaire. C’est la terreur. Nataliia, 43 ans, l’a dit à Reuters : « Ils frappent et détruisent simplement tout. Il ne semble pas y avoir de fin à cela. » Pas de fin. Parce que Poutine a compris qu’il peut continuer indéfiniment. Produire 3 000 drones par mois. Les lancer chaque nuit. Détruire un peu plus chaque fois. Et attendre que l’Ukraine s’effondre sous le poids cumulatif des destructions.
38% des capacités de raffinage russes touchées en riposte
Mais l’Ukraine riposte. Depuis août 2025, Kiev mène sa propre campagne contre l’industrie énergétique russe. EU Reporter confirme qu’environ 38% de la capacité de raffinage primaire russe a été impactée par les frappes ukrainiennes. Trente-huit pourcent. Plus de 50 régions russes font face à des pénuries de carburant. Le 7 octobre, Reuters révèle que la Russie a augmenté ses importations d’essence depuis le Belarus — multipliant par quatre en septembre pour atteindre 49 000 tonnes — parce que les frappes ukrainiennes ont aggravé les pénuries. Un commentateur russe a admis : « Je peux affirmer que la situation se détériore. La crise du carburant se développe maintenant. » En Crimée occupée, des gens siphonnent l’essence des voitures garées. À travers la Russie, les files d’attente aux stations-service s’allongent. Les marchés illégaux de carburant explosent. Et les autorités préparent des importations d’urgence parce que « la situation est critique ». L’Ukraine ne peut pas empêcher la Russie de détruire ses infrastructures gazières. Mais elle peut détruire les raffineries russes. Et forcer Moscou à choisir : continuer la guerre ou sauver son économie.
Conclusion
28 octobre 2025. Poutine ne conquiert plus. Il détruit. Soixante pourcent de la production gazière ukrainienne anéantie. Des centaines de milliers de personnes sans électricité. Quatre civils morts à Novhorod-Siverskyi dont un enfant de 10 ans. Sept cents drones lancés en une seule nuit. Trois mille drones Shahed produits chaque mois. Et ça ne s’arrête pas. Parce que Poutine a compris qu’il ne peut pas vaincre l’Ukraine militairement. Donc il essaie de la briser autrement. En détruisant chaque centrale. En bombardant chaque transformateur. En frappant chaque installation gazière. En rendant l’Ukraine inhabitable. En forçant des millions de personnes à choisir entre fuir ou mourir de froid. C’est une stratégie génocidaire. Pas au sens juridique strict — il ne cherche pas à exterminer physiquement les Ukrainiens. Mais au sens fonctionnel — il cherche à détruire leur capacité de vivre sur leur terre. À couper le pays en deux. À créer une zone orientale si dévastée que personne ne peut y rester. Et pendant ce temps, l’hiver approche. Les températures baissent. Novembre arrive dans trois jours. Décembre dans un mois. Janvier — le mois le plus froid — dans deux mois. Et des millions d’Ukrainiens devront survivre sans chauffage. Sans électricité. Sans gaz. Parce que Poutine a détruit 60% de leur production. Parce qu’il déploie des drones au-dessus des installations endommagées pour empêcher les réparations. Parce qu’il frappe. Encore. Encore. Encore. Jusqu’à ce que l’Ukraine capitule. Ou jusqu’à ce que l’Ukraine le force à arrêter en détruisant assez de raffineries russes pour paralyser son économie. C’est une guerre de destruction mutuelle. Une guerre sans vainqueur possible. Juste deux pays qui s’anéantissent mutuellement. Et au milieu, des millions de civils qui paient le prix. Un enfant de 10 ans mort à Novhorod-Siverskyi. Cent quarante mille personnes sans électricité à Tchernihiv. Soixante pourcent du gaz ukrainien disparu. Et l’hiver qui arrive.
Encadré de transparence du chroniqueur
Je ne suis pas journaliste, mais chroniqueur, je suis analyste, observateur des guerres totales et des stratégies de destruction systématique d’infrastructures civiles qui transforment les conflits militaires en campagnes d’anéantissement national. Mon travail consiste à décortiquer les tactiques de guerre contre les populations civiles, à comprendre l’impact cumulatif des destructions énergétiques sur la capacité de survie d’un pays, à anticiper les conséquences humanitaires des campagnes de bombardement hivernales contre les réseaux de chauffage et d’électricité.
Ce texte respecte la distinction fondamentale entre faits vérifiés et commentaires interprétatifs. Les informations factuelles présentées dans cet article proviennent de sources officielles et vérifiables, notamment le rapport de Bloomberg du 9 octobre 2025 confirmant la destruction d’environ 60% de la capacité de production gazière ukrainienne suite à l’attaque du 3 octobre, les déclarations de Sergii Koretskyi, PDG de Naftogaz, qualifiant l’attaque de la plus massive depuis le début de l’invasion, les rapports du Monde du 10 octobre détaillant les 35 missiles et 60 drones lancés contre les régions de Kharkiv et Poltava, les estimations de Bloomberg concernant le coût de 1,9 milliard d’euros pour l’importation de 4 milliards de mètres cubes de gaz, les déclarations du président Zelensky concernant la nécessité d’importer du gaz, les rapports de Reuters du 21 octobre sur les centaines de milliers de personnes sans électricité à Tchernihiv, les déclarations du vice-ministre ukrainien de l’Énergie Artem Nekrasov concernant les 140 000 consommateurs affectés, les rapports d’Al Jazeera confirmant quatre morts civils dont un enfant de 10 ans à Novhorod-Siverskyi le 21 octobre, les analyses de The Economist concernant les nouveaux drones Shahed de nouvelle génération dépassant 300 km/h, les données du renseignement militaire ukrainien sur la production de 3 000 drones Shahed par mois par la Russie, les rapports d’EU Reporter sur l’impact sur 38% de la capacité de raffinage russe, les rapports d’agences de presse internationales reconnues telles que Reuters, Bloomberg, CNN, BBC, Le Monde, Le Grand Continent, Kyiv Independent, Euromaidan Press, ainsi que les déclarations officielles du ministère ukrainien de l’Énergie. Les statistiques concernant les 27,5% de remplissage des réserves gazières au 8 octobre et les vagues de jusqu’à 700 drones proviennent de ces sources vérifiables.
Les analyses et interprétations contextuelles présentées dans les sections analytiques de cet article représentent une synthèse critique basée sur l’évaluation du changement stratégique russe d’une guerre de conquête vers une guerre de destruction systématique, l’analyse de l’impact humanitaire des destructions énergétiques massives avant l’hiver, et les commentaires d’experts militaires et analystes géopolitiques comme ceux d’Euromaidan Press et The Economist cités dans les sources consultées. Mon rôle est d’interpréter cette transformation stratégique vers l’anéantissement délibéré des capacités de survie civile ukrainienne, de contextualiser son impact sur la viabilité de l’est de l’Ukraine, et de donner un sens à cette guerre d’usure par destruction d’infrastructures qui vise à rendre des régions entières inhabitables. Toute évolution ultérieure de la situation — nouvelles destructions massives, effondrement total du réseau énergétique ukrainien, riposte ukrainienne intensifiée contre les raffineries russes — pourrait modifier les perspectives présentées ici. Cet article sera mis à jour si de nouvelles informations officielles majeures concernant l’ampleur des destructions ou l’évolution de la stratégie russe sont publiées par les gouvernements ukrainien, russe ou des organisations internationales de surveillance des infrastructures énergétiques.